1C_297/2022 11.10.2023
Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_297/2022  
 
 
Arrêt du 11 octobre 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix, Haag, Müller et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
PPE A.________, 
B.________ SA, 
C.________, 
D.________, 
tous les quatre représentés par Me Benoît Bovay, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
E.________ SA, représentée par 
Me Marc-Etienne Favre, avocat, 
intimée, 
 
Commune de Roche, Municipalité, rue des Salines 2A, Les Saulniers - case postale 27, 1852 Roche VD, représentée par Me Jacques Haldy, avocat, 
Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, Service juridique, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Permis de construire, contrôle incident de la planification, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 6 avril 2022 (AC.2021.0072). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La Commune de Roche est propriétaire des parcelles n os 9 et 744 du cadastre communal. Celles-ci sont affectées à la zone de village B au sens du règlement communal du 4 mai 1984 sur le plan d'extension, la police des constructions et l'attribution des degrés de sensibilité au bruit (ci-après: RPE), approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 3 avril 1985. La parcelle n o 9 supporte un bâtiment industriel d'une surface au sol de 795 m² ainsi que trois garages, tandis que la parcelle n o 744 est vierge de toute construction. Ces deux parcelles se situent dans la partie nord du village de Roche, le long de la rue des Vurziers. Le secteur au nord de ces parcelles est colloqué en zone d'activités économiques et supporte de nombreux bâtiments industriels. Ce secteur a récemment fait l'objet d'une révision de sa planification; le nouveau plan d'affectation "Les Vernes" - aujourd'hui en force - a été adopté par le Conseil communal le 11 décembre 2019 et approuvé par le département cantonal compétent le 10 mars 2020.  
La parcelle n o 9 se situe, selon les constatations cantonales, non loin du centre du village. Lors de l'inspection locale du 26 février 2018, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud a constaté qu'un immeuble récent était visible depuis cette parcelle, en direction de la Vallée du Rhône; un autre était alors en construction au nord-est; au sud, se trouvait encore un immeuble d'habitation. Quant à la parcelle n o 744, elle jouxte à l'ouest le bien-fonds n o 745, constitué en copropriété par étages "A.________", dont les lots appartiennent respectivement à B.________ SA ainsi qu'à C.________ et D.________.  
 
