1C_655/2022 23.02.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_655/2022  
 
 
Arrêt du 23 février 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 
3. C.A.________, 
4. D.A.________________, 
tous les quatre représentés par Me Laurent Pfeiffer, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
1. Communauté des copropriétaires de la PPE E.________ et 18 consorts  
tous représentés par Me Jean-Claude Perroud, avocat, 
intimés, 
 
Municipalité de Nyon, case postale 1112, 1260 Nyon, représentée par Me Daniel Guignard, avocat, 
Direction générale de l'environnement du canton de Vaud, Unité droit et études d'impact, avenue de Valmont 30b, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Permis de construire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 16 novembre 2022 (AC.2020.0104, AC.2021.0085). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.A.________, B.A.________, C.A.________ et D.A.________, formant une communauté héréditaire, sont propriétaires de la parcelle n° 3590 de Nyon, située le long du chemin de Crève-Coeur. D'une surface de 1'392 m 2, la parcelle est cadastrée entièrement en place-jardin et colloquée en zone de l'ordre non contigu selon le plan d'extension et le règlement communal sur le plan d'extension et la police des constructions (RPE) approuvé le 16 novembre 1984. Elle est incluse dans le quartier dit "Haute-Combe", compris entre le chemin de Crève-Coeur, l'avenue Reverdil, le sentier de Haute-Combe et la route de Clémenty.  
Ce quartier "Haute-Combe" - qui s'est développé dès 1979 et a fait l'objet d'études d'ensemble - résulte d'abord d'un regroupement, puis d'un morcellement des parcelles n os 500 à 503. La nouvelle parcelle n° 500, issue de la réunion des parcelles n os 500 à 503, est une parcelle de dépendance sur laquelle ont été ensuite créés six fonds dominants, les parcelles n os 3585 à 3590. Ces six parcelles devaient accueillir six immeubles d'habitation, conformément à une autorisation préalable d'implantation délivrée en 1989 (les 28 mars et 13 avril 1989).  
 
B.  
Par décision du 15 juin 1990, le Conseil d'Etat a constaté que le boisement situé le long du chemin de Crève-Coeur sur la parcelle n° 3590 et le nord de l'actuelle parcelle n° 500 constituait une forêt de 2'991 m2. Par décision du 21 décembre 1990, valable jusqu'au 31 décembre 1995, l'ancien Service cantonal des forêts et de la nature a autorisé le défrichement de l'entier de la surface en nature forestière, à savoir 2'991 m2, suite à la demande des propriétaires et de la commune. La totalité de la compensation au défrichement a été effectuée, à la suite de l'entrée en force de la décision de défrichement. A ce jour, toutes les parcelles sont construites, à l'exception de la parcelle n° 3590. 
Le 16 novembre 2017, A.A.________, B.A.________, C.A.________ et D.A.________ (ci-après: les constructeurs) ont déposé une demande de permis de construire sur la parcelle n° 3590 pour un immeuble d'habitation Minergie de 7 niveaux (rez inférieur, rez supérieur, étages 1 à 5) comprenant 30 logements (CAMAC 170646). Mis à l'enquête publique du 6 janvier au 4 février 2018, ce projet a suscité l'opposition commune de la communauté des copropriétaires de la PPE E.________ et consorts et de la quasi-totalité de ses membres. 
Par décision du 24 février 2020, la Municipalité de Nyon a refusé le permis de construire au motif que le projet ne s'inscrivait pas dans le gabarit constructible fixé par l'autorisation préalable d'implantation. 
Les constructeurs ont déféré cette décision devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: CDAP ou cour cantonale), concluant à l'octroi du permis de construire (cause AC.2020.0104). 
 
C.  
Dans l'intervalle, soit en 2019, des plans de délimitation de la forêt ont été dressés pour l'ensemble de la commune de Nyon, dans les secteurs où la forêt jouxte des zones à bâtir. Ces plans de constatation de la nature forestière ont été mis à l'enquête du 9 novembre au 8 décembre 2019. Le boisement sis sur la parcelle n° 3590 et le nord de la parcelle n° 500 n'y figurait pas. Les plans ont suscité des oppositions, dont celle du 9 décembre 2019 émanant des opposants précités, à savoir la communauté des copropriétaires de la PPE E.________ et consorts, qui affirmaient que ledit boisement constituait une forêt et devait être mentionné sur ces plans. 
 
Par décision du 4 février 2021, la Direction générale de l'environnement (DGE) - qui a procédé à une inspection locale, sans les parties - a considéré que le boisement en question était soumis au régime forestier en raison de sa composition typiquement forestière, de son étendue et des fonctions qu'il assume. Elle a admis l'opposition formulée le 9 décembre 2019 et a retenu que les propriétaires devront soumettre une nouvelle demande de défrichement s'ils entendent poursuivre leur projet de construction CAMAC 170746. 
Les constructeurs ont recouru auprès de la CDAP contre la décision de la DGE du 4 février 2021, concluant à ce que ce prononcé soit réformé en ce sens que la végétation sise sur les parcelles n os 3590 et 500 n'est pas soumise à la législation forestière et que les oppositions sont levées. Les deux causes précitées ont été jointes par la CDAP le 26 mars 2021 (sous la première référence AC.2020.0104)  
 
D.  
Par arrêt du 16 novembre 2022, après avoir procédé à une inspection locale le 11 février 2022, la CDAP a, d'une part, confirmé la décision du 24 février 2020 de la Municipalité de Nyon et rejeté le recours déposé contre dite décision. La CDAP a notamment considéré que les bénéficiaires de l'autorisation de défrichement délivrée le 21 décembre 1990 n'en avaient pas fait usage sur la parcelle n° 3590 avant son échéance et que, par conséquent, le sol forestier - tel que constaté par la décision du Conseil d'Etat du 15 juin 1990 - sur la parcelle n° 3590 n'avait pas changé d'affectation. Dès lors que l'immeuble d'habitation prévu sur cette parcelle empiétait sur la forêt, le permis de construire ne pouvait pas être délivré. D'autre part, la cour cantonale a annulé, en raison de la violation grave du droit d'être entendu des copropriétaires des parcelles concernées, la décision du 4 février 2021 de la DGE. 
 
E.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________, B.A.________, C.A.________ et D.A.________ demandent au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt cantonal en ce sens que la décision de la Municipalité du 24 février 2020 est annulée et la cause renvoyée à cette dernière pour qu'elle délivre le permis de construire, l'arrêt cantonal étant pour le surplus confirmé; subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelles décisions dans le sens des considérants. 
La cour cantonale conclut au rejet du recours et se réfère aux considérants de son arrêt. La Municipalité conclut principalement au rejet du recours, tout comme les intimés. Les recourants déposent une réplique spontanée. Invité à se prononcer, l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) dépose des déterminations. Les recourants rédigent de nouvelles observations, tout comme l'OFEV et les intimés. Les recourants transmettent encore une brève écriture. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours, qui porte sur le refus du permis de construire requis, est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions (art. 82 let. a LTF). Il est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. 
Les recourants ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. En tant que propriétaires du bien-fonds pour lequel le permis de construire a été refusé, ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué et ont un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de celui-ci. La qualité pour agir doit dès lors leur être reconnue au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont au surplus réunies, de sorte qu'il convient d'entrer en matière. 
 
2.  
Les recourants font grief à la CDAP d'avoir considéré que l'autorisation de défrichement délivrée le 21 décembre 1990 n'avait pas été utilisée avant son échéance du 31 décembre 1995 et que le boisement situé sur leur parcelle avait conservé sa qualité de forêt. 
 
2.1. Le principe de la conservation de la forêt est ancré aux art. 1 et 3 de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo; RS 921.0; cf. également art. 77 Cst.). Au vu de ce principe, les défrichements - par quoi on entend tout changement durable ou temporaire de l'affectation du sol forestier (art. 4 LFo) - sont interdit par l'art. 5 LFo. A titre exceptionnel, une autorisation de défricher peut être accordée à certaines conditions (cf. art. 5 al. 2 à 4 LFo). Ces conditions correspondent dans une large mesure à celles développées sous l'ancien droit, abrogé le 1er janvier 1993 par la LFo (cf. arrêt 1A.33/1992 du 21 juillet 1994 consid. 4a). L'autorisation de défricher doit être limitée dans le temps (art. 5 al. 5 LFo). Le sens d'une telle limitation est de permettre aux autorités de réexaminer l'autorisation à la fin du délai et de l'adapter éventuellement aux circonstances nouvelles (ATF 119 Ib 397 consid. 5c; 112 Ib 133 consid. 1).  
Selon la jurisprudence, l'aire forestière ne peut être diminuée que par des défrichements licites, c'est-à-dire des changements d'affectation du sol forestier intervenus sur la base d'une autorisation de défrichement entrée en force et dans le délai fixé conformément à l'art. 5 al. 5 LFo (cf. arrêt 1C_645/2018 du 21 novembre 2019 consid. 6.2 et les réf. cit, in DEP 2020 p. 161; PETER KELLER, in Abt/Norer/Wild/Wisard [édit.], Commentaire de la loi sur les forêts LFo, Zurich/Genève, 2022, n. 11 ad art. 4 LFo). Si l'autorisation de défricher est accordée pour la réalisation d'un ouvrage déterminé, le changement d'affectation du sol forestier n'est achevé que lorsque les mesures de construction pour l'édification de l'ouvrage ont été prises. A lui seul, l'élimination du boisement ne suffit alors pas à changer la nature forestière du sol (cf. arrêts 1C_645/2018 précité consid. 6.2; 1A.42/1993 et 1A.244/1994 du 14 mars 1994 consid. 5c, in: ZBI 96/1995 p. 42; cf. KELLER, op. cit., n. 9 ad art. 4 LFo). 
 
2.2. Les recourants font grief à la CDAP d'avoir considéré que l'autorisation de défrichement délivrée le 21 décembre 1990 n'avait pas été utilisée avant son échéance du 31 décembre 1995. Selon les recourants, l'autorisation de défrichement avait été accordée pour la construction de l'ensemble des six immeubles; dès lors, dans la mesure où cinq de ces immeubles avaient été construits, ladite autorisation de défricher avait été utilisée en temps utile. Les recourants précisent que le défrichement de la parcelle n° 3590 et de l'essentiel de la parcelle de base n° 500 avait été effectuée dans les cinq ans de validité de l'autorisation de défrichement, comme cela ressortirait du guichet cartographique de la Confédération de 1990 et 1995. Par conséquent la parcelle n° 3590 ne serait plus soumise à la législation forestière, selon les recourants.  
 
2.3. L'argumentation des recourants ne convainc pas. L'autorisation de défrichement a certes été délivrée en décembre 1990 en vue de réaliser le complexe immobilier dans le quartier Haute-Combe. La forêt en question, identifiée par le Conseil d'État le 15 juin 1990, est située au nord du quartier le long du chemin de Crève-coeur, notamment sur la parcelle n° 3590 (sur 1'000 m 2) et sur une partie de l'actuelle parcelle n° 500. Il n'est pas contesté que, suite à cette autorisation de défricher, des arbres ont été abattus dans les années nonante sur la parcelle n° 3590 et ses alentours. Cependant, au vu de la jurisprudence précitée (cf. consid. 2.1), il ne suffit pas de procéder à l'abattage des arbres pour supprimer la nature forestière du sol. Celui-ci conserve sa qualité de forêt jusqu'à ce qu'il soit effectivement affecté à une autre utilisation. Or, comme constaté par l'instance précédente, les ouvrages qui devaient prendre place sur la surface forestière en question, conformément à l'autorisation préalable d'implantation de 1989, n'ont été que partiellement réalisés, en l'occurrence sur sa partie ouest notamment pour l'édification du bâtiment Reverdil 8-10 (parcelle n° 3589). En revanche, sur la partie est, les travaux destinés à la construction de l'ouvrage prévu sur la parcelle litigieuse n° 3590 (bâtiment 500 B1, B2 et B3, selon l'autorisation préalable d'implantation de 1989) n'ont jamais été menés et la surface forestière a été laissée en surface végétale après l'abattage d'arbres. La cour cantonale a en particulier constaté, lors de l'inspection locale, que la surface boisée litigieuse comportait d'anciennes souches qui n'avaient pas été arrachées et qu'aucun terrassement n'était intervenu. La question de savoir si les recourants avaient procédé dans les années nonante à un abattage total des arbres, comme ils le soutiennent, ou seulement partiel, n'apparaît pas déterminant. Comme mentionné ci-dessus, l'élimination du boisement ne modifie pas, à elle seule, l'affectation du sol forestier.  
Certes, une grande partie du complexe immobilier a été réalisée, il n'en demeure pas moins que le sol forestier sur la parcelle n° 3590 n'a à ce jour pas été affecté à un autre usage et qu'il reste dès lors soumis à la législation forestière. Les recourants ne peuvent être suivis lorsqu'il affirme que l'ouvrage pour lequel l'autorisation de défrichement a été délivrée était l'ensemble des six bâtiments. En effet, seuls les constructions situées au nord de ce complexe immobilier devaient être érigées sur le sol forestier. De plus, comme relevé par la cour cantonale, si les six immeubles sont certes destinés à former un ensemble cohérent, ils ne sont pas interdépendants. Quoi qu'en pensent les recourants, la réalisation des cinq premiers immeubles, tous organisés autour d'un espace commun, n'impose nullement celle du sixième, prévu en retrait, du côté du quartier de la Combe, au nord-est. Les constructeurs ont d'ailleurs attendu plus de 25 ans, depuis l'octroi de l'autorisation de défrichement le 21 décembre 1990, avant de déposer en 2017 une demande de permis de construire pour le sixième et dernier immeuble. 
 
2.4. Dans ces conditions, la cour cantonale pouvait à juste titre considérer que les bénéficiaires de l'autorisation de défrichement délivrée le 21 décembre 1990 n'en avaient pas fait usage sur la parcelle n° 3590 avant son échéance le 31 décembre 1995 et que le sol forestier, tel que constaté par la décision du Conseil d'Etat du 15 juin 1990 sur la parcelle n° 3590, n'avait pas changé d'affectation. Le grief des recourants doit donc être rejeté.  
 
3.  
Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté aux frais des recourants qui succombent (art. 66 al. 1 LTF), sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres points examinés par la CDAP concernant l'autorisation de construire. Les recourants verseront en outre des dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 2 et 4 LTF). La Commune n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée aux intimés à titre de dépens, à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataire des parties, à la Municipalité de Nyon, à la Direction générale de l'environnement du canton de Vaud et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement. 
 
 
Lausanne, le 23 février 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn