9C_677/2022 17.07.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_677/2022  
 
 
Arrêt du 17 juillet 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Feller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, 
rue du Stand 26, 1204 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Taxe militaire (exonération), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 12 avril 2022 (A/3162/2021-TAXE - ATA/403/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, ressortissant suisse depuis 2018, travaille auprès de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ("United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East" [UNRWA]) à Amman en Jordanie, depuis 2019. Par décision du 18 octobre 2019, l'Armée suisse lui a accordé un congé pour l'étranger. 
 
B.  
Par décisions du 25 juin 2021, confirmées sur réclamation le 25 août suivant, le Service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir de l'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale cantonale) a arrêté le solde de la taxe d'exemption de A.________ pour les années 2019 et 2020 à respectivement 156 fr. et 1'459 fr. 90. 
Saisie d'un recours de A.________, la Chambre administrative de la Cour de Justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 12 avril 2022. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il demande l'annulation. Il conclut à ce qu'il soit exonéré du paiement de la taxe d'exemption de l'obligation de servir et à ce que l'Administration fiscale cantonale soit condamnée à lui restituer tous ses paiements, y compris les montants arrêtés provisoirement pour les années 2021 et 2022. L'Administration fiscale cantonale et l'Administration fédérale des contributions (AFC) concluent au rejet du recours. 
Par courrier du 2 octobre 2022, le recourant a transmis une attestation de son employeur datée du 8 septembre 2022. 
La Direction du droit international public (DDIP) du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) s'est déterminée par courrier du 13 octobre 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF; cf. art. 22 al. 3 et 31 al. 3 de la loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir [LTEO; RS 661]; voir aussi art. 2 de la loi genevoise d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 14 janvier 1961 [LaTE/GE; RS/GE G 1 05]), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Il ne tombe pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF, étant précisé que l'art. 83 let. i LTF ne s'applique pas aux décisions en matière de taxe d'exemption de l'obligation de servir (arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 1.1 et les références). La voie du recours en matière de droit public est ainsi ouverte.  
 
1.2. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile, compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF), et dans les formes requises (art. 42 LTF) par le destinataire de l'arrêt attaqué, qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il est donc en principe recevable.  
 
1.3. Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
 
1.4. Aux termes de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peuvent être présentés à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente.  
En l'espèce, le recourant a transmis par courrier du 2 octobre 2022 une attestation de son employeur datée du 8 septembre 2022. Dès lors que ce document a été établi postérieurement à l'arrêt entrepris et que le recourant n'expose pas en quoi il lui aurait été impossible de le produire devant la juridiction cantonale, cette pièce nouvelle est irrecevable (cf. ATF 136 III 123 consid. 4.4.3). 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur l'obligation faite au recourant de s'acquitter de la taxe d'exemption de l'obligation de servir (taxe militaire) pour les années 2019 et 2020. Compte tenu des motifs et conclusions, il s'agit plus particulièrement de déterminer si l'intéressé entre dans la catégorie des fonctionnaires de l'Organisation des Nations Unies (ONU) exemptés de toute obligation relative au service national et si ce statut l'exonère du paiement de la taxe militaire.  
 
2.2. La conclusion du recourant tendant à la restitution par l'intimée de la taxe d'exemption de l'obligation de servir arrêtée provisoirement pour les années 2021 et 2022 est irrecevable. En effet, aucune décision attaquable portant sur ces deux périodes n'a été rendue de sorte que les années 2021 et 2022 excèdent l'objet du présent litige.  
 
3.  
 
3.1. La taxe militaire trouve son fondement à l'art. 59 Cst. Selon cette disposition, tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire ou au service civil de remplacement (al. 1; cf. aussi art. 2 al. 1 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire [LAAM; RS 510.10]). Celui qui n'accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement s'acquitte d'une taxe (al. 3).  
 
3.2. La taxe militaire est régie par le droit fédéral, en particulier par la LTEO et par l'ordonnance du 30 août 1995 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (OTEO; RS 661.1). Aux termes de l'art. 2 al. 1 let. a LTEO, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l'étranger et qui, au cours d'une année civile, "ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l'armée ni astreints au service civil". De jurisprudence constante, cette taxe, qui constitue une contribution de remplacement, a pour but de garantir une égalité de traitement entre les personnes soumises à l'obligation de servir qui effectuent le service militaire ou le service civil, et celles qui en sont exemptées (arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 3.1 et les références).  
 
3.3. Les art. 18 LAAM et 4 LTEO prévoient encore que certaines catégories de personnes sont exemptées du service militaire, respectivement exonérées de la taxe d'exemption de l'obligation de servir. Cependant, aucune de ces deux dispositions ne mentionne que des fonctionnaires ou membres d'une organisation internationale bénéficieraient d'une exemption de service ou d'une exonération de la taxe militaire.  
 
4.  
 
4.1. Selon l'art. 105 de la Charte des Nations unies conclue le 26 juin 1945 à San Francisco (RS 0.120; ci-après: la Charte ONU), les représentants des Membres des Nations Unies et les fonctionnaires de l'Organisation jouissent (...) des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer en toute indépendance leurs fonctions en rapport avec l'Organisation (par. 2). L'Assemblée générale peut faire des recommandations en vue de fixer les détails d'application des par. 1 et 2 du présent article ou proposer aux Membres des Nations Unies des conventions à cet effet (par. 3).  
 
4.2. Par résolution adoptée le 13 février 1946, l'Assemblée générale de l'ONU a approuvé la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies (RS 0.192.110.02; ci-après: la Convention ONU sur les privilèges). Elle est entrée en vigueur pour la Suisse le 25 septembre 2012. Selon l'art. V section 17 de cette convention, "le Secrétaire général déterminera les catégories des fonctionnaires auxquels s'appliquent les dispositions du présent article (...). Il en soumettra la liste à l'Assemblée générale et en donnera ensuite communication aux Gouvernements de tous les Membres. Les noms des fonctionnaires compris dans ces catégories seront communiqués périodiquement aux Gouvernements des Membres". Aux termes de l'art. V section 18 let. c de cette convention, les fonctionnaires de l'ONU seront exempts de toute obligation relative au service national.  
 
4.3. Les 11 juin et 1er juillet 1946, l'Accord sur les privilèges et immunités de l'Organisation des Nations Unies a été conclu entre le Conseil fédéral suisse et le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies (RS 0.192.120.1; ci-après: Accord CH-ONU). Il est entré en vigueur le 1er juillet 1946 et est applicable uniquement aux entités de l'ONU sises en Suisse (cf. Echange de lettres des 22 octobre/4 novembre 1946 entre la Suisse et l'Organisation des Nations Unies sur les privilèges et immunités de cette Organisation en Suisse [RS 0.192.120.11; ci-après: l'Echange de lettres]). Selon l'art. V let. c de l'Accord CH-ONU, les fonctionnaires de l'Organisation des Nations Unies seront exempts de toute obligation relative au service national, sous réserve des dispositions spéciales concernant les fonctionnaires de nationalité suisse, prévues dans l'annexe à l'Accord. D'après l'Annexe à cet accord, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies communiquera au Conseil fédéral suisse la liste des fonctionnaires de nationalité suisse astreints à des obligations de caractère militaire (ch. 1). Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et le Conseil fédéral suisse établiront, d'un commun accord, une liste restreinte de fonctionnaires de nationalité suisse qui, en raison de leurs fonctions, bénéficieront de dispenses (ch. 2).  
 
4.4. Aux termes de l'art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités suisses sont tenus d'appliquer les lois fédérales et le droit international. Ni l'art. 190 Cst., ni l'art. 5 al. 4 Cst. n'instaurent de rang hiérarchique entre les normes de droit international et celles de droit interne. Selon la jurisprudence, en cas de conflit, les normes du droit international qui lient la Suisse priment en principe celles du droit interne qui lui sont contraires (ATF 149 I 41 consid. 4.2 et les références).  
 
5.  
 
5.1. Les premiers juges ont retenu que dans la mesure où les obligations militaires du recourant découlaient de sa nationalité, celui-ci ne pouvait pas se prévaloir de son domicile en Jordanie pour bénéficier d'une exemption de la taxe militaire. Ils ont en outre considéré qu'il n'entrait pas dans la catégorie des fonctionnaires exemptés de toute obligation relative au service national au sens de l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU sur les privilèges, dès lors que son employeur n'avait pas fait de demande spécifique afin qu'il bénéficie d'une telle dispense. Enfin, invoquant la loi fédérale du 22 juin 2007 sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu'Etat hôte (LEH; RS 192.12), bien qu'elle ne soit pas directement applicable dans le cas d'espèce selon eux, les juges précédents ont constaté que le recourant ne jouissait pas d'une immunité relative à ses obligations militaires.  
 