B.  
La Commune de Roche a organisé un concours d'architecture pour la mise en valeur des parcelles n os 9 et 744. E.________ SA l'a remporté; un contrat de vente à terme portant sur les deux parcelles a été conclu. Après réalisation du projet, un fractionnement de celles-ci serait opéré, les nouvelles limites de la parcelle n o 744 permettant d'inclure l'intégralité du bâtiment prévu, tandis que la parcelle n o 9 supporterait l'actuel bâtiment industriel.  
Le 20 juin 2016, la commune et E.________ SA ont déposé une demande de permis de construire un ensemble résidentiel de 70 logements avec parking souterrain de 85 places et cinq places de parc extérieures. L'état du foncier serait modifié, la surface de la nouvelle parcelle n o 744 augmentant de 2'138 m² à 5'069 m². Le projet porte notamment sur la réalisation d'un bâtiment d'un seul tenant.  
A l'issue de l'enquête publique, par décision du 6 avril 2017, la municipalité a levé les oppositions et délivré le permis de construire. Par arrêt du 29 août 2018, le Tribunal cantonal a annulé cette autorisation pour non-conformité aux règles communales en matière de hauteur des constructions et de niveaux habitables (cf. art. 14 RPE; arrêt cantonal AC.2017.0192 du 29 août 2018 consid. 7). A la suite de cet arrêt, un projet modifié a été mis à l'enquête publique complémentaire, pour lequel la commune a délivré le permis de construire le 8 mars 2019, après avoir levé les oppositions. Par arrêt du 19 février 2020 (AC.2019.0109), le Tribunal cantonal a confirmé cette décision. Le 9 février 2021, le Tribunal fédéral a admis le recours en matière de droit public formé par les copropriétaires voisins; il a annulé l'arrêt cantonal et renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants; la cour était invitée à instruire la question du dépassement du potentiel communal constructible à l'horizon 2036 et le taux de logements vacants récemment autorisés, puis déterminer, en tenant compte de ces éléments, si les conditions d'entrée en matière pour un contrôle incident étaient réalisées (arrêt 1C_190/2020 du 9 février 2021 consid. 3.3). 
La cour cantonale a repris l'instruction sous la référence AC.2021.0072. Par arrêt du 6 avril 2022, elle a rejeté le recours. Elle a constaté le surdimensionnement de la zone à bâtir communale. A défaut d'autres éléments pertinents, cette circonstance ne commandait pas à elle seule de procéder à un contrôle incident de la planification en vigueur. Conforme à cette dernière, le permis de construire devait partant être confirmé. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la PPE "A.________" et, à titre individuel, les copropriétaires qui la compo-sent, à savoir B.________ SA, C.________ et D.________, demandent principalement au Tribunal fédéral de réformer ce dernier arrêt cantonal en ce sens que le permis de construire un ensemble résidentiel et un parking souterrain sur les parcelles nos 9 et 744 de Roche est refusé. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. La Direction cantonale générale du territoire et du logement (ci-après: DGTL) renonce à prendre des conclusions et renvoie à son écriture cantonale du 12 juillet 2021. La Municipalité de Roche conclut au rejet du recours, de même que E.________ SA. Dans un échange ultérieur d'écritures, les parties persistent dans leurs conclusions respectives. Les recourants se sont encore exprimés par acte du 16 décembre 2022. 
La Cour de céans a délibéré sur le recours en séance publique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours en matière de droit public est en principe recevable, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. B.________ SA, C.________ et D.________ ont pris part à la procédure de recours devant l'instance précédente (art. 89 al. 1 LTF). En tant que propriétaires de biens immobiliers directement voisins du projet litigieux, ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué, qui confirme l'autorisation de construire délivrée le 8 mars 2019. Ils peuvent ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ils bénéficient dès lors de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. La qualité pour agir de la PPE "A.________", peut ainsi demeurer indécise. 
L'arrêt attaqué succède à l'arrêt 1C_190/2020 du 9 février 2021 par lequel le Tribunal fédéral a admis le recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 19 février 2020 (AC.2019.0109). Le Tribunal fédéral a en substance considéré que les faits en lien avec la question du contrôle incident de la planification avaient été établis de manière insuffisante; il a pour ce motif renvoyé la cause au Tribunal cantonal pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants, sans examiner les autres griefs des recourants. Dès lors qu'en ce qui concerne ces autres critiques, l'arrêt attaqué renvoie à l'arrêt cantonal précédent du 19 février 2020 (AC.2019.0109), qui lui-même renvoie à l'arrêt antérieur du 29 août 2018 (AC.2017.0192) (cf. arrêt attaqué, consid. 6), les recourants peuvent formuler une nouvelle fois les moyens qu'ils avaient déjà exposés dans la procédure précédente (cf. ATF 135 III 334 consid. 2-2.1; GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, n. 33 ad art. 107 LTF et les arrêts cités).  
Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière. 
 
2.  
Sur le fond, les recourants font valoir une violation des art. 15 et 21 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700). Selon eux, un contrôle préjudiciel de la planification en vigueur s'imposerait et l'autorisation de construire un immeuble de 70 logements sur les parcelles nos 9 et 744 de la Commune de Roche devrait être annulée. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Selon l'art. 15 LAT, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2014, les zones à bâtir sont définies de telle manière qu'elles répondent aux besoins prévisibles pour les quinze années suivantes (al. 1). Les zones à bâtir surdimensionnées doivent être réduites (al. 2). Conformément à l'art. 21 al. 2 LAT, lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation feront l'objet des adaptations nécessaires.  
L'art. 21 al. 2 LAT prévoit un examen en deux étapes: la première déterminera si les circonstances se sont sensiblement modifiées au point de justifier un réexamen du plan; si le besoin s'en fait réellement sentir, il sera adapté, dans une deuxième étape (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.2; 144 II 41 consid. 5.1; 140 II 25 consid. 3). La question de savoir si une adaptation du plan est justifiée en raison d'une modification des circonstances s'examine sur la base d'une pesée des intérêts. Il convient de tenir compte, d'une part, de la nécessité d'une certaine stabilité de la planification et, d'autre part, de l'intérêt d'une adaptation des plans aux changements intervenus. Il faut notamment considérer la date d'entrée en vigueur du plan d'affectation et la mesure de sa réalisation, l'importance du motif de la modification envisagée, l'ampleur de cette dernière et son intérêt public (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.3; 144 II 41 consid. 5.2; 140 II 25 consid. 3.1). Au stade de la première étape, les exigences sont moins élevées: un réexamen s'impose déjà lorsque les circonstances se sont modifiées depuis l'établissement du plan, que ce changement porte sur des aspects déterminants pour la planification et qu'il puisse être qualifié de sensible (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.2). Un changement sensible des circonstances doit, à ce niveau, déjà être reconnu lorsqu'une adaptation du plan de zone entre en considération et qu'elle n'est pas d'emblée exclue par les intérêts opposés liés à la sécurité du droit et à la confiance dans la stabilité des plans. Si ces conditions sont réalisées, il appartient à l'autorité de planification, en particulier aux communes, de procéder à la pesée des intérêts requise et de décider si et dans quelle mesure une adaptation du plan de zone est nécessaire (ATF 148 II 417 consid. 3.2; 140 II 25 consid. 3.2). 
 
