6B_1013/2022 20.12.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1013/2022  
 
 
Arrêt du 20 décembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Koch. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par 
Maîtres Gabriele Beffa et Nicolas Bloque, Avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Parquet général du canton de Berne, 
Nordring 8, case postale, 3001 Berne, 
intimé. 
 
Objet 
Fixation de la peine; principe de célérité, 
 
recours contre le jugement de la Cour suprême 
du canton de Berne, 2e Chambre pénale, 
du 19 juillet 2022 (SK 21 606). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 12 septembre 2019, le Tribunal régional Jura bernois-Seeland a condamné A.________ pour viol (art. 190 al. 1 CP), lésions corporelles simples (art. 123 ch. 2 CP), contrainte (art. 181 CP) et menaces (art. 180 al. 2 let. a CP) à une peine privative de liberté de 4 ans ainsi qu'à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr., celle-ci ayant été prononcée avec sursis pendant 3 ans. Il a en outre astreint A.________ à verser à B.________ des montants de 748 fr. 85 à titre de dommages-intérêts et de 20'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral, avec intérêts à 5 % dès le 8 février 2015. 
 
B.  
La 2e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a statué par jugement du 29 octobre 2020 sur l'appel formé par A.________ contre le jugement du 12 septembre 2019 ainsi que sur l'appel joint du Parquet général. Le jugement de première instance a été réformé en ce sens que A.________ était condamné, pour les infractions dont il avait été reconnu coupable en première instance, à une peine privative de liberté de 4 ans et 9 mois ainsi qu'à une peine pécuniaire de 70 jours-amende à 30 fr., celle-ci ayant été prononcée avec sursis pendant 2 ans. Le jugement du 12 septembre 2019 a été confirmé pour le surplus. 
En substance, les faits suivants ont été retenus. 
 
B.a. A U.________, à environ 10 à 15 reprises entre le printemps 2015 et le mois de janvier 2016, A.________ a forcé son épouse d'alors, B.________, à entretenir des relations sexuelles avec lui, cela alors que les précités faisaient chambre séparée et que la seconde avait dit au premier qu'elle ne voulait plus avoir de rapports sexuels avec lui en raison de leurs problèmes de couple.  
 
B.b. Par ailleurs, entre le 1er décembre 2013 et le 15 mars 2016, A.________ s'en est pris physiquement à B.________, à plusieurs autres occasions, lui causant des ecchymoses et des saignements de nez. Il l'avait en outre menacée de mort, en lui mettant un couteau de cuisine sous la gorge alors qu'elle était couchée par terre. A une autre reprise, il l'avait empêchée de monter dans un taxi qu'elle souhaitait emprunter à la sortie d'une boîte de nuit, avant de la poursuivre dans la rue, puis de la pousser dans un buisson et lui donner des coups de pied, ceci alors qu'elle se trouvait au sol.  
 
C.  
Statuant par arrêt du 29 novembre 2021 (6B_1498/2020), dont un extrait des considérants est publié aux ATF 147 IV 505, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ contre le jugement du 29 octobre 2020, a annulé ce jugement s'agissant de la peine et a renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision sur ce point, le recours ayant pour le surplus été rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
En substance, le Tribunal fédéral a relevé que le ministère public avait conclu, dans le cadre de son appel joint, au prononcé d'une peine privative de liberté de 5 ans et demi, sans motiver plus avant cette réquisition, alors qu'il s'était pourtant limité en première instance à demander une peine privative de liberté de 4 ans, qu'il avait obtenue. Cette démarche consacrait un comportement contradictoire dans l'exercice de l'action publique. Cela était d'autant plus le cas qu'en l'occurrence, la peine requise par appel joint n'aurait pas pu être prononcée par l'autorité de première instance devant laquelle le ministère public avait porté l'accusation, dès lors qu'elle excédait la compétence de celle-là, qui était limitée aux peines inférieures à 5 ans en vertu du droit cantonal d'organisation judiciaire (cf. art. 56 al. 2 let. b et c de la loi bernoise portant introduction du code de procédure civile, du code de procédure pénale et de la loi sur la procédure pénale applicable aux mineurs [LiCPM/BE; RS/BE 271.1]). 
Dans un tel contexte, la cour cantonale aurait dû constater qu'au regard des art. 3 al. 2 let. a, 381 al. 1 et 401 CPP, le ministère public n'était pas légitimé à former un appel joint et qu'il n'y avait donc pas lieu d'entrer en matière sur celui-ci. Dès lors, le principe de l'interdiction de la reformatio in pejus trouvait pleinement application, ce qui empêchait la cour cantonale de prononcer une peine de privation de liberté plus sévère qu'en première instance.  
 
D.  
Par jugement du 19 juillet 2022, la 2e Chambre pénale de la Cour suprême bernoise a statué, à la suite du renvoi de la cause par le Tribunal fédéral, sur l'appel formé par A.________ contre le jugement du 12 septembre 2019. Ce jugement a été réformé en ce sens que A.________ était condamné, pour les infractions dont il avait été reconnu coupable en première instance, à une peine privative de liberté de 4 ans ainsi qu'à une peine pécuniaire de 70 jours-amende à 30 fr., celle-ci ayant été prononcée avec sursis pendant 2 ans. Le jugement du 12 septembre 2019 a été confirmé pour le surplus. 
 
E.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 19 juillet 2022. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à l'annulation du jugement, en tant qu'il le condamne à une peine privative de liberté de 4 ans, et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Subsidiairement, il conclut à la réforme du jugement en ce sens qu'il est condamné à une peine privative de liberté n'excédant pas 30 mois, laquelle est en tout état assortie du sursis partiel pendant un délai d'épreuve de 2 ans, la partie de la peine à exécuter ne devant pas excéder 6 mois. Il sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Aux termes de l'art. 107 al. 2, 1re phrase LTF, si le Tribunal fédéral admet un recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi découle du droit fédéral non écrit. Conformément à ce principe, l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par le Tribunal fédéral est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral (ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1 et 5.3.3 p. 222; 135 III 334 consid. 2.1). Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès (ATF 135 III 334 consid. 2; arrêts 6B_619/2021 du 7 février 2022 consid. 2.1.1; 6B_1476/2020 du 28 octobre 2021 consid. 2.2 et la référence citée). La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, prononcé de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique; les faits nouveaux ne peuvent être pris en considération que sur les points ayant fait l'objet du renvoi, lesquels ne peuvent être ni étendus, ni fondés sur une base juridique nouvelle (ATF 135 III 334 consid. 2 p. 335; arrêts 6B_231/2021 du 16 août 2022 consid. 2.1; 6B_619/2021 précité consid. 2.1.1).  
La nouvelle décision cantonale ne peut plus faire l'objet de griefs que le Tribunal fédéral avait expressément rejetés dans l'arrêt de renvoi ou qu'il n'avait pas eu à examiner, faute pour les parties de les avoir invoqués dans la première procédure de recours, alors qu'elles pouvaient - et devaient - le faire. La portée de l'arrêt de renvoi dépend donc du contenu de cet arrêt en relation avec les mémoires de recours et de réponse qui avaient été déposés (ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1 et 5.3.3; 135 III 334 consid. 2; arrêt 6B_619/2021 précité et la référence citée). La nouvelle décision de l'autorité cantonale est donc limitée à la question qui apparaît comme l'objet du nouveau jugement selon les considérants du Tribunal fédéral. La procédure ne doit être reprise par l'autorité cantonale que dans la mesure où cela apparaît nécessaire à la mise en oeuvre des considérants contraignants du Tribunal fédéral (cf. ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1 p. 220 et les références citées; arrêts 6B_231/2021 précité consid. 2.1; 6B_619/2021 précité consid. 2.1.1; 6B_1476/2020 précité consid. 6.1; 6B_718/2020 du 25 novembre 2020 consid. 1.2). 
 
1.2. Le recourant conteste la peine privative de 4 ans qui lui a été infligée en vertu du jugement attaqué, rendu après renvoi du Tribunal fédéral, peine qu'il tient pour excessive.  
 
1.2.1. Au moment de fixer la peine, la cour cantonale a renvoyé aux éléments d'appréciation qu'elle avait déjà énumérés dans son précédent jugement du 29 octobre 2020.  
Sur la base de ceux-ci, elle a estimé qu'il y avait lieu de tenir compte de 27 mois pour l'un des viols commis et de 33 mois pour les autres viols, ainsi que de 6 mois supplémentaires en raison des éléments relatifs à l'auteur, qui lui étaient légèrement défavorables, soit 66 mois au total. Elle a en outre opéré une déduction de 12 mois, consentie de manière globale pour la violation du principe de la célérité et la longue durée de la procédure, si bien que la peine privative de liberté à infliger au recourant devait être de 54 mois. 
Néanmoins, la cour cantonale a estimé qu'au regard du principe l'interdiction de la reformatio in pejus, par lequel elle était liée, il convenait en définitive de prononcer une peine privative de liberté de 4 ans (48 mois; jugement attaqué, consid. 10 p. 8 s.).  
 
