7B_1027/2023 15.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_1027/2023  
 
 
Arrêt du 15 mai 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Kölz et Hofmann. 
Greffière : Mme Rubin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Limited, représentée par 
Me Pascal de Preux, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________ SA, 
2. C.________ Ltd, 
3. Banque D.________, 
toutes les trois représentées par 
Me Marc Gilliéron, avocat, 
intimées, 
 
Ministère public central du canton de Vaud, Division criminalité économique, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
Objet 
Accès au dossier, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 octobre 2023 
(877 - PE17.012311-VWL). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Les 26 juin, 19 juillet et 20 octobre 2017, les banques B.________ SA, C.________ Ltd et Banque D.________ ont déposé plainte pénale concernant les circonstances dans lesquelles différents crédits, accordés à la société E.________ SA, étaient demeurés impayés. Ces établissements bancaires ont exposé que, les crédits octroyés devaient financer de la marchandise et qu'à la suite de problèmes de remboursement, ils s'étaient fait céder des droits sur cette marchandise, supposée stockée dans le port de U.________ (Russie); celle-ci semblait cependant avoir disparu ou même n'avoir jamais existé. La société G.________ SA, basée à Genève, par le biais de son bureau A.________ Ltd - filiale russe du groupe -, était en charge de l'inspection de ces stocks en Russie.  
Le Ministère public central du canton de Vaud (ci-après: le Ministère public) a ouvert une instruction pénale contre E.________ SA, respectivement contre son administrateur unique, ainsi que contre un collaborateur responsable des transactions concernées, pour abus de confiance, escroquerie et faux dans les titres. 
Dans le cadre de cette enquête, le Ministère public a recueilli des éléments laissant supposer qu'un ou des membres du bureau H.________, dépendant de A.________ Ltd, auraient pu participer aux événements ayant conduit à la disparition des marchandises financées par les trois plaignantes. Partant, il a ordonné à G.________ de produire différentes pièces, notamment celles portant sur les échanges écrits avec les représentants du bureau de A.________ Ltd dans le cadre du dossier E.________ SA. Deux collaborateurs de G.________ ont été entendus en qualité de témoins, dont I.________, qui est à la tête du service juridique et du service de compliance. 
Le 20 février 2020, G.________ a fourni au Ministère public les informations requises sur une clé USB et a demandé que celle-ci soit placée sous scellés. Par ordonnance du 1 er septembre 2022, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la levée des scellés sur la quasi-totalité des documents contenus dans cette clé USB. Le Ministère public a pu y accéder le 22 septembre 2022 et a demandé à G.________ de lui remettre des documents supplémentaires, qui lui ont été transmis le 10 octobre 2022.  
A ce stade, ni G.________, ni sa filiale russe A.________ Ltd, ni leurs collaborateurs n'ont été mis formellement en prévention. 
 
A.b.  
 
A.b.a. En parallèle, G.________ et A.________ Ltd ont été attraites en responsabilité devant les juridictions civiles genevoises par les banques B.________ SA et Banque D.________ (ci-après: les parties plaignantes).  
 
A.b.b. Le 21 septembre 2018, G.________, agissant par l'intermédiaire de Me Pascal de Preux, a requis l'accès au dossier pénal. Le 29 novembre 2018, le Ministère public a partiellement admis cette requête, accordant uniquement l'accès aux pièces mentionnées par les parties plaignantes dans la procédure civile ouverte à l'endroit de G.________.  
 
A.b.c. Le 2 août 2019, A.________ Ltd, également représentée par Me Pascal de Preux, a elle aussi requis l'accès au dossier pénal, faisant valoir que la Banque D.________ se servait de la procédure pénale pour alimenter la procédure civile qu'elle avait introduite à son endroit. Par ordonnance du 30 septembre 2019, le Ministère public a rejeté cette requête. Le recours contre cette ordonnance a été rejeté le 29 octobre 2020 par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois.  
Le 14 avril 2022, A.________ Ltd, par son mandataire, a requis une nouvelle fois l'accès au dossier pénal, requête qui a été rejetée le 9 mai 2022 par le Ministère public. 
 
A.b.d. Le 12 septembre 2022, G.________ et A.________ Ltd, par leur mandataire commun, ont requis qu'interdiction soit faite aux parties plaignantes d'accéder aux pièces versées au dossier à la suite de la levée des scellés. Elles ont notamment soutenu que plusieurs de ces pièces contenaient des secrets d'affaires et que les parties plaignantes faisaient preuve d'un abus de droit en utilisant les documents de la procédure pénale pour alimenter les procédures civiles parallèles. Le 17 octobre 2022, le Ministère public a rejeté cette requête et le recours déposé le 28 octobre 2022 par les prénommées a été assorti de l'effet suspensif.  
Par arrêt du 19 décembre 2022, notifié aux parties le 20 mars 2023, la cour cantonale a rejeté ce recours. 
 
B.  
Le 13 décembre 2022, A.________, par son mandataire, a une nouvelle fois sollicité l'accès au dossier pénal, qui lui a été refusé par ordonnance du Ministère public du 9 mars 2023. 
Par arrêt du 24 octobre 2023, la cour cantonale a rejeté le recours formé par A.________ Ltd contre cette ordonnance. 
 
C.  
Par acte du 22 décembre 2023, A.________ Ltd interjette un recours en matière pénale contre l'arrêt du 24 octobre 2023, concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'un droit d'accès au dossier pénal PE17.012311-VWL lui soit accordé. A titre subsidiaire, elle demande: que ce droit d'accès soit accordé uniquement à son conseil, ainsi qu'à I.________; qu'ordre soit donné en outre à ce dernier de garder le silence sur la procédure et sur les personnes impliquées (cf. art. 73 al. 2 CPP), jusqu'à la mise en oeuvre des auditions prévues par commission rogatoire adressée aux autorités russes et réceptionnées par le Ministère public; qu'interdiction soit faite à son conseil, ainsi qu'à I.________, de transmettre ou de rendre accessible quelque document que ce soit de la procédure pénale à tout tiers, en particulier à tout collaborateur de A.________ Ltd, de G.________ ou du groupe G.________ en général (cf. art. 73 al. 2 CPP), à l'exclusion des autorités judiciaires civiles et de I.________; et en substance qu'ordre soit donné que la copie du dossier - dont la consultation est uniquement autorisée par I.________ - soit entreposée dans les locaux du groupe G.________ (sis chez G.________, Place [...], V.________) dans une armoire fermée à clé et uniquement accessible par le précité. A titre encore plus subsidiaire, la recourante sollicite l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué - rendu par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) - confirme le refus du Ministère public de donner à la recourante accès au dossier d'instruction pénale PE17.012311-VWL. Il s'agit d'une décision en matière pénale, susceptible d'un recours au sens de l'art. 78 al. 1 LTF
Dans la mesure où l'arrêt entrepris refuse l'accès au dossier sollicité, il met un terme à la procédure en ce qui concerne la recourante, puisque celle-ci ne conteste pas ne pas être une partie au sens de l'art. 104 CPP à cette procédure pénale (art. 90 LTF; arrêts 1B_590/2020 du 17 mars 2021 consid. 1.1; 1B_74/2020 du 5 août 2020 consid. 1 rendu dans la même cause et les références citées). Ayant pris part à la procédure devant l'instance précédente et disposant d'un intérêt juridiquement protégé à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée, la recourante doit se voir reconnaître la qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF; arrêts 1B_590/2020 du 17 mars 2021 consid. 1.1; 1B_74/2020 du 5 août 2020 consid. 1 rendu dans la même cause et les références citées). 
Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
 
2.1. La recourante soutient que le refus de lui donner accès au dossier de la procédure pénale violerait l'art. 101 al. 3 CPP ainsi que le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst. et 3 al. 2 let. a CPP) et l'interdiction de l'abus de droit (art. 3 al. 2 let. b CPP). En substance, elle reproche à la cour cantonale d'avoir retenu qu'il existait un intérêt public prépondérant empêchant ledit accès.  
 
2.2.  
 
2.2.1. Aux termes de l'art. 101 al. 3 CPP, des tiers peuvent consulter le dossier s'ils font valoir à cet effet un intérêt scientifique ou un autre intérêt digne de protection et si aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose. Cette disposition reprend la jurisprudence relative au droit d'être entendu des tiers (cf. art. 29 al. 2 Cst. et 4 aCst.; arrêts 1B_371/2020 du 16 août 2021 consid. 3.2; 1B_340/2017, du 16 novembre 2017 consid. 2.1; 1B_353/2015 du 22 avril 2016 consid. 4). La direction de la procédure statue sur la consultation des dossiers; elle prend les mesures nécessaires pour prévenir les abus et les retards et pour protéger les intérêts légitimes au maintien du secret (art. 102 al. 1 CPP).  
Selon la jurisprudence, il ne suffit pas au tiers de seulement faire valoir un intérêt digne de protection, mais il doit également démontrer avoir effectivement personnellement un tel intérêt; si tel n'est pas le cas, le tiers n'a aucun droit à avoir accès au dossier pénal. De plus, le tiers n'étant pas partie à la procédure, son intérêt à obtenir l'accès au dossier est de moindre importance par rapport à celui notamment du prévenu et/ou des parties plaignantes, qui en ont besoin pour la défense de leurs droits. Un intérêt digne de protection d'un tiers au sens de l'art. 101 al. 3 CPP ne doit ainsi être admis qu'exceptionnellement et dans des cas où cela se justifie, sauf à prendre sinon le risque de retard ou d'abus (cf. art. 102 al. 1 CPP; ATF 147 I 463 consid. 3.3.1; arrêts 1B_538/2022 du 12 juin 2023 consid. 2.1.2; 1B_371/2020 du 16 août 2021 consid. 3.2.1 et les références citées). 
Lorsque l'issue de la procédure pénale est susceptible d'avoir des effets sur une prétention civile, un tel intérêt existe tant pour la partie qui invoque la créance en cause que pour celle qui la conteste (arrêt 1B_371/2020 du 16 août 2021 consid. 3.2.1 et les références citées). 
Si le tiers dispose d'un intérêt digne de protection, celui-ci doit ensuite être mis en balance avec les intérêts publics ou privés qui s'opposeraient à ce droit de consultation. Lorsque les intérêts publics ou privés sont prépondérants, le tiers n'a alors aucun droit à avoir accès au dossier. En particulier, entre en considération dans cette pesée l'intérêt public au bon déroulement de l'instruction pénale (ATF 147 I 463 consid. 3.3.1; arrêts 1B_371/2020 du 16 août 2021 consid. 3.2.2; 1B_340/2017 du 16 novembre 2017 consid. 2.1; 1B_353/2015 du 22 avril 2016 consid. 4.3 et les références citées). L'accès au dossier peut être refusé de manière ponctuelle dans la mesure où des intérêts particuliers prépondérants à la préservation font obstacle à la consultation de certaines parties de la procédure (arrêt 1B_371/2020 du 16 août 2021 consid. 3.2.1 et les références citées). 
 
2.2.2. En application des art. 5 al. 3 Cst. et 3 al. 2 CPP, les autorités pénales se conforment notamment au principe de la bonne foi (let. a), à l'interdiction de l'abus de droit (let. b) et à la maxime voulant qu'un traitement équitable et le droit d'être entendu soient garantis à toutes les personnes touchées par la procédure (let. c). Du principe général de la bonne foi découle l'interdiction des comportements contradictoires, celle-ci concernant en particulier les autorités pénales (arrêts 7B_79/2023 du 27 février 2024 consid. 2.2.2; 7B_101/2023 12 février 2024 consid. 2.2.2 et l'arrêt cité). Le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du principe de la bonne foi (ATF 147 IV 274 consid. 1.10.1; 144 IV 189 consid. 5.1; 138 I 49 consid. 8.3.1 et les références citées).  
 
2.3. Il n'est pas litigieux qu'au stade du prononcé de l'arrêt attaqué, la recourante ne disposait pas du statut de partie (art. 104 CPP) ni de participant intéressé par un acte de procédure (art. 105 al. 1 let. f CPP), mais de tiers. Le Ministère public et la cour cantonale ont donc examiné sa demande d'accès au dossier à la lumière de l'art. 101 al. 3 CPP, dont l'application n'est en soi pas contestée. Il n'est pas non plus litigieux que la recourante dispose d'un intérêt privé à la consultation du dossier pénal en raison des procédures civiles initiées à son endroit par les parties plaignantes (cf. arrêts 1B_371/2020 du 16 août 2021 consid. 3.4; 1B_74/2020 du 5 août 2020 consid. 2.5 rendu dans la même cause et les références citées). Cet intérêt est de toute évidence concret et actuel, la justice civile ayant clôturé les échanges d'écritures (cf. p. 18 de l'arrêt attaqué). Sous réserve d'un intérêt privé ou public prépondérant, la recourante a donc en principe le droit de consulter le dossier de la procédure pénale (cf. consid. 2.2.1 supra).  
 
2.4. La cour cantonale a toutefois considéré que l'intérêt public au bon déroulement de l'enquête restait prépondérant à ce stade de la procédure pénale et que la recourante ne pouvait donc pas accéder au dossier.  
Renvoyant à la motivation de son arrêt rendu le 29 octobre 2020, par lequel elle avait rejeté une précédente demande de la recourante visant l'accès au dossier, la cour cantonale a commencé par rappeler qu'il existait un risque de collusion concret tant au sein de la recourante qu'entre elle et G.________. Les éléments que le Ministère public avait recueillis laissaient supposer qu'un ou des membres du bureau G.________ en Russie, dépendant de la recourante, auraient pu participer aux événements ayant conduit à la disparition des marchandises financées par les plaignantes. G.________ avait remis le 20 février 2020 des documents relatifs à ses échanges avec le bureau de la société en Russie ainsi qu'avec la recourante mais avait demandé leur mise sous scellés, procédure qui était toujours pendante; cette documentation était susceptible de contenir des éléments qui pourraient justifier que certains employés de G.________ ou de la recourante soient entendus. A ce stade de la procédure, le risque que la recourante transmette des informations à des personnes potentiellement impliquées demeurait concret et l'intérêt public au bon déroulement de l'enquête était prépondérant à son intérêt privé. Aucune des mesures proposées ne permettait de limiter efficacement le risque de collusion dès lors que l'ampleur et le cercle des personnes impliquées ne semblaient pas connus. Le Ministère public avait d'ailleurs expressément indiqué qu'il n'avait pas renoncé à réentendre I.________. Enfin, G.________, qui avait le même conseil juridique que la recourante, s'était partiellement vu refuser l'accès au dossier pénal; or, la première nommée ne pouvait pas accéder par l'intermédiaire de cette dernière et de leur conseil commun à des informations qui lui étaient pour l'instant refusées (cf. pp. 16-17 de l'arrêt attaqué). 
Ensuite, la cour cantonale a constaté que ces circonstances restaient d'actualité, retenant en résumé ce qui suit: l'instruction de la cause n'avait guère avancé depuis l'arrêt précité, la procédure de levée des scellés n'ayant abouti que le 1 er septembre 2022; le Ministère public avait pu désormais examiner les pièces concernées par cette procédure et avait constaté que plusieurs éléments contredisaient les premières déclarations de I.________, de sorte qu'il était nécessaire de le réentendre; cette audition n'avait pas pu être mise en oeuvre car il n'était pas envisageable de la conduire sans la présence des parties plaignantes, ce à quoi l'effet suspensif accordé au recours déposé par la recourante le 28 octobre 2022 faisait obstacle. La cour cantonale a ajouté que le Ministère public avait identifié des employés de G.________ et de la recourante dont l'audition par les autorités russes s'avérait nécessaire, mais que cette audition était momentanément impossible en raison de la suspension de l'entraide judiciaire avec la Russie. Elle a conclu que le risque que la recourante transmette des éléments d'enquête à des personnes potentiellement impliquées dans les faits demeurait concret vu les auditions envisagées et a relevé qu'aucune mesure n'était apte à pallier ce risque de collusion. Elle a en outre nié tout retard injustifié et toute violation de l'interdiction de l'abus de droit de la part du Ministère public (cf. pp. 17-18 de l'arrêt attaqué).  
 
2.5. La recourante remet en cause l'existence d'un risque de collusion au moment de l'arrêt du 29 octobre 2020 et précédemment. Ce faisant, elle perd de vue que l'objet du litige est circonscrit par l'arrêt entrepris, soit en particulier à la question de savoir si un intérêt public prépondérant existait encore au moment de sa nouvelle demande d'accès au dossier déposée le 13 décembre 2022. En tant que son argumentation tend à rediscuter l'arrêt du 29 octobre 2020, elle est irrecevable (art. 80 al. 1 LTF).  
 
2.6. S'agissant à présent de l'existence d'un intérêt public prépondérant au moment de sa demande du 13 décembre 2022, la recourante ne soutient pas que les circonstances qui prévalaient au moment du précédent arrêt rendu par la cour cantonale le 29 octobre 2020 se seraient modifiées. Bien au contraire, sans se plaindre formellement d'une violation du principe de la célérité, elle reproche en substance au Ministère public une "inaction totale" dans l'enquête et considère que ce dernier ne pourrait pas "prolonger artificiellement" la durée de l'instruction pour l'empêcher indéfiniment d'accéder au dossier. En particulier, la recourante conteste que les auditions annoncées puissent fonder concrètement un risque de collusion et, partant, l'existence d'un intérêt public prépondérant. D'une part, celles-ci seraient impossibles à mettre en oeuvre pour cause de suspension totale de l'entraide avec la Russie, respectivement n'auraient pas été réalisées dans les délais annoncés. D'autre part, le Ministère public n'aurait pas précisé l'étendue de ces mesures ni sur quels éléments I.________ devrait être réentendu. Les pièces sur lesquelles les scellés ont été levés seraient en outre déjà connues des personnes devant être auditionnées. Par l'invocation de telles mesures d'instruction vouées à rester au point mort, le Ministère public violerait gravement la bonne foi ainsi que l'interdiction de l'abus de droit. En d'autres termes, l'absence de modification des circonstances depuis le dernier arrêt rendu par la cour cantonale empêcherait de retenir l'existence, respectivement la persistance d'un intérêt public prépondérant.  
 
2.6.1. S'agissant tout d'abord des auditions des employés de G.________ et de la recourante que le Ministère public envisagerait de faire réaliser par les autorités russes, celles-ci ne pourront vraisemblablement pas être effectuées prochainement. Vu la suspension de la voie de l'entraide judiciaire en matière pénale avec la Russie (voir à ce propos: arrêt 1C_477/2022 du 30 janvier 2023), les procédures civiles en cours risqueraient d'être terminées avant même que les personnes concernées aient pu être interrogées. Partant, il est douteux que ces mesures d'instruction puissent fonder un risque de collusion concret et a fortiori justifier un refus d'accès au dossier par la recourante. Il n'y a toutefois pas lieu d'examiner plus en avant cette question, vu ce qui suit.  
 
2.6.2. Le Ministère public a annoncé devoir réentendre I.________. La recourante ne réfute pas que ce témoin dirige le service juridique et compliance de G.________ et qu'en l'état, il n'est pas exclu que des agissements répréhensibles aient été commis en son sein, tout comme en celui de cette société. Or, il est établi que la recourante et G.________ sont toutes deux représentées par le même conseil juridique et qu'une première demande d'accès au dossier par la dernière nommée a été refusée. Aussi, les liens de la société G.________ avec la recourante sont propres à favoriser la divulgation d'éléments de l'enquête qui sont pour l'instant refusées à la première, partant à faire redouter un risque de collusion. La recourante ne peut pas être suivie lorsqu'elle soutient qu'on ne voit pas quel intérêt elle, tout comme I.________, pourraient avoir à divulguer des informations de la procédure pénale à laquelle ils ne sont pas parties. Bien au contraire, un tel intérêt existe du fait de la possible implication des employés de G.________, voire de la recourante, dans les faits litigieux, ce que l'audition de I.________ a précisément pour but de déterminer. De plus, la cour cantonale a reconnu que ce témoin avait connaissance des pièces qui étaient sous scellés mais non des autres éléments de l'enquête, ce que la recourante ne conteste pas. Enfin, comme l'a rappelé à juste titre cette autorité, il ne faut pas sous-estimer les obligations de I.________ découlant de son statut d'employé de G.________, en particulier son devoir de fidélité impliquant la sauvegarde des intérêts légitimes de cette dernière (cf. art. 321a al. 1 CO). Dans ces circonstances, la cour cantonale était fondée à retenir que le risque que la recourante transmette des éléments de l'enquête à des personnes potentiellement impliquées dans les faits de la cause existait toujours au moment de l'arrêt attaqué, respectivement qu'il perdurait tant que I.________ n'aurait pas été réauditionné.  
 
2.6.3. La recourante reproche au Ministère public un comportement contradictoire, au motif qu'il n'aurait pas entendu I.________ dans le délai annoncé, soit dans la première quinzaine du mois de décembre 2023 (cf. p. 13 de l'arrêt attaqué). Elle perd toutefois de vue qu'elle n'est pas admise à se prévaloir de faits ultérieurs à l'arrêt attaqué (cf. art. 99 al. 1 LTF). Son grief tiré d'une violation de la bonne foi ou de l'interdiction de l'abus de droit est ainsi irrecevable.  
Ensuite, la recourante soutient en résumé que l'invocation de cette mesure d'instruction ne serait qu'un prétexte du Ministère public pour justifier l'existence d'un risque de collusion. Elle ne saurait être suivie. Vu le danger que la recourante compromette l'instruction en dévoilant des éléments qui n'ont pas encore été exposés à I.________, c'est à juste titre que la cour cantonale a retenu que le Ministère public n'avait pas à préciser les points sur lesquels il comptait entendre ce témoin, sauf à révéler des informations jusqu'ici gardées secrètes. De plus, selon les faits constatés par la cour cantonale dont l'arbitraire n'a pas été démontré, l'examen des pièces sous scellés a mis en lumière des contradictions importantes avec les premières déclarations de I.________. Pour cette raison, le Ministère public a considéré qu'une nouvelle audition s'imposait, lors de laquelle les pièces du dossier seraient remises à ce témoin (cf. p. 13 de l'arrêt attaqué). Cette audition n'était toutefois pas envisageable sans que les parties plaignantes soient présentes et puissent faire valoir leur droit d'être entendues, notamment en posant des questions au témoin. Or ces dernières n'avaient pu être confrontées aux pièces qui étaient sous scellés - soit celles au sujet desquelles le témoin devait être réentendu - que dès le 20 mars 2023, date de notification de l'arrêt du 19 décembre 2022 de la cour cantonale (cf. pp. 17-18 de l'arrêt attaqué; consid. A.b.c supra). Par conséquent, le Ministère public ne pouvait de toute évidence procéder à l'audition de I.________ qu'à partir d'avril 2023. La recourante le conteste et soutient que le Ministère public n'aurait pas eu à "stopper" son instruction pendant la procédure de recours précitée, qu'il aurait pu limiter le droit d'être entendu des parties plaignantes ou enjoindre à leur conseil de garder le secret (cf. ad ch. 2 pp. 8-9 du mémoire de recours). Ce faisant, elle méconnaît qu'elle n'est pas partie à la procédure pénale, mais un tiers au sens de l'art. 105 al. 1 let. f CPP (cf. arrêt 1B_74/2020 du 5 août 2020 consid. 2.4 rendu dans la même cause). En cette qualité, elle dispose seulement, dans le cadre limité de la procédure incidente d'accès au dossier, des droits de procédure nécessaires à la défense de ses intérêts (cf. art. 105 al. 2 CPP; arrêt 1B_74/2020 du 5 août 2020 consid. 2.5). Il s'ensuit qu'elle ne saurait utiliser la présente procédure incidente pour critiquer la manière dont le Ministère public conduit son instruction, ni a fortiori les conditions auxquelles il entend procéder à l'audition de I.________, qui n'apparaissent au demeurant pas critiquables.  
Pour la même raison, la recourante ne peut pas non plus se plaindre du manque de célérité dont ferait preuve le Ministère public dans la conduite de l'enquête pénale, ce qu'elle n'ignore du reste pas (cf. ad ch. 2 p. 8 du mémoire de recours). Tout au plus pourrait-elle être admise à invoquer un retard injustifié dans le traitement de la procédure d'accès au dossier, ce qu'elle n'allègue toutefois pas et qu'on ne perçoit pas non plus. En tout état, c'est le lieu de constater que la procédure introduite en 2020 visant la mise sous scellés des documents produits par G.________ et celle entamée par cette dernière et la recourante en 2022 afin d'interdire aux parties plaignantes de prendre connaissance de ces documents ont contribué à prolonger l'existence d'un risque de collusion. Certes, la recourante et G.________ ont usé de leurs droits de procédure les plus stricts, ce que n'ont d'ailleurs pas méconnu la cour cantonale ni le Ministère public. Toujours est-il que des informations susceptibles d'être utiles pour l'avancée de l'enquête n'ont pas pu être communiquées aux parties concernées, respectivement utilisées par le Ministère public pendant près de trois ans. 
On ne voit donc pas que le Ministère public aurait adopté, au jour de l'arrêt attaqué, un comportement susceptible de violer le principe de la bonne foi, respectivement l'interdiction de l'abus de droit, en ne mettant pas en oeuvre l'audition de I.________. Cela vaut d'autant plus que les conditions lui permettant de procéder à cette mesure d'instruction n'ont été réalisées que postérieurement à la demande d'accès au dossier qui est à l'origine de la présente procédure. 
 
2.6.4. Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la cour cantonale a confirmé l'existence, au jour de l'arrêt attaqué, d'un risque de collusion concret et qu'elle a considéré que celui-ci s'opposait à ce que la recourante consulte le dossier pénal avant l'audition de I.________. La recourante ne conteste d'ailleurs pas per se que l'intérêt public à la recherche de la vérité et au bon déroulement de l'enquête pénale qui subsiste prime son intérêt privé à consulter ledit dossier afin de produire des pièces dans les procédures civiles parallèles. Pour le surplus, elle ne démontre pas ni ne prétend avoir tenté d'obtenir la suspension de ces procédures jusqu'à droit connu sur la procédure pénale, ce qui lui permettrait de sauvegarder ses droits.  
Toutefois, afin de permettre à la recourante de défendre ses droits, le Ministère public est invité, au cas où tel n'aurait pas encore été le cas, à procéder dans toute la mesure du possible à l'interrogatoire de I.________. 
 
2.7. En définitive, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral ou constitutionnel en confirmant, à ce stade, le refus du Ministère public d'octroyer à la recourante l'accès au dossier pénal.  
 
2.8. Les conclusions subsidiaires et encore plus subsidiaires du recours, tendant à ce que le droit de consulter le dossier précité soit octroyé, de manière limitée, à I.________ et au conseil de la recourante (cf. let. C supra), doivent également être rejetées. Vu les liens de ces deux personnes avec G.________ (l'employé, respectivement le mandataire de cette dernière), les mesures proposées ne permettent pas d'écarter le risque de collusion retenu.  
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public central du canton de Vaud, Division criminalité économique, et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 15 mai 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Rubin