1B_79/2023 24.02.2023
Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_79/2023  
 
 
Arrêt du 24 février 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Kölz. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Jean-Nicolas Roud, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
du 29 décembre 2022 (996 PE22.021154-PAE). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ fait l'objet d'une instruction pénale pour tentative de contrainte, menaces alarmant la population et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires. 
ll lui est reproché d'avoir, le 15 novembre 2022, à la place du Château à Lausanne, après avoir été informé que la Préfète ne pouvait pas le recevoir, déposé plusieurs munitions sur le comptoir de la réception de la Préfecture et déclaré aux personnes présentes, notamment au réceptionniste, que s'il ne pouvait pas la voir, il irait "dans une école tuer quarante personnes". A.________ a été interpellé par la police le jour même. Par la suite, alors que A.________ se trouvait dans un local de garde à vue au Centre de la Blécherette, il aurait encore déclaré que si les huissiers (de l'Office des poursuites) pénétraient dans son logement le 29 novembre 2022, comme cela était prévu, ils n'en "ressortiraient pas vivants", qu'il leur "mettrait une cartouche" et que, "sinon, il les planterait avant de se tuer aussi". 
Le même jour, une perquisition a été effectuée au domicile du prévenu. Celle-ci a notamment permis la saisie de trois fusils, quatre pistolets, diverses munitions, un mousqueton, seize sabres, deux poignards, six baïonnettes, trois machettes et quatre gilets pare-balles. 
 
B.  
Par ordonnance du 18 novembre 2022, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) a, sur requête du Ministère public, ordonné la détention provisoire de A.________ pour une durée maximale de trois mois, soit au plus tard jusqu'au 14 février 2023, en raison d'un risque de passage à l'acte. 
Le 18 novembre 2022, le Ministère public a requis du Centre d'expertises psychiatriques de Prilly la désignation d'un expert. L'expertise a été mise en oeuvre le 6 décembre 2022, à la suite de l'arrêt rendu le 30 novembre 2022 par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (Chambre des recours pénale), rejetant le recours déposé par le prévenu à l'encontre de l'ordonnance du 18 novembre 2022 précitée. 
Le 8 décembre 2022, A.________ a déposé une demande de libération, laquelle a été rejetée par ordonnance du 19 décembre 2022 du Tmc. 
Par arrêt du 29 décembre 2022, la Chambre des recours pénale a rejeté dans la mesure de sa recevabilité le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du 19 décembre 2022 qu'il a confirmée. 
 
C.  
Par acte du 8 février 2023, A.________ forme un recours au Tribunal fédéral, par lequel il conclut à l'annulation de l'arrêt du 29 décembre 2022, subsidiairement à la constatation de son caractère illicite et à ce que sa libération soit ordonnée "avec suite de droit". Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
L'instance précédente et le Ministère public renoncent à se déterminer, se référant à la décision attaquée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1). La détention provisoire du recourant repose actuellement sur la décision du Tmc du 8 février 2023 qui ordonne la prolongation de cette mesure pour une durée maximale de trois mois, soit au plus tard jusqu'au 13 mai 2023, en raison de l'existence d'un risque de passage à l'acte. Cette dernière décision repose en substance sur les mêmes motifs de détention que ceux retenus dans l'arrêt attaqué, de sorte que le recourant conserve un intérêt actuel et pratique à l'examen de ses griefs (art. 81 al. 1 let. b LTF; ATF 139 I 206 consid. 1.2.3; arrêts 1B_530/2022 du 4 novembre 2022 consid. 1; 1B_420/2022 du 9 septembre 2022 consid. 1.2, destiné à la publication). En outre, l'arrêt attaqué en tant que décision incidente peut lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière.  
 
1.2. Le recourant demande la production du dossier cantonal. Cette demande est sans objet, l'autorité précédente l'ayant transmis au Tribunal fédéral en application de l'art. 102 al. 2 LTF.  
 
1.3. Le recourant produit diverses pièces en annexe de son mémoire de recours. S'agissant des pièces nouvelles, respectivement postérieures à l'arrêt entrepris, elles sont irrecevables, à l'instar des faits mentionnés en relation avec ces pièces (art. 99 al. 1 LTF; cf. ATF 144 V 35 consid. 5.2.4; 143 V 19 consid.1.2).  
 
2.  
Dans une première partie de son mémoire, le recourant expose "les circonstances et le contexte des faits reprochés". Une telle manière de procéder, dans la mesure où les faits présentés s'écartent des constatations de l'instance précédente ou les complètent sans qu'il soit indiqué et a fortiori démontré que ceux-ci seraient manifestement inexacts ou arbitraires, est irrecevable, le Tribunal fédéral n'étant pas une instance d'appel (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 139 II 404 consid. 10.1). 
 
