1C_382/2022 10.05.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_382/2022  
 
 
Arrêt du 10 mai 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
B.________, 
tous les deux représentés par Bucofras, Monsieur Alfred Ngoyi Wa Mwanza, 
recourants, 
 
contre  
 
Secrétariat d'Etat aux migrations, 
Quellenweg 6, 3003 Berne. 
 
Objet 
Protection des données; demande de changement de données dans SYMIC, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour V du Tribunal administratif fédéral du 19 mai 2022 (E-3230/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1951, et B.________, née en 1961, ont voyagé avec leurs passeports mozambicains et visas Schengen via l'Afrique du Sud et ont demandé l'asile le 1 er janvier 2018 dans la zone de transit de l'aéroport de Zurich. Selon leurs passeports, ils ont été enregistrés comme ressortissants mozambicains.  
Par décision du 17 janvier 2018, le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: SEM) n'est pas entré en matière sur la demande des prénommés et a ordonné leur renvoi vers l'Afrique du Sud. Par arrêt du 16 février 2018 (cause E-579/2018), le Tribunal administratif fédéral a admis le recours contre cette décision, l'a annulée et a renvoyé l'affaire à l'instance précédente pour réexamen. Le 22 février 2018, le SEM a autorisé les requérants à entrer en Suisse pour y mener la procédure d'asile. 
 
B.  
Dans le cadre de l'instruction, les prénommés ont affirmé être des ressortissants rwandais. En raison de problèmes au Rwanda, ils auraient déménagé au Mozambique en 2006. En 2013, ils auraient obtenu le statut de réfugié dans ce pays. Leurs documents d'identité mozambicains seraient authentiques, mais auraient été obtenus illégalement avec l'aide d'une connaissance. 
Au dossier figurent notamment les deux passeports mozambicains originaux précités, tous deux délivrés le 24 avril 2014, au nom de A.________ et de B.________; deux cartes d'identité mozambicaines originales, délivrées le 14 février 2013 aux mêmes noms. Selon le Service de contrôle des documents d'identité de l'Office fédéral de la justice (OFJ), aucun signe objectif de falsification n'a pu être constaté. 
Par requête du 30 janvier 2020, les intéressés ont déposé auprès du SEM deux cartes d'identité rwandaises originales au nom de C.________, né en 1951, et au nom de D.________, née en 1961. Il s'agissait de leurs véritables identités; après avoir fui le Rwanda, ils avaient vécu sous de fausses identités pour échapper à leurs persécuteurs, de sorte que leurs documents d'identité mozambicains ne seraient pas authentiques. Ils demandaient au SEM d'adapter en conséquence les entrées les concernant dans le Système d'information central sur la migration (ci-après: SYMIC). Le SEM a procédé au contrôle de ces documents et a conclu qu'aucune caractéristique objective de falsification ne pouvait être constatée. Par décision du 11 juin 2021, le SEM a rejeté la demande de rectification dans le SYMIC. Par acte du 14 juillet 2021, les intéressés on recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral, qui, par arrêt du 19 mai 2022, a rejeté le recours; le tribunal a néanmoins ordonné au SEM d'apposer la mention de leur caractère litigieux sur les données personnelles enregistrées dans le SYMIC. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ et B.________ demandent principalement l'annulation de cet arrêt du Tribunal administratif fédéral et le renvoi de la cause au SEM avec instruction d'enregistrer au SYMIC les données des recourants conformément à leurs cartes d'identité rwandaises. Subsidiairement, ils concluent au renvoi à l'autorité intimée pour instruction dans le sens des motivations du recours. Ils requièrent également l'octroi de l'assistance judiciaire partielle. 
Le Tribunal administratif fédéral conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le SEM demande implicitement le rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La décision attaquée a été rendue en langue allemande. Compte tenu des circonstances du cas particulier, il sera exceptionnellement renoncé à la règle de principe de l'art. 54 al. 1 LTF et l'arrêt sera rendu en français, langue dans laquelle est libellé le recours (cf. art. 42 al. 1 LTF). 
 
2.  
Dirigé contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral qui confirme le refus du SEM d'ordonner la modification du SYMIC dans le sens souhaité par les recourants, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 let. a et 86 al. 1 let. a LTF), aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée (cf. arrêt 1C_44/2021 du 4 août 2021 consid. 1). Les modifications refusées concernant l'identité respective de chacun des recourants et leur nationalité, ceux-ci sont particulièrement touchés par la décision attaquée et bénéficient d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Ils jouissent ainsi de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité étant au surplus réunies, il convient d'entrer en matière sur le recours en matière de droit public, ce qui conduit à l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF). 
 
3.  
Dans une première partie de leur écriture, les recourants présentent leur propre état de fait. Une telle manière de procéder, dans la mesure où les faits exposés - qui sont au demeurant essentiellement en lien avec la procédure d'asile - s'écartent des constatations de l'instance précédente ou les complètent, sans qu'il soit indiqué que celles-ci seraient manifestement inexactes ou arbitraires (cf. art. 97 et 105 LTF), est irrecevable, le Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 139 II 404 consid. 10.1). 
 
4.  
Les recourants se plaignent d'une violation des art. 5 al. 1 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1), 19 al. 3 de l'ordonnance SYMIC du 12 avril 2006 (RS 142.513), en relation avec l'art. 1a let. c de l'ordonnance 1 sur l'asile relative à la procédure du 11 août 1999 (OA 1; RS 142.311). Ils reprochent en substance aux autorités précédentes de n'avoir pas adapté le SYMIC conformément aux derniers documents d'identité rwandais produits et établis au nom de C.________, né en 1951, ainsi qu'au nom de D.________, née en 1961, et attestant de leur nationalité rwandaise. 
 
4.1. Le registre informatique SYMIC permet, notamment, le traitement uniforme des données relatives à l'identité des étrangers, y compris ceux qui relèvent du domaine de l'asile (cf. art. 3 al. 1 de la loi fédérale du 20 juin 2003 sur le système d'information commun aux domaines des étrangers et de l'asile [LDEA; RS 142.51]). Le SYMIC contient des données relatives à l'identité des personnes enregistrées (cf. art. 4 al. 1 let. a LDEA). Par identité, il faut en particulier entendre les noms, prénoms et nationalités ainsi que la date et le lieu de naissance (cf. art. 1a let. a OA 1).  
Selon l'art. 19 al. 1 de l'ordonnance SYMIC, les droits des personnes concernées en matière de protection des données sont régis par la LPD et la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA; RS 172.021). Conformément à l'art. 5 LPD, celui qui traite des données personnelles doit s'assurer qu'elles sont correctes. Il prend toute mesure appropriée permettant d'effacer ou de rectifier les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées (al. 1). Si les données sont traitées par un organe fédéral, quiconque a un intérêt légitime peut exiger qu'il les rectifie lorsqu'elles sont inexactes (cf. art. 5 al. 2 LPD en relation avec l'art. 25 al. 3 let. a LPD). Le droit à obtenir une rectification dans un tel cas est absolu. Il appartient au maître du fichier, en l'occurrence le SEM (cf. art. 2 LDEA), de prouver l'exactitude des données lorsque la personne concernée les conteste. En revanche, il incombe à la personne qui demande la rectification d'une donnée de prouver l'exactitude de la modification demandée (cf. arrêts 1C_44/2021 du 4 août 2021 consid. 4; 1C_240/2012 du 13 août 2012 consid. 3.1; 1C_114/2012 du 25 mai 2012 consid. 2.1). 
L'art. 25 al. 2 LPD dispose par ailleurs que si ni l'exactitude ni l'inexactitude d'une donnée personnelle ne peut être prouvée, l'organe fédéral doit ajouter à la donnée la mention de son caractère litigieux. Cette disposition a été introduite pour que, si l'enquête administrative ne permet pas d'établir l'exactitude ou l'inexactitude d'une donnée et que l'autorité refuse de renoncer à la donnée contestée, la mention de son caractère litigieux puisse être ajoutée. Dite mention est notamment le signe que la personne concernée ne partage pas l'avis des autorités sur la présentation des faits (cf. arrêts 1C_44/2021 du 4 août 2021 consid. 4; 1C_114/2012 du 25 mai 2012 consid. 5; Message du Conseil fédéral du 23 mars 1988 concernant la LPD, FF 1988 II p. 483). 
 
4.2. Lors de la saisie des données, le SEM doit se conformer à sa directive du 1er juillet 2022 - remplaçant la version du 1 er juillet 2020 - sur la saisie et la modification des données personnelles dans SYMIC. Selon le ch. 2.1.1 de cette directive, l'identité d'une personne est considérée comme établie si cette dernière est titulaire d'un document d'identité ou de voyage de son pays d'origine, qui est authentique et valable, délivré à son nom. Cette identité est en principe l'identité principale (ch. 2.1.3). Si plusieurs identités sont connues pour une personne, l'enregistrement de l'identité principale s'effectue à l'aide des documents officiels. En cas de doute, les données dont la probabilité qu'elles soient correctes est la plus grande sont saisies comme identité principale. Les autres identités sont qualifiées d'identités secondaires (ch. 3.8). Si une personne possède plusieurs nationalités, toute autre nationalité doit être enregistrée comme identité secondaire dans le domaine de l'asile (cf. ch. 3.3 in fine).  
 
4.3. Le Tribunal administratif fédéral a retenu que c'était avec leurs passeports mozambicains que les recourants avaient demandé et obtenu des visas Schengen auprès de l'Ambassade d'Allemagne au Mozambique, visas avec lesquels ils se sont rendus en Suisse. Ces passeports comportaient aussi des tampons d'entrée et de sortie attestant que les recourants s'en étaient servis pour revenir au Mozambique, après s'être rendus en Afrique du Sud. Le Service de contrôle des documents d'identité de l'Office fédéral de la justice (OFJ) n'avait enfin relevé aucun signe objectif de falsification sur ces documents d'identité. Aussi le SEM était-il à juste titre parti du principe, conformément au ch. 2.1.1 de la directive, que l'identité et la nationalité principale était celle attestée par des passeports valables et authentiques avec lesquels les recourants s'étaient rendus en Suisse. Les autres documents d'identité, également qualifiés d'authentiques, versés en cause ultérieurement attestaient cependant aussi de la nationalité rwandaise des recourants; les données du SYMIC inscrites sur cette base permettaient d'ailleurs aussi de retenir la nationalité rwandaise ainsi que d'autres données personnelles que celles figurant dans les passeports mozambicains. Les recourants n'étaient cependant pas parvenus à prouver que l'identité mozambicaine n'était pas correcte ou que la seule nationalité rwandaise était plus probable qu'une double nationalité. Il était ainsi pertinent d'avoir enregistré dans le SYMIC le Mozambique à titre de nationalité principale et le Rwanda comme deuxième nationalité, au titre de la double nationalité. La demande de rectification devait être rejetée. Au vu de ces différents éléments, il convenait néanmoins d'ordonner au SEM de mentionner le caractère contesté des données figurant au SYMIC.  
 
4.4. Les recourants contestent cette appréciation. A les comprendre, le fait que les documents rwandais ont été établis avant les documents mozambicains démontrerait sans conteste que les données figurant dans ces derniers ne contiendraient que des identités d'emprunt. En inscrivant ces données dans le SYMIC, le SEM aurait ainsi violé le droit fédéral. Ils critiquent plus spécifiquement le SEM pour n'avoir prétendument pas inscrit les données de leurs cartes d'identité rwandaises, lui reprochant d'avoir jugé ces données inexactes. Toutefois, comme le soulignent tant le Tribunal administratif fédéral que le SEM, les données issues des documents rwandais ont été inscrites dans le SYMIC, après analyse et reconnaissance de l'authenticité de ces documents; sous cet angle déjà la critique tombe ainsi à faux. Ces informations ne commandent en outre pas en soi de revenir sur l'identité et la nationalité du Mozambique inscrite au SYMIC conformément au ch. 2.1.1 de la directive du 1er juillet 2022. Pas plus que devant le Tribunal administratif fédéral, les explications des recourants ne permettent de conclure que les passeports mozambicains constitueraient des "vrais-faux", contenant des identités d'emprunt, pour voyager. Ils ne fournissent en particulier aucun élément convaincant - alors que cette démonstration leur incombe - prouvant que la nationalité principale mozambicaine enregistrée par le SEM ne serait pas correcte ou que la seule nationalité rwandaise serait plus probable qu'une double nationalité (cf. arrêts 1C_44/2021 du 4 août 2021 consid. 4; 1C_240/2012 du 13 août 2012 consid. 3.1; 1C_114/2012 du 25 mai 2012 consid. 2.1). L'appréciation des autorités précédentes se trouve encore confortée par le fait que les recourants se sont vus délivrer leurs passeports mozambicains après avoir vécu neuf ans au Mozambique, pays dans lequel la nationalité peut être obtenue après cinq ans de résidence (art. 11 let. a du Mozambican Nationality Act, du 25 juin 1975, disponible en anglais sur https://www.refworld.org/docid/3ae6b5238.html, consulté le 9 mai 2023), ce que les recourants ne discutent d'ailleurs pas. Au surplus, les recourants ne présentent aucun autre motif qui aurait imposé au SEM d'inscrire l'identité rwandaise à titre principal au détriment de la nationalité du Mozambique, à l'instar - par exemple - de la possibilité de se prévaloir d'un "meilleur statut juridique" (cf. directive ch. 3.3 in fine).  
Dans ces conditions, il n'apparaît pas contraire au droit fédéral d'avoir inscrit au SYMIC l'identité et la nationalité mozambicaine à titre d'identité principale. Il est également conforme, compte tenu de l'absence de traces de falsification sur les documents rwandais, d'avoir aussi retenu l'identité et la nationalité en découlant, le Rwanda n'excluant pas la double-nationalité - pas plus, selon les observations du SEM, que le Mozambique, en cas de naturalisation -, ce que les recourants ne contestent au demeurant pas. Cette appréciation se trouve de surcroît modérée, conformément au principe de la proportionnalité, par l'ordre donné au SEM de porter au registre la mention du caractère litigieux des données saisies (cf. art. 25 al. 2 LPD; cf. arrêt 1C_44/2021 du 4 août 2021 consid. 5.6). Au vu de l'impossibilité d'établir l'exactitude, respectivement l'inexactitude des données, cette mention est le signe que les intéressés ne partagent pas l'avis des autorités s'agissant de leur nationalité (cf. arrêt 1C_114/2012 du 25 mai 2012 consid. 5). 
 
4.5. Il s'ensuit que le grief doit être écarté.  
 
5.  
Cela conduit au rejet du recours en matière de droit public, dans la mesure de sa recevabilité. Compte tenu de la situation personnelle des recourants, l'arrêt sera rendu sans frais en application de l'art. 66 al. 1 2ème phrase LTF. La demande d'assistance judiciaire partielle est par conséquent sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Secrétariat d'Etat aux migrations et au Tribunal administratif fédéral. 
 
 
Lausanne, le 10 mai 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez