7B_228/2023 16.11.2023
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_228/2023  
 
 
Arrêt du 16 novembre 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux, Koch, Juge présidant, 
Kölz et Hofmann. 
Greffière : Mme Paris. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Flamur Redzepi, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Sandrine Osojnak, Présidente du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois 
2. Francine Baudois, Juge au Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois 
3. André Grivel, Juge au Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois 
 
intimés, 
 
Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre la décision de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 28 avril 2023 (340 - PE18.018188-SOS). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 21 mars 2023, A.________ a requis la récusation de la Présidente du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois Sandrine Osojnak et des juges Francine Baudois et André Grivel de ce même tribunal. Ceux-ci avaient déféré dans un jugement séparé deux comparses du prévenu, B.________ et C.________. D'après A.________, la lecture de ce jugement laissait apparaître que le tribunal correctionnel le considérait d'ores et déjà comme coupable de la rixe dont il était accusé, alors même qu'il n'avait pas encore été jugé. 
 
B.  
Par arrêt du 28 avril 2023, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a déclaré la demande de récusation irrecevable. Elle a mis les frais judiciaires, fixés à 990. fr, ainsi que l'indemnité due au défenseur d'office de A.________, arrêtés à 297 fr., à la charge de ce dernier. La cour cantonale a considéré que la demande de récusation était sans objet dès lors qu'aucun des magistrats visés n'allait composer la Cour amenée à juger A.________ et que la direction de la procédure serait reprise par un autre président du tribunal correctionnel. 
 
C.  
A.________ forme un recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que la demande de récusation soit admise et que les frais judiciaires ainsi que l'indemnité allouée au défenseur d'office soient laissés à la charge de l'Etat. Subsidiairement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure afin qu'elle entre en matière et statue sur la requête. Plus subsidiairement, il demande à ce qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert par ailleurs l'assistance judiciaire. 
Invités à se déterminer sur le recours, le Ministère public y a renoncé, tout comme les juges Francine Baudois et André Grivel, qui ont tous deux précisé n'être pas intervenus dans l'affaire concernant A.________ depuis la disjonction de son cas de celui de B.________ et de C.________. La Présidente du tribunal correctionnel Sandrine Osojnak s'est référée à l'arrêt entrepris et au courrier qu'elle avait envoyé le 24 mars 2023 à l'intéressé, qu'elle a produit en annexe. La Chambre des recours pénale s'en est remise à justice, tout en soulignant quelques éléments "afin de dissiper toute ambiguïté factuelle". Dans ce cadre, elle a annexé un courrier de la Présidente de la Chambre pénale du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, Anne-Catherine Page, daté du 18 août 2023. 
Les déterminations précitées et leurs annexes ont été soumises au recourant, lequel a répliqué le 24 septembre 2023, confirmant ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1. L'arrêt cantonal litigieux se rapporte à une demande de récusation dirigée contre la Présidente Sandrine Osojnak et les juges Francine Baudois et André Grivel du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois. Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, il peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. En l'espèce, le recourant a un intérêt juridique à obtenir l'annulation de cet arrêt, qui déclare irrecevable sa demande de récusation. Il a donc qualité pour agir en vertu de l'art. 81 al. 1 LTF. En outre, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité cantonale statuant en tant que dernière instance (art. 80 al. 1 LTF).  
 
1.2. En tant que le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité, seules sont recevables les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle se prononce au fond. Les griefs du recourant qui concernent le bien-fondé de la demande de récusation, de même que la conclusion tendant à la récusation des magistrats précités - qui concernent le fond - doivent être déclarés irrecevables sur le plan fédéral. Sous cette réserve, il y a lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
Le recourant reproche à la Chambre des recours pénale d'avoir retenu que sa demande de récusation était sans objet, respectivement d'avoir déclaré celle-ci irrecevable, en se basant sur une appréciation erronée de la situation. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 264 consid. 2.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF; ATF 141 II 14 consid. 1.6; 137 I 58 consid. 4.1.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 139 II 404 consid. 10.1; 137 II 353 consid. 5.1et les arrêts cités).  
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). 
 
2.2. La Chambre des recours pénale a constaté que la demande de récusation du recourant était spécifiquement dirigée contre la Présidente Sandrine Osojnak et les juges Françine Baudois et André Grivel du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois et non contre d'autres magistrats ou contre ledit tribunal en corps. Or par courrier du 24 mars 2023, la Présidente Sandrine Osojnak avait indiqué au recourant que le tribunal amené à statuer sur sa cause n'aurait pas la même composition que celle du tribunal ayant siégé dans la cause concernant B.________ et C.________. Selon l'autorité de recours, il fallait donc en déduire que les trois magistrats visés par la requête de récusation n'allaient pas composer la Cour amenée à juger le recourant et que, partant, la direction de la procédure serait reprise par un autre président du tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois. Dans ces circonstances, la juridiction précédente a considéré que la demande de récusation était sans objet et qu'elle devait être déclarée irrecevable.  
 
2.3. Le recourant conteste l'appréciation de l'autorité cantonale uniquement en lien avec la présidente en charge de la direction de la procédure, précisant que "ce n'était d'ailleurs qu'en rapport avec la direction de la procédure que la demande de récusation avait été maintenue". Il sied ainsi de constater que le recourant ne remet pas en cause, où à tout le moins pas de manière suffisante au regard des exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF, que la demande de récusation était sans objet s'agissant des juges Francine Baudois et André Grivel. Il n'y a donc pas lieu d'examiner ces questions.  
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir apprécié les faits de manière erronée en considérant qu'il découlait du courrier du 
24 mars 2023 de la Présidente Sandrine Osojnak que la direction de la procédure serait reprise par un autre président, dès cette date. Les termes "amené à statuer" et "ne statuera pas" formulés dans ce courrier ainsi que la mention "SOS" figurant après le numéro de procédure, représentant l'abréviation de la Présidente 
Sandrine Osojnak, laissaient plutôt penser que la direction de la procédure n'allait changer que dans le futur. Ce courrier n'indiquait au demeurant pas la nouvelle composition du tribunal ni l'identité de la nouvelle direction de la procédure. De surcroît, il avait été interpellé à cette occasion afin de savoir s'il maintenait sa demande de récusation, ce qui laissait sous-entendre que celle-ci n'était pas sans objet. Dans tous les cas, sa réponse du 29 mars 2023, par laquelle il indiquait maintenir sa demande de récusation, démontrait qu'il avait compris de bonne foi que la direction de la procédure entendait, pour l'heure, rester en place et qu'il critiquait cette situation. 
 
2.4. En l'espèce, il faut admettre, avec le recourant, qu'on ne saurait indubitablement déduire du seul premier paragraphe du courrier du  
24 mars 2023 de la Présidente Sandrine Osojnak, mentionnant uniquement un changement de composition du tribunal amené à statuer, que la direction de la procédure allait changer immédiatement; en effet, si un seul des membres de la cour change, quel qu'il soit, la composition de ladite cour n'est déjà plus la même. Néanmoins, on peut clairement déduire du deuxième paragraphe du courrier en cause, impartissant au recourant un délai pour indiquer si, compte tenu de l'information qui lui avait été donnée, il maintenait sa demande de récusation, qu'aucun des trois magistrats n'était plus saisi de sa cause. En effet, avec une telle formulation, il apparaît évident que le tribunal considérait que la requête de récusation n'avait plus d'objet. Si le recourant éprouvait un doute à ce sujet, il lui appartenait, en application du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) de se renseigner auprès de l'autorité compétente, démarche à laquelle il n'a pas procédé, se bornant à maintenir sa demande de récusation. Il s'ensuit que l'instance précédente pouvait, sans arbitraire, considérer que la demande de récusation dirigée contre la Présidente 
Sandrine Osojnak était sans objet. 
 
2.5. La décision attaquée échappe ainsi à la critique et doit être confirmée en tant qu'elle conclut à l'irrecevabilité de la demande de récusation.  
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Dès lors qu'il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), lesquels seront fixés en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, fixés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 16 novembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Koch 
 
La Greffière : Paris