6B_908/2023 22.01.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_908/2023  
 
 
Arrêt du 22 janvier 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
van de Graaf et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Meriboute. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Tony Donnet-Monay, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Violation grave des règles de la circulation routière; principe d'accusation; arbitraire, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale 
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 6 mars 2023 (n° 36 AM22.000089-FMR). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 15 août 2022, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a reçu l'opposition formée par A.________ contre l'ordonnance pénale du Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois du 15 février 2022 (I), l'a condamné pour violation grave des règles de la circulation routière (II) à 60 jours-amende de 120 fr. (III) avec sursis pendant 2 ans (IV) et à une amende de 950 fr., convertible en 8 jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif (V), a mis les frais de la cause à sa charge (VI) et ne lui a pas alloué d'indemnité fondée sur l'art. 429 CPP (VII). 
 
B.  
Statuant par jugement du 6 mars 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel de A.________. 
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
B.a. Citoyen suisse, A.________ est né en 1973 à W.________. Célibataire, il vit seul à U.________.  
Le casier judiciaire de A.________ mentionne une seule inscription: 
 
- 25.07.2012, Ministère public du canton de Fribourg, peine pécuniaire de 10 jours-amende à 140 fr., avec sursis pendant 2 ans, et amende de 500 fr. pour violation grave des règles de la circulation routière. 
Le fichier SIAC du prénommé fait état d'une décision administrative en 2013, soit un retrait de permis de trois mois pour vitesse (cas grave). 
 
B.b. Sur l'autoroute V.________, à partir du kilomètre 9.350, le vendredi 8 octobre 2021, vers 17h20, A.________ circulait à une vitesse d'environ 85 km/h au volant d'un véhicule C.________, immatriculé, FR xxx xxx, sur la voie de gauche de ce tronçon autoroutier limité à 80 km/h, lorsqu'il a été rattrapé par un véhicule D.________, immatriculé VD xxx xxx, conduit par B.________ (déféré séparément), lequel a talonné l'engin conduit par A.________ sur plusieurs centaines de mètres. B.________ a alors fait des appels de phares à A.________, afin que ce dernier se rabatte sur la voie de droite. Continuant sa manoeuvre de dépassement de plusieurs véhicules, A.________ a continué à circuler sur la voie de gauche. B.________ s'est alors brusquement rabattu sur la voie de droite, sur laquelle il a fait mine de dépasser A.________ en accélérant fortement et en se mettant à mi-hauteur de son véhicule. Comme un troisième engin se trouvait sur la voie de droite, B.________ s'est remis sur la voie de gauche, où il a talonné le véhicule de A.________ jusqu'à ce que ce dernier se rabatte sur la voie de droite. || a ensuite dépassé A.________ et s'est rabattu devant lui sur la voie de droite en freinant fortement, sans raison. Apeuré, A.________ a accéléré et s'est mis sur la voie de gauche afin d'éviter une collision entre les engins, puis a dépassé le véhicule conduit par B.________. Voyant que ce dernier cherchait à nouveau à le dépasser, il l'en a empêché en se déportant sur les deux voies de la circulation en fonction de la trajectoire empruntée par D.________. Alors que les deux véhicules se trouvaient sur la voie de gauche, B.________ a finalement percuté, avec l'avant de D.________, l'arrière de C.________ conduite par A.________.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 6 mars 2023. Principalement, il conclut à la réforme de ce jugement en ce sens qu'il est libéré de toute infraction. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Dans tous les cas, les frais et dépens de la procédure, ainsi que des instances précédentes, lesquels comprendront une équitable indemnité valant participation aux honoraires de son conseil, sont mis à la charge de l'État de Vaud. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant invoque une violation du principe d'accusation. 
 
1.1. Ce principe est consacré par l'art. 9 CPP. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (ATF 143 IV 63 consid. 2.2; 141 IV 132 consid. 3.4.1). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation (principe de l'immutabilité de l'acte d'accusation), mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP). Il peut également retenir dans son jugement des faits ou des circonstances complémentaires, lorsque ceux-ci sont secondaires et n'ont aucune influence sur l'appréciation juridique. Le principe de l'accusation est également déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu), de l'art. 32 al. 2 Cst. (droit d'être informé, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, des accusations portées contre soi) et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH (droit d'être informé de la nature et de la cause de l'accusation; arrêts 6B_136/2021 du 6 septembre 2021 consid. 3.3; 6B_1188/2020 du 7 juillet 2021 consid. 2.1; 6B_623/2020 du 11 mars 2021 consid. 1.1).  
 
1.2. Selon l'art. 325 CPP, l'acte d'accusation désigne le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur, les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public. En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu. L'acte d'accusation définit l'objet du procès et sert également à informer le prévenu (fonctions de délimitation et d'information; ATF 143 IV 63 consid. 2.2; 141 IV 132 consid. 3.4.1 et les références citées; arrêt 6B_88/2022 du 16 mars 2023 consid. 1.1).  
 
1.3. L'ordonnance pénale doit fournir les mêmes indications qu'un acte d'accusation (ATF 149 IV 9 consid. 6.3.1; 145 IV 438 consid. 1.3.1; arrêts 6B_837/2022 du 17 avril 2023 consid. 1.1; 6B_38/2022 du 11 mai 2022 consid. 2.2).  
 
1.4. Saisie du grief de violation du principe d'accusation, la cour cantonale a relevé que l'ordonnance pénale valant acte d'accusation ne mentionnait pas les dispositions de la LCR qui auraient été violées par le recourant, seul l'art. 90 al. 2 LCR était mentionné. Elle souligne toutefois qu'il ressortait du rapport de police que ce qui était reproché au recourant était une violation de l'art. 35 al. 7 LCR.  
La cour cantonale retient que l'ordonnance pénale fait le récit de la rencontre des deux usagers impliqués et de leurs interactions, sans faire précisément au recourant le grief de ne pas s'être rabattu à droite devant le véhicule de dépannage. Elle concède que l'ordonnance aurait pu être plus claire. Toutefois, elle retient que le recourant avait parfaitement compris ce qu'on lui reprochait puisqu'il avait précisément argumenté, en première instance, notamment sur le fait de savoir s'il aurait pu ou non se rabattre à ce moment. Elle a ensuite ajouté que la violation de l'art. 35 al. 7 LCR pouvait aussi être liée au fait de zigzaguer pour empêcher un dépassement d'un autre usager. 
 
1.5. L'ordonnance pénale rendue le 15 février 2022 valant acte d'accusation décrit les faits, sous le titre "Indication sommaire des faits retenus", de manière identique à ceux supra let. B.b. Puis, elle indique "Infraction retenue: - Violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) " (cf. ordonnance pénale du 15 février 2022, p. 1-2).  
Le recourant ne se plaint pas du fait que la cour cantonale s'est fondée sur l'art. 35 al. 7 LCR, lors même que cette disposition n'était pas évoquée dans l'ordonnance pénale. Il ne prétend pas non plus que cette disposition n'était pas pertinente. En revanche, il soutient que la cour cantonale a violé le principe d'accusation en lui imputant le comportement, selon lequel, il ne se serait pas rabattu, au début de l'incident, alors qu'il aurait eu le temps de le faire après le dépassement du véhicule de dépannage. 
Le recourant ne soutient pas que l'ordonnance pénale ne serait pas suffisamment claire s'agissant de la deuxième partie de l'incident, à savoir le fait de zigzaguer pour empêcher un dépassement d'un autre usager. Ce comportement réalise à l'évidence l'infraction reprochée. Reste donc à déterminer si le premier comportement a été imputé au recourant. A cet égard, la cour cantonale retient au début du jugement attaqué qu'"il n'est pas fondamental de savoir si le prévenu aurait pu se rabattre devant le véhicule de dépannage" (cf. jugement attaqué, p. 12). Certes, la cour cantonale parle d'un comportement "répréhensible" (cf. jugement attaqué, p. 16), toutefois, elle n'a pas fondé sa condamnation pour violation grave d'une règle de circulation, au sens de l'art. 90 al. 2 LCR, sur la base de ce comportement. En effet, on comprend que seul le fait de zigzaguer entre les deux voies pour empêcher quelqu'un de dépasser, alors que le trafic n'était pas inexistant, a été retenu à la charge du recourant (cf. jugement attaqué, p. 17). Ainsi, la première séquence relative à l'absence de rabattement à droite n'a pas été retenue à la charge du recourant. 
Le grief tiré de la violation du principe de l'accusation doit être rejeté. 
 
2.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir fait preuve d'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
 
2.2. Le recourant critique l'établissement des faits s'agissant de la possibilité de se rabattre devant le véhicule de dépannage. Il soutient qu'il n'y avait pas une distance suffisante pour se rabattre, ce qui était confirmé par l'auto-pilote de C.________. Le recourant ne démontre toutefois pas en quoi - pour autant que ces éléments soient avérés - la décision serait arbitraire dans son résultat. En effet, contrairement à ce que semble penser le recourant, ce comportement n'a pas été retenu contre le recourant dans le cadre de l'art. 90 al. 2 LCR (cf. supra consid. 1.5).  
 
3.  
Le recourant se plaint d'une violation des l'art. 17 et 18 CP. Il soutient qu'il aurait empêché que B.________ ne le dépasse à nouveau, tant pour sa sécurité que celle des autres usagers de la route pour éviter une nouvelle collision. 
 
3.1. Aux termes de l'art. 17 CP, quiconque commet un acte punissable pour préserver d'un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s'il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants.  
L'art. 18 CP dispose que si l'auteur commet un acte punissable pour se préserver ou préserver autrui d'un danger imminent et impossible à détourner autrement menaçant la vie, l'intégrité corporelle, la liberté, l'honneur, le patrimoine ou d'autres biens essentiels, le juge atténue la peine si le sacrifice du bien menacé pouvait être raisonnablement exigé de lui (al. 1). L'auteur n'agit pas de manière coupable si le sacrifice du bien menacé ne pouvait être raisonnablement exigé de lui (al. 2). 
Le Code pénal distingue ainsi l'état de nécessité licite (art. 17 CP) de l'état de nécessité excusable (art. 18 CP). L'auteur qui se trouve en état de nécessité licite sauvegarde un bien d'une valeur supérieure au bien lésé et agit de manière licite. En cas d'état de nécessité excusable, les biens en conflit sont de valeur égale; l'acte reste illicite, mais la faute de l'auteur est exclue ou, à tout le moins, atténuée. Que l'état de nécessité soit licite ou excusable, l'auteur doit commettre l'acte punissable pour se préserver d'un danger imminent et impossible à détourner autrement. L'impossibilité que le danger puisse être détourné autrement implique une subsidiarité absolue (ATF 147 IV 297 consid. 2; 146 IV 297 consid. 2.2.1). 
 
3.2. La cour cantonale a retenu que face à un conducteur pressé, il est moins dangereux de l'avoir devant que derrière; d'ailleurs, l'intéressé avait fini par emboutir la voiture du recourant. Même si B.________ avait effectué une queue de poisson, on pouvait s'attendre à ce qu'il poursuive sa route après cela. Il aurait donc été plus prudent et logique de renoncer à le redépasser, en ralentissant et en se rabattant à droite derrière lui, d'autant que, de l'aveu du recourant lui-même, la sortie qu'il avait décidé de prendre était proche. Zigzaguer pour l'empêcher de passer avait été forcément ressenti par B.________ - déjà excité au volant - comme une insupportable provocation. Ce comportement routier était dangereux et ne pouvait être justifié par les art. 17 et 18 CP.  
 
3.3. En l'espèce, il ressort que rien ne permettait de penser que B.________ cherchait à effectuer une nouvelle queue de poisson. De plus, la prudence impliquait de ralentir, de ne pas redépasser le conducteur pressé et de se rabattre à droite en attendant la prochaine sortie qui était proche. Faute d'un danger "imminent" et du respect de la condition de la subsidiarité absolue, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en excluant l'application des art. 17 et 18 CP.  
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 22 janvier 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Meriboute