1.2.2. En tant que le recourant soutient que la cour cantonale aurait dû réduire la peine dans une plus large mesure en raison, d'une part, de la violation du principe de la célérité (art. 5 al. 1 CPP) et, d'autre part, de la circonstance atténuante décrite à l'art. 48 let. e CP, les griefs du recourant se heurtent en grande partie au principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi.  
En effet, si, dans le cadre de l'arrêt 6B_1498/2020 du 29 novembre 2021, le Tribunal fédéral avait certes reconnu le bien-fondé du grief que le recourant avait développé en lien avec la recevabilité de l'appel joint du ministère public et l'interdiction de la reformatio in pejus en résultant, ce qui limitait à 4 ans la peine privative de liberté susceptible d'être prononcée en l'espèce (cf. arrêt précité, consid. 4.4), les critiques du recourant en lien avec les différents éléments d'appréciation, pris en considération par la cour cantonale en vertu de l'art. 47 CP, avaient en revanche déjà été écartées par le Tribunal fédéral (cf. arrêt précité, consid. 4.3).  
Le recourant ne saurait dès lors y revenir. 
 
1.2.3. Certes également, il paraît que la cour cantonale a en l'occurrence tenu compte de faits nouveaux, dans la mesure où elle a estimé que la durée plus longue de la procédure, induite notamment par la procédure de recours au Tribunal fédéral et par celle d'appel postérieure à l'arrêt 6B_1498/2020, justifiait d'augmenter à 12 mois la déduction tirée d'une violation du principe de la célérité, alors que, dans son premier jugement du 29 octobre 2020, elle n'avait tenu compte, à ce titre, que d'une réduction de 9 mois.  
Cela étant relevé, on ne voit pas que le droit fédéral imposait à la cour cantonale d'imputer cette réduction supplémentaire de 3 mois sur la peine de 4 ans par laquelle elle était tenue en vertu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP), lors même qu'elle avait par ailleurs estimé qu'à ses yeux, une peine plus élevée aurait été justifiée. Dans une telle configuration, le recourant ne saurait se plaindre de ne pas avoir pu "concrètement" bénéficier de la réduction de la peine consentie en vertu d'une violation du principe de la célérité, la juridiction d'appel disposant en effet, hors considération en lien avec l'art. 391 al. 2, 1re phrase, CPP, d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit notamment quant aux critères déterminants pour la fixation de la peine (cf. not. arrêt 6B_1158/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.4), en particulier lorsque ceux-ci résultent d'éventuels faits nouveaux apparus ensuite d'un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral.  
 
1.2.4. Le recourant ne peut en outre pas valablement reprocher à la cour cantonale de ne pas avoir fait application de la circonstance atténuante décrite à l'art. 48 let. e CP, les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale n'étant en effet pas écoulés à la date du jugement attaqué s'agissant d'actes de viol répétés commis entre le printemps 2015 et janvier 2016 (cf. art. 97 al. 1 let. b CP en lien avec l'art. 190 al. 1 CP; cf. sur les conditions de l'application de l'art. 48 let. e CP: ATF 140 IV 145 consid. 3.1), ce que le recourant ne conteste du reste pas. Il ressort de surcroît du jugement attaqué que le 4 mars 2021, soit postérieurement au jugement du 29 octobre 2020, le recourant avait été condamné pour rixe et lésions corporelles dans le cadre d'une procédure pénale distincte, en raison d'actes commis en octobre 2020 (cf. jugement attaqué, consid. 9.2 p. 8), ce qui était propre à exclure, comme l'a retenu la cour cantonale, la réalisation de la seconde condition de l'art. 48 let. e CP, à savoir l'existence d'un bon comportement de l'auteur depuis la commission des faits.  
 
1.2.5. Enfin, la peine privative de liberté ayant été fixée à 4 ans, un sursis partiel à son exécution n'entrait pas en considération (cf. art. 43 al. 1 CP a contrario).  
Le grief doit dès lors être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
1.3. Le recourant ne conteste par ailleurs pas la peine pécuniaire de 70 jours-amende, à 30 fr., avec sursis pendant 2 ans, qui lui a été infligée cumulativement à la peine privative de liberté de 4 ans.  
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF a contrario). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale. 
 
 
Lausanne, le 20 décembre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Tinguely