6B_1120/2023 20.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1120/2023  
 
 
Arrêt du 20 juin 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et von Felten. 
Greffière : Mme Corti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Basile Couchepin, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton du Valais, rue des Vergers 9, case postale, 1950 Sion 2, 
2. B.________, 
représenté par Me Sébastien Fanti, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Diffamation; arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du Valais, Cour pénale I, du 10 août 2023 (P1 21 48). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 12 mars 2021, la Juge de district de Martigny a reconnu A.________ coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende avec sursis pendant 2 ans, le montant du jour-amende étant fixé à 110 fr., et à une amende de 600 fr., la peine privative de liberté de substitution étant arrêtée à 6 jours. Elle a également acquitté A.________ du chef d'accusation d'injure et renvoyé les prétentions civiles de B.________ au for civil. 
 
B.  
Par arrêt du 10 août 2023, la Cour pénale I du Tribunal cantonal du Valais a très partiellement admis l'appel formé par A.________. Compte tenu de la violation du principe de célérité, elle a réformé le jugement du 12 mars 2021 en ce sens qu'elle a réduit la peine pécuniaire à 20 jours-amende à 110 fr. le jour et a renoncé à lui infliger une amende. 
En substance, elle a retenu les faits suivants: 
 
B.a. B.________, fondateur de la section C.________ du Valais en 1999, a été député au parlement valaisan et conseiller national. En 2013, il est entré au Conseil d'État du canton du Valais. Au printemps 2017, il a été candidat à sa réélection, dont les premier et second tours ont eu lieu respectivement le 5 mars et le 19 mars. Il n'a pas été réélu.  
 
B.b. Dans le cadre de la campagne qui a précédé l'élection, a été créée une page Facebook initialement intitulée " B.________ dégage ", puis " Printemps valaisan, le Valais c'est aussi nous ". De nombreux messages et photographies y ont été publiés, principalement pendant le premier trimestre 2017.  
 
B.c. Entre le 11 février et le 17 mars 2017, A.________, sous le pseudonyme " A.A.________ ", en a publié un certain nombre dont un tweet du 12 mars laissant croire qu'il émanait de B.________ et comportant le texte suivant: " Je ne suis pas raciste parce que le racisme est un crime. Et le crime c'est pour les noirs @couponsluilavoie @degageB.________ ".  
Ces faits ont été retenus à sa charge dans l'ordonnance pénale du 21 août 2020 tenant lieu d'acte d'accusation. Cet acte lui avait aussi imputé d'autres faits, pour lesquels le juge de première instance a constaté la prescription dans son jugement du 12 mars 2021. 
A.________ a admis que le tweet n'émanait pas de B.________, mais qu'il l'avait créé lui-même au moyen d'un moteur accessible par internet permettant de générer de faux tweets. Il a aussi admis que des gens ont pu croire que le tweet émanait de B.________, alors que d'autres ont pu comprendre que tel n'était pas le cas.  
Le message a suscité des réactions sur le profil Facebook de A.________. Ainsi, en réponse à une intervention de D.________, le prénommé écrit: "Je veux être poursuivi en justice." E.________ a posé la question de savoir si c'était vraiment une blague, ce qu'elle disait espérer ajoutant: " Par contre c'est un peu chaud et diffamant non de publier au nom de quelqu'un des propos incriminants? Attention... ". A.________ a admis que les différentes publications dénoncées par B.________ pouvaient laisser supposer que celui-ci était raciste, ce qu'il a confirmé lors des débats de première instance. Aux débats d'appel, il a cependant précisé que cet avis ne concernerait pas le tweet litigieux.  
Quant aux motifs de ces publications, A.________ a notamment déclaré que c'était une campagne électorale, qu'il avait voulu faire de l'humour, qu'il avait cherché à imiter les procédés de C.________, que sa volonté était de faire passer un message, soit qu'il ne fallait pas élire à nouveau B.________, que ce n'était pas quelqu'un de bien pour le canton. Il prétend n'avoir jamais dit ou écrit que B.________ était raciste. Selon lui, on pouvait tout dire à un politicien car il devait supporter beaucoup plus. 
 
B.d. Le 20 juin 2017, B.________ a déposé une plainte pénale "contre le dénommé A.A.________ dont la photographie sur la page Facebook permettra l'identification", reprenant notamment le texte ci-dessus (cf. supra consid B.c ab initio).  
À réception de la plainte, le 21 juin 2017, le procureur général a décerné un mandat d'investigation avant ouverture d'instruction chargeant la police d'identifier l'auteur des comptes Facebook/Twitter dénoncés, à le localiser et à déterminer la date des publications incriminées. Le rapport administratif de police daté du 22 juin 2017 a estimé vraisemblable que le compte du profil Facebook "A.A.________" soit celui utilisé par A.________. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 10 août 2023. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté du chef d'accusation de diffamation. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant se plaint de sa condamnation pour diffamation. Il critique également la manière dont la cour cantonale a apprécié les preuves et établi les faits en relation avec cette infraction. 
 
1.1. Aux termes de l'art. 173 ch. 1 CP, se rend coupable de diffamation quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.  
 
1.1.1. Cette disposition protège la réputation d'être un individu honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 148 IV 409 consid. 2.3; 137 IV 313 consid. 2.1.1; 132 IV 112 consid. 2.1). La réputation relative à l'activité professionnelle ou au rôle joué dans la communauté n'est pas pénalement protégée. Il en va ainsi des critiques qui visent comme tels la personne de métier, l'artiste o u le politicien, même si elles sont de nature à blesser et à discréditer (A TF 145 IV 462 consid. 4.2.2; 119 IV 44 consid. 2a; 105 IV 194 consid. 2a). Dans le domaine des activités socio-professionnelles, il ne suffit ainsi pas de dénier à une personne certaines qualités, de lui imputer des défauts ou de l'abaisser par rapport à ses concurrents. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ces domaines, si on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid 4.2.2 et les arrêts cités).  
Pour apprécier si une déclaration est attentat oire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 148 IV 409 consid. 2.3.2; 145 IV 462 consid. 4.2.3; 137 IV 313 consid. 2.1.3). Aussi, il est constant qu'en matière d'infractions contre l'honneur, les mêmes termes n'ont pas nécessairement la même portée suiva nt le contexte dans lequel ils sont employés (ATF 148 IV 409 consid. 2.3.2; 145 IV 462 consid. 4.2.3; 118 IV 248 consid. 2b). Selon la jurisprudence, un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble. Ce qui précède ne signifie cependant pas qu'il faille, par exemple, faire abstraction de l'impact particulier d'un titre ou d'un intertitre. Rédigés en plus gros caractères et en gras, ceux-ci frappent spécialement l'attention du lecteur. Très généralement, ils sont en outre censés résumer très brièvement l'essentiel du contenu de l'article. De plus, il n'est pas rare que des lecteurs, parce qu'ils n'en prennent pas la peine ou parce qu'ils n'en ont pas le temps, ne lisent que les titre et intertitre, par lesquels ils peuvent être induits en erreur si leur contenu ne correspond pas à celui de l'article (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 et l'arrêt cité). Déterminer le contenu d'un message relève des constatations de fa it. Le sens qu'un destinataire non prévenu confère aux expressions et images utilisées constitue en revanche une question de droit (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.3; 137 IV 313 consid. 2.1.3). 
Pour qu'il y ait diffamation, il n'est pas nécessaire que l'auteur ait affirmé des faits qui rendent méprisable la personne visée; il suffit qu'il ait jeté sur elle le soupçon d'avoir eu un comportement contraire aux règles de l'honneur ou qu'il propage - même en citant sa source ou en affirmant ne pas y croire - de telles accusations ou de tels soupçons (ATF 117 IV 27 consid. 2c; arrêts 6B_777/2022 du 16 mars 2023 consid. 3.1 non publié aux ATF 149 IV 170; 6B_632/2022 du 6 mars 2023 consid. 2.1; 6B_479/2022 du 9 février 2023 consid. 5.1.1). 
 
