9C_90/2022 03.02.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_90/2022  
 
 
Arrêt du 3 février 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Olivier Carré, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (procédure administrative; assistance juridique gratuite), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 décembre 2019 (AI 237/19 - 396/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Après avoir essuyé deux refus de prestations de la part de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI), en 1998 puis en 2004, A.________ (né en 1965) a déposé une troisième demande, le 7 octobre 2011. Entre autres mesures d'instruction, l'office AI a mandaté le docteur B.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologique de l'appareil locomoteur, pour une expertise (rapport du 24 février 2015). En octobre 2014, l'assuré a été victime d'une chute entraînant une fracture de la clavicule droite. Par projet de décision du 20 février 2019, l'office AI a informé A.________ qu'il entendait lui octroyer une demi-rente du 1 er avril 2012 au 30 avril 2013, une rente entière du 1 er mai 2013 au 31 mai 2015, puis du 1 er janvier au 31 août 2016, ainsi que du 1er janvier au 30 avril 2017. L'assuré a sollicité l'octroi de l'assistance juridique administrative, le 21 février 2019, avant de s'opposer au projet. Par décision du 16 mai 2019, l'office AI a rejeté la requête de l'assuré, tendant à ce qu'il soit mis au bénéfice de l'assistance juridique administrative.  
 
B.  
 
B.a. Statuant le 13 décembre 2019 sur le recours de l'assuré contre la décision du 16 mai 2019, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, l'a admis. Il a annulé cette décision et a renvoyé la cause à l'office AI pour nouvelle décision au sens des considérants. En bref, il a considéré que l'assistance d'un avocat était nécessaire et que l'office AI devait statuer à nouveau sur le droit à l'assistance juridique au regard des autres conditions posées à ce droit (indigence).  
 
B.b. Saisi d'un recours de l'assuré contre une décision de l'office AI du 22 juillet 2021, par laquelle celui-ci fixait son droit aux prestations de l'assurance-invalidité, la juridiction cantonale a rayé la cause du rôle (arrêt du 24 janvier 2022). Elle a constaté que l'office AI concluait à l'admission partielle du recours (reconnaissance du droit de l'assuré à une rente entière dès le 1er janvier 2013 jusqu'au 30 avril 2017, puis à nouveau dès le 1er février 2020, avec confirmation pour le surplus de la décision litigieuse), ensuite de quoi A.________ a retiré son recours.  
 
C.  
Après avoir interjeté un premier recours contre l'arrêt du 13 décembre 2019, sur lequel le Tribunal fédéral n'est pas entré en matière (arrêt 9C_463/2021 du 28 octobre 2021), l'office AI saisit derechef la Cour de céans par un recours en matière de droit public du 10 février 2022. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la confirmation de sa décision du 16 mai 2019. L'office AI sollicite également l'octroi de l'effet suspensif au recours. 
A.________ s'est déterminé spontanément le 15 mars 2022, en concluant à l'irrecevabilité du recours. Après avoir été invité à déposer une réponse, il s'est opposé à la requête d'effet suspensif et a derechef conclu à l'irrecevabilité du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt du 13 décembre 2019 constitue une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF (cf. ATF 139 V 600), de sorte qu'il ne pouvait pas être déféré au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 93 al. 3 LTF avant que la décision finale sur le droit aux prestations AI ne soit rendue (cf. arrêt 9C_463/2021 du 28 octobre 2021 consid. 3). En outre, le recours de l'administration contre une décision incidente portant sur l'assistance judiciaire doit être déposé dans les trente jours qui suivent la notification (et non pas l'entrée en force) de la décision qui met un point final à la procédure engagée devant le tribunal cantonal de dernière instance (arrêt 9C_361/2022 du 14 novembre 2022 consid. 1.3 et les références). 
En l'espèce, le recours de l'office AI du 10 février 2022 a été déposé dans les trente jours suivant l'expédition de l'arrêt du 24 janvier 2022 par la juridiction cantonale. Cet arrêt met un point final à la procédure engagée devant elle au sujet du droit de l'intéressé à des prestations de l'assurance-invalidité. Dès lors, le recours de l'administration est recevable. Il est vrai, comme le soulève l'intimé, que postérieurement à cet arrêt, l'office AI a enjoint la caisse de compensation de calculer la rente de l'assuré en fonction du degré d'invalidité qu'il avait reconnu en procédure cantonale (communication du 11 février 2022; produite valablement par l'intimé à l'appui de sa conclusion en irrecevabilité [art. 99 al. 1 LTF; ATF 136 III 123 consid. 4.4.3]). Compte tenu cependant du retrait du recours de l'assuré, qui a conduit à l'arrêt du 24 janvier 2022 - après lequel la décision du 22 juillet 2021 est en principe entrée en force -, l'office AI a agi correctement en recourant dans les trente jours dès la notification de cet arrêt. Contrairement à l'argumentation de l'assuré, il n'y a pas lieu de qualifier le recours de prématuré, puisqu'à la différence de la situation jugée par l'arrêt 9C_463/2021, l'arrêt cantonal du 24 janvier 2022 a un caractère final. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
3.  
 
3.1. Le litige a trait au droit de l'intimé à l'assistance gratuite d'un conseil juridique dans la procédure administrative conduite par l'office AI. Compte tenu des motifs du recours, il porte plus particulièrement sur la question de savoir si la complexité de la cause justifiait l'assistance d'un avocat. Il s'agit d'une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (art. 95 let. a et 106 LTF; arrêt 8C_147/2021 du 18 mai 2021 consid. 3.3 et les références).  
 