3.  
Le recourant fait valoir que l'autorité précédente aurait violé son droit d'être entendu, en ce sens qu'elle aurait refusé de l'auditionner, de même que d'entendre et d'interpeller la psychologue qui le suit en détention. Il se prévaut des art. 6 par. 1 CEDH, 29 al. 1 Cst. et 3 al. 2 let. c et 107 CPP. 
 
3.1. Comme le relève la cour cantonale, la procédure de recours en matière pénale est écrite, comme le prévoit l'art. 397 al. 1 CPP. L'autorité de recours peut certes ordonner des débats, d'office ou à la demande d'une partie (art. 390 al. 5 CPP). Elle ne le fait toutefois qu'à titre exceptionnel, en particulier lorsque la procédure de première instance n'a pas satisfait aux exigences des art. 225 CPP, 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH (ATF 137 IV 186 consid. 3.2; arrêts 1B_228/2022 du 20 mai 2022 consid. 2.1; 1B_486/2018 du 22 novembre 2018 consid. 6.4). En l'occurrence, le recourant a pu s'exprimer personnellement en audience le 16 décembre 2022 devant le Tmc sur sa demande de libération, ce qui satisfait aux exigences précitées. Le recourant n'avance pour le surplus aucun argument justifiant de faire exception au principe selon lequel la procédure de recours est écrite, de sorte que l'autorité précédente pouvait renoncer à des débats.  
 
3.2. En ce qui concerne ensuite la psychologue consultée en détention par le recourant, l'autorité précédente a relevé que celle-ci ne pouvait pas se prononcer sur le risque de passage à l'acte; outre que cette question devait faire l'objet d'une expertise psychiatrique, l'intervention de dite psychologue relevait avant tout d'un soutien moral et avait été limitée puisque le prévenu ne l'avait vue qu'à une ou deux reprises depuis son incarcération. Le recourant ne discute pas valablement cette motivation, laquelle n'apparaît au demeurant pas critiquable. Les juges cantonaux pouvaient en effet légitimement refuser d'entendre ou d'interpeller cette psychologue sur la base des éléments qu'ils ont évoqués.  
 
3.3. Par conséquent, le grief de violation du droit d'être entendu doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.  
 
4.  
Le recourant reproche à la Chambre des recours pénale d'avoir considéré que le risque de passage à l'acte était en l'espèce réalisé. Il se plaint en outre d'une violation du principe de la proportionnalité. 
 
4.1. Une mesure de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; art. 212 al. 3 et 237 al. 1 CPP). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP) ou par la menace de la commission d'un crime grave au sens de l'art. 221 al. 2 CPP.  
 
4.2.  
 
4.2.1. L'art. 221 al. 2 CPP permet d'ordonner la détention lorsqu'il y a lieu de craindre un passage à l'acte, même en l'absence de toute infraction préalable. Il doit s'agir d'un crime grave et non seulement d'un délit (ATF 137 IV 122 consid. 5). Il convient de faire preuve de retenue dans l'admission de ce risque et ne l'admettre que lorsque le pronostic est très défavorable. Il n'est toutefois pas nécessaire que la personne soupçonnée ait déjà pris des dispositions concrètes pour passer à l'exécution des faits redoutés. Il suffit que le passage à l'acte apparaisse comme hautement vraisemblable sur la base d'une appréciation globale de la situation personnelle de l'intéressé et des circonstances. En particulier en cas de menace d'infractions violentes, on doit prendre en considération l'état psychique de la personne soupçonnée, son imprévisibilité ou son agressivité (ATF 140 IV 19 consid. 2.1.1; 137 IV 122 consid. 5). Plus l'infraction redoutée est grave, plus la mise en détention se justifie lorsque les éléments disponibles ne permettent pas une évaluation précise de ce risque (ATF 140 IV 19 consid. 2.1.1).  
 
4.2.2. Le recourant n'a certes aucun antécédent judiciaire. Les infractions qui lui sont reprochées revêtent toutefois une gravité certaine, puisqu'il lui est fait grief d'avoir menacé d'aller dans "une école tuer quarante personnes". A cet égard, les allégations du recourant, selon lesquelles il aurait prononcé les termes se "tuer avec 40 personnes", ce qui signifierait "en présence de 40 personnes" et aucunement tuer 40 personnes, sont purement appellatoires et ne permettent pas de retenir l'arbitraire sur ce point (cf. le procès-verbal d'audition du réceptionniste de la Préfecture du 16 novembre 2022, duquel il ressort que le recourant a déclaré "Sinon je vais aller dans une école et je vais tuer 40 personnes"; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Le recourant a en outre indiqué, alors qu'il se trouvait en garde à vue, que si les huissiers pénétraient dans son logement, ils n'en "ressortiraient pas vivants", qu'il leur "mettrait une cartouche" et que, "sinon, il les planterait avant de se tuer aussi". Le recourant ne s'est d'ailleurs pas limité à proférer ces menaces de tuer, puisqu'il a pris des dispositions concrètes en déposant sur le comptoir de la réception de la Préfecture plusieurs munitions. Ces éléments permettaient à l'évidence de retenir à tout le moins un risque concret de passage à l'acte, même en l'absence de condamnation antérieure. Les menaces concernent au surplus le bien le plus précieux, soit la vie et l'intégrité corporelle, en particulier d'écoliers.  
Le recourant ne saurait se prévaloir du caractère ponctuel des faits qui se sont déroulés le 15 novembre 2022, au vu de leur gravité. Quant à ses allégations selon lesquelles il serait désormais rassuré - après avoir discuté avec son avocat - et aurait trouvé un arrangement avec les fonctionnaires de l'Office des poursuites, auxquels il aurait exprimé ses excuses, elles sont insuffisantes à faire admettre l'invraisemblance du risque de passage à l'acte. Le recourant méconnaît qu'il est encore sous le coup d'un avis de saisie portant sur un montant d'environ 82'000 fr. et que c'est précisément la réception de cet avis qui l'aurait conduit à se rendre à la Préfecture de Lausanne pour y proférer les menaces qui lui sont reprochées (cf. arrêt entrepris, p. 10). Cela étant, le recourant ne peut sérieusement soutenir qu'il n'aurait jamais eu le moindre problème d'argent, étant encore relevé qu'il était déjà assisté d'un avocat au moment des faits dans le cadre de la procédure de poursuite pour dettes dont il fait l'objet. Pour le surplus, ses allégations selon lesquelles il aurait "surréagi de manière idiote et irrationnelle" ainsi que ses regrets manifestés ne permettent en tout cas pas d'exclure de manière suffisante pour la sécurité d'autrui, en particulier celle d'écoliers, tout risque de commission d'infractions. 
 
4.2.3. En définitive, l'autorité précédente pouvait, sans violer l'art. 221 al. 2 CPP, considérer que le pronostic demeurait très défavorable, respectivement admettre un risque élevé de passage à l'acte justifiant le maintien en détention. Il y aura lieu toutefois de procéder à une nouvelle évaluation de ce risque sur le vu des premières conclusions des experts à ce sujet (cf. infra consid. 4.3.2).  
 
4.3.  
 
4.3.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.  
 
4.3.2. En l'espèce, le suivi psychologique proposé à titre de mesure de substitution apparaît insuffisant pour pallier le risque de passage à l'acte retenu, étant relevé que le recourant n'aurait vu sa psychologue qu'à une ou deux reprises depuis son incarcération (cf. arrêt entrepris, p. 7) et qu'il s'était opposé à s'engager dans un processus thérapeutique lors de sa première audition par le Tmc (cf. arrêt attaqué, p. 10). Quoi qu'en dise le recourant, la protection de la sécurité publique doit en l'état l'emporter sur son intérêt personnel à retrouver la liberté.  
Enfin, du point de vue temporel, vu la gravité des infractions pour lesquelles le recourant a été mis en détention provisoire, dont l'une d'entre elles est passible d'une peine privative de liberté de trois ans (art. 258 CP), et la durée de la détention subie à ce jour, le principe de proportionnalité demeure encore respecté. Il se justifie en effet d'attendre l'avis des experts psychiatres sur le risque de passage à l'acte et, le cas échéant, sur les éventuels traitements et/ou mesures qui pourraient être entrepris afin de le diminuer. Toutefois, compte tenu du type de détention dont il est ici question, il appartiendra au Ministère public d'interpeller immédiatement (art. 5 al. 2 CPP) les experts afin qu'ils se prononcent brièvement sur ces questions avant l'établissement de l'expertise finale, l'autorité précédente n'indiquant pas dans quel délai celle-ci est attendue (cf. ATF 143 IV 9 consid. 2.8; arrêts 1B_413/2021 du 12 août 2021 consid. 2.6.1; 1B_668/2021 du 4 janvier 2022 consid. 4.2; 1B_567/2018 du 21 janvier 2019 consid. 4.3 et 5.3). 
 
4.4. Partant, la Chambre des recours pénale n'a pas violé le droit fédéral en confirmant le rejet de la demande de libération formée le 8 décembre 2022 par le recourant.  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté. Le recours étant dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit également être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Toutefois, pour tenir compte de la situation financière du recourant, il peut être renoncé à la perception de frais judiciaires (art. 66 al. 1 in fine LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 24 février 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Nasel