1C_540/2023 02.02.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_540/2023  
 
 
Arrêt du 2 février 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix, Haag, Müller et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Florian Baumann, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Entraide judiciaire internationale en matière pénale au Brésil; remise de moyens de preuve et de valeurs en vue de confiscation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, 
Cour des plaintes, du 19 septembre 2023 (RR.2022.18+RR.2022.19). 
 
 
Faits :  
 
A.  
B.________ a été gouverneur de l'Etat de Sao Paulo, au Brésil, de 1979 à 1983, puis maire de cette ville, entre 1993 et 1996. Son administration a été marquée par plusieurs affaires qui ont donné lieu à l'ouverture de procédures pénales, civiles et administratives, contre lui et des membres de sa famille. A la suite d'une dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS), le Ministère public genevois a ouvert, en 2001, une procédure pour blanchiment d'argent dans le cadre de laquelle il a notamment saisi les avoirs et la documentation relative au compte n° xxx détenu auprès de la Banque C.________ par A.________ et dont l'ayant droit est D.________, gendre de B.________. En exécution d'une demande d'entraide judiciaire, la documentation bancaire a été remise une première fois aux autorités brésiliennes (cf. arrêt 1A.286/2003 du 11 février 2004). D'autres demandes d'entraide ont été formées par la suite et la saisie des avoirs a été maintenue. 
Le 14 mars 2018, une nouvelle demande a été présentée par les autorités brésiliennes, faisant état d'un jugement définitif du 23 mai 2017 condamnant B.________ à 7 ans, 9 mois et 10 jours d'emprisonnement, ainsi qu'à la confiscation de tous ses biens en faveur de l'Etat du Brésil ("perte, en faveur du gouvernement fédéral, des biens, droits et valeurs objets du blanchiment en relation avec quoi l'accusé a été condamné, sous réserve du droit de la personne lésée ou du tiers de bonne foi", selon la traduction de ce jugement). Parmi ces avoirs figure le compte précité de A.________. Le Ministère public est entré en matière le 29 mai 2020 et la Fondation A.________ s'est déterminée, s'opposant à la transmission des pièces bancaires et à la restitution des fonds. 
Par deux décisions de clôture du 17 décembre 2021, le Ministère public a ordonné la transmission des documents d'ouverture et des relevés du 1er janvier 2010 au 19 juin 2020, ainsi que la remise des fonds aux autorités requérantes, soit un montant (au 27 juillet 2021) de 16'303'789 USD. 
 
B.  
Par arrêt du 19 septembre 2023, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours formé par la Fondation A.________ contre les deux ordonnances de clôture. La recourante avait eu un accès suffisant au dossier et les décisions du Ministère public étaient suffisamment motivées. La condition de la double incrimination était réalisée, les faits décrits étant constitutifs en droit suisse de corruption passive, gestion déloyale des intérêts publics et blanchiment d'argent. Le jugement du 23 mai 2017, entré en force, avait établi que les fonds détenus par A.________ provenaient de la corruption. La recourante ne produisait aucun élément de preuve permettant d'admettre que les fonds auraient une origine licite. Le montant restitué correspondait à la requête de l'autorité requérante. La documentation bancaire avait déjà été transmise au Brésil en 2004, mais l'autorité requérante pouvait obtenir des renseignements actualisés. La saisie du compte avait été ordonnée depuis 2001; on ne pouvait toutefois reprocher aux autorités brésiliennes ou suisses un retard inadmissible dans le traitement de la cause. La recourante, en tant que personne morale, ne pouvait invoquer l'art. 2 EIMP (RS 351.1). 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Fondation A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes ainsi que les deux ordonnances de clôture et de lever la saisie sur les avoirs concernés; subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal pénal fédéral. Elle requiert l'octroi d'un délai supplémentaire pour compléter son recours, ainsi que la renonciation à une avance de frais. 
La Cour des plaintes persiste dans les termes de son arrêt et renonce à présenter des observations. L'Office fédéral de la justice se réfère à l'arrêt attaqué et conclut au rejet du recours. Le Ministère public conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours. La recourante a répliqué le 7 décembre 2023 et maintenu ses conclusions, en produisant des copies et des traductions de jugements rendus au Brésil en avril et septembre 2023. Le Ministère public a ensuite renoncé à de nouvelles observations, tout comme le Tribunal pénal fédéral. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué ayant été rendu en français, il en ira de même du présent arrêt, quand bien même les mémoires de la recourante sont rédigés en allemand (art. 54 LTF). La recourante a demandé un délai supplémentaire pour compléter son recours, conformément à l'art. 43 LTF. Dans la mesure où le droit de réplique qui lui a été accordé lui a permis de présenter une écriture complémentaire, sa requête est ainsi satisfaite. 
 
2.  
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet le transfert d'objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3). Une violation du droit d'être entendu dans la procédure d'entraide peut également fonder un cas particulièrement important, pour autant que la violation alléguée soit suffisamment vraisemblable et l'irrégularité d'une certaine gravité (ATF 145 IV 99 consid. 1.5). 
Le Tribunal fédéral dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour répondre à la question de savoir s'il s'agit d'un cas particulièrement important (ATF 145 IV 99 consid. 1.2 et les arrêts cités). Dans le domaine de la "petite entraide", l'existence d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF doit être admise de manière restrictive (ATF 145 IV 99 consid. 1.2). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies. En particulier, il ne suffit pas d'invoquer des violations des droits de procédure; seule une violation importante, suffisamment détaillée et crédible peut conduire, le cas échéant, à considérer que la condition de recevabilité posée à l'art. 84 al. 2 LTF est réalisée (ATF 145 IV 99 consid. 1.4 et 1.5). 
 
2.1. L'arrêt attaqué confirme l'ordonnance de clôture du 17 décembre 2021 portant sur la transmission de la documentation bancaire, soit des renseignements concernant le domaine secret au sens de l'art. 84 al. 1 LTF. Toutefois, la recourante n'explique nullement en quoi le cas serait particulièrement important sur ce point. La transmission litigieuse vient compléter celle qui a été effectuée en 2004 et il ne se pose pas de question de principe à ce sujet. La recourante ne démontre d'ailleurs pas que les conditions d'entrée en matière seraient réunies à ce propos, de sorte que le recours est irrecevable s'agissant de la transmission de la documentation bancaire.  
 
2.2. S'agissant de la remise des fonds à l'autorité étrangère, faisant l'objet de la seconde ordonnance du 17 décembre 2021, la recourante relève qu'elle serait privée de ses avoirs à hauteur de 16 millions d'USD, après une saisie de plus de 22 ans. Elle relève qu'elle-même et ses ayants droit ne figurent pas dans le jugement de condamnation et qu'elle n'a pas été entendue dans la procédure brésilienne. Elle fait aussi grief à la Cour des plaintes de lui avoir dénié le droit d'invoquer l'art. 2 let. a EIMP.  
Le présent recours pose ainsi la question de la protection juridique accordée à une personne morale faisant l'objet d'une décision de confiscation rendue à l'étranger et exécutée en Suisse. La jurisprudence rendue jusqu'ici a laissé la question indécise, ce qui justifie une entrée en matière. 
 
2.3. Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Cette dernière exception vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée; peuvent notamment être introduits des faits nouveaux concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente, afin d'en contester la régularité (par exemple une violation du droit d'être entendu lors de mesures probatoires) ou encore des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 4A_434/2021 du 18 janvier 2022 consid. 2.2 et les références citées). En revanche, la partie recourante ne saurait introduire des faits ou moyens de preuve qu'elle a négligé de soumettre aux autorités cantonales (ATF 136 III 123 consid. 4.4.3), ou des preuves nouvelles concernant des arguments qui ont été régulièrement débattus devant l'instance précédente. Tel est le cas du jugement rendu le 25 septembre 2023 au Brésil, dont la recourante entend déduire - comme elle l'avait fait devant l'instance précédente - que ses avoirs n'auraient pas d'origine criminelle. Cette pièce est dès lors irrecevable.  
 
3.  
Aux termes de l'art. 74a EIMP, à la demande de l'autorité étrangère compétente, les objets ou valeurs saisis à titre conservatoire peuvent lui être remis au terme de la procédure d'entraide, en vue de confiscation ou de restitution à l'ayant droit (al. 1). Ces objets ou valeurs comprennent notamment le produit ou le résultat de l'infraction, la valeur de remplacement et l'avantage illicite (al. 2 let. b). La remise peut intervenir à tous les stades de la procédure étrangère, en règle générale sur décision définitive et exécutoire de l'Etat requérant (al. 3). Lorsque la remise est demandée en exécution d'une décision définitive et exécutoire dans l'Etat requérant, la question de savoir si les objets ou valeurs réclamés proviennent de l'infraction doit être considérée comme tranchée (ATF 131 II 169 consid. 6), ainsi que celle de savoir si les objets ou valeurs en question doivent être restitués ou confisqués (ATF 123 II 595 consid. 4e). Un contrôle matériel de la décision étrangère de confiscation est dès lors en principe exclu à moins qu'il n'apparaisse d'emblée clairement qu'une confiscation n'est pas possible (ATF 145 IV 99 consid. 3.2; 129 II 453; arrêts 1C_565/2019 du 10 février 2020 consid. 6.4; 1C_732/2020 du 10 février 2020 consid. 2.4). 
 
3.1. Selon la jurisprudence, l'art. 2 EIMP (qui permet notamment d'invoquer les défauts de la procédure étrangère) peut être invoqué en premier lieu par la personne qui fait l'objet d'une demande d'extradition. Si la demande d'entraide judiciaire porte sur la remise de moyens de preuve (art. 74 EIMP), seule la personne accusée peut s'en prévaloir à condition qu'elle se trouve dans l'Etat requérant et soit exposée concrètement à un risque de violation de ses droits de procédure (ATF 130 II 217 consid. 8.2).  
 
3.2. S'agissant de la remise de valeurs patrimoniales, la personne physique visée se trouve définitivement atteinte dans ses droits (en l'occurrence la garantie de la propriété), avec des conséquences qui peuvent être graves (privation des moyens d'existence); la jurisprudence lui reconnaît ainsi le droit d'invoquer l'art. 2 EIMP, même si elle ne réside pas dans l'Etat requérant. En revanche, les personnes morales n'ont, selon la jurisprudence constante, en principe pas qualité pour invoquer la clause d'ordre public de l'art. 2 EIMP (ATF 133 IV 40 consid. 7.2; 130 II 217 consid. 8.2; 126 II 258 consid. 2d/aa; 125 II 356 consid. 3b/bb; 115 Ib 68 consid. 6 et les références citées; ROBERT ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 5ème éd. 2019 n° 531). Cette jurisprudence a encore été confirmée récemment (arrêts 1C_624/2022 du 21 avril 2023 consid. 3.5 destiné à la publication; 1C_173/2023 du 25 avril 2023 consid. 1.2). La jurisprudence de la Cour des plaintes fait toutefois exception à ce principe lorsque la personne morale est elle-même poursuivie dans l'Etat requérant et qu'elle dénonce une violation de son droit à un procès équitable (TPF 2016 138 consid. 4.2, cité dans l'arrêt 1C_624/2022 consid. 3.5). Dans ses deux derniers arrêts cités (1C_624/2022 consid. 3.6, 1C_173/2023 consid. 1.2), le Tribunal fédéral a laissé la question indécise, considérant que la société intéressée, dont le compte avait été bloqué durant de nombreuses années, devait connaître l'existence de la procédure pénale étrangère et tenter d'intervenir pour y défendre ses droits.  
 