5.2. Le recourant soutient être un fonctionnaire exempté de toute obligation relative au service national au sens de la Convention ONU sur les privilèges. Il fait valoir que ce statut de fonctionnaire découlerait notamment d'une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU, adoptée le 7 décembre 1946, selon laquelle les privilèges et immunités sont octroyés à tous les membres de l'organisation qui ne sont pas recrutés sur place et payés à l'heure. En outre, il soutient que le concept de l'exemption de service national comprendrait également celui de taxe militaire. Dès lors, il en déduit qu'il devrait être exonéré du paiement de la taxe d'exemption de l'obligation de servir.  
 
5.3. L'Administration fiscale cantonale considère que le recourant ne doit pas être exonéré de la taxe militaire. Elle se fonde notamment sur une note interne du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) du 16 octobre 2019 relative à l'Accord CH-ONU qu'elle estime applicable au recourant. Elle infère de cette note que les dispositions de l'accord relatives à l'exemption de service national ne s'appliqueraient pas aux ressortissants suisses. En effet, elle considère que la demande ponctuelle et nominative d'exemption - remplaçant le concept de liste mentionné au ch. 1 et 2 de l'Annexe à l'accord - n'a jamais été déposée par l'UNRWA en faveur du recourant. L'intimée a par ailleurs considéré que la Convention ONU sur les privilèges était postérieure à l'Accord CH-ONU sans toutefois l'abroger, de sorte que c'est ce dernier qui serait applicable.  
 
5.4. L'AFC a conclu au rejet du recours, en se fondant en particulier sur l'art. 18 LAAM qui ne mentionne pas les fonctionnaires de l'ONU dans la catégorie des personnes exemptées du service et donc de la taxe militaire. Pour le surplus, elle a indiqué se rallier à l'argumentation de l'intimée développée en lien avec la note interne du DDPS.  
 
5.5. La DDIP a d'abord constaté qu'en travaillant pour l'UNRWA en Jordanie, le recourant était fonctionnaire de l'ONU et donc soumis à la Convention ONU sur les privilèges et non pas à l'Accord CH-ONU selon le chiffre 3 de l'Echange de lettres relatif à l'accord. En procédant à l'interprétation grammaticale de l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU sur les privilèges, elle a constaté que l'expression "toute obligation relative au service national" comprenait la notion de taxe militaire. En effectuant une interprétation téléologique sur la base notamment des travaux préparatoires de la conclusion de l'Accord CH-ONU, elle a exposé qu'aucune indication relative à une éventuelle taxe à verser par un fonctionnaire de l'ONU n'en ressortait. S'agissant de ce dernier, elle a précisé que l'exemption de toute obligation militaire avait été adoptée pour les fonctionnaires dans le but d'assurer le bon et libre fonctionnement de l'organisation ainsi que son indépendance. Elle mentionne encore qu'à sa connaissance, l'UNRWA ne serait pas intervenue auprès de la Suisse pour déposer une demande de dispense en faveur du recourant, ce qui laisserait à penser que le but précité de la disposition en cause ne serait pas entravé par le paiement d'une taxe.  
 
6.  
 
6.1. Dans la mesure où le recourant a obtenu la nationalité suisse en 2018 et où il travaille pour une entité de l'ONU située à l'étranger (UNRWA), il convient avant tout de déterminer le droit applicable et son incidence sur l'exécution de ses obligations militaires suisses.  
 
