6B_715/2022 22.03.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_715/2022  
 
 
Arrêt du 22 mars 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Muschietti. 
Greffière: Mme Meriboute. 
 
Participants à la procédure 
Parquet général du canton de Berne, 
Nordring 8, case postale, 3001 Berne, 
recourant, 
 
contre  
 
A._______, 
intimé. 
 
Objet 
Fixation de la peine (tentative de lésions corporelles graves, etc.), 
 
recours contre le jugement de la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale, du 13 avril 2022 (SK 21 449). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 3 juin 2021, le Tribunal régional Jura bernois-Seeland a classé la procédure dirigée contre A._______ s'agissant des préventions de diffamation, violation de domicile, injure et l'a libéré de la prévention de dommages à la propriété. Il l'a reconnu coupable de tentative de lésions corporelles graves par dol éventuel (infraction commise au préjudice de B.B.________ et C.B.________, le 8 septembre 2018), de lésions corporelles simples et voies de fait (infractions commises le 2 mars 2019), de lésions corporelles simples et menaces (infractions commises le 10 juin 2019), de menaces au préjudice de son épouse, de voies de fait réitérées, de mise en danger de la vie d'autrui, de lésions corporelles simples (infraction commise au mois d'août 2019), de contrainte, de faux dans les titres, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et d'injure. Il a révoqué le sursis à l'exécution de la peine de 150 jours-amende à 30 fr., accordé à A._______ par ordonnance pénale du 9 août 2016, la peine devant dès lors être exécutée. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 36 mois, la détention provisoire de 55 jours et les placements en arrestation provisoire de 2 jours ont été imputés à raison de 57 jours sur la peine privative de liberté prononcée, à une peine de 160 jours-amende à 30 fr., soit un total de 4'800 fr., à une amende contraventionnelle de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 5 jours en cas de non-paiement fautif. Il a, en outre, prononcé une expulsion de 6 ans et l'a condamné au paiement des frais de procédure afférents à la condamnation, a fixé l'indemnité pour la défense d'office, a dit que le canton de Berne indemnisait la défense d'office par un montant de 30'299 fr. 25 et a dit que dès que sa situation financière le permettait, A._______ était tenu de rembourser d'une part au canton de Berne la rémunération allouée pour sa défense d'office, d'autre part à sa défense la différence entre cette rémunération et les honoraires que celle-ci aurait touché comme défenseur privé. 
 
B.  
Par mémoire du 20 octobre 2021, A._______ a déclaré appel. Le Parquet général a déclaré l'appel joint limité à la quotité de la peine privative de liberté. 
Par jugement du 13 avril 2022, la 2e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne n'est pas entrée en matière sur l'appel joint du Parquet général. Elle a constaté que le jugement du 3 juin 2021 était entré en force de chose jugée dans la mesure où le tribunal avait classé la procédure s'agissant des préventions de diffamation, violation de domicile, injure et avait libéré A._______ de la prévention de dommages à la propriété. Le jugement de première instance était également entré en force dans la mesure où le tribunal avait reconnu A._______ coupable de lésions corporelles simples et voies de fait (infractions commises le 2 mars 2019) et de faux dans les titres. Pour le surplus, elle a reconnu A._______ coupable de tentative de lésions corporelles graves au préjudice de B.B.________, d'agression au préjudice de C.B.________, de lésions corporelles simples et menaces (infraction commise le 10 juin 2019), de menaces au préjudice de son épouse, de voies de fait réitérées, de lésions corporelles simples (infraction commise au mois d'août 2019), de contrainte, de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et d'injure. Elle a révoqué le sursis à l'exécution de la peine de 150 jours-amende à 30 fr., accordé à A._______ par ordonnance pénale du 9 août 2016, la peine devant dès lors être exécutée. Elle a confirmé la peine et l'expulsion prononcée en première instance. 
 
C.  
Le Parquet général du canton de Berne forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 13 avril 2022. Il conclut, principalement, à la réforme du jugement en ce sens qu'il entre en matière sur son appel joint du 18 novembre 2021 et qu'il condamne A._______ à une peine privative de liberté de 48 mois, soit 4 ans. Subsidiairement, la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
En application de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, l'accusateur public a qualité pour former un recours en matière pénale. 
Formé et signé par le Parquet général du canton de Berne, le recours est recevable (cf. art. 62 al. 4 de la loi bernoise portant introduction du code de procédure civile, du code de procédure pénale et de la loi sur la procédure pénale applicable aux mineurs du 11 juin 2009 [LiCPM/BE; RS/BE 271.1]). 
 
 
2.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir déclaré son appel joint irrecevable. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Contrairement à ce qui prévaut pour les autres parties à la procédure (cf. art. 382 al. 1 CPP), la légitimation du ministère public pour entreprendre une décision ne dépend pas spécifiquement d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision. Il est ainsi admis que le ministère public, vu son rôle de représentant de la société, en charge de la sauvegarde des intérêts publics, peut en principe librement recourir, tant en faveur qu'en défaveur du prévenu ou du condamné (cf. art. 381 al. 1 CPP), sans avoir besoin de justifier au surplus d'être directement lésé par le jugement attaqué (ATF 147 IV 505 consid. 4.4.1 et les auteurs cités; arrêts 6B_68/2022 du 23 janvier 2023 consid. 5.2; 6B_918/2022 du 2 mars 2023 consid. 1.1).  
 
2.1.2. Pour autant, si ces considérations sont susceptibles de valoir pleinement s'agissant d'un recours (cf. art. 393 CPP) ou d'un appel principal (cf. art. 398 CPP) déposé par le ministère public, on ne saurait d'emblée admettre qu'il doive en aller de même en toutes circonstances pour un appel joint (cf. art. 401 CPP), dont le caractère exclusivement accessoire par rapport à l'appel principal et les possibilités d'en abuser supposent une approche plus nuancée de la légitimation du ministère public (ATF 147 IV 505 consid. 4.4.2 s.; arrêts 6B_68/2022 précité consid. 5.3; 6B_918/2022 précité consid. 1.2).  
Ainsi, le dépôt d'un appel joint implique, par définition, que son auteur ait précisément renoncé à former un appel principal et qu'il s'était dès lors accommodé du jugement entrepris, à tout le moins sur le point soulevé dans l'appel joint. Émanant du ministère public, l'appel joint présente dans ce contexte le danger de pouvoir être utilisé essentiellement comme un moyen visant à intimider le prévenu et dès lors être une source potentielle d'abus dans l'exercice de l'action publique. Il en va ainsi en particulier lorsque l'appel joint est interjeté par le ministère public dans le seul et unique but de faire obstacle à l'application de l'interdiction de la reformatio in pejus, au détriment du prévenu auteur de l'appel principal (cf. art. 391 al. 2, 1re phrase, a contrario CP), et d'inciter indirectement ce dernier à le retirer (ATF 147 IV 505 consid. 4.4.2 et les auteurs cités; arrêts 6B_68/2022 précité consid. 5.3; 6B_918/2022 précité consid. 1.2).  
 
2.2. La cour cantonale a estimé que l'appel joint du ministère public était irrecevable.  
 
2.3. Par mémoire du 20 octobre 2021, l'intimé a formé un appel contre le jugement de première instance. Par courrier du 18 novembre 2021, le ministère public a déclaré un appel joint limité à la quotité de la peine. Le cas d'espèce doit être examiné à la lumière de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral sur la question particulière de l'appel joint formé par le ministère public portant exclusivement sur la quotité de la peine (cf. ATF 147 IV 505; arrêt 6B_68/2022 du 23 janvier 2023 consid. 5). A l'instar de la situation qui prévalait dans l'ATF 147 IV 505, le ministère public a formé un appel joint sur la seule question de la peine en demandant une aggravation, alors même que ses réquisitions sur ce point avaient été intégralement suivies par le tribunal de première instance. En effet, dans son appel joint, le ministère public a conclu au prononcé d'une peine privative de liberté de 48 mois, soit 4 ans (sans attaquer toutefois la peine pécuniaire d'ensemble ainsi que l'amende contraventionnelle). Or, en première instance, il s'était limité à demander une peine privative de liberté de 36 mois, sans sursis, et avait obtenu entièrement satisfaction sur ce point (cf. dossier cantonal, Réquisitions du ministère public du 1er juin 2021, pièce 1197; art. 105 al. 2 LTF). Reconnaissant que son appel joint n'était nullement motivé "car c'était ce qui se faisait jusqu'alors avant la jurisprudence topique", le recourant se prévaut d'avoir eu l'occasion de compléter son argument en plaidoirie en indiquant que la peine plaidée et infligée en première instance était trop basse et qu'une seule peine avait été prononcée pour la tentative de lésions corporelles graves, alors qu'il y avait deux victimes. S'agissant de l'absence de motivation dans son appel joint, le recourant ne saurait invoquer une pratique qui a précisément été critiquée par le Tribunal fédéral. Pour ce qui est des motifs apportés ultérieurement par le recourant, ce dernier ne peut légitimement se prévaloir du caractère inadéquat de la peine requise en première instance par l'accusation. L'appel joint n'a pas vocation de permettre à l'accusateur public de rectifier son précédent choix en termes de réquisition de peine qu'il trouverait, par la suite, trop clément. Le recourant n'a pas non plus établi l'existence d'un fait nouveau. Finalement, contrairement à ce que prétend le recourant, l'absence de problématique relative à la composition du tribunal de première instance en relation avec la quotité de la peine requise par l'appel joint (cf. art. 56 al. 2 let. b et c LiCPM/BE; RS/BE 271.1) ne fait aucunement obstacle à une comparaison avec l'ATF 147 IV 505 qui reste grandement similaire.  
Compte tenu du caractère contradictoire de la démarche du ministère public, qui avait obtenu entièrement satisfaction et qui - sans réelle justification - a demandé une peine privative de liberté de 12 mois supérieure à ce qui avait été requis en première instance, la cour cantonale a constaté, à raison, qu'il n'y avait pas lieu d'entrer en matière sur l'appel joint de celui-ci. 
 
3.  
Le recourant conteste la quotité de la peine prononcée en se fondant sur l'admission de son appel joint qui aurait conduit à écarter le principe de l'interdiction de la reformatio in pejus. Dès lors qu'il ne l'obtient pas, son argumentation est irrecevable.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il est statué sans frais (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale. 
 
 
Lausanne, le 22 mars 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Meriboute