3.3. La question de savoir si la société visée en Suisse par une demande de restitution peut invoquer l'art. 2 EIMP peut également demeurer indécise en l'espèce. En effet, la jurisprudence admet que la partie touchée par la mesure de restitution peut faire valoir, dans le cadre de l'art. 74a EIMP, que le jugement de confiscation rendu à l'étranger viole de manière claire le droit à un procès équitable ou consacre un déni de justice flagrant (arrêt 1C_624/2022 consid. 4.3 et les arrêts cités). C'est donc dans ce cadre que peuvent être examinées les différentes objections de la recourante.  
 
4.  
La recourante reproche à la Cour des plaintes d'avoir retenu pour la première fois au cours de la procédure que E.________ et/ou D.________ avaient participé avec B.________ à une organisation criminelle au sens de l'art. 260ter CP, permettant un renversement du fardeau de la preuve (art. 72 CP) sans que la recourante n'ait pu se déterminer à ce propos ni fournir une contre-preuve. Se plaignant d'arbitraire, la recourante relève que les deux précités n'ont pas été condamnés pour participation à une organisation criminelle dans le jugement du 23 mai 2017 et la Cour des plaintes n'expliquerait pas en quoi les conditions de l'art. 260ter CP seraient réunies à leur égard. La recourante reproche ensuite à la Cour des plaintes d'avoir dérogé à la jurisprudence à propos des exigences minimales concernant les décisions étrangères de confiscation (art. 74a EIMP), dès lors que le droit d'être entendu de la recourante et de ses ayants droit n'avait pas été respecté dans la procédure brésilienne. La recourante ne pourrait se voir reprocher de ne pas s'être suffisamment défendue dans l'Etat requérant, dans la mesure où elle n'était pas partie à la procédure et n'a pas pu y participer, et où le "Paper-Trail" n'a pas été reconstitué à son égard. La recourante voit aussi une question juridique de principe dans le fait qu'elle s'est vu dénier la qualité pour invoquer l'art. 2 let. a EIMP en raison de sa qualité de personne morale, alors même qu'elle fait l'objet d'une décision de confiscation dans l'Etat requérant et serait ainsi privée de toute possibilité de défense conforme à l'art. 6 CEDH
 
4.1. L'arrêt attaqué rappelle la teneur du jugement du 23 mai 2017 de la Cour suprême fédérale du Brésil, condamnant B.________ à 7 ans, 9 mois et 10 jours d'emprisonnement ainsi qu'à la confiscation de tous ses biens en faveur de l'Etat. Celui-ci expose dans le détail le mécanisme de corruption passive en faveur de B.________ ainsi que le système de blanchiment auquel ont participé les membres de sa famille, en particulier sa fille E.________ et son gendre D.________, lesquels se seraient rendus coupables de participation à une organisation criminelle et de blanchiment d'argent. Le compte détenu par la recourante, dont le bénéficiaire était D.________ (et auparavant E.________), aurait été utilisé pour recevoir plusieurs millions de dollars provenant de ces activités. Les explications figurant dans le jugement et la demande d'entraide faisaient apparaître que les fonds en question procédaient bien du recyclage du produit du crime.  
 