6.2. Les juges précédents ont indiqué que le recourant n'était pas exempté de toute charge militaire dans la mesure où il ne jouissait pas d'une immunité au sens de l'art. 3 al. 1 let. j LEH. Or cette loi concerne uniquement les personnes travaillant au sein des organisations internationales sises en Suisse, comme les diplomates, de sorte qu'elle n'est pas applicable au recourant (art. 1 al. 1 LEH, cf. Message du Conseil fédéral du 13 septembre 2006 relatif à la loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu'Etat hôte, FF 2006 7603, 7614). On ne peut ainsi rien en déduire s'agissant de la question litigieuse, contrairement à ce que semblent faire les juges précédents, de manière quelque peu contradictoire puisqu'ils admettent également qu'elle ne s'applique pas à l'intéressé.  
Ensuite les premiers juges ne semblent pas avoir distingué le champ d'application de la Convention ONU sur les privilèges de celui de l'Accord CH-ONU. Ils retiennent essentiellement que le recourant est soumis à l'Accord, tout comme l'intimée. Toutefois, comme l'a relevé la DDIP à bon droit, l'Accord CH-ONU ne lui est pas applicable, dès lors qu'il concerne uniquement les services et les réunions que l'ONU jugerait bon d'établir ou de convoquer en Suisse, sans aucune distinction (ch. 3 de l'Echange de lettres). Or l'intéressé était employé à l'étranger en Jordanie pendant les périodes litigieuses en 2019 et 2020 et non en Suisse, de sorte que l'Accord CH-ONU ne lui est pas applicable. La dispense ainsi requise selon l'annexe de cet accord (ch. 1 et 2) n'est pas nécessaire, contrairement à ce que retient l'AFC. Par conséquent, toutes les considérations relatives à l'Accord CH-ONU ainsi que celles relatives à la note interne du DDPS du 16 octobre 2019 ne sont ni déterminantes ni pertinentes pour la résolution du litige. 
 
6.3. Compte tenu de ce qui précède, c'est la Convention ONU sur les privilèges qui s'applique au recourant à l'exclusion de l'Accord CH-ONU.  
 
7.  
 
7.1.  
 
7.1.1. Il convient dès lors de déterminer en premier lieu si le recourant est un fonctionnaire exempté de l'ONU au sens de l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU sur les privilèges.  
 
7.1.2. A la lecture du contrat de travail du recourant, par lequel son engagement a été confirmé, on constate que celui-ci est soumis aux règles des membres internationaux de l'UNRWA ("international staff regulations", 1 january 2018, disponible sur le site https://www.unrwa.org/careers/you-apply, consulté le 19 juin 2023). Il ressort en particulier des chiffres 1.1 et 1.5 dudit règlement que les responsabilités des "staff members" sont exclusivement internationales et que ceux-ci bénéficient des privilèges et immunités, tels que prévus par l'art. 105 de la Charte ONU qui est le fondement de la Convention ONU sur les privilèges. A la lumière de ces dispositions, il ne fait dès lors aucun doute que le recourant est un fonctionnaire au sens de l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU sur les privilèges, comme l'a retenu du reste la DDIP.  
Au demeurant, l'Assemblée générale de l'ONU a approuvé par résolution du 7 décembre 1946 (A/RES/76[I], accessible sur le site internet https://research.un.org/fr/docs/ga/quick/regular/1, consulté le 19 juin 2023), que les privilèges et immunités sont octroyés à tous les membres du personnel de l'ONU à l'exception de ceux qui sont recrutés sur place et rémunérés à l'heure, conformément à l'art. V section 17 de la Convention sur les privilèges de l'ONU (cf. Nations Unies Annuaire Juridique, 1984, Chapitre VI, n. 29, p. 209, cf. https://legal.un.org/unjuridicalyearbook/volumes/1984/index_fr.shtml, consulté le 19 juin 2023). Le contenu de cette résolution confirme ainsi le statut de fonctionnaire du recourant, dès lors que son contrat de travail prévoit notamment un salaire annuel. Par conséquent, ce dernier est exempté de toute obligation relative au service national conformément à l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU sur les privilèges. 
 
7.2.  
 
7.2.1. Dans la mesure où le recourant est un fonctionnaire au sens de la Convention ONU sur les privilèges, il convient encore d'examiner si son statut le libère du paiement de la taxe militaire, ce qui dépend de ce qu'est une obligation relative au service national au sens de la disposition précitée.  
 
7.2.2. L'interprétation des conventions internationales s'effectue conformément aux principes d'interprétation de droit international, tels qu'ils découlent de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111 [ci-après: CV]; ATF 148 II 336 consid. 9.2 et les références). Selon l'art. 31 par. 1 CV, un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. L'art. 31 par. 1 CV fixe un ordre de prise en compte des éléments de l'interprétation, sans toutefois établir de hiérarchie fixe entre eux. Le sens ordinaire du texte du traité constitue toutefois le point de départ de l'interprétation (ATF 148 II 336 consid. 9.2). Lorsque plusieurs significations sont possibles, il faut choisir celle qui permet l'application effective de la clause dont on recherche le sens, en évitant d'aboutir à une interprétation en contradiction avec la lettre ou l'esprit des engagements pris. Un Etat contractant doit partant proscrire tout comportement et toute interprétation qui aboutiraient à éluder ses engagements internationaux ou à détourner le traité de son sens et de son but (ATF 144 II 130 consid. 8.2.1; arrêt 4A_389/2022 du 14 mars 2023 destiné à la publication, consid. 4.4.2). Selon l'art. 32 let. a et b CV, les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu représentent des moyens complémentaires d'interprétation auxquels il peut être fait appel, soit pour confirmer le sens résultant de l'application de l'art. 31 CV, soit pour déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée conformément à l'art. 31 CV laisse celui-ci ambigu ou obscur ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable (ATF 148 II 336 consid. 9.2).  
 
7.2.3. L'interprétation littérale de l'expression "toute obligation relative au service national" découlant du texte de l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU sur les privilèges est dénuée d'ambiguïté et claire, comme l'a du reste retenu la DDIP. En effet, l'utilisation du mot "toute" ne laisse pas de place au doute quant à l'inclusion de la taxe militaire dans la notion de service national. L'expression conventionnelle précitée équivaut en Suisse à "l'obligation de servir" imposée aux ressortissants suisses "sous forme de service personnel" (militaire ou civil) au sens de l'art. 1 LTEO. Une personne qui est astreinte aux obligations militaires est assujettie à la taxe si elle ne peut pas accomplir - ou partiellement accomplir - son service personnel (art. 2 LTEO). A contrario, une personne qui ne serait pas astreinte aux obligations militaires est donc exemptée de toute obligation y compris de la taxe militaire (cf. Message du Conseil fédéral du 11 juillet 1958 concernant une nouvelle loi sur la taxe d'exemption du service militaire, FF 1958 II 349, 360). Dans la mesure où l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU sur les privilèges supprime toute obligation relative au service national, elle libère aussi le fonctionnaire suisse travaillant pour l'ONU à l'étranger du paiement de la taxe militaire. Partant, conformément à l'interprétation littérale de ce texte, le recourant ne doit pas s'acquitter de la taxe d'exemption de l'obligation de servir.  
 
7.2.4. La comparaison avec le contenu et le but d'autres textes internationaux prévoyant certains privilèges et immunités permet également de retenir que, dans le cas présent, le recourant est exempté de la taxe militaire. L'Accord CH-ONU prévoit que "les fonctionnaires de l'Organisation des Nations Unies seront exempts de toute obligation relative au service national, sous réserve des dispositions spéciales concernant les fonctionnaires de nationalité suisse prévues dans l'annexe au présent Accord" (Section 18 art. V let. c Accord CH-ONU). Il en va de même s'agissant des autres traités et protocoles internationaux ratifiés par la Suisse. Tous ces textes, qui contiennent également des privilèges et immunités relatives aux obligations militaires, prévoient expressément une réserve en faveur des Etats parties qui ne sont pas tenus d'accorder les privilèges et immunités à leurs propres ressortissants (cf. par exemple, art. 20 du Protocole du 1er décembre 1986 relatif aux privilèges et immunités de l'Organisation européenne pour l'exploitation de satellites météorologiques [RS 0.192.110.942.9]; article 9 du Protocole relatif aux privilèges, exemptions et immunités d'INTELSAT [RS 0.192.110.978.4]). A l'inverse, la Convention ONU sur les privilèges, applicable au recourant dans le cas d'espèce, ne contient pas de réserve spécifique, si ce n'est une compétence du Secrétaire général pour éventuellement lever l'immunité accordée à un fonctionnaire dans dans certaines rares situations (art. V section 20 de la Convention ONU sur les privilèges). Cette convention ne prévoit donc pas à l'endroit des fonctionnaires suisses travaillant à l'étranger des exceptions aux privilèges et immunités accordés aux ressortissants des Etats membres.  
Cette distinction entre la Convention ONU sur les privilèges et les autres traités internationaux a été constatée par le Tribunal fédéral dans un arrêt du 10 octobre 1986 (A 22/86). La Haute Cour avait refusé d'exempter du paiement de la taxe militaire un fonctionnaire de nationalité suisse travaillant pour l'Organisation européenne des brevets. Le Protocole du 5 octobre 1973 sur les privilèges et immunités de l'Organisation européenne des brevets contenait effectivement une réserve permettant aux Etats membres, dont la Suisse, de ne pas appliquer les avantages qui en découlent à ses ressortissants, dont fait partie l'exemption de toute obligation de service militaire. Le Tribunal fédéral a motivé sa décision en indiquant que les privilèges de droit international n'ont généralement pas pour but d'exempter les nationaux de l'obligation d'effectuer le service militaire ou d'autres services, à l'exception des fonctionnaires d'organisations importantes telles que les Nations Unies. En effet, l'exemption de tout service national pour ces fonctionnaires onusiens a pour objectif de garantir l'indépendance et le bon fonctionnement de l'ONU même en temps de crise (consid. 2a in fine). 
 
7.2.5. Les travaux préparatoires (cf. art. 32 CV) de cette convention onusienne corroborent la clarté du texte de l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU sur les privilèges, comme l'a retenu la DDIP. Elle a toutefois considéré que la question de l'introduction par les Etats d'une taxe de remplacement n'avait pas été évoquée lors de l'adoption de la Convention ONU sur les privilèges en 1946.  
S'il est vrai qu'une telle taxe n'a jamais fait l'objet de cette convention ou de discussions y relatives, il convient toutefois de se référer dans ce contexte aux circonstances et éléments suivants. Sur demande de l'Assemblée générale, le Secrétaire général a créé une base de données regroupant des documents juridiques concernant l'ONU ainsi que leur interprétation et développement dans le temps. Le but de cet annuaire juridique est de rendre accessibles les notions et concepts juridiques applicables au sein de l'organisation internationale (cf. résolution 176 [II] et résolution 1814 [XVII]; voir aussi le site internet relatif au "United Nations Jurisdiction Yearbook" [UNJYB], https://legal.un.org/unjuridicalyearbook/index_fr.shtml, consulté le 19 juin 2023). Dans le cadre d'une publication dans cet annuaire juridique, il a été retenu que "Le concept de service national a été interprété par les Nations Unies comme englobant, pour le service des forces armées, d'autres formes de service obligatoire" (UNJYB, année 1984, chapitre VI, Choix d'avis juridiques des secrétariats de l'Organisation des Nations Unies et des organisations intergouvernementales qui lui sont reliées, n. 29, p. 208 ss), ce qui inclut donc aussi la taxe militaire (cf. consid. 7.2.3 supra). 
En outre, dans le cadre d'un cas concret survenu en 1962, le Bureau des affaires juridiques ("the Office of legal Affairs") a considéré que le paiement par un fonctionnaire de l'ONU ("staff member") d'un montant de 2'400 dollars (deux fois 1'200) - en tant que garantie pour qu'il retourne dans son pays effectuer son service militaire - n'était pas compatible avec l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU et que cette garantie était donc comprise dans l'expression "toute obligation relative au service national" ("Yearbook of the international law commission", 1967, volume II, Documents of nineteenth session including the report of the Commission to the General Assembly, https://www.unmultimedia.org/searchers/yearbook/index_un2.jsp, consulté le 21 avril 2023). 
Ces éléments permettent de corroborer le résultat de l'interprétation littérale de la Convention ONU sur les privilèges (cf. art. 32 CV), en ce sens que l'exemption de tout service national inclut également toute forme de compensation financière au service militaire comme la taxe d'exemption de l'obligation de servir. 
 
7.3. Compte tenu de ce qui précède, le recourant doit être considéré comme un fonctionnaire de l'ONU au sens de l'art. V section 18 let. c de la Convention ONU sur les privilèges (cf. consid. 4.4 supra). Il bénéfice ainsi à ce titre de l'exemption de tout service national, y compris de la taxe militaire. Son recours est dès lors bien fondé.  
 
8.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 et 4 a contrario LTF). Le recourant n'étant pas représenté, il ne lui est pas alloué de dépens (art. 68 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2 ème section, du 12 avril 2022 est réformé en ce sens que le recourant n'est pas assujetti à la taxe d'exemption de l'obligation de servir pour les années 2019 et 2020.  
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la République et canton de Genève. 
 
3.  
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2 ème section, pour nouvelle décision sur les frais de la procédure antérieure.  
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2 ème section, à l'Administration fédérale des contributions et au Département fédéral des affaires étrangères, Direction du droit international public DDIP.  
 
 
Lucerne, le 17 juillet 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Feller