7B_69/2023 28.08.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_69/2023  
 
 
Arrêt du 28 août 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Koch et Hofmann. 
Greffier : M. Magnin. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représentée par Me Philippe Neyroud, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et du canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance de non-entrée en matière (faux dans les titres, escroquerie), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et du canton de Genève du 10 février 2023 
(ACPR/110/2023 P/24958/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 29 décembre 2021, A.A.________ a déposé plainte contre B.________ et C.________, respectivement directeur et fondé de pouvoir au sein de la Banque D.________ (Suisse) SA, pour faux dans les titres. Elle leur reprochait d'avoir établi, au nom de D.________, auprès de laquelle ses parents - aujourd'hui décédés - étaient titulaires de comptes bancaires, des attestations datées du 18 novembre 2013, comportant de fausses informations et/ou des informations trompeuses, et de lui avoir ainsi dissimulé l'existence d'opérations effectuées sur les comptes nos vvv, www et xxx ouverts auprès de cette banque. Au pied de ces attestations figuraient le nom des prévenus, mais pas leur signature.  
Dans sa plainte, A.A.________ a notamment précisé que l'attestation relative au compte n° xxx faisait état de prélèvements de caisse pour un total d'environ EUR 390'000.-, alors qu'une note du mois de décembre 2015 - remise par B.________ à l'occasion d'une réunion du 11 décembre 2015 - et les relevés du compte n° yyy appartenant à sa soeur E.A.________ feraient état d'un transfert de EUR 686'000.- sur ce dernier compte. Elle a ajouté que l'attestation relative au compte n° vvv ne mentionnait que des retraits de caisse d'environ EUR 400'000.- lors de la clôture du compte aux mois de mai-juin 1999, alors que, selon la note du mois de décembre 2015, les avoirs en compte auraient été transférés sur un autre compte de son père, soit le compte n° zzz, puis sur un autre compte ouvert dans les livres de la Banque F.________, à Genève. Elle a précisé que cette banque, de même que B.________, auraient refusé de lui fournir des informations à ce sujet, au motif que les comptes concernés avaient été fermés depuis plus de 10 ans. A cet égard, elle reprochait également à B.________ de l'avoir à nouveau "faussement informée" concernant le compte n° zzz dans une réponse à son courrier du 11 décembre 2015, en indiquant en particulier que le transfert de fonds sur le compte de la banque F.________ portait sur une somme de seulement EUR 3'600.-. Elle a en outre relevé que les attestations du 18 novembre 2013 relatives aux comptes nos vvv et www mentionnaient, sous les rubriques "[r]emises en 1998" et "[r]etraits en 1998", les indications "[a]ucun apport", respectivement "[a]ucun retrait", alors que plusieurs documents bancaires communiqués par D.________ durant l'année 2007 apporteraient la preuve de la fausseté de ces informations. 
Elle a enfin exposé qu'en raison de ces dissimulations, les avoirs du compte ouvert dans les livres de la banque F.________, qu'elle a estimés à plus d'un million d'euros, auraient été soustraits à la succession de son père, décédé le 4 mars 2019, dont elle était l'héritière avec sa soeur; or, si B.________ et C.________ l'avaient correctement informée durant l'année 2013, elle aurait pu, selon elle, se renseigner auprès de la banque F.________, sans que celle-ci puisse se prévaloir des dispositions du Code des obligations (CO; RS 220) concernant la conservation des documents. Dans sa plainte, elle a notamment relevé que G.________, de la famille de sa mère, et qui serait proche de sa soeur, aurait été le directeur général, respectivement l'administrateur et l'administrateur président de D.________, à Genève, entre le mois de novembre 2005 et le mois de juin 2018. 
 
A.b. Par ordonnance du 26 août 2022, le Ministère public de la République et du canton de Genève (ci-après : le Ministère public) a refusé d'entrer en matière sur la plainte déposée le 29 décembre 2021 par A.A.________.  
 
B.  
Par arrêt du 10 février 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et du canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale de recours) a rejeté le recours formé par A.A.________ contre l'ordonnance précitée et l'a condamnée aux frais de la procédure de recours, arrêtés à 1'200 francs. 
Dans le cadre de la procédure de deuxième instance, A.A.________ a adressé le 4 octobre 2022 à la Chambre des recours pénale un courrier dans lequel elle a notamment indiqué que sa soeur avait produit l'ordonnance de non-entrée en matière du 26 août 2022 dans la "procédure de succession" instruite en Belgique (cf. p. 7 § D.a.b de l'arrêt attaqué). 
 
C.  
Par acte du 15 mars 2023, A.A.________ (ci-après : la recourante) forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre contre cet arrêt. Elle conclut principalement à sa réforme en ce sens que l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 26 août 2022 par le Ministère public soit annulée et la cause renvoyée à celui-ci pour qu'il mette en prévention B.________ et C.________ pour les chefs d'accusation de faux dans les titres et d'escroquerie, qu'il entende, d'une part, G.________, H.________ et I.________ et, d'autre part, Cédric Roland Gosselin et C.________, en confrontation, et qu'il vérifie auprès de D.________ si la documentation relative aux comptes faisant l'objet de ses demandes (dossiers et données informatiques) a été détruite ou conservée par la banque. Subsidiairement, elle sollicite l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Elle conclut en outre à l'allocation d'une indemnité à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. Le Tribunal cantonal a produit le dossier de la cause. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1.  
 
1.1.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 146 IV 76 consid. 3.1; 141 IV 1 consid. 1.1).  
En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré faire valoir des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le ministère public qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre le prévenu. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1; arrêt 6B_870/2023 du 28 juin 2023 consid. 5). 
 
La partie plaignante peut réclamer la réparation de son dommage (art. 41 à 46 CO) et l'indemnisation de son tort moral (art. 47 et 49 CO), dans la mesure où ceux-ci découlent directement de la commission de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 148 IV 432 consid.1.2; 143 IV 495 consid. 2.2.4; arrêt 6B_421/2022 du 13 février 2023 consid. 6.1). En matière d'infraction économique, il ne suffit pas pour la partie plaignante de se prévaloir d'avoir été touchée par l'infraction invoquée; elle doit fournir des explications précises sur le dommage éprouvé, sinon le recours est irrecevable (CHRISTIAN DENYS, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n. 57 in fine ad art. 81 LTF).  
Une action civile par adhésion à la procédure pénale présuppose, afin d'éviter des jugements contradictoires, que les prétentions civiles ne fassent pas l'objet d'une autre litispendance ou d'une décision entrée en force (ATF 145 IV 351 consid 4.3). En pareille situation, il appartient à la partie recourante de démontrer que la procédure civile, pendante ou ayant abouti à une décision entrée en force, ne fait pas obstacle à l'action civile par adhésion à la procédure pénale (arrêts 6B_1244/2021 du 12 avril 2022 consid. 1.3.3; 6B_266/2021 du 21 octobre 2021 consid. 2.1). La partie plaignante n'est pas habilitée à recourir en matière pénale lorsque les prétentions civiles sont traitées dans une procédure civile parallèle (arrêts 6B_739/2022 du 22 mars 2023 consid. 1.3; 6B_831/2021 du 26 janvier 2023 consid. 1.1; 6B_738/2022 du 6 décembre 2022 consid. 2.1). 
 
1.1.2. La recourante indique que les attestations datées du 18 novembre 2013, qui constitueraient en particulier l'infraction de faux dans les titres, lui auraient causé un préjudice substantiel, puisqu'elles l'auraient empêchée de rechercher l'identité des bénéficiaires des retraits prétendument occultés et, par conséquent, privée de la possibilité de faire valoir ses droits - notamment successoraux - sur les avoirs qui auraient disparu des comptes de son père. De plus, elle relève qu'un transfert de EUR 686'000.- lui aurait été dissimulé et que des avoirs en compte devant représenter plus de EUR 1'000'000.- auraient été soustraits à la succession. Elle expose encore que le préjudice correspondrait "aux sommes retirées des comptes de manière dissimulée".  
On comprend des explications de la recourante qu'un dommage lui aurait été causé, dès lors qu'en raison des attestations qui lui ont été délivrées par les prévenus et des fausses informations contenues dans celles-ci, elle n'aurait pas pu - ou ne pourrait pas - obtenir la totalité de sa part successorale provenant de la fortune de son père. 
Cela étant, dans ses écritures (recours, p. 3; plainte, pp. 1, 5 et 11), la recourante indique que les montants concernés auraient en substance été soustraits par sa soeur, dès lors qu'une partie des montants qui figuraient sur les comptes de son père auraient été transférés sur un compte de celle-ci. Elle ajoute, comme on l'a vu, qu'une partie des avoirs de la succession aurait également été transférée sur un compte de la banque F.________. Toutefois, dans son recours, la recourante ne dit rien au sujet de l'état actuel de la succession. Elle ne fournit en effet aucun élément permettant de déterminer, à tout le moins à un moment donné, l'état de la fortune de son père, ni l'avancée de la succession. En outre, il ressort de l'arrêt attaqué et du dossier que, par lettre du 4 octobre 2022 adressée à l'autorité précédente, la recourante a indiqué qu'une "procédure de succession" l'opposant à sa soeur était instruite en Belgique (cf. p. 7 § D.a.b de l'arrêt attaqué; pièce V du dossier de deuxième instance; art. 105 al. 1 LTF). On s'étonne ainsi que la recourante, qui a d'ailleurs expressément mentionné qu'elle n'était pas habilitée à recourir en matière pénale lorsque les prétentions civiles étaient traitées dans une procédure civile parallèle (cf. recours, p. 5), n'ait pas fait mention de cette procédure ni formulé d'explications à cet égard dans le cadre de son recours au Tribunal fédéral. Or, l'existence de la procédure en Belgique en lien avec la succession du père de la recourante et les prétentions civiles invoquées par celle-ci dans la procédure pénale suisse liées a priori uniquement à ses éventuelles expectatives successorales ne permettent pas, sans autre explication, de retenir que les conclusions civiles qui pourraient être formulées contre les deux prévenus en Suisse seraient fondamentalement différentes de celles éventuellement prises en Belgique, respectivement que des questions similaires ne seraient pas l'objet du litige porté devant les autorités belges. On ne saurait donc exclure que les prétentions civiles de la recourante soient déjà traitées dans une procédure parallèle.  
 
Ainsi, faute de toute motivation sur cette problématique (cf. art. 42 al. 1 LTF), la recourante ne démontre pas sa qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF. 
 
1.2. L'hypothèse visée à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre en outre pas en considération, dès lors que la recourante ne soulève aucun grief concernant son droit de porter plainte.  
 
1.3. Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie recourante est aussi habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce.  
 
2.  
En définitive, le recours doit être déclaré irrecevable. 
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 28 août 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Magnin