1.1.2. L'art. 176 CP assimile à la diffamation et à la calomnie verbales la diffamation et la calomnie par l'écriture, l'image, le geste ou par tout autre moyen.  
 
1.1.3. Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut une allégation de fait, et non pas un simple jugement de valeur (cf. ATF 137 IV 313 consid. 2.1.2; 117 IV 27 consid. 2c). Si l'on ne discerne qu'un jugement de valeur offensant, la diffamation est exclue et il faut appliquer la disposition réprimant l'injure (art. 177 CP), qui revêt un caractère subsidiaire (arrêts 6B_15/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.3; 6B_476/2016 du 23 février 2017 consid. 4.1; 6B_6/2015 du 23 mars 2016 consid. 2.2). Pour distinguer l'allégation de fait du jugement de valeur, il faut se demander, en fonction des circonstances, si les termes litigieux ont un rapport reconnaissable avec un fait ou sont employés pour exprimer le mépris. La notion de jugement de valeur doit être comprise dans un sens large. Il s'agit d'une manifestation directe de mésestime ou de mépris, au moyen de mots blessants, de gestes ou de voies de fait (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.2; arrêt 6B_127/2019 du 9 septembre 2019 consid. 4.2.4). Lorsqu'une affirmation comporte un jugement de valeur qui n'est pas exprimé de manière abstraite mais en relation avec des faits précis, cette affirmation mixte est assimilée à une allégation de fait (ATF 121 IV 76 consid. 2a/bb; arrêts 6B_567/2016 du 27 avril 2017 consid. 4; 6B_395/2009 du 20 octobre 2009 consid. 3.2.2).  
 
1.1.4. Du point de vue subjectif, il suffit que l'auteur ait eu conscience du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos et qu'il les ait néanmoins proférés; il n'est pas nécessaire qu'il ait eu la volonté de blesser la personne visée (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.6; arrêts 6B_777/2022 précité consid. 3.1; 6B_632/2022 précité consid. 2.2; 6B_479/2022 précité consid. 5.1.1).  
 
1.1.5. Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits "internes" qui, en tant que tels, lient le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils aient été retenus de manière arbitraire (ATF 142 IV 137 consid. 12; 141 IV 369 consid. 6.3).  
 
1.1.6. La liberté d'opinion est garantie: toute personne a le droit de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion (art. 16 al. 1 et 2 Cst.). Elle peut toutefois faire l'objet de restrictions à la condition que celles-ci soient fondées sur une base légale, qu'elles soient justifiées par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et qu'elles soient enfin proportionnées au but visé (art. 36 Cst.). Au niveau international, la liberté d'expression est garantie par l'art. 10 CEDH; elle comporte notamment la liberté d'opinion et la liberté de communiquer des informations ou des idées sans aucune ingérence de l'autorité publique et sans considération de frontière (ch. 1). L'exercice de cette liberté peut être soumis à des restrictions ou à des sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, en particulier pour le maintien de l'ordre public et la protection de la réputation ou des droits d'autrui (ch. 2).  
Dans la discussion politique, l'atteinte à l'honneur punissable ne doit être admise qu'avec retenue et, en cas de doute, niée. La liberté d'expression indispensable à la démocratie implique que les acteurs de la lutte politique acceptent de s'exposer à une critique publique, parfois même violente, de leurs opinions. Il ne suffit ainsi pas d'abaisser une personne dans les qualités politiques qu'elle croit avoir. La critique ou l'attaque porte en revanche atteinte à l'honneur protégé par le droit pénal si, sur le fond ou dans la forme, elle ne se limite pas à rabaisser les qualités de l'homme politique et la valeur de son action, mais est également propre à l'exposer au mépris en tant qu'être humain (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.4 et les références citées; arrêt 6B_119/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3.1). L'art. 10 par. 2 CEDH ne laisse ainsi guère de place pour des restrictions à la liberté d'expression dans le domaine du discours et du débat politique, dans lequel cette liberté revêt la plus haute importance. En outre, les limites de la critique admissible sont plus larges à l'égard d'un homme politique, visé en cette qualité, que d'un simple particulier: à la différence du second, le premier s'expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens. Il doit, par conséquent, montrer une plus grande tolérance (ATF 137 IV 313 consid. 3.3.2; arrêt 6B_119/2017 précité consid. 3.1; arrêts de la CourEDH Lindon, Otchakovsky-Laurens et July contre France du 22 octobre 2007 § 46 et références citées; Monnat contre Suisse du 21 septembre 2006 § 58; Brasilier contre France du 11 avril 2006 § 41). Toutefois, quelle que soit la vigueur des luttes politiques, il est légitime de vouloir leur conserver un minimum de modération et de bienséance, ce d'autant plus que la réputation d'un politicien, fût-il controversé, doit bénéficier de la protection garantie par la Convention. Il y a lieu dès lors de porter attention à la nature des termes employés, notamment à l'intention qu'ils expriment de stigmatiser l'adversaire, et au fait que leur teneur est de nature à attiser la violence et la haine, excédant ainsi ce qui est tolérable dans le débat politique, même à l'égard d'une personnalité occupant sur l'échiquier une position extrémiste (arrêt de la CourEDH Lindon, Otchakovsky-Laurens et July contre France précité § 57).  
 
1.1.7. Selon la jurisprudence de la CourEDH, la protection conférée par l'art. 10 CEDH s'applique également à la satire, qui est une forme d'expression artistique et de commentaire social qui, de par l'exagération et la déformation de la réalité qui la caractérisent, vise naturellement à provoquer et à agiter. C'est pourquoi il faut examiner avec une attention particulière toute ingérence dans le droit d'un artiste à s'exprimer par ce biais (arrêts de la CourEDH Eon contre France du 14 mars 2013 § 60 ; Alves da Silva contre Portugal du 20 octobre 2009 § 27; Vereinigung Bildender Künstler contre Autriche du 25 janvier 2007 § 33). En ce sens, la CourEDH a considéré que le discours humoristique ou les formes d'expression qui cultivaient l'humour étaient protégés par l'art. 10 CEDH, y compris s'ils se traduisaient par la transgression ou la provocation et ce, peu importe qui en était l'auteur. Si ces formes d'expression ne peuvent être appréciées ou censurées à l'aune des seules réactions négatives ou indignées qu'elles sont susceptibles de générer, elles n'échappent pas pour autant aux limites définies à l'art. 10 par. 2 CEDH. En effet, le droit à l'humour ne permet pas tout et quiconque se prévaut de la liberté d'expression assume, selon les termes de ce paragraphe, " des devoirs et des responsabilités " (arrêt de la CourEDH Z.B. contre France du 2 septembre 2021, §§ 56 et 57).  
Ce qui importe est de distinguer si les propos litigieux, vus dans leur contexte, peuvent être perçus comme des commentaires acceptables concernant des questions d'intérêt public ou s'ils relèvent d'une attaque personnelle gratuite (arrêt de la CourEDH Lykin contre Ukraine du 12 janvier 2017 § 29 et les références citées). Une claire distinction doit ainsi être faite entre la critique et l'insulte (arrêts de la CourEDH Lykin précité § 29; Skalka contre Pologne du 27 mai 2003 § 34; cf. aussi arrêt 6B_938/2017 du 2 juillet 2018 consid. 6.1.2). Les membres d'autorités judiciaires, ainsi que de toute autre institution publique, doivent pouvoir jouir dans ce contexte des mêmes droits que les autres membres de la société. Aussi, si l'unique intention de la forme d'expression utilisée était d'insulter, une sanction appropriée ne constitue en principe pas une violation de l'art. 10 par. 2 CEDH (arrêt Skalka précité § 34; cf. aussi arrêt 6B_938/2017 précité consid. 6.1.2).  
 
1.1.8. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 500 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 143 IV 241 consid. 2.3.1).  
 
1.2.  
 
1.2.1. La cour cantonale a tout d'abord constaté que le recourant ne s'était pas contenté de porter un jugement de valeur, mais, par le procédé choisi, avait émis une allégation de fait, consistant à présenter l'intimé comme l'auteur du tweet incriminé. Elle a par conséquent consi déré que c'était l'infraction de diffamation et non celle d'injure qui entrait en considération.  
 
1.2.2. Quant à son contenu, la cour cantonale a notamment considéré que ce tweet, après avoir posé que le racisme était un crime, excluait pour l'auteur, de couleur blanche, la capacité de s'en rendre coupable, dès lors que seuls les noirs pouvaient commettre des crimes. Une telle affirmation dénotait un profond mépris pour les personnes de couleur noire et comportait une forte connotation raciste. Celui qui tenait de tels propos n'adoptait pas le comportement d'une personne honorable, soit celui qu'une personne digne avait coutume d'adopter selon les conceptions morales généralement admises, mais révélait bien une personnalité méprisable. La prétendue utilisation du terme racisme "à toutes les sauces" dans notre société alléguée par le recourant n'enlevait pas le caractère attentatoire à l'honneur de l'accusation de racisme que justifiait le tweet litigieux. Dès lors, en rédigeant ce tweet sous l'identité de l'intimé, laissant ainsi croire que celui-ci était l'auteur d'un tel propos, le recourant l'avait exposé au mépris en sa qualité d'homme et avait jeté sur lui le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur.  
D'après la cour cantonale, que le recourant ait eu ou non la volonté de blesser l'intimé n'avait pas de conséquence sur la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction. Sa volonté avouée était de se moquer de lui et d'empêcher qu'il soit réélu. Si on ne pouvait évidemment contester le droit de tourner en dérision les personnalités publiques, notamment dans la période qui précédait une élection, ce droit ne saurait empiéter sur celui de la personne visée à son honneur. Lorsque les moyens utilisés, comme le tweet litigieux, n'atteignaient pas seulement le politicien, mais étaient propres à le présenter comme un homme méprisable, indépendamment de sa fonction ou de sa position, la limite que devaient tolérer les hommes publics était franchie. Contrairement à ce que croyait le recourant, on ne pouvait pas tout dire à un homme politique. Le recourant ne pouvait ignorer que prêter de tels propos, fussent-ils déjà connus ou utilisés par le passé dans d'autres circonstances, à l'intimé, jetait sur lui le soupçon d'un comportement méprisable. Il était d'ailleurs conscient qu'il s'exposait à des suites pénales, comme il l'avait expressément écrit, assumant le risque de ses actes.  
La cour cantonale a ainsi conclu que tant les conditions objectives que subjectives de la diffamation étaient réalisées. 
 
1.3.  
 
1.3.1. Le recourant ne conteste pas, en tant que telle, la qualification juridique retenue par la cour cantonale (cf. supra consid. 1.2.1), mais uniquement la réalisation des éléments constitutifs de l'infraction de diffamation.  
 
1.3.2. Le recourant soutient tout d'abord qu'un observateur neutre ne pouvait manifestement pas accorder le moindre crédit à un tel tweet, puisqu'il tombait sous le sens que l'intimé n'en était pas l'auteur. Selon le recourant, la cour cantonale aurait en effet complètement omis d'examiner le contexte dans lequel ce faux tweet avait été rédigé, soit la course à l'élection au Conseil d'État valaisan, où des groupes " anti-B.________ " avaient vu le jour sur les réseaux sociaux; c'était précisément sur un groupe intitulé " dégage B.________ " que le tweet litigieux avait été posté par le recourant à deux jours du second tour de l'élection. Il était ainsi impossible de croire un seul instant que l'intimé publierait une telle déclaration sur un réseau social, qui plus est dans un groupe qui lui était notoirement hostile. Par ailleurs, les mentions " @couponsluilavoie ", " @degageB.________ " et " @jesuisputchiste " démontraient que l'intimé ne pouvait de toute évidence pas être à l'origine du tweet en question.  
Contrairement à ce que semble croire le recourant, le fait d'avoir posté le tweet litigieux dans un groupe qui était antagoniste à l'intimé ne suffit pas pour considérer qu'un destinataire non prévenu, dans les circonstances d'espèce, aurait objectivement pu se rendre compte que ce tweet était un faux et qu'il n'émanait pas de l'intimé. Il ne faut en effet pas minimiser l'impact particulier d'un post qui apparaît provenir clairement de l'intimé - son nom et prénom figuraient en gras dans l'intitulé - (cf. pièce 3 du dossier cantonal [plainte pénale du 20 juin 2017]), ce qui frappe aussitôt l'attention du lecteur, lequel ne se représente d'emblée pas que celui-ci puisse être un faux. Au contraire, comme l'a relevé la cour cantonale, par le subterfuge utilisé (soit l'utilisation d'un logiciel accessible via internet permettant de générer des faux tweets), il était difficile pour tout un chacun d'imaginer que le tweet émanait d'un tiers et de reconnaître une éventuelle volonté de son auteur réel de tourner en dérision tant l'intimé que les procédés des partisans de celui-ci, comme le confirmaient par ailleurs les réactions des internautes (cf. infra consid. 1.3.3). Du reste, comme dans le contexte d'un article - où il n'est pas rare que son lecteur ne lise que le titre ou l'intertitre (cf. supra consid. 1.1) -, il en va de même dans le cas d'un post sur les réseaux sociaux: il est tout à fait envisageable, et même assez courant, qu'un lecteur lambda, parce qu'il n'en prend pas la peine ou parce qu'il n'en a pas le temps, ne lise que le post et de qui il provient et non pas les hashtags (#), ou toute autre mention, qui figurent à la fin du commentaire. Par ailleurs, comme souligné à juste titre par la cour cantonale, le recourant avait lui-même admis que certains visiteurs du site avaient pu croire que le tweet litigieux était bien le fait de l'intimé, nonobstant les termes " @couponsluilavoie " " @degageB.________ " et "# jesuisputchiste " qui le suivaient immédiatement. Le fait que le post du recourant ait été publié quelques jours avant la potentielle réélection de l'intimé au Conseil d'État valaisan ne change rien à cette appréciation. Il est également sans pertinence de savoir que sur les réseaux sociaux circuleraient beaucoup de fake news.  
 
1.3.3. Le recourant ne peut également pas être suivi lorsqu'il affirme que la cour cantonale aurait omis d'analyser le sens général du texte, lequel, à son sens, comportait clairement un caractère satirique, étant une copie d'une phrase culte attribuée à l'humoriste français F.________, connu pour ses imitations de personnalités politiques. Là aussi, on ne peut pas considérer qu'une personne non prévenue aurait pu, premièrement, connaître cette supposée citation et, deuxièmement, comme susmentionné, s'apercevoir qu'elle n'était pas l'oeuvre de l'intimé. Il ressort d'ailleurs des réactions figurant au dossier pénal que le lecteur moyen n'a pas tenu le tweet pour une simple plaisanterie (D.________ commente: " ce mec doute vraiment de rien ", " ce mec mérite une statue! Bon fait (sic) avec du fumier mais une statue quand même "; E.________ commente: " C'est une blague j'espère? " et, répondant à un message du recourant: " Par contre c'est un peu chaud et diffamant non de publier au nom de quelqu'un des propos incriminants? Attention... "; cf. pièces 5-6 du dossier cantonal [plainte pénale du 20 juin 2017]). Par ailleurs, on cherche en vain ce qu'il y aurait d'amusant à se faire passer pour quelqu'un d'autre et à laisser croire que cette personne tienne les propos incriminés.  
 
1.3.4. Pour ce qui est du contenu du post en question, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que celui-ci dénotait d'un profond mépris pour les personnes de couleur et faisait passer l'intimé pour une personne raciste. De l'avis du recourant, le tweet litigieux apparaissait plutôt comme une forme d'humour par l'absurde et n'était pas propre à assimiler l'intimé à une personne adepte d'une idéologie prônant la hiérarchie des races, mais plutôt à quelqu'un qui témoignait d'une hostilité en faveur d'une certaine partie de la population, attitude communément admise dans l'esprit commun lorsqu'il s'agissait de qualifier les différentes initiatives du parti C.________.  
En tant que le recourant oppose sa propre interprétation du post en question, il procède de manière purement appellatoire, partant irrecevable. Au demeurant, comme relevé à juste titre par la cour cantonale et sans que le recourant en démontre l'arbitraire, ce post présentait le recourant - selon la signification qu'un destinataire non prévenu aurait pu attribuer à son texte - comme une personne qui vouait un profond mépris aux personnes de couleur noire, en les déclarant seules capables de commettre des crimes. Le tweet litigieux ne touchait par ailleurs pas uniquement à la réputation dont l'intimé jouissait en tant que politicien, ni se bornait à critiquer ses opinions politiques. Au contraire, l'assertion contenue dans le post le discréditait et le rabaissait en tant qu'être humain et simple citoyen, en le faisant passer pour un homme méprisable, adoptant un comportement moralement reprouvé, soit celui d'un homme qui tient publiquement des propos à connotation raciste. Par conséquent, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire et sans violer le droit fédéral, considérer que, en rédigeant le tweet litigieux sous l'identité de l'intimé, laissant ainsi croire que celui-ci était l'auteur de tels propos, le recourant l'avait exposé au mépris en sa qualité d'homme et avait jeté sur lui le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur au sens de l'art. 173 ch. 1 CP.  
 
1.3.5. Quant à l'élément subjectif de l'infraction, le recourant s'est volontairement fait passer pour quelqu'un d'autre et a admis son intention de vouloir se moquer du personnage public pour qu'il ne soit pas réélu au poste de conseiller d'État. Comme retenu par la cour cantonale, il ne pouvait ainsi pas ignorer que se faire passer pour l'intimé et tenir de tels propos était propre à attenter à l'honneur de ce dernier. Il avait du reste lui même expressément écrit: " Je veux être poursuivi en justice ", démontrant être conscient que son acte était répréhensible, et assumant dès lors le risque de son comportement. La cour cantonale pouvait ainsi, sans violer le droit fédéral, considérer que le recourant avait agi intentionnellement, ou pour le moins par dol éventuel.  
 
1.3.6. Le recourant ne peut pas non plus invoquer la liberté d'expression ou d'opinion au sens des art. 16 Cst. et 10 CEDH pour justifier sa publication. En effet, il a volontairement diffusé sur les réseaux sociaux des propos attentatoires à l'honneur de l'intimé. Si son post se voulait satirique et s'inscrivait dans un contexte politique d'opposition à la réélection de l'intimé en tant que conseiller d'État, on y distingue toutefois une claire volonté d'humilier ce dernier, laissant le commentaire politique largement en arrière-plan. La démarche du recourant relève en définitive bien plus d'une attaque personnelle gratuite que de commentaires satiriques portant sur des questions d'intérêt public. Comme évoqué plus haut (cf. supra consid. 1.3.4), le recourant ne se limite pas à rabaisser les qualités de l'homme politique et la valeur de son action. Les propos que le recourant attribue à l'intimé via son post sont en effet propres à l'exposer au mépris en tant qu'être humain, excédant ainsi ce qui est tolérable dans le débat politique.  
 
1.4. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral, ni l'interdiction de l'arbitraire, en considérant que le tweet litigieux était diffamatoire au sens de l'art. 173 ch. 1 CP.  
 
2.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du Valais, Cour pénale I. 
 
 
Lausanne, le 20 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Corti