4.2. Le jugement du 23 mai 2017 et la peine prononcée ne concernent certes que B.________ en tant qu'accusé. En revanche, la confiscation se rapporte à tous les biens, droits et valeurs objet du blanchiment ("perte, en faveur du gouvernement fédéral, des biens, droits, et valeurs objets du blanchiment en relation avec quoi l'accusé a été condamné, sous réserve du droit de la personne lésée ou du tiers de bonne foi"). Il ressort du jugement que l'ensemble de la famille du prévenu était impliquée dans les opérations de blanchiment d'argent effectuées entre 1997 et 2006 et portant sur plusieurs centaines de millions de dollars, selon un processus complexe qui est décrit dans le détail. Bien que les fonds soient détenus par les membres de la famille, ceux-ci n'agissaient que comme hommes de paille, B.________ étant le "vrai responsable" des sociétés off-shore impliquées. A ce titre, le compte de la recourante est expressément visé sous le premier chef d'accusation de blanchiment (pp. 7-8 du jugement - traduction). Il en résulte clairement que, même s'il n'est pas expressément mentionné dans le dispositif du jugement, le compte en question est concerné par la décision de confiscation pour avoir reçu le produit des actes de corruption passive commis par le condamné. Afin de lever tout doute à ce sujet, l'autorité requérante a produit une ordonnance provisoire du 12 novembre 2018 émanant également de la Cour suprême fédérale, dont il ressort que le compte de la recourante est visé par la décision de confiscation, en tant que produit du crime. Conformément à la jurisprudence précitée, en présence d'une décision de confiscation suffisamment claire, définitive et exécutoire, les objections quant à la provenance des fonds (paper trail) ne sont pas recevables devant les autorités suisses d'entraide judiciaire puisque cette question matérielle est, comme on l'a vu, considérée comme réglée dans le jugement étranger (ATF 131 II 169 consid. 6).  
Les développements de la Cour des plaintes concernant la participation à une entreprise criminelle et la présomption du pouvoir de disposition sur les fonds ne sont donc émis qu'à titre superfétatoire, et il n'y a pas de violation du droit d'être entendue de la recourante à ne pas l'avoir invitée à se prononcer sur ce point. Le grief relatif au principe de réciprocité, en rapport avec le renversement du fardeau de la preuve pour les organisations criminelles, tombe lui aussi à faux. 
 
4.3. La recourante fait grand cas du fait qu'elle n'a pas pu participer à la procédure au Brésil; elle en déduit que le jugement du 27 mai 2017 ne satisferait pas aux exigences de l'art. 74a EIMP. Contrairement à ce qu'elle soutient, la Cour des plaintes ne s'est pas contentée de renvoyer sur ce point à l'art. 74a al. 4 let. c EIMP (consid. 7.7); elle a relevé que l'autorité requérante avait garanti à plusieurs reprises la protection des tiers de bonne foi. Cela ressort en effet du jugement du 23 mai 2017 (p. 98 de la traduction), de la demande d'entraide complémentaire du 14 mars 2018 (qui cite à ce propos l'art. 91 ch. II let. b du code pénal brésilien, qui prévoit la confiscation du produit de l'infraction sous réserve du droit de la partie lésée ou du tiers de bonne foi), ainsi que de la lettre du Ministère public fédéral brésilien du 20 février 2020 répondant à l'interpellation de l'OFJ. La Cour des plaintes en a ainsi logiquement déduit que la recourante pourrait intervenir dans l'Etat requérant pour faire valoir ses droits en tant que tiers de bonne foi. La recourante se plaint également à tort de ne pas avoir pu intervenir dans la procédure pénale ayant abouti au jugement du 23 mai 2017. En effet elle connaît depuis de très nombreuses années l'existence de la procédure pénale au Brésil, tout comme les prétentions de l'Etat brésilien sur ses avoirs; or, elle ne prétend nullement avoir tenté une quelconque démarche en vue de participer à la procédure. Dans ces circonstances, elle ne saurait se plaindre d'une violation grave du droit à un procès équitable ou d'un déni de justice évident (cf. arrêt 1C_624/2022 précité consid. 3.6). Quoi qu'il en soit, la possibilité de faire valoir ses droits au Brésil, expressément réservée par les autorités de cet Etat, conduit au rejet des objections relatives au respect des droits de procédure.  
 
5.  
La recourante soutient encore qu'en raison de la durée du séquestre, soit 22 ans jusqu'à la décision de première instance sur le sort des valeurs patrimoniales, le principe de la célérité serait violé, la jurisprudence considérant qu'une durée de 18 ans est excessive. L'OFJ avait considéré, le 18 février 2018 que le jugement du 23 mai 2017 ne permettait pas d'ordonner un transfert des fonds; il aurait dû lever le séquestre à ce moment-là, voire au plus tard en 2019. Les autorités brésiliennes auraient également violé le principe de célérité, tout comme la Cour des plaintes qui a mis 20 mois pour statuer sur le recours. 
 
5.1. Comme le relève la Cour des plaintes, une violation du principe de la célérité par les autorités brésiliennes devra être invoquée auprès de celles-ci. Pour ce qui concerne la procédure d'entraide judiciaire, le principe de célérité (art.17a EIMP) tend en premier lieu à favoriser une entraide efficace. L'intérêt privé des titulaires de biens séquestrés doit être mis en balance non seulement avec l'intérêt de l'Etat requérant à recueillir les preuves nécessaires à sa procédure pénale ou à obtenir la remise de valeurs en vue de confiscation ou de restitution, mais aussi avec le devoir de la Suisse de s'acquitter de ses obligations internationales. S'agissant d'une procédure administrative ouverte à la requête d'un Etat étranger, la pratique se montre ainsi plus tolérante qu'en matière de procédure pénale (arrêt 1C_152/2018 du 18 juin 2018 consid. 6.1). La règle est que les objets et valeurs dont la remise est subordonnée à une décision définitive et exécutoire dans l'Etat requérant au sens de l'art. 74a al. 3 EIMP demeurent saisis jusqu'à réception de la décision étrangère ou jusqu'à ce que l'Etat requérant fasse savoir à l'autorité d'exécution qu'une telle décision ne peut plus être rendue selon son propre droit, notamment à raison de la prescription (art. 33a OEIMP [RS 351.11]).  
 
5.2. En l'occurrence, le séquestre, ordonné dans un premier temps dans le cadre de la procédure pénale nationale, dure certes depuis 2001, mais la procédure ouverte dans l'Etat requérant était complexe et présentait une dimension internationale importante ayant nécessité une première procédure d'entraide judiciaire avec la Suisse; elle paraît avoir été activement poursuivie. Dans ces circonstances, on ne saurait reprocher aucun retard particulier ni à l'Etat requérant ni à l'autorité d'exécution, de sorte que la durée du séquestre ne suffit pas à justifier la levée de la mesure ou le refus de l'entraide judiciaire, pas plus, compte tenu de l'ampleur du dossier, que le temps pris par la Cour des plaintes pour statuer sur le recours (cf. arrêts 1C_624/2022 du 21 avril 2023 consid. 4.6 s'agissant d'une procédure de recours ayant duré un peu plus de deux ans; 1C_152/2018 du 18 juin 2018 consid. 6 concernant également un séquestre prononcé en 2001).  
 
6.  
La recourante invoque enfin la prescription selon le droit suisse (art. 5 al. 1 let. c EIMP) mais la Cour des plaintes a considéré, conformément à la pratique constante, qu'un tel argument ne pouvait être soulevé lorsque l'Etat requérant était, comme en l'espèce, lié avec la Suisse par un traité d'entraide judiciaire ne prévoyant pas un tel motif de refus de l'entraide. Tel est le cas du Traité d'entraide judiciaire avec le Brésil (RS 0.351.919.81). 
 
7.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours est irrecevable en tant qu'il concerne la transmission des renseignements bancaires. Il doit être rejeté en tant qu'il concerne la remise des fonds car, en dépit de l'argumentation relative à l'art. 2 EIMP dont la portée peut comme on l'a vu demeurer indécise dans ce contexte, l'arrêt de la Cour des plaintes apparaît conforme au droit fédéral. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante, laquelle succombe sans que l'on puisse reprocher à l'instance précédente d'avoir violé son droit d'être entendue. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.  
Le recours est irrecevable en tant qu'il concerne la remise de la documentation bancaire; il est rejeté en tant qu'il concerne la remise des fonds. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr. sont mis à la charge de la recourante. Il n'est pas alloué de dépens. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire. 
 
 
Lausanne, le 2 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Kurz