2.1.2. D'un point de vue procédural, les plans d'affectation sont traités comme des décisions. Ils doivent être contestés lors de leur adoption, à défaut, il deviennent en principe définitifs et ne peuvent plus faire l'objet d'un examen préjudiciel dans le cadre de la procédure d'autorisation de construire. Exceptionnellement, le contrôle incident d'un plan d'affectation est admissible lorsque l'intéressé ne pouvait pas encore se rendre compte des restrictions qui lui étaient imposées au moment de son adoption, qu'il n'avait alors aucune possibilité de défendre ses intérêts (ATF 148 II 417 consid. 3.3; 123 II 337 consid. 3a; arrêts 1C_283/2016 du 11 janvier 2017 consid. 4.3; 1C_507/2015 du 18 mai 2016 consid. 3.2), ou lorsque les circonstances ou les conditions légales se sont sensiblement modifiées depuis l'adoption du plan au point que celui-ci pourrait être devenu illégal et que l'intérêt à son réexamen ou à son adaptation l'emporte sur les intérêts contraires à la sécurité du droit et à la stabilité du plan (cf. art. 21 al. 2 LAT; ATF 148 II 417 consid. 3.3; cf. ATF 145 II 83 consid. 5.1; 144 II 41 consid. 5.1).  
Selon la jurisprudence, l'entrée en vigueur le 1er mai 2014 du nouvel art. 15 LAT - en particulier l'obligation de réduire les zones à bâtir ancrée à son al. 2 - ne constitue à elle seule pas une modification sensible des circonstances justifiant d'entrer en matière sur une demande de révision, respectivement de contrôle préjudiciel d'un plan d'affectation dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire. Il faut que s'y ajoutent d'autres circonstances. Parmi celles-ci se trouvent notamment la localisation de la parcelle par rapport à la zone à bâtir existante, son niveau d'équipement, ou encore l'ancienneté du plan (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.3 et les arrêts cités; 144 II 41 consid. 5.2). 
 
2.2. Par arrêt du 9 février 2021, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause au Tribunal cantonal pour qu'il complète l'instruction s'agissant, d'une part, du dépassement du potentiel constructible de la commune à l'horizon 2036 et, d'autre part, du taux de vacance des logements récemment autorisés. Sur cette base, la cour cantonale était ensuite invitée à procéder à la pesée des intérêts exigée par la jurisprudence pour déterminer si les conditions pour entrer en matière sur un contrôle incident étaient réalisées et, le cas échéant, procéder à un tel contrôle (cf. arrêt 1C_190/2020 du 9 février 2021 consid. 3.3).  
Reprenant son instruction, la cour cantonale a constaté que la zone à bâtir de la Commune de Roche était surdimensionnée. Faute d'autres circonstances pertinentes, ce surdimensionnement était cependant insuffisant à justifier un contrôle incident de la planification, respectivement l'annulation de l'autorisation de construire litigieuse. La cour cantonale a en particulier retenu que le développement, sur le territoire communal, de la zone d'activité des "Vernes" entraînerait - à terme - la création d'environ 1'000 emplois. Et qu'il en découlerait, tout comme de la mise en exploitation récente de l'Hôpital Riviera-Chablais (HRC), une augmentation de la demande en logements à laquelle serait susceptible de répondre le projet. L'instance précédente a en outre établi que les parcelles en cause se trouvaient à 200 m du centre du village, qu'elles ne se prêtaient pas à une exploitation agricole et qu'elles étaient entourées de parcelles déjà bâties, tantôt classées en zone résidentielle, tantôt en zone industrielle. 
 
2.2.1. Malgré ces différents éléments liés, en particulier, à la situation des parcelles litigieuses au sein du territoire communal, les recourants estiment que le plan ne serait plus adapté aux circonstances, qu'il devrait faire l'objet d'un contrôle préjudiciel, à l'issue duquel le permis de construire délivré devrait être annulé. Ils reviennent à cet égard sur le surdimensionnement de la zone à bâtir communale; ils insistent en particulier sur l'importance du dépassement - à hauteur de 421 habitants (voire 425 selon le rapport 47 OAT-ZR, p. 9) - du potentiel démographique à l'horizon 2036 (cf. Plan directeur cantonal vaudois [dans sa 4 e adaptation quater] de 2008, actuellement en vigueur, mesure A11, p. 50 ss). Cela étant et même si ce surdimensionnement doit être qualifié d'important, spécialement au regard de la population communale (1938 à fin 2022, cf. statistique OFS disponibles sous www.bfs.admin.ch), il faut concéder au Tribunal cantonal qu'il ne suffit pas, à lui seul, à ouvrir la voie à un contrôle incident de la planification (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.3; 144 II 41 consid. 5.2).  
 
2.2.2. Cependant, dans ce contexte de surdimensionnement important, et s'il était autorisé, le projet litigieux, qui porte sur la construction de 70 nouveaux logements, dans une commune présentant de surcroît un taux de logements vacants supérieur aux moyennes suisse et cantonale (cf. données de l'OFS relatives aux logements vacants, disponibles sous www. bfs.admin.ch), limiterait drastiquement la marge de manoeuvre nécessaire à la commune pour aboutir à une révision conforme de sa planification; le projet serait à lui seul susceptible d'épuiser, pour des années, le potentiel de développement de la commune; la réduction nécessaire de la zone à bâtir communale, apparemment déjà compromise vu le caractère incompressible du surdimensionnement (cf. not. observations cantonales de la DGTL du 12 juillet 2021), pourrait l'être encore davantage par la réalisation du projet litigieux (cf. arrêt 1C_206/2020 du 7 mai 2021 consid. 5.3.3). Que la zone d'activité des "Vernes" ou la mise en exploitation de l'Hôpital Riviera-Chablais (HRC) soient à terme susceptibles d'engendrer une demande supplémentaire en logements - ce que contestent les recourants - ne change d'ailleurs rien à ce constat. Au contraire, l'adoption récente de la zone d'activité des "Vernes" plaide en faveur d'une révision complète de la planification communale.  
L'arrêt attaqué ne donne par ailleurs pas de réponse satisfaisante à la question de la conformité de la zone à bâtir à l'échelle supracommunale posée par l'arrêt de renvoi du 9 février 2012 (arrêt 1C_190/2020 consid. 3.2.4) : retenir qu'il est "peu probable" que la situation des communes voisines - non comprises dans les projets cantonaux d'agglomérations - soit affectée par le surdimensionnement de la zone à bâtir de la Commune de Roche, dès lors qu'elles connaissent un taux de vacance sensiblement plus élevé, ne démontre pas qu'une réelle réflexion ou analyse auraient été menées à ce niveau; autoriser le projet et maintenir ainsi de facto le caractère constructible des parcelles, hors de tout processus de planification, entraînerait ainsi, tout comme à l'échelle communale, une limitation de la marge d'appréciation nécessaire aux autorités de planification pour parvenir à une zone constructible conforme à la LAT également sur le plan supracommunal (cf. art. 15 al. 3 LAT; AEMISEGGER/KISSLING, in Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, n. 71 ad art. 15 LAT).  
A ces éléments s'ajoute encore l'ancienneté du plan en cause. Celui-ci a été adopté par l'exécutif cantonal en 1985. Dans son arrêt de renvoi, le Tribunal fédéral avait d'ailleurs souligné que l'horizon des 15 ans visé à l'art. 15 LAT était largement dépassé (arrêt 1C_190/2020 du 9 février 2021 consid. 3.2.1). Or, selon la jurisprudence, dans un tel cas de figure les principes de la sécurité du droit et de la stabilité des plans ont une portée moindre (cf. ATF 148 II 417 consid. 3.6.2; voir également arrêts 1C_644/2021 du 16 novembre 2022 consid. 4.1; 1C_147/2020 du 5 octobre 2020 consid. 1.2.2, publié in SJ 2021 I p. 153). Il apparaît ainsi sous cet angle également que le plan ne répond plus aux circonstances et qu'une révision de celui-ci s'impose pour répondre aux exigences du droit fédéral de l'aménagement du territoire. 
 
2.2.3. Il est vrai toutefois que les parcelles environnant les fonds litigieux sont déjà bâties et que ceux-ci se situent à proximité du centre du village. Ils jouxtent cependant la zone industrielle voisine, si bien que la réalisation, dans un tel voisinage, de logements n'apparaît pas particulièrement adéquate, sur le strict plan de l'aménagement du territoire. La desserte en transport public doit en outre être qualifiée de faible dans le secteur (cf. rapport 47 OAT-ZR, p. 12), ce qu'il convient également d'intégrer à l'appréciation (cf. AEMISEGGER/KISSLING, op. cit., n. 92 ad art. 15 LAT et la référence). Enfin, chacune des deux parcelles ne présente certes pas une surface non construite supérieure à 2'500 m 2, limite fixée - en référence à l'art. 58 al. 2 LDFR (RS 210) - par la fiche d'application de l'ancien Département cantonal des institutions et du territoire (DIT; actuellement Département des institutions, du territoire et du sport) (DIT, Fiche d'application - Comment traiter les zones à bâtir d'habitation et mixtes excédant les besoins à 15 ans ou peu adéquates pour le développement ?, juin 2021), au-delà de laquelle un espace vide sera en principe affecté à la zone agricole ou en zone de verdure; il est toutefois prévu de réunir ces deux parcelles en un unique bien-fonds, qui présenterait un espace non construit dépassant cette limite, totalisant, selon les constatations cantonales, plus de 4'800 m² (2'461 m 2 et 2'346 m 2). Les parcelles en question supportent enfin une arborisation protégée importante, dont le projet entraînerait la suppression, singulièrement l'abattage de 16 spécimens.  
 
2.2.4. Sur la base de ce qui précède, la condition d'une modification sensible des circonstances exigée par la jurisprudence en matière de contrôle incident est en l'occurrence réalisée. Le plan en vigueur heurte par ailleurs l'intérêt public important à un dimensionnement conforme de la zone à bâtir, tant sur le plan communal que supracommunal. Ces éléments sont en l'occurrence prépondérants et doivent prévaloir sur la stabilité d'un plan ayant très largement dépassé l'horizon de planification de 15 ans prévu à l'art. 15 LAT; ils commandent de condamner le projet litigieux et d'annuler l'autorisation délivrée pour sa réalisation.  
 
2.3. Le grief est par conséquent admis. Cela conduit à l'admission du recours, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs - formels et matériels - en lien avec le nombre de bâtiments prévus par le projet et l'abattage d'arbres présents sur les fonds concernés.  
 
3.  
Le recours est en conséquence admis; l'arrêt attaqué et le permis de construire du 8 mars 2019 sont annulés. Au surplus, la cause est renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens cantonaux. Les frais de justice sont arrêtés à 4'000 fr; ceux-ci sont mis à la charge de l'intimée à raison de 2'500 fr., et pour le solde, à la charge de la commune, qui intervient également en qualité de promettant-vendeur des parcelles litigieuses et a donc aussi un intérêt patrimonial (art. 66 al. 1 et 4 LTF). L'intimée et la commune verseront en outre des dépens aux recourants, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué et le permis de construire du 8 mars 2019 sont annulés. 
 
2.  
La cause est renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
3.  
Les frais de justice, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée, à raison de 2'500 fr., et à charge de la Commune de Roche, à hauteur de 1'500 fr. 
 
4.  
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est allouée aux recourants, solidairement entre eux, à titre de dépens, à la charge de l'intimée, à raison de 2'000 fr., et à la charge de la Commune de Roche, à hauteur de 1'000 fr. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et de la Commune de Roche, à la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud ainsi qu'à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 11 octobre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez