4A_570/2021 27.09.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_570/2021  
 
 
Arrêt du 27 septembre 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Guillaume Fatio, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me François Bellanger, avocat, 
intimée, 
 
1. C.________, 
2. D.________, 
parties intéressées. 
 
Objet 
déclaration d'invalidation d'une convention de cession d'actions par un héritier seul, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/2595/2018; ACJC/1262/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. E.________ et la société F.________ Holding SA étaient les actionnaires de la Société Immobilière G.________ SA (ci-après: la SI), laquelle était propriétaire de l'immeuble situé à cette adresse à Genève, le premier à raison de 24 actions (représentant 48 % du capital-actions) et la seconde à raison de 26 actions (correspondant à 52 % du capital-actions).  
Au décès de E.________ le... 2004, son épouse, A.________, et son fils, C.________, sont devenus titulaires des 24 actions de leur mari et père. 
 
A.b. Le 26 mars 2013, par convention de cession d'actions, les deux héritiers ont vendu leurs 24 actions de la SI à leur coactionnaire F.________ Holding SA pour le prix de 6 millions de francs. La notaire D.________ est intervenue à la convention en qualité de tiers-séquestre.  
À la suite de cette vente, les héritiers ont procédé au partage de la succession. Les proportions dans lesquelles le partage a été effectué ne ressortent pas de l'état de fait de l'arrêt attaqué. 
En 2016, F.________ Holding SA a fusionné avec la SI et est devenue B.________ SA. 
 
A.c. Par courriers du 1er février 2018, A.________, indiquant agir tant en son nom propre que pour le compte de l'hoirie, a déclaré invalider la convention de cession d'actions du 26 mars 2013 pour vices du consentement.  
Elle a adressé son courrier d'invalidation, séparément, à B.________ SA, au fils du défunt et à la notaire. 
Il ne ressort pas de l'état de fait que C.________ aurait renoncé à ses droits ou se serait déclaré d'accord avec le courrier de A.________. 
 
B.  
 
B.a. À la même date du 1er février 2018, A.________ (ci-après: la demanderesse ou la recourante) a ouvert action en invalidation et en enrichissement illégitime par requête de conciliation et, après échec de la tentative de conciliation (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF), a déposé sa demande le 23 octobre 2018 devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Elle a assigné en justice trois défendeurs, à savoir B.________ SA (ci-après: la société, la défenderesse ou l'intimée), le fils du défunt, C.________, et la notaire, D.________. Agissant tant en son propre nom que pour le compte de l'hoirie, elle a conclu à la constatation de l'invalidation de la convention de cession d'actions du 26 mars 2013 et à ce que la société défenderesse soit condamnée à lui verser le montant de 3'600'000 fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 26 mars 2013. Elle a indiqué qu'elle entendait partager ensuite ce montant avec le fils du défunt selon les proportions établies dans le cadre du partage de la succession. Sur le fond, elle allègue avoir été victime d'un dol de la société acheteuse ou, à tout le moins, avoir été victime d'une erreur essentielle en raison du comportement de dite société.  
La société défenderesse a conclu au rejet de la demande, alléguant que la demanderesse ne disposait pas de la légitimation active, faute d'avoir agi conjointement avec le fils du défunt. 
C.________ s'en est rapporté à justice et la notaire n'a pas pris position. 
La procédure a été limitée, dans un premier temps, à la question de la qualité pour agir (légitimation active) de la demanderesse. 
 
B.b. Par jugement du 9 mars 2020, le Tribunal de première instance a admis la qualité de la demanderesse pour agir (légitimation active) en invalidation de la convention de cession d'actions et en enrichissement illégitime contre la société. Il a considéré que l'héritière demanderesse pouvait agir seule en invalidation de cette convention dans la mesure où l'autre héritier, le fils du défunt, était également partie à la procédure.  
 
B.c. Statuant sur appel de la société défenderesse par arrêt du 5 octobre 2021, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement et débouté la demanderesse de toutes ses conclusions.  
En substance, examinant, en premier lieu, la question de l'invalidation pour vices du consentement comme acte formateur de droit privé, la cour cantonale a constaté en l'espèce que la demanderesse et le fils du défunt avaient conclu en tant que membres de la communauté héréditaire la convention de cession d'actions et qu'ils sont donc titulaires en main commune du droit d'invalidation, le partage ultérieur de la succession n'ayant pas eu pour effet de leur conférer à chacun un droit individuel pour invalider cette convention. Ce faisant, la cour cantonale a implicitement jugé que la déclaration d'invalidation du 1er février 2018 n'était pas valable, relevant plus loin que le fils héritier figurait parmi les destinataires du courrier d'invalidation de la demanderesse du 1er février 2018 et qu'il ne pouvait être ainsi envisagé de déroger au principe de la main commune en raison du caractère constatatoire de l'action en invalidation. 
En deuxième lieu, elle en a déduit que les deux héritiers auraient dû ouvrir ensemble action en constatation de l'invalidation de la convention et en restitution de l'enrichissement illégitime et constaté que la demanderesse avait toutefois introduit action seule. 
En troisième lieu, elle a examiné si une exception au principe de l'action conjointe pouvait entrer en ligne de compte. Elle l'a nié pour les motifs suivants: 
 
- parce que la demanderesse n'avait pas été autorisée à représenter la communauté héréditaire et qu'aucune situation d'urgence ne l'y autorisait; 
- qu'elle ne pouvait pas agir seule en constatation de l'invalidation puisqu'il n'était ni allégué ni établi qu'elle aurait procédé conjointement avec le fils à l'invalidation de la convention; 
- que l'ATF 74 II 215, qui confère un droit individuel d'action à un héritier, n'est pas applicable en l'espèce, car cet arrêt ne concerne qu'une action dirigée contre un cohéritier; 
- que, malgré l'ATF 89 II 429, le Tribunal fédéral ne fait plus mention d'une exception au principe de l'action conjointe lorsque le litige oppose les membres de l'hoirie à un tiers et que, dans l'ATF 144 III 277, il aurait confirmé que l'exception ne vaut que lorsque l'action est dirigée contre un cohéritier; 
- que la jurisprudence développée en matière de droit du bail n'est pas applicable, dès lors que l'exception à l'action conjointe a été développée pour des raisons de protection sociale; 
- qu'il n'avait été ni allégué ni établi que le fils héritier aurait formellement déclaré se soumettre par avance à l'issue du procès ou reconnu d'emblée la demande, puisqu'il avait uniquement déclaré s'en rapporter à justice et vouloir rester neutre dans le cadre de la présente procédure, ce qui n'est pas une acceptation formelle de l'issue du litige. 
Enfin, il sied encore de relever que la cour cantonale a constaté que la demanderesse avait conclu au versement en ses mains de l'enrichissement illégitime, alors que seul un versement en faveur de l'ensemble des membres de la communauté héréditaire aurait été possible (sur action conjointe de tous les héritiers). 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 6 octobre 2021, la demanderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 5 novembre 2021, dirigé contre les trois codéfendeurs. Elle conclut principalement à sa réforme, dans le sens du dispositif du jugement de première instance (soit l'admission de sa légitimation active) et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La recourante veut " poursuivre l'invalidation du contrat de vente des actions [...], respectivement mettre en oeuvre l'enrichissement illégitime visant à réintégrer lesdites actions dans la masse des biens de la succession ". Elle soutient essentiellement qu'elle a une qualité pour agir de nature personnelle, reposant sur la liberté contractuelle et la protection de la personnalité, et qu'il suffit qu'elle ait assigné au procès le fils cohéritier, parce qu'il suffit que tous les membres de l'hoirie soient impliqués au procès, que ce soit du côté demandeur ou du côté défendeur. Elle reproche aux juges cantonaux d'avoir rendu un arrêt en contradiction avec la tendance de la jurisprudence, qui, selon elle, permet de déroger au principe de l'action commune lorsque l'héritier attrait son cohéritier qui se soumet par avance au jugement qui sera rendu. Elle invoque les ATF 74 II 215 et 89 II 429, qui auraient été confirmés dans l'ATF 140 II ( recte : III) 598 et l'arrêt 4A_689/2016 du 28 août 2017 et qui conféreraient à chaque héritier le droit individuel d'agir, pour autant qu'il assigne aussi son cohéritier. Elle estime que chaque hoir se forge sa propre opinion et manifeste sa volonté lorsqu'il conclut le contrat et donc lorsqu'il veut l'invalider. Elle estime qu'il n'y a aucune raison de s'opposer à une dérogation au principe de l'unanimité du seul fait que l'action est dirigée contre un tiers et non contre un cohéritier. Elle admet certes que son cohéritier n'a pas déclaré formellement accepter l'issue du litige ou soutenir sa demande, mais elle soutient qu'il ne s'en désolidarise pas, pas plus qu'il n'a contesté la procédure puisqu'il s'en est rapporté à justice.  
L'intimée conclut au rejet du recours. 
Les parties ont encore déposé de brèves observations. 
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
Les autres parties assignées ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), par la partie demanderesse qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), contre un arrêt final rejetant sa demande (art. 90 LTF) - qui n'est donc pas une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF comme elle le soutient, puisque l'arrêt cantonal rejette la demande déposée par la seule demanderesse (la " débout[ant] de toutes ses conclusions ") -, rendu sur appel par le Tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est recevable. 
 
2.  
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), pour autant que le mémoire de recours soit suffisamment motivé (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). 
 
3.  
La demanderesse recourante ne remet pas en cause la constatation de la cour cantonale selon laquelle elle a invalidé la convention de cession d'actions par courriers du 1er février 2018, ni l'appréciation de la cour selon laquelle elle a ainsi ouvert une " action en constat d'invalidation " de la convention. 
Est donc litigieuse la question de savoir si, par courriers du 1er février 2018 adressés à la cocontractante, au fils cohéritier et à la notaire, la demanderesse, déclarant agir tant en son propre nom que pour le compte de l'hoirie, a valablement ou non invalidé la convention de cession d'actions du 26 mars 2013. Subsidiairement, on examinera si elle l'a fait par requête de conciliation de la même date, dirigeant son action contre la société acheteuse et assignant également le fils cohéritier et la notaire. 
 
3.1. La communauté héréditaire comme telle n'a pas la personnalité juridique et n'a pas qualité pour ester en justice. En vertu de l'art. 602 CC, s'il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu'au partage (al. 1); les héritiers sont propriétaires et disposent en commun des biens qui dépendent de la succession, sauf les droits de représentation et d'administration réservés par le contrat ou la loi (al. 2); à la demande de l'un des héritiers, l'autorité compétente peut désigner un représentant de la communauté héréditaire jusqu'au moment du partage (al. 3).  
Les membres de la communauté héréditaire ne peuvent donc disposer du seul et même droit ou de la seule et même créance qui leur appartient en commun que conjointement (sur les héritiers créanciers collectifs, cf. ATF 140 III 150 consid. 2.2.2; TERCIER/PICHONNAZ, Le droit des obligations, 6e éd. 2019, p. 415 n. 1779). S'il y a désaccord entre eux, l'un des héritiers doit demander à l'autorité compétente de désigner un représentant commun à tous les héritiers (art. 602 al. 3 CC). 
 
3.2. Le corollaire en procédure de ce " rapport de droit " (à propos de la société simple, cf. ATF 142 III 782 consid. 3.1.2) est que tous ses membres doivent nécessairement ouvrir action ensemble, respectivement interjeter un appel (art. 308 ss CPC) ou un recours limité au droit (art. 319 ss CPC) ensemble, comme consorts nécessaires. En effet, sous le titre de " Consorité nécessaire ", l'art. 70 CPC dispose que les parties à un rapport de droit qui n'est susceptible que d'une décision unique doivent agir ou être actionnées conjointement (al. 1); les actes de procédure accomplis en temps utile par l'un des consorts valent pour ceux qui n'ont pas agi, à l'exclusion des déclarations de recours (al. 2).  
L'art. 70 al. 1 CPC ne donne pas de définition du " rapport de droit qui n'est susceptible que d'une décision unique ". C'est le droit matériel qui en décide, expressément ou en fonction de la nature de la cause (THOMAS SUTTER-SOMM, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd. 2017, p. 63 s. n. 217). On parle de consorité " matérielle " nécessaire, puisqu'elle est imposée par le droit matériel (ATF 137 III 455 consid. 3.5). Sont de tels rapports de droit les communautés du droit civil, comme la communauté de biens (art. 221 ss CC), la communauté héréditaire (art. 602 CC) et la société simple (art. 544 al. 1 CO; ATF 142 III 782 consid. 3; 137 III 455 consid. 3.5) et les actions formatrices, qui tendent à la suppression ou à la modification d'un rapport de droit qui touchent plusieurs personnes (FABIENNE HOHL, Procédure civile, t. I, 2e éd. 2016, p. 149 ss n. 859 ss). Selon la jurisprudence, l'art. 70 CPC s'applique également aux cas de consorité nécessaire improprement dite ( uneigentliche Streitgenossenschaft), à la différence, notamment, que, même si le procès a pour objet un droit unique, tous les titulaires de celui-ci ne doivent pas obligatoirement participer au procès (à propos de l'art. 260 LP, cf. ATF 145 III 101 consid. 4.1.2; arrêt 4A_165/2021 du 18 janvier 2022 consid. 3.1).  
 
3.3. Tant pour l'exercice d'actes juridiques de droit privé (art. 602 al. 2 CC; Rechtsgeschäfte) que pour l'ouverture d'une action (par requête de conciliation ou demande en justice; Klageanhebung; art. 70 al. 1 CPC) ou l'introduction d'un appel ou d'un recours ( Ergreifen von Rechtsmitteln; art. 70 al. 2 CPC in fine), le principe de l'unanimité s'applique: les héritiers doivent agir en commun (ou conjointement; gemeinsam) (ATF 142 III 782 consid. 3.1.2; 138 III 737 consid. 2 avec sa référence au Message du CPC; pour d'autres types d'actes, cf., pour des actes administratifs, l'ATF 116 Ib 447 ou, pour une réquisition de poursuite, l'ATF 144 III 277 consid. 3.1 et 3.3.2).  
 
3.3.1. Il n'y a d'exception à ce principe de l'unanimité que dans les cas urgents - et encore tant que dure l'urgence -, c'est-à-dire lorsque le consentement de l'ensemble des héritiers ne peut pas être recueilli en temps utile ou lorsque la nomination d'un représentant de la communauté héréditaire ne paraît pas pouvoir être obtenue à temps (art. 602 al. 3 CC). Tel est notamment le cas lorsqu'un délai de péremption ou de prescription du droit des héritiers est sur le point d'échoir (ATF 144 III 277 consid. 3.2 et 3.3 et les arrêts cités).  
 
3.3.2. Lorsqu'un membre de la communauté renonce à une prétention appartenant à la masse, il n'a pas à participer à l'acte juridique; il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une exception au principe de l'unanimité; si les héritiers n'ont pas à faire valoir cette prétention à l'unanimité, c'est parce que l'héritier qui renonce à son droit au profit de ses cohéritiers se désolidarise de la communauté successorale par la voie d'une liquidation partielle de la succession (ATF 116 Ib 447 consid. 2a et l'arrêt cité; cf. WOLF/EGGEL, Berner Kommentar, nos 96 ss ad art. 602 CC).  
En procédure, dans les actions formatrices, l'héritier qui déclare formellement se soumettre par avance à l'issue du procès ou encore reconnaît d'emblée la demande n'a pas à participer comme demandeur, mais ses cohéritiers doivent l'assigner en justice au côté de la partie adverse, de façon que l'autorité de la chose jugée du jugement qui sera rendu lui soit opposable (s'agissant d'une action formatrice de nature successorale, cf. ATF 136 III 123 consid. 4.4.1; en ce qui concerne une action formatrice en annulation de la résiliation du bail et en prolongation du bail, dont bénéfice seul, en vertu de l'art. 271a al. 1 let. f CO, l'héritier adulte qui habitait le logement à titre principal avec le défunt, cf. les arrêts 4A_282/2021 du 29 novembre 2021 consid. 4.3.2; 4A_639/2018 du 21 novembre 2019 consid. 3.1; 4A_141/2018 du 4 septembre 2018 consid. 4.1; 4A_689/2016 du 28 août 2017 consid. 4.1; 4A_34/2017 du 18 avril 2017 consid. 5; à propos d'autres actions formatrices ne concernant pas des héritiers, comme en matière de bail commun, cf. ATF 146 III 346 consid. 2 et les arrêts cités; 145 III 281 consid. 3.4; 140 III 598 consid. 3, ou d'action formatrice en désaveu de paternité, cf. ATF 138 III 737 consid. 2-4). 
 
3.3.3. Il n'y a pas d'exception au principe de l'unanimité lorsqu'un héritier entend sauvegarder des intérêts de la masse successorale contre un tiers (ATF 144 III 277 consid. 3; 125 III 219 consid. 1b).  
Dans le cas particulier d'une action (non successorale) introduite par les héritiers contre l'un d'eux, par exemple une action en annulation d'un contrat passé par des héritiers avec un cohéritier, il a été admis qu'il suffit que les héritiers demandeurs assignent leur cohéritier en justice comme défendeur (ATF 125 III 219 consid. 1b; 116 Ib 447 consid. 2a; 74 II 215 consid. 3; 54 II 243). En revanche, si un cohéritier refuse de consentir à un simple acte juridique portant sur un bien successoral, une dérogation au principe de l'unanimité ne se justifie pas et il faut faire désigner un représentant (art. 602 al. 3 CC) (ATF 125 III 119 consid. 1c et d, dans lequel il a été jugé que la résiliation d'un bail à ferme agricole conclu par le de cujus et un des héritiers requérait l'unanimité des héritiers et, vu le refus de l'héritier fermier d'y consentir, qu'il fallait faire désigner un représentant commun conformément à l'art. 602 al. 3 CC). 
 
3.4. Relativement aux dettes du défunt, les héritiers ne forment pas une consorité matérielle nécessaire. Ils en répondent en effet solidairement (art. 603 al. 1 CC). Ils disposent donc d'un droit individuel d'agir en ce qui concerne ces dettes. Ainsi, lorsque le de cujus a conclu, en l'occurrence la veille de son décès, un contrat de vente avec un tiers, un héritier dispose du droit d'agir seul en constatation de la nullité ou en annulation de la vente, puisqu'il s'agit uniquement de faire constater l'inexistence de sa dette en transfert de la propriété, dont il répond solidairement (art. 603 al. 1 CC), mais il doit assigner ses cohéritiers aux côtés de ce tiers, sous peine de rejet de son action (ATF 102 II 385 consid. 2; 93 II 11 consid. 2b; 89 II 429 consid. 2-3; arrêt 5A_881/2012 du 26 avril 2013 consid. 5.2, citant 89 II 429 consid. 3; cf. PAUL-HENRI STEINAUER, Le droit des successions, 2e éd. 2015, p. 628 n.1228a).  
 
4.  
En l'espèce, il résulte des faits constatés que la demanderesse et le fils cohéritier ont tous deux conclu, au nom de la communauté héréditaire qu'ils constituaient, la convention de cession d'actions du 26 mars 2013 passée avec leur coactionnaire. La demanderesse héritière, indiquant agir tant en son propre nom que pour le compte de l'hoirie, a déclaré invalider cette convention par courriers du 1er février 2018 adressés non seulement à la société acheteuse et à la notaire, mais également au fils cohéritier. Par requête de conciliation du 1er février 2018, puis par demande du 23 octobre 2018, la demanderesse héritière, agissant seule en justice mais précisant agir tant en son nom propre que pour le compte de l'hoirie, a saisi le Tribunal de première instance d'une " action en constat d'invalidation [...] et en restitution de l'enrichissement illégitime " à l'encontre de la société acheteuse, de la notaire et du fils cohéritier, alléguant avoir été victime d'un dol ou, à tout le moins, d'une erreur essentielle et concluant à la condamnation de la société à lui verser le montant de 3'600'000 fr. avec intérêts, ledit montant devant être ensuite partagé avec le fils cohéritier, selon les proportions établies dans le cadre du partage de la succession. 
 
4.1. En ce qui concerne la qualité pour agir, il y a lieu d'admettre que la demanderesse recourante, qui soutient qu'elle avait le droit d'invalider la convention tant en son propre nom que pour le compte de l'hoirie, avait qualité pour ouvrir seule l'action en constatation de droit (art. 88 CPC). En effet, lui dénier cette qualité reviendrait à la priver de toute possibilité de faire trancher par un tribunal la question de savoir si elle a valablement ou non déclaré invalider la convention le 1er février 2018 (cf. ATF 122 III 101 consid. 1; DENIS PIOTET, La représentation de l'hoirie dans le procès successoral, in Journée de droit successoral 2019, 2019, p. 153).  
 
4.2. La question de droit matériel à résoudre est de savoir si la demanderesse cohéritière a valablement ou non invalidé la convention de cession d'actions par ses courriers du 1er février 2018 (art. 31 CO), subsidiairement par le biais de sa requête de conciliation de la même date, dirigeant son action contre la société défenderesse et le fils cohéritier (ainsi que la notaire).  
 
4.2.1. La déclaration d'invalidation est une manifestation de volonté par laquelle la partie victime du vice fait valoir la nullité du contrat, manifestation qui doit être faite au plus tard dans le délai de péremption d'un an à compter de la découverte du vice (art. 31 al. 1-2 CO; TERCIER/PICHONNAZ, op. cit., p. 195 n. 832). Même si elle est communiquée au destinataire par requête de conciliation ou par demande en justice, elle demeure un acte juridique ( Rechtsgeschäft) de droit privé matériel, destiné et apte à produire l'effet juridique correspondant à la volonté exprimée (ATF 81 II 520 consid. 5b; FABIENNE HOHL, Procédure civile, t. II, 2e éd. 2010, p. 114 n. 565). Elle ne peut faire l'objet d'une action formatrice.  
Le contrat invalidé par la partie qui se prévaut d'un vice du consentement est invalide depuis le début, soit ex tunc ( von Anfang an - ex tunc - ungültig; ATF 137 III 243 consid. 4.4.3; 132 III 242 consid. 4.1; arrêt 4A_87/2018 du 27 juin 2018 consid. 5.3); il est frappé de nullité absolue, avec tous les effets qui y sont liés.  
Lorsque des héritiers veulent vendre un bien successoral à un tiers, ils doivent obligatoirement conclure le contrat de vente ensemble (art. 602 al. 2 CC). Dès lors que la nullité du contrat de vente par suite d'invalidation a pour effet de faire entrer le bien vendu dans la succession, ce qui nécessitera ensuite son partage, le droit d'invalider ce contrat appartient aux héritiers en commun (art. 602 al. 2 CC). De même, les héritiers doivent agir en restitution des prestations conjointement. Le fait que les héritiers aient déjà procédé au partage d'autres biens de la succession n'y change rien. 
 
4.2.2. En l'espèce, les deux héritiers ont conclu en commun le contrat de vente avec leur coactionnaire. Ils devaient donc communiquer ensemble leur déclaration d'invalidation à leur cocontractante. Cela n'a pas été le cas puisque la demanderesse a manifesté seule sa volonté d'invalider le contrat à l'égard de la cocontractante par courrier du 1er février 2018. Le fait qu'elle ait adressé ce même courrier au fils cohéritier n'est pas suffisant. Il ne ressort de l'état de fait ni que celui-ci aurait voulu communiquer une invalidation à la cocontractante, ni qu'il aurait renoncé à son droit au profit de la demanderesse. La recourante ne prétend pas non plus l'avoir allégué et prouvé.  
Il en va de même si on examine la déclaration d'invalidation formée par la demanderesse seule dans sa requête de conciliation du 1er février 2018. Selon l'arrêt attaqué, le fils cohéritier s'en est rapporté à justice. Une telle formule n'emporte pas renonciation à sa part. D'ailleurs, la demanderesse ne soutient ni n'invoque avoir allégué et prouvé que le fils aurait renoncé, indiquant au contraire, dans la motivation de sa demande, qu'elle veut partager avec le fils le montant qu'elle réclame, " selon les proportions établies dans le cadre du partage de la succession ". Quant à l'admissibilité de ses conclusions en paiement à elle-même, il devient superflu de les examiner. 
Toute l'argumentation de la recourante repose en réalité sur une interprétation extensive de la jurisprudence applicable aux actions formatrices. Mais la déclaration d'invalidation n'en est pas une; elle est un simple acte juridique de droit privé. Il n'y a d'exception au principe de l'unanimité que lorsque le cohéritier renonce à sa prétention dans le sens d'une liquidation partielle de la succession, ce qui n'a été ni allégué ni prouvé par la recourante. En ce qui concerne l'ATF 74 II 215, il concerne le cas particulier d'une action formatrice dirigée par des héritiers contre un cohéritier, et non, comme ici, une action contre un tiers; quant à l'ATF 89 II 429, il vise une dette de la succession, dont chaque héritier répond individuellement. 
Le recours doit donc être rejeté, par substitution de motifs. 
 
5.  
Les frais judiciaires et les dépens doivent être mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). Il n'y a pas lieu d'attribuer de dépens aux parties intéressées. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 27'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 32'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, aux parties intéressées et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 27 septembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : Douzals