9C_744/2023 10.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_744/2023  
 
 
Arrêt du 10 juin 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Jean-Michel Duc, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 25 octobre 2023 (AI 240/23 - 282/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 23 juin 2023, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a rejeté une demande de prise en charge des frais d'un perfectionnement professionnel déposée par A.________. 
 
B.  
Le 30 août 2023, la prénommée a adressé au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, un "Mémoire de recours" à l'encontre de la décision du 23 juin 2023, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que l'office AI soit condamné à lui verser des indemnités journalières et une indemnité pour frais supplémentaires en lien avec son perfectionnement professionnel, subsidiairement à l'annulation de la décision et au renvoi de la cause à l'office AI pour nouvelle instruction et nouvelle décision. 
Par ordonnance du 4 septembre 2023, le juge instructeur de la Cour des assurances sociales a imparti à A.________ un délai échéant au 2 octobre 2023 pour verser une avance de frais de 600 fr., à peine d'irrecevabilité du recours; il était précisé que ce délai pouvait être prolongé sur requête, respectivement que l'assistance judiciaire pouvait être accordée à certaines conditions, la demande devant être présentée à la Cour des assurances sociales. Le 29 septembre 2023, l'assurée a requis une prolongation du délai de paiement de l'avance de frais, car elle était "en train de réunir les pièces nécessaires au dépôt d'une demande d'assistance judiciaire". Par ordonnance du 3 octobre 2023, le juge instructeur a accordé à l'assurée une "unique prolongation de délai" au 18 octobre suivant pour effectuer l'avance de frais. Par écriture de ce jour-là, l'assurée a fait savoir qu'une demande d'assistance judiciaire avait été adressée postérieurement au dépôt du recours, que cette demande était en cours, et qu'elle était toujours dans l'attente des pièces en cause; elle se voyait donc contrainte de requérir une nouvelle prolongation de délai "dans l'attente qu'il soit statué sur la demande d'assistance judiciaire". 
Par arrêt du 25 octobre 2023, la juridiction cantonale a déclaré le recours irrecevable. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt. À titre principal, elle conclut à la réforme de la décision administrative en ce sens que l'office intimé soit condamné à lui verser des indemnités journalières et une indemnité pour frais supplémentaires. À titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouvel examen et nouveau jugement. Elle sollicite le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
L'intimé conclut à l'irrecevabilité de la conclusion principale. Il renonce à se déterminer sur les questions liées à l'avance de frais et à l'absence de demande formelle d'assistance juridique gratuite. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il fonde par ailleurs son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. 
 
2.  
L'autorité précédente n'est pas entrée en matière sur le recours en raison du défaut de paiement de l'avance de frais requise (art. 47 al. 2 et 3 de la loi cantonale vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative [LPA-VD; BLV 173.36]). Ce point peut seul être soumis à l'examen du Tribunal fédéral, de sorte que la conclusion principale portant sur le droit à des prestations d'assurance est irrecevable. 
 
3.  
Le Tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable, car l'avance de frais n'avait pas été effectuée et aucun formulaire de demande d'assistance judiciaire dûment rempli et signé n'avait été produit. 
 
4.  
La recourante se plaint de formalisme excessif en invoquant l'art. 29 al. 1 Cst. Elle soutient que l'instance cantonale aurait dû prolonger le délai imparti pour procéder à l'avance de frais, car elle savait qu'une demande d'assistance judiciaire allait être déposée dès réception des pièces nécessaires à son examen. 
Invoquant l'arrêt 1C_171/2012 du 13 juin 2012 consid. 2, la recourante fait valoir que rien ne s'opposait à ce que le délai qui avait été précédemment prolongé "pour la dernière fois" le soit à nouveau, conformément à sa requête du 18 octobre 2023. À son avis, si l'instance cantonale n'entendait pas faire droit à cette demande de prolongation, elle aurait dû le lui signifier afin de lui permettre de procéder au paiement de l'avance de frais dans un court délai. 
 
5.  
 
5.1. L'autorité précédente a constaté qu'elle n'avait pas été saisie d'une demande d'assistance judiciaire, ce qui est exact à la lecture du dossier cantonal. Devant le Tribunal fédéral, la recourante admet qu'elle n'a pas formellement déposé une telle demande, exposant qu'elle était dans l'attente des pièces devant accompagner le formulaire de demande d'assistance judiciaire.  
 
5.1.1. Il convient de distinguer l'éventualité où une demande d'assistance judiciaire adressée à l'autorité est insuffisamment ou non motivée, de l'absence de dépôt d'une telle requête.  
 
5.1.2. Le Tribunal fédéral a récemment rappelé que dans le cas où une requête d'assistance judiciaire est lacunaire, le juge doit inviter la partie à compléter les informations et les pièces fournies. Ce devoir d'interpellation vaut avant tout pour les personnes non assistées d'un mandataire professionnel et juridiquement inexpérimentées. En revanche, lorsque le plaideur est assisté d'un avocat ou est lui-même expérimenté, l'obligation de collaborer est accrue dans la mesure où il a connaissance des conditions nécessaires à l'octroi de l'assistance judiciaire et des obligations de motivation y relatives. Dans cette dernière éventualité, le juge n'a pas d'obligation d'octroyer un délai supplémentaire à la partie pour compléter sa requête d'assistance judiciaire lacunaire ou imprécise (ATF 120 Ia 179 consid. 3a; arrêt 5A_327/2017 du 2 août 2017 consid. 4.1.3 et les références citées; ordonnance 9C_160/2024 du 6 juin 2024 consid. 3).  
 
5.1.3. À fortiori, on doit admettre qu'il en va de même lorsqu'un assuré indique qu'il est en train de recueillir des pièces nécessaires au dépôt d'une demande d'assistance judiciaire qu'il n'a pas encore remise à l'autorité. En effet, lorsque le plaideur est expérimenté ou est assisté d'un avocat, on peut raisonnablement attendre de sa part qu'il conclue formellement à l'octroi de l'assistance judiciaire s'il entend l'obtenir, de surcroît en temps utile, en exposant que la production des justificatifs dont il ne dispose pas encore interviendra ultérieurement.  
Comme la recourante a été informée qu'elle pouvait obtenir l'assistance judiciaire à certaines conditions, notamment qu'elle devait en faire la demande à l'autorité judiciaire (cf. ordonnance du 4 septembre 2023), il n'incombait plus au juge d'accompagner son avocat dans de telles démarches, ni de lui rappeler une nouvelle fois les termes de cette ordonnance. 
 
5.2. S'agissant de l'avance de frais, l'instance cantonale avait clairement indiqué à la recourante, par ordonnance du 3 octobre 2023, qu'une "unique prolongation de délai" au 18 octobre suivant lui était accordée pour l'effectuer. Si l'on suivait le raisonnement de la recourante, une partie pourrait en définitive décider à sa guise de s'en tenir ou non aux directives de l'autorité judiciaire, sans que cela puisse avoir d'incidence sur la suite de la procédure; l'art. 47 al. 2 et 3 LPA-VD serait ainsi dénué de toute portée.  
Pour obtenir une nouvelle prolongation du délai de paiement de l'avance de frais, la recourante a soutenu qu'elle avait déposé une demande d'assistance judiciaire (cf. lettre du 18 octobre 2023), ce qui s'est révélé erroné. Pareille argumentation ne justifie pas de prolonger à nouveau un délai qui avait précédemment déjà été prolongé "pour la dernière fois". 
 
5.3. Vu ce qui précède, l'autorité précédente pouvait rendre une décision d'irrecevabilité, sans faire preuve de formalisme excessif. Sur ce point, le recours est infondé.  
 
6.  
Compte tenu des circonstances, il sied de renoncer à percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 1, 2ème phrase, LTF). Le recours étant voué à l'échec, la recourante ne remplit pas les conditions de l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale (art. 64 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 10 juin 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Berthoud