1C_551/2021 15.05.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_551/2021  
 
 
Arrêt du 15 mai 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Müller. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________ et B.A.________, 
tous les deux représentés par Me Alain Maunoir, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Chemins de fer fédéraux suisses CFF SA, 
représentée par Me Benoît Carron, avocat, 
intimée, 
 
Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement. 
 
Objet 
Expropriation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 12 juillet 2021 (A-6452/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 5 mai 2008, l'Office fédéral des transports (OFT) a approuvé les plans du projet ferroviaire Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse (ci-après: le CEVA) et a accordé aux Chemins de fer fédéraux CFF SA (ci-après: les CFF ou les expropriants) ainsi qu'à l'Etat de Genève le droit d'exproprier les propriétaires concernés, parmi lesquels figurent A.A.________ et B.A.________ (ci-après: les expropriés) pour la parcelle n° 2387 de la commune de Carouge, selon les plans d'emprise et les tableaux des droits à exproprier. Cette décision a été confirmée tant par le Tribunal administratif fédéral (cf. arrêt A-3713/2008 du 15 juin 2011, partiellement publié aux ATAF 2012/23) que par le Tribunal fédéral (cf. arrêts 1C_342/2011, 1C_343/2011, 1C_344/2011 et 1C_348/2011 du 15 mars 2012). 
Par décision du 13 mars 2017, l'OFT a approuvé les plans de modification du CEVA et a accordé aux CFF ainsi qu'à l'Etat de Genève le droit d'exproprier les propriétaires concernés selon les plans d'emprise et les tableaux des droits à acquérir. En ce qui concerne la parcelle des expropriés, les plans prévoyaient une emprise définitive de 395 m 2 pour réaliser une sortie de secours ainsi qu'une emprise temporaire de 1'021 m 2 pendant une année et demie pour les travaux, cette emprise temporaire se superposant à celle de 1'019 m 2 constituée par la décision d'approbation des plans du 5 mai 2008.  
 
B.  
Par décision du 15 octobre 2019, la Commission fédérale d'estimation du 1 er arrondissement (ci-après: la CFE) s'est prononcée sur la demande tendant à l'obtention d'une "indemnité pleine et entière" d'un minimum de 1'183'143 fr., formée par les expropriés en date du 16 mai 2017. La CFE a notamment condamné les CFF à verser aux expropriés la somme de 445'528 fr., plus intérêts à 1.5 % à compter du 8 novembre 2017, à titre d'indemnité pour l'expropriation partielle de leur parcelle.  
 
C.  
Les CFF et les expropriés ont formé un recours, respectivement un recours joint auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après: le TAF) à l'encontre de la décision du 15 octobre 2019. Par arrêt du 12 juillet 2021, le TAF a partiellement admis le recours des expropriants et celui des expropriés; il a annulé la décision du 15 octobre 2019 de la CFE et renvoyé la cause à cette dernière pour instruction complémentaire et nouveau prononcé au sens des considérants. En substance, le TAF a relevé que seul était litigieux le montant de l'indemnité d'expropriation versée aux expropriés. Il a tout d'abord examiné l'indemnisation en lien avec l'emprise définitive de 376 m 2, répartis à raison de 141 m 2 en 5 ème zone à bâtir, de 206 m 2 en zone ferroviaire et de 29 m 2 en zone de bois et forêts; le TAF a sur ces trois points renvoyé la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision. Le TAF a ensuite examiné l'indemnisation due pour la constitution de trois servitudes souterraines; sur ce point, il a également renvoyé la cause pour nouvelle décision. Le TAF a ensuite confirmé qu'aucune indemnité n'était due au titre de la perte de valeur de la partie non expropriée de la parcelle. Enfin, s'agissant de l'emprise temporaire de 1'019 m 2 dès le 20 décembre 2013, puis de 1'021 m 2 dès le 15 août 2017, le TAF a annulé la décision du 15 octobre 2019 en tant qu'elle accordait une indemnité forfaitaire de 2'500 fr. aux expropriés: aucune indemnisation n'était due in casu au titre d'expropriation temporaire.  
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les expropriés demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette définitivement toute indemnisation pour les postes suivants: expropriation définitive de 206 m 2 situés en zone ferroviaire; constitution de servitudes liées au passage du tunnel ferroviaire; perte de valeur de la partie non expropriée de leur parcelle; emprise temporaire d'environ 1'019 m 2 d'une partie de leur parcelle de décembre 2013 à août 2017. Ils demandent le renvoi de la cause à l'instance précédente ou à la CFE pour qu'elle rende une décision s'agissant des deux premiers postes (indemnisation en lien avec l'emprise définitive de 206 m 2 en zone ferroviaire et la constitution des trois servitudes souterraines) et qu'elle condamne les CFF à leur payer, avec intérêts, les sommes respectivement de 2'038 fr. par an dès le 20 décembre 2013 pour l'emprise temporaire de 1'019 m 2, de 4 fr. par an dès le 15 août 2017 pour l'emprise temporaire de 2 m 2 et, enfin, de 250'000 fr. au minimum à titre d'indemnité pour compenser la perte de valeur de la partie restante de leur parcelle. A titre subsidiaire, les recourants expropriés demandent le renvoi de la cause au TAF ou à la CFE pour nouvelle décision sur tous les postes précités.  
Le TAF se réfère intégralement à l'arrêt attaqué. La CFE persiste intégralement dans les considérants de sa décision du 15 octobre 2019. Les CFF concluent à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours des expropriés. Ces derniers répliquent. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui sont déposés devant lui. 
 
1.1. La voie du recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF est en principe ouverte contre une décision prise par le TAF (art. 86 al. 1 let. a LTF) en matière d'indemnisation pour expropriation (art. 82 let. a LTF).  
Le recours est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), les décisions partielles (art. 91 LTF) ainsi que les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 al. 1 LTF). Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. a LTF). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure. En tant que cour suprême, le Tribunal fédéral doit en principe ne s'occuper qu'une seule fois d'un procès, et cela seulement lorsqu'il est certain que le recourant subit effectivement un dommage définitif (ATF 141 III 80 consid. 1.2; 134 IV 43 consid. 2.1). 
Aux termes de l'art. 91 LTF, traitant des décisions partielles, le recours est recevable contre toute décision qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (let. a) ou qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (let. b). La décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF est une variante de la décision finale visée par l'art. 90 LTF. Il s'agit d'une décision par laquelle le juge statue de manière définitive sur une partie de ce qui est demandé, qui aurait pu être jugée indépendamment des autres prétentions formulées. Cette indépendance suppose en particulier qu'il n'existe pas de risque que la décision à rendre sur le reste du litige ne se trouve en contradiction avec la décision partielle, destinée à entrer en force (cf. ATF 146 III 254 consid. 2.1.1 et les arrêts cités; arrêt 9C_664/2020 du 27 janvier 2021 consid. 1.2). 
 
1.2. En l'espèce, les recourants soutiennent que la décision du TAF serait en partie une décision partielle (s'agissant de l'indemnité liée à l'emprise temporaire et à la perte de valeur de la partie restante de la parcelle) et en partie une décision finale, voire une décision incidente occasionnant un préjudice irréparable (s'agissant de l'indemnité liée à l'emprise définitive), de sorte que le Tribunal fédéral devrait entrer en matière sur le présent recours.  
 
1.3. En l'espèce, l'arrêt attaqué ne met pas un terme à la procédure d'indemnisation pour expropriation qui divise les recourants aux CFF dès lors que le dossier est renvoyé à la CFE pour qu'elle procède à une nouvelle instruction et rende une nouvelle décision, en lien avec l'indemnisation due pour l'emprise définitive et celle due pour la constitution de trois servitudes souterraines. L'arrêt attaqué s'analyse ainsi comme une décision de renvoi qui ne saurait être assimilée à une décision finale, dans la mesure où elle laisse une importante latitude de jugement à l'instance précédente sur les points encore en suspens (cf. ATF 140 V 282 consid. 4.2; 135 V 141 consid. 1.1; 134 II 124 consid. 1.3). En effet, la CFE doit entre autres, s'agissant de l'indemnisation pour l'emprise définitive, déterminer avec précision la méthode applicable pour fixer la valeur vénale, mais encore définir exactement l'assiette des servitudes souterraines. La CFE n'a donc pas un simple rôle d'exécutante. La décision attaquée ne saurait ainsi être assimilée à une décision finale.  
 
1.4. Ensuite, les recourants ne parviennent pas à démontrer que la décision attaquée les exposerait à un préjudice irréparable (cf. art. 93 al. 1 let. a LTF). Ils pourront en effet recourir contre la nouvelle décision de la CFE si elle devait leur être défavorable auprès du TAF puis, en dernier ressort, recourir contre l'arrêt rendu par cette juridiction et contre l'arrêt incident du 12 juillet 2021 auprès du Tribunal fédéral. S'ils devaient ne rien trouver à redire à son encontre, ils pourraient recourir directement auprès du Tribunal fédéral contre la décision de première instance et l'arrêt incident du 12 juillet 2021 en reprenant les arguments développés dans le présent mémoire de recours (art. 93 al. 3 LTF; cf. ATF 117 Ia 251 consid. 1b; 106 Ia 229 consid. 4; arrêt 1C_625/2018 du 3 décembre 2018 consid. 2). La prolongation de la procédure d'estimation et l'accroissement des frais qui pourrait en résulter sont en principe insuffisants pour admettre l'existence d'un dommage irréparable (cf. ATF 136 II 165 consid. 1.2.1 et les arrêts cités). Les recourants n'évoquent aucun élément qui permettrait d'en juger différemment dans le cas particulier.  
Les recourants ne prétendent par ailleurs pas que les conditions posées à l'art. 93 al. 1 let. b LTF seraient satisfaites. La recevabilité du recours au regard de cette disposition suppose cumulativement que le Tribunal fédéral puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (cf. ATF 134 II 142 consid. 1.2.3; 132 III 785 consid. 4.1). La première condition n'est pas réalisée au vu des conclusions prises par les recourants. En outre, il n'apparaît en l'état pas manifeste, et les recourants ne le prétendent pas, que la procédure d'estimation sera nécessairement longue et coûteuse jusqu'à ce que la CFE rende sa nouvelle décision. 
Aucune des deux conditions alternatives de l'art. 93 al. 1 LTF n'est réalisée. L'arrêt attaqué ne peut donc pas faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral en application de cette disposition, mais il pourra être contesté, le cas échéant, en même temps que l'arrêt final (art. 93 al. 3 LTF). 
 
1.5. Enfin, l'arrêt attaqué ne revêt pas davantage les caractéristiques d'une décision partielle contre laquelle un recours est recevable en vertu de l'art. 91 LTF, contrairement à ce que soutiennent les recourants s'agissant de l'indemnité pour l'emprise temporaire et celle pour la perte de valeur de la partie non expropriée de la parcelle (cf. arrêt entrepris consid. 8 et 9). Les recourants ont en effet conclu à l'octroi d'une indemnité pleine et entière d'un montant minimum de 1'183'143 fr. pour la parcelle n° 2387, faisant suite à l'approbation des plans ferroviaires par l'OFT. Les recourants n'ont pas formé plusieurs requêtes séparées, mais une seule concernant plusieurs éléments. En particulier, la perte de valeur de la partie restante de la parcelle, invoquée par les expropriés, constitue l'un des éléments de l'indemnité d'expropriation (cf. art. 19 let. b LEx). Quant à l'indemnité pour expropriation temporaire, elle correspond en substance à une indemnité pour les autres préjudices au sens de l'art. 19 let. c LEx (cf. ATF 132 II 427 consid. 6.2 et les réf. cit.). Dès lors que l'indemnité d'expropriation constitue une unité, les divers éléments qui la composent doivent être appréciés globalement, en principe dans une seule et même décision (cf. ATF 129 II 420 consid. 3.2.1; 105 Ib 327 consid. 1 et les réf. cit.). Seule une appréciation globale permet en principe de déterminer si le principe de la pleine indemnité est satisfaite (cf. art. 16 LEx). Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les recourants, la décision du TAF en tant qu'elle statue de façon définitive sur les postes relatifs à la perte de valeur de la partie restante de la parcelle et à l'emprise temporaire ne constitue pas une décision partielle. Comme exposé ci-dessus, les recourants n'ont pas formé plusieurs requêtes séparées, mais une seule requête tendant à l'octroi d'une indemnité pleine et entière d'un montant minimum de 1'183'143 fr. (cf. arrêt 1C_49/2011 du 29 mars 2011 consid. 1.1; cf. également ATF 136 II 165 consid. 1.1).  
Quoi qu'il en soit, les recourants seront légitimés à attaquer l'arrêt du TAF du 12 juillet 2021, notamment en tant qu'il se prononce définitivement sur les points relatifs à l'indemnisation liée à la perte de valeur subie par la partie restante et à l'emprise temporaire (cf. arrêt attaqué consid. 8 et 9), en même temps que la décision finale. 
 
2.  
Le recours doit par conséquent être déclaré irrecevable. Les recourants, qui succombent, supportent solidairement les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF), lesquels seront réduits s'agissant d'un arrêt d'irrecevabilité (art. 65 et 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 15 mai 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn