1C_145/2023 22.08.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_145/2023  
 
 
Arrêt du 22 août 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Müller. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Marc Balavoine, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office cantonal de l'environnement, Service des affaires juridiques de l'environnement, chemin de la Gravière 6, 1227 Les Acacias. 
 
Objet 
Amende administrative; émolument, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 14 février 2023 (ATA/142/2023 - A/2007/2021-AMENAG). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ SA, société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce du canton de Genève, est au bénéfice d'une autorisation d'exploiter une installation d'élimination des déchets délivrée le 31 janvier 2018 par la Direction générale de l'environnement du Département du territoire de la République et canton de Genève (ci-après: le Département). De l'avis du Service cantonal de géologie, sols et déchets, cette autorisation est assortie d'une charge imposant que la destination finale des déchets soit l'usine de valorisation et de traitement des déchets de B.________ dans le canton de Genève. L'existence d'une telle charge est contestée par A.________ SA. 
Le 7 mai 2021, le Service de géologie, sols et déchets a adressé à A.________ SA une amende administrative d'un montant de 20'000 fr. pour violations répétées de l'autorisation d'exploiter (non-acheminement des déchets incinérables à l'usine de B.________). Cette amende était assortie d'un émolument de décision de 7'965 fr. 
 
B.  
Saisi par A.________ SA, le Tribunal administratif de première instance du canton de Genève a partiellement admis le recours et réduit le montant de l'amende à 10'000 fr, par jugement du 23 juin 2022. Il n'a en revanche pas modifié le montant de l'émolument. 
Par arrêt du 14 février 2023, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a annulé le jugement en tant qu'il concerne l'émolument de 7'965 fr. Elle a constaté que cette somme devait représenter les frais pour les nombreuses interventions de différents fonctionnaires durant plusieurs années pour conduire la recourante à respecter l'autorisation d'exploiter; même si le document "calcul émoluments sur procédure" indiquait un total de 69 heures d'activité, les taux horaires - différents selon les qualités de chaque fonctionnaire concerné - n'étaient pas précisés; il manquait également les dates précises des interventions et le temps consacré; il n'était dès lors pas possible de déterminer si l'émolument total correspondait aux coûts effectifs de l'administration. Le dossier était renvoyé au Département pour établissement d'un décompte détaillé des prestations en lien avec l'amende querellée et pour nouvelle décision sur ce point. 
Pour le surplus, le jugement entrepris était confirmé. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal. Elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. Elle soutient que la décision attaquée est finale s'agissant tant de l'amende de 10'000 fr. que de l'émolument de 7'965 fr. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département cantonal conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. 
Par ordonnance du 24 avril 2023, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif formée par la recourante. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis. 
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public (art. 82 let. a LTF). Comme aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, la voie du recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF est en principe ouverte.  
Dans la mesure où le dispositif de l'arrêt attaqué comporte un renvoi à l'autorité de première instance pour nouvelle décision sur l'émolument de décision, se pose la question de savoir si l'arrêt cantonal constitue une décision finale ou incidente au sens des art. 90 ss LTF. Cette qualification s'applique à l'ensemble de l'arrêt cantonal: la problématique d'une décision partielle s'agissant de l'amende administrative n'entre pas en ligne de compte puisque cette question est liée à celle de l'émolument de décision (art. 91 let. a LTF a contrario).  
 
1.2. Constitue une décision finale selon l'art. 90 LTF celle qui met définitivement fin à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire pour un motif tiré des règles de la procédure (ATF 146 I 36 consid. 2.1; arrêt 1C_203/2022 du 12 avril 2023 consid. 1.2, destiné à publication). Le recours contre de telles décisions est ouvert sans restriction, à l'instar de ceux dirigés contre des décisions partielles (art. 91 LTF) et des décisions préjudicielles et incidentes concernant la compétence et les demandes de récusation (art. 92 LTF). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure: en tant que cour suprême, le Tribunal fédéral doit en principe ne s'occuper qu'une seule fois d'une affaire, et ce à la fin de la procédure (ATF 149 III 44 consid. 1.1; 142 II 363; arrêt 1C_770/2021 du 8 février 2023 consid. 1.1).  
Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours si elles sont susceptibles de causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 LTF). Une décision de renvoi ne met en règle générale pas définitivement fin à la procédure, raison pour laquelle elle doit en principe être qualifiée de décision préjudicielle ou incidente; cependant, lorsque le renvoi ne laisse plus aucune latitude à l'autorité inférieure pour la décision qu'elle doit rendre, la décision est qualifiée de finale au sens de l'art. 90 LTF (ATF 147 V 308 consid. 1.2; arrêts 9C_609/2022 du 13 juin 2023 consid. 1.2.3 et 1C_203/2022 précité consid. 1.9). 
 
1.3. En l'espèce, la recourante considère que le Département n'a plus de latitude dans la décision qu'il sera appelé à prendre: il serait uniquement invité à établir un décompte détaillé des prestations effectuées pour justifier le montant de l'émolument de la décision querellée.  
Cette approche de la question ne convainc pas. L'arrêt attaqué rappelle d'abord sur plusieurs pages les règles relatives aux contributions publiques, en particulier de nature causale, lesquelles sont applicables à la fixation de l'émolument litigieux. Il a ensuite énuméré les tarifs horaires prévus dans la réglementation cantonale pour l'intervention des fonctionnaires concernés. Enfin, les juges cantonaux sont arrivés à la conclusion qu'il manquait les éléments factuels suffisants pour vérifier si le principe de couverture des frais était respecté. 
Au vu de ces développements, le Département est certes libre de maintenir sa décision relative à l'émolument tant sur son principe que sur sa quotité. Rien ne l'empêche cependant, puisqu'il est désormais rendu attentif - dans le détail - sur les règles applicables à la fixation de tels émoluments de décision, de modifier sa précédente appréciation, que ce soit sur les principes juridiques applicables ou sur les éléments de fait pertinents. La cour cantonale a d'ailleurs pris soin de mettre entièrement à néant la décision relative à l'émolument de décision et de renvoyer la cause "pour nouvelle décision au sens des considérants". Une telle formulation ne contraint absolument pas le Département à confirmer sa précédente décision. Bien au contraire, celui-ci a toute latitude pour procéder à une nouvelle appréciation de cette question, tant en fait qu'en droit. Dans cette mesure, la décision de renvoi doit être qualifiée d'incidente au sens de l'art. 93 LTF. La recourante ne prétend pas qu'elle serait exposée à un préjudice irréparable, lequel n'apparaît au demeurant pas manifeste; on ne discerne pas non plus en quoi le renvoi à l'autorité serait susceptible de provoquer une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. a et b LTF). 
Dans ces conditions, l'arrêt cantonal n'est pas susceptible de recours immédiat au Tribunal fédéral. Il appartiendra à la recourante de procéder selon l'art. 93 al. 3 LTF, ce qui permettra au Tribunal fédéral de ne connaître matériellement de la présente affaire qu'à une seule reprise. 
 
2.  
Il s'ensuit que le recours est irrecevable. 
Les frais de justice, réduits en raison de l'irrecevabilité du recours, sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (cf. art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département du territoire (Office cantonal de l'environnement) ainsi qu'à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 22 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Tornay Schaller