1C_245/2022 04.10.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_245/2022  
 
 
Arrêt du 4 octobre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Müller et Merz. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
Commune de Sembrancher, Administration communale, 1933 Sembrancher, représentée par Me Philippe Loretan, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Grand Conseil du canton du Valais, Grand-Pont 4, case postale 478, 1951 Sion. 
 
Objet 
Déni de justice et retard injustifié; récusation, 
 
 
Faits :  
 
A.  
En 2019, le journal valaisan "Le Nouvelliste" a sollicité l'accès à des documents en mains de la commune de Sembrancher (ci-après: la commune), en se fondant sur la loi cantonale sur l'information du public, la protection des données et l'archivage du 9 octobre 2008 (LIPDA; RS/VS 170.2). La commune a refusé de donner cet accès. 
Le 4 octobre 2019, le Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après: le Préposé), Sébastien Fanti, a été saisi d'une demande de médiation. Il a demandé à la commune de lui adresser les documents sollicités. Celle-ci a refusé. Par courrier du 11 février 2020 - adressé à l'avocat de la commune (avec copie au Nouvelliste, au président du Conseil d'Etat valaisan, au Conseiller d'Etat Frédéric Favre, au Chef de service du Service des affaires intérieures et communales et à la Commission cantonale de protection des données et de la transparence) -, le Préposé a informé qu'il se rendrait personnellement dans les locaux de la commune pour consulter les documents en question le 18 février 2020 à 9h00, accompagné d'un témoin; un procès-verbal serait établi à cette occasion s'agissant des pièces dont la commune alléguait qu'elles seraient trop volumineuses pour lui être remises. 
Le 18 février 2020, le Préposé s'est rendu dans les locaux de la commune. L'accès lui a été refusé. 
Le 20 février 2020, la commune de Sembrancher a sollicité du Préposé qu'il se récuse dans le cadre de la procédure de médiation précitée, respectivement de l'Autorité de surveillance qu'elle statue sur la demande de récusation du Préposé. Le 20 février 2020, le Préposé a refusé de se récuser. 
Le Tribunal cantonal du canton du Valais, le Conseil d'Etat du canton du Valais, la Commission cantonale de protection des données et de transparence ainsi que la Présidence du Grand Conseil valaisan se sont tous estimés incompétents pour traiter de la demande de récusation. La Cour des conflits de compétence entre le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire du canton du Valais (ci-après: la Cour des conflits de compétence) s'est alors réunie, en application de la loi cantonale sur l'organisation de la cour chargée de statuer sur les conflits de compétence entre le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire du 25 mai 1877 (loi sur l'organisation de la cour des conflits de compétence; RS/VS 170.7), afin de déterminer l'autorité compétente pour statuer sur la demande de récusation du Préposé. 
Par décision du 7 décembre 2020, se fondant notamment sur l'art. 10 de la loi sur la procédure et la juridiction administratives du 6 octobre 1976 (LPJA; RS/VS 172.6), la Cour des conflits de compétence a désigné le Grand Conseil du canton du Valais en qualité d'autorité compétente pour statuer sur la demande de récusation du Préposé formée par la commune. Le Grand Conseil a recouru au Tribunal fédéral contre la décision du 7 décembre 2020. Par arrêt 1C_36/2021 du 3 juin 2021, le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable, faute de qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
B.  
Le 30 août 2021, la commune de Sembrancher a demandé au Grand Conseil quelle était la commission en charge du traitement de son dossier et a indiqué qu'elle devait être entendue avant qu'une décision soit prise. Le Grand Conseil n'a ni accusé réception ni répondu à cette demande. 
Le 2 novembre 2021, la commune a indiqué au Grand Conseil que le dossier la concernant était entre ses mains depuis plus d'une année, qu'il n'avait pas accusé réception de sa demande du 30 août 2021 et que, partant, sans retour de sa part dans un délai de 20 jours, un recours pour déni de justice serait déposé. Le Grand Conseil n'a ni accusé réception ni répondu à cette demande. 
Le 23 décembre 2021, la commune a à nouveau rappelé au Grand Conseil qu'il n'avait même pas eu la courtoisie d'accuser réception des courriers envoyés. 
Le 13 janvier 2022, le Grand Conseil a accusé réception uniquement du courrier du 23 décembre 2021 et a indiqué que le Bureau du Grand Conseil en prendrait connaissance lors de sa prochaine réunion, en février 2022. 
Par courrier du 5 mars 2022 (dont l'avocat de la commune dit avoir pris connaissance le 15 mars 2022), le Grand Conseil a informé l'avocat de la commune que le Bureau du Grand Conseil avait décidé, le 15 février 2022, de renoncer à statuer pour les raisons suivantes: la décision de savoir si le Préposé devait se récuser pourrait être prise au plus tôt lors de la session de juin 2022, dans le respect de toutes les règles procédurales auxquelles le Grand Conseil était soumis; l'élection d'un préposé extraordinaire à la protection des données pourrait avoir lieu au plus tôt lors de la session de novembre 2022; celui-ci ne pourrait donc être actif que quelques semaines avant la fin de l'année 2022; en outre le mandat de l'actuel Préposé, dont la récusation est demandée, se terminait fin 2022; il était donc plus prudent d'attendre la nomination du nouveau préposé afin que ce soit lui, et non un préposé extraordinaire, qui puisse s'occuper de cette affaire. 
Par courrier du 10 mars 2022, la commune a relancé le Grand Conseil. 
 
C.  
Le 3 mai 2022, la commune de Sembrancher saisit le Tribunal fédéral d'un recours pour déni de justice et retard injustifié (art. 94 LTF). Elle demande la constatation que le traitement de la question de la récusation du Préposé cantonal à la protection des données et de la transparence Sébastien Fanti dans le cadre de la procédure de médiation ordonnée le 4 octobre 2019 par le Grand Conseil dépasse tout délai raisonnable et constitue manifestement un retard injustifié et un déni de justice. Elle requiert aussi d'ordonner au Grand Conseil de rendre une décision formelle sur cette demande de récusation dans les deux mois suivant la réception du jugement du Tribunal fédéral. 
Invité à se déterminer, le Grand Conseil conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Le Préposé Sébastien Fanti a déposé des déterminations spontanées, dans lesquelles il conclut à l'admission du recours. La recourante a répliqué par courrier du 2 septembre 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
1.1. Le retard à statuer ou le refus de statuer concerne en l'espèce une cause de droit public, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est ouverte (art. 82 let. a LTF).  
 
1.2. D'après l'art. 100 al. 7 LTF, le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps.  
 
1.3. Selon l'art. 94 LTF, le recours pour déni de justice et retard injustifié est recevable si, sans en avoir le droit, la juridiction saisie s'abstient de rendre une décision sujette à recours ou tarde à le faire.  
 
1.3.1. En vertu de l'art. 29 al. 1 Cst., toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable. Cette disposition consacre le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (cf. ATF 130 I 312 consid. 5.1). Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4). Peu importe les raisons du retard; un manque d'organisation ou une surcharge de travail n'empêchent pas de reprocher un retard injustifié. Le seul élément déterminant est que l'autorité n'agit pas dans les délais (ATF 144 II 486 consid. 3.2; 135 I 265 consid. 4.4).  
L'art. 94 LTF suppose d'abord que l'autorité cantonale ait été saisie d'une requête, d'une demande ou d'un recours et qu'elle se soit abstenue de statuer, alors qu'elle y est en principe obligée. Cette disposition impose ensuite que la décision qui devrait être rendue soit une décision sujette à recours au Tribunal fédéral. Enfin, pour pouvoir se plaindre avec succès d'un retard injustifié, la partie doit en outre être vainement intervenue auprès de l'autorité pour que celle-ci statue à bref délai (arrêt 5A_825/2019 du 25 octobre 2019 consid. 2 et les références citées). 
 
1.3.2. Ces conditions sont remplies en l'espèce.  
D'abord, par décision du 7 décembre 2020, se fondant notamment sur l'art. 10 LPJA, la Cour des conflits de compétence (dont le Président du Grand Conseil est membre) a désigné le Grand Conseil en qualité d'autorité compétente pour statuer sur la demande de récusation du Préposé formée par la commune. Par arrêt 1C_36/2021 du 3 juin 2021, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours déposé par le Grand Conseil contre cette décision. Le Grand Conseil est dès lors tenu de statuer sur la demande de récusation depuis le 3 juin 2021 (date à laquelle la décision du 7 décembre 2020 est entrée en force [art. 61 LTF]), soit depuis plus de 15 mois. Il n'a rendu aucune décision sur cette demande de récusation et au contraire, par courrier du 5 mars 2022, il a informé la commune de son refus de statuer (sur les motifs de son refus de statuer voir infra consid. 1.4.3). 
Ensuite, la décision qui devrait être rendue par le Grand Conseil est une décision sujette à recours au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 149 du règlement du Grand Conseil du canton du Valais du 13 septembre 2001 (RGC; RS/VS 171.100). 
Enfin, la recourante n'est pas restée inactive et est intervenue à plusieurs reprises auprès du Grand Conseil pour qu'il rende une décision, soit les 30 août 2021, 2 novembre 2021, 23 décembre 2021 et 10 mars 2022. Elle l'a menacé d'un recours pour déni de justice formel le 2 novembre 2021. Elle est dès lors fondée à se plaindre d'un retard à statuer. 
 
1.4. La commune fonde sa qualité pour recourir sur l'art. 89 al. 1 LTF.  
 
1.4.1. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.  
Selon la jurisprudence, une collectivité publique peut fonder son recours sur cette disposition dans deux situations: lorsqu'elle est atteinte de la même manière qu'un particulier dans sa situation juridique ou matérielle (notamment s'il s'agit de sauvegarder son patrimoine administratif ou financier), ou lorsqu'elle est touchée dans ses prérogatives de puissance publique ("in ihren hoheitlichen Befugnissen berührt") et dispose d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'acte attaqué (cf. ATF 141 II 161 consid. 2.1; 140 I 90 consid. 1.2.2 et les références citées). Tel est le cas lorsqu'un acte de puissance publique concerne des intérêts publics essentiels dans un domaine qui relève de la compétence de l'autorité (ATF 137 IV 269 consid. 1.4; 136 II 383 consid. 2.4; 135 II 12 consid. 1.2.2). 
 
1.4.2. En l'occurrence, point n'est besoin de trancher la question de savoir si la problématique de l'accès - fondé sur la LIPDA/VS - à des documents officiels en main de la commune touche celle-ci dans ses prérogatives de puissance publique et concerne des intérêts publics essentiels au sens de la jurisprudence. Il suffit effet de constater que, dans le cadre de la question procédurale posée (déni de justice en lien avec une demande de récusation), la recourante est atteinte de la même manière qu'un particulier dans sa situation juridique. Dans la mesure où la commune estime que la récusation du préposé prénommé est nécessaire et soutient subir un préjudice de l'absence de cette récusation, elle est aussi touchée par l'absence de toute décision et a donc qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.  
 
1.4.3. L'intérêt digne de protection doit par ailleurs être actuel (ATF 137 I 23 consid. 1.3.1 et la jurisprudence citée).  
Le Grand Conseil soutient qu'il n'y a plus d'intérêt actuel au recours. Il explique que le mandat du Préposé Sébastien Fanti prendra fin le 31 décembre 2022. Il expose pouvoir prendre une décision sur la récusation du prénommé au plus tôt lors de la session de novembre 2022, de sorte que la nomination d'un préposé ad hoc ou d'un nouveau préposé ne sera pas possible avant la fin 2022. Le Grand Conseil estime qu'il n'est pas nécessaire de statuer sur la demande de récusation dans ces circonstances très particulières et considère qu'il est légitime que le futur préposé se prononce sur la question et décide quels documents la commune doit transmettre au Nouvelliste. 
Ce raisonnement ne peut être suivi. L'objet de la contestation porte sur le retard puis le refus de statuer sur une demande de récusation; une décision rendue par la Cour des conflits de compétence, entrée en force le 3 juin 2021 (art. 61 LTF), impose au Grand Conseil de rendre une décision sur la demande de récusation; le Grand Conseil ne peut dès lors pas se contenter d'attendre que l'actuel Préposé dont la récusation est demandée quitte ses fonctions et qu'un nouveau préposé soit nommé; décider, le 15 février 2022, de renoncer à statuer car 10 mois plus tard le Préposé ne sera plus en fonction constitue un déni de justice formel; de la sorte, aucune décision ne sera rendue sur la demande de récusation. Or, il existe un intérêt actuel à déterminer si la demande de récusation est fondée. La question juridique du bien-fondé de la demande de récusation doit être tranchée. Il ne suffit pas d'avancer que si la personne dont la récusation est demandée ne sera plus en fonction à partir de janvier 2023, il est inutile de statuer sur cette demande. Le Grand Conseil reconnaît d'ailleurs pouvoir au plus tôt lors de sa session de novembre 2022 statuer sur l'admission ou le rejet de la demande de récusation (déterminations du Grand Conseil du 23 août 2022 p. 5). Quoi qu'en dise le Grand Conseil, le fait qu'en cas d'admission de la demande de récusation, la nomination d'un préposé ad hoc ou d'un nouveau préposé cantonal ne puisse intervenir avant la fin de l'année 2022 importe peu. Le Grand Conseil est uniquement tenu de déterminer si la demande de récusation est fondée ou non, ne serait-ce que pour trancher la question de la validité des actes déjà entrepris par le Préposé actuel dans ce dossier. 
 
2.  
Le recours doit par conséquent être admis. Le déni de justice est constaté et le Grand Conseil est invité à statuer sur la demande de récusation du Préposé Sébastien Fanti dans le cadre de la procédure de médiation litigieuse, au plus tard dans les deux mois à compter de la réception du présent arrêt. 
Vu l'issue du recours, l'arrêt est rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF). La commune, qui a agi dans l'exercice de ses attributions officielles, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. Le déni de justice est constaté et le Grand Conseil est invité à statuer sur la demande de récusation du Préposé Sébastien Fanti dans le cadre de la procédure de médiation litigieuse, au plus tard dans les deux mois à compter de la réception du présent arrêt. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la commune de Sembrancher, au Grand Conseil du canton du Valais, au Préposé cantonal et au Nouvelliste à titre d'information. 
 
 
Lausanne, le 4 octobre 2022 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Tornay Schaller