7B_317/2024 15.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_317/2024  
 
 
Arrêt du 15 mai 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. le Juge fédéral Abrecht, Président. 
Hurni et Kölz. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Alain Cottagnoud, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
intimé. 
 
Objet 
Récusation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale, du 13 février 2024 (P3 24 9). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par acte d'accusation du 27 novembre 2023 adressé au Juge des districts de Martigny et de Saint-Maurice, et rendu après que A.________ avait formé opposition à l'ordonnance pénale rendue contre lui le 31 octobre 2023, le Ministère public du canton du Valais, par l'Office régional du Bas-Valais, a renvoyé le précité en jugement pour tentative de contrainte (art. 181 CP en lien avec art. 22 al. 1 CP).  
Il est reproché à A.________ d'avoir illicitement fait notifier à C.________, D.________, E.________ et F.________ des commandements de payer, portant chacun sur des montants de 75'674 fr. 60. 
 
A.b. Par décision du 27 décembre 2023, notifiée à A.________ le 8 janvier 2024, le Juge de district, en la personne de B.________, a rejeté les réquisitions de preuves que le précité avait formulées le 11 décembre 2023.  
 
B.  
 
B.a. Par acte du 8 janvier 2024 adressé au juge B.________, A.________ a demandé sa récusation, le suspectant de partialité.  
Le 11 janvier 2024, le juge B.________, contestant l'existence d'un motif de récusation, a transmis la demande à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais comme objet de sa compétence. 
Le 25 janvier 2024, A.________ a présenté des observations. 
 
B.b. Par arrêt du 13 février 2024, la Chambre pénale a rejeté la demande de récusation, dans la mesure de sa recevabilité.  
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 13 février 2024, en concluant, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que la récusation du juge B.________ soit prononcée. 
Invitée à se déterminer, la Chambre pénale se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. Le juge B.________ ne présente pas d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral vérifie d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et examine librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2). 
 
1.1. La décision attaquée - rendue par une autorité statuant en tant qu'instance cantonale unique (cf. art 80 al. 2 LTF) - constitue une décision incidente notifiée séparément. Elle porte sur une demande de récusation déposée dans le cadre d'une procédure pénale. Elle peut donc en principe faire l'objet d'un recours immédiat en matière pénale au Tribunal fédéral (cf. art. 78 ss et 92 LTF).  
 
1.2. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
Le recourant reproche en substance à la Chambre pénale d'avoir écarté, sans motiver de manière suffisante sa décision, sa demande de récusation visant le juge B.________, à qui il fait grief d'avoir rejeté les réquisitions de preuve qu'il avait formulées au titre de l'art. 331 al. 2 CPP et d'avoir ainsi préjugé la décision qui sera rendue sur le fond. Il se prévaut notamment des art. 6 par. 1 CEDH, 30 al. 1 Cst. et 56 ss CPP. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Elle l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.  
 
2.1.2. L'art. 56 let. f CPP a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes de l'art. 56 CPP. Cette clause correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 143 IV 69 consid 3.2). Elle concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2). Cette clause générale n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit ainsi que ces circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat (ATF 149 I 14 consid. 5.3.2; 147 III 89 consid. 4.1; 144 I 159 consid. 4.3). Tel peut notamment être le cas de propos ou d'observations, formulés par le juge avant ou pendant le procès, dont la teneur laisse entendre que celui-ci s'est déjà forgé une opinion définitive sur l'issue de la procédure (ATF 137 I 227 consid. 2.1; 134 I 238 consid. 2.1; arrêt 7B_57/2022 du 27 mars 2024 consid. 8.2.1). Dans ce contexte toutefois, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles des parties n'étant pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 142 III 732 consid. 4.2.2).  
 
2.1.3. Selon la jurisprudence, des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs de la personne en cause, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que cette dernière est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêts 7B_677/2023 du 24 novembre 2023 consid. 3.2; 7B_189/2023 du 16 octobre 2023 consid. 2.2.1). Enfin, conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3; arrêt 7B_57/2022 du 27 mars 2024 consid. 8.2.2).  
 
2.2. La cour cantonale a estimé qu'aucune apparence objective de partialité ne pouvait être déduite de la décision rendue le 27 novembre 2023, par laquelle le juge intimé avait rejeté les réquisitions de preuve formulées par le recourant en application de l'art. 331 al. 2 CPP. En particulier, en y relevant que le "commandement de payer était source de tourments et de poids psychologique", le juge intimé s'était en réalité limité à citer la jurisprudence s'agissant de l'effet de la notification d'un commandement de payer sur une personne de sensibilité moyenne (cf. not. arrêt 6B_637/2022 du 29 septembre 2022 consid. 5.1.3 et les arrêts cités), sans toutefois se prononcer sur la situation spécifique des plaignants. Pour le surplus, le recourant s'était évertué à démontrer le bien-fondé de ses réquisitions de preuve et le caractère injustifié de leur rejet par le juge, sans toutefois y apporter une once de motivation quant à la partialité qui pourrait être déduite de cette décision.  
Quant à l'assertion du recourant selon laquelle il existerait entre le juge intimé et son conseil une "inimitié pour des cas connus du Tribunal cantonal", elle était insuffisamment motivée, et partant irrecevable, la cour cantonale ayant à cet égard observé qu'il ne lui appartenait pas de deviner les prétendus cas auquel le recourant faisait allusion, mais bien à ce dernier de les étayer, ce qu'il n'avait pas fait. En outre, la demande de récusation apparaissait tardive sur ce point, attendu que le recourant, par son conseil, avait eu connaissance de l'identité du juge saisi dès le 29 novembre 2023 et que le grief en question n'avait été soulevé pour la première fois que dans ses déterminations du 25 janvier 2024, sans qu'il précise la date à laquelle remonterait l'inimitié invoquée (cf. arrêt attaqué, p. 5). 
 
2.3. Le recourant ne saurait faire grief à la cour cantonale d'avoir insuffisamment motivé sa décision. En particulier, on ne distingue pas de violation du droit d'être entendu dans le fait que la cour cantonale ne se soit pas prononcée sur le bien-fondé des réquisitions de preuves formulées au titre de l'art. 331 al. 2 CPP - soit en l'occurrence l'interrogatoire des plaignants et l'édition de la cause civile opposant les parties -, s'agissant de prérogatives revenant au juge du fond.  
Au surplus, les considérants de l'arrêt attaqué, tels que résumés ci-avant, mentionnent de manière claire les motifs qui ont guidé le rejet de la demande de récusation, respectivement le constat de son irrecevabilité (cf. sur l'obligation de motiver la décision, déduite de la garantie du droit d'être entendu: parmi d'autres, arrêt 6B_383/2023 du 23 avril 2024 consid. 3.1.3 et les références citées). Il n'y a ainsi aucunement matière à un renvoi à l'autorité cantonale en vertu de l'art. 112 al. 3 LTF, disposition dont se prévaut vainement le recourant. 
 
2.4.  
 
2.4.1. On observera par ailleurs que le recourant ne soulève aucune critique envers l'appréciation de la cour cantonale au sujet du caractère tardif de l'invocation, comme motif de récusation, d'une prétendue inimitié entre le juge intimé et son conseil, pas plus qu'il ne démontre avoir étayé les faits qui justifieraient selon lui de retenir l'existence d'une telle inimitié.  
 
2.4.2. Cela étant relevé, dans la mesure où le recourant s'est en définitive limité à invoquer des motifs se rapportant à la décision rendue par le juge intimé le 27 novembre 2023, singulièrement au rejet de ses réquisitions de preuves, la cour cantonale n'a pas méconnu le droit fédéral en écartant la demande de récusation.  
Le raisonnement adopté par la cour cantonale doit en effet être intégralement confirmé, étant encore rappelé qu'une procédure de récusation ne doit pas servir à contester la manière dont est menée l'instruction ou la procédure de jugement, ni à remettre en cause les décisions incidentes prises dans ce cadre par la direction de la procédure. Comme l'a également observé la cour cantonale, il demeure par ailleurs loisible au recourant de réitérer ses réquisitions de preuves aux débats, tout comme il lui sera possible, s'il l'estime nécessaire, de former un appel contre le jugement à rendre. 
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale, à C.________, U.________, à D.________, V.________, à E.________, V.________, et à F.________, V.________. 
 
 
Lausanne, le 15 mai 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Tinguely