3.2. L'arrêt entrepris cite les dispositions légales et les principes jurisprudentiels concernant l'octroi de l'assistance gratuite d'un conseil juridique dans la procédure administrative en matière d'assurances sociales (art. 37 al. 4 LPGA; ATF 132 V 200 consid. 4.1; 130 I 180 consid. 2.2; arrêt 9C_105/2007 du 13 novembre 2007). Il suffit d'y renvoyer.  
 
4.  
La juridiction cantonale a considéré que sans être d'une complexité extrême, la cause - qui était pendante depuis plus de huit ans - présentait des difficultés d'orientation dans les appréciations des avis médicaux et de gestion de la technique procédurale. De plus, l'intéressé, dont la santé psychique était susceptible de l'entraver dans ses facultés, ne maîtrisait pas la langue au point de pouvoir s'orienter dans une procédure écrite et dans un dossier très volumineux. Les premiers juges ont également considéré que l'assuré ne pouvait pas être renvoyé à l'aide d'un tiers non avocat, puisqu'un curateur ou un assistant social ne pouvait à l'évidence pas gérer le dossier de manière rationnelle et efficace, alors que le conseil de l'intimé était en charge du mandat de représenter l'assuré depuis 2005. En conséquence, l'assistance d'un avocat était nécessaire au sens de l'art. 37 al. 4 LPGA
 
5.  
 
5.1. Le recourant fait valoir que la juridiction cantonale a constaté arbitrairement que l'assistance d'un avocat était indispensable en l'espèce.  
 
5.2. A la suite de la cour cantonale, on doit tout d'abord constater que le recourant a admis la nécessité de l'intervention d'un tiers dans le cas d'espèce (courrier du 16 mai 2019), ce qu'il semble remettre partiellement en question de manière contraire à la bonne foi devant le Tribunal fédéral (sur cette notion, cf. par exemple ATF 143 III 55 consid. 3.4).  
Ensuite, et contrairement à ce que fait valoir l'office AI, l'affaire en cause présentait une certaine complexité en fait et en droit, qui justifiait l'assistance exceptionnelle d'un avocat dans le cadre de la procédure administrative. On relèvera tout d'abord (art. 105 al. 2 LTF) que l'assuré a été victime en août 2010 d'une chute d'un mur ayant entraîné un traumatisme au genou droit (nécessitant une opération, qui se compliqua d'une surinfection), puis d'une chute d'une échelle en 2014 qui a entraîné une fracture de la clavicule droite. Or ces évènements successifs ont conduit l'office AI - outre à demander une expertise orthopédique - à solliciter à plusieurs reprises l'apport des pièces de l'assureur-accident, favorisant le dépôt de nombreux rapports médicaux, qui sont venus compléter un dossier déjà fort volumineux. De plus, une problématique neurologique a également été évoquée - toutefois écartée par le Service médico-régional de l'assurance-invalidité -, ajoutant une certaine complexité sur le plan médical. 
En outre, l'évaluation des conséquences économiques des diverses atteintes à la santé de l'assuré n'était pas aisée à déterminer. Premièrement, les taux d'incapacité de travail dans l'activité habituelle et l'activité adaptée ont oscillé à de nombreuses reprises en raison d'améliorations et d'aggravations successives de l'état de santé de l'assuré entre 2011 et 2017. En second lieu, s'agissant de la détermination du degré d'invalidité, la question de l'impact d'heures supplémentaires sur le calcul du revenu sans invalidité a dû être analysée. Le recourant, qui avait cumulé deux emplois durant une certaine période, a également dû prendre position sur l'évaluation d'un tel cumul par l'office AI, qui ne le prenait pas en considération dans le cadre de la détermination du revenu sans invalidité. 
Dans ces circonstances, l'étendue des investigations médicales et la multiplicité des questions d'ordre économique, ainsi que leurs interactions dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré, ne sauraient être considérées comme ne posant intrinsèquement pas de difficultés particulières. Elles démontrent au contraire une certaine complexité du cas d'espèce dont la compréhension nécessite des connaissances juridiques et médicales que l'intimé n'a à l'évidence pas. Il s'ensuit que le besoin d'assistance d'un avocat dans la procédure administrative devant l'office AI est établi. Il en va ainsi indépendamment de la constatation de la juridiction cantonale - critiquée comme arbitraire par le recourant - selon laquelle l'assuré n'était pas en mesure de s'orienter dans la procédure pour des motifs psychiques. Il n'y a pas lieu de se prononcer plus avant sur le grief y relatif. 
 
5.3. Dans ces circonstances particulières, il était par ailleurs inopportun de confier provisoirement la défense des intérêts de l'intimé à un tiers (même à une personne oeuvrant au sein d'une institution sociale), puisque le mandataire de l'assuré est actif depuis le début de l'année 2005 et disposait d'une connaissance approfondie du dossier (à cet égard, cf. p. ex. arrêt 9C_516/2018 du 17 octobre 2018 consid. 2.4.3 et les références).  
 
6.  
Il s'ensuit que le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté, ce qui rend sans objet la requête d'effet suspensif. 
 
7.  
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il versera en outre une indemnité réduite à titre de dépens pour la procédure fédérale à l'intimé, qui s'est prononcé exclusivement sur la recevabilité du recours et la requête d'effet suspensif dans le cadre de l'échange d'écriture (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le recourant versera à l'intimé la somme de 1000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 3 février 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser