6B_770/2022 20.03.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_770/2022  
 
 
Arrêt du 20 mars 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. le Juge fédéral Denys, Juge présidant. 
Greffier : M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République 
et canton de Neuchâtel, 
passage de la Bonne-Fontaine 41, 
2300 La Chaux-de-Fonds, 
intimé. 
 
Objet 
Irrecevabilité du recours en matière pénale; défaut 
de qualité pour recourir (o rdonnance de non-entrée 
en matière), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
de la République et canton de Neuchâtel, 
Autorité de recours en matière pénale, 
du 2 mai 2022 (ARMP.2021.157/sk). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
Depuis plusieurs années, A.________ est en litige avec l'Université de U.________, en particulier son Service des sports, dont le directeur est B.________ et l'adjoint C.________, qui sont notamment responsables de la filière Sciences et pratique du Sport (SePS). Après avoir obtenu un master en biologie en 2006, A.________ a souhaité compléter sa formation et s'est inscrite aux examens d'entrée dans la filière d'enseignement du sport de l'Université de U.________. Elle a échoué à trois reprises à ces examens d'entrée, en janvier 2013, janvier 2014 et janvier 2015. Après son troisième échec, elle a déposé un recours auprès du Rectorat et a obtenu un effet suspensif, ce qui lui a permis d'accéder aux cours de la session de printemps 2015. En juin 2016, puis en juin 2017 et encore en septembre de la même année, elle a échoué à l'examen de gymnastique aux agrès. Elle a en outre échoué à une épreuve d'athlétisme consistant en une participation à une course à pied, soit une étape d'une épreuve locale et à finir dans les 80 % des meilleures en course, terminant dans les dernières au cours de huit tentatives. Un résultat en mai 2017, qui aurait été positif, n'a pas été validé, car les responsables du SePS ont retenu qu'elle avait triché. Cela l'a empêchée de se présenter à l'examen d'athlétisme qu'elle aurait dû passer en juin 2017, un succès en course en étant un prérequis. 
 
2.  
Par acte daté du 8 juin 2022, remis à la poste le lendemain, A.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral contre un arrêt du 2 mai 2022 par lequel l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours dirigé par l'intéressée contre une ordonnance du 8 décembre 2021. Par cette dernière, le ministère public a refusé d'entrer en matière sur une plainte déposée par A.________ le 10 novembre 2021 pour "fausse preuve dans une procédure dans les diplômes en Sciences et pratique du Sport (SePS) de la part de l'Université de U.________". En bref, d'après les documents annexés à cette plainte, l'intéressée avait participé à une étape de la course précitée le 24 mai 2017. Son temps officiel selon le classement en ligne était de 1 heure 10 minutes et 35 secondes. Le 29 mai 2017, un groupe de sept étudiants avait spontanément contacté le directeur des sports et indiqué que A.________ avait, en réalité, passé la ligne d'arrivée dans un temps estimé à 1 heure 25 minutes et ne portait pas de dossard durant l'épreuve (des photographies de l'intéressée sans dossard figuraient sur le site de l'organisateur). Le 1er juin 2017, elle s'était présentée au Service des sports pour confirmer son temps enregistré, qui la classait d'une manière qui lui permettait de se présenter à l'examen d'athlétisme. Elle avait signé un document en ce sens. Le directeur des sports avait ensuite obtenu des renseignements auprès de la société organisatrice de la course, notamment des images prises au cours de l'étape du 24 mai 2017. Il en ressortait qu'elle avait effectivement participé à cette étape, mais sans porter de dossard. Elle avait passé la ligne d'arrivée après 1 heure 27 minutes et 2 secondes de course, au 547e rang sur 550 participantes. Aucune image ne montrait le dossard no 882 (muni d'une puce déclenchant la prise d'une photo-finish avec enregistrement du temps), qui lui avait été attribué, passer la ligne d'arrivée alors que ce dossard était au départ de l'épreuve. La seule explication possible selon les responsables de l'épreuve était qu'une tierce personne avait eu ce dossard en sa possession et l'avait approché de la cellule de chronométrage pour la déclencher en dehors de la ligne d'arrivée et du champ des caméras, après 1 heure 10 minutes et 35 secondes de course. Entendue par le directeur des sports, A.________ avait contesté les faits. Le directeur des sports l'avait dénoncée au Rectorat pour ce qu'il considérait comme une fraude. Il ressortait aussi d'une annexe à la plainte du 27 septembre 2019 qu'ensuite de la dénonciation du directeur des sports, une procédure disciplinaire avait été ouverte contre A.________, dans le cadre de laquelle le Rectorat prenait en considération les propos de six étudiants cités nommément, qui avaient spontanément déclaré auprès du directeur des sports que l'intéressée avait franchi la ligne d'arrivée plus de 1 heure 25 minutes après le départ de l'étape. 
 
3.  
La recourante conclut, "sous suite d'assistance judiciaire" et de dépens, principalement à la réforme de la décision entreprise en ce sens qu'il soit ordonné au ministère public d'ouvrir une procédure pénale contre le directeur des sports et le Rectorat de l'Université pour faux témoignage et autres infractions qui ressortiraient du dossier. A titre subsidiaire, elle demande l'annulation de la décision querellée et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Elle requiert aussi l'octroi de l'effet suspensif. 
 
4.  
La recourante a encore complété ses moyens par courrier du 10 juin 2022 et transmis pour information au Tribunal fédéral, par plis des 20, 23 octobre et 10 novembre 2022, ainsi que des 13 et 29 janvier 2023 des copies de correspondances qu'elle a adressées à la Cour pénale neuchâteloise. 
 
5.  
Tous les envois suivant le 10 juin 2022 sont manifestement postérieurs à l'échéance du délai de recours. Il n'y a pas lieu de s'y arrêter (art. 42 al. 1 et 2 LTF en lien avec les art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF; cf. ATF 139 II 185 consid. 2.6). Les annexes à ces courriers, que la recourante n'a de toute manière transmis au Tribunal fédéral que "pour information" constitueraient, en toute hypothèse, des pièces nouvelles irrecevables en procédure fédérale, la recourante n'expliquant pas en quoi elles résulteraient de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
6.  
Selon l'art. 81 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière pénale quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (let. b). Le ch. 5 de cette disposition mentionne ainsi que la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe à la partie recourante d'alléguer les faits qu'elle considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1). 
 
7.  
En l'espèce, la recourante évoque un dommage économique qui résulterait de l'impossibilité d'accéder à un poste d'enseignante ainsi qu'un tort moral. Hormis le fait qu'elle ne chiffre d'aucune manière ses prétentions (nonobstant l'intention manifestée dans son courrier du 10 juin 2022 de le faire rapidement), elle perd de vue que ses conclusions en procédure fédérale sont exclusivement dirigées contre le directeur d'un service universitaire et le Rectorat de l'Université, qui est un établissement de droit public cantonal autonome doté de la personnalité juridique (art. 1 al. 1 de la loi du 2 novembre 2016 sur l'Université de U.________; LUNE; RS/NE 416.100). En ce qui concerne le Rectorat, il suffit de relever que cet organe, composé de vices-recteurs et vices-rectrices assistant un recteur ou une rectrice (nommés par le Conseil d'État) est chargé de la direction de l'Université, détermine les grandes orientations de la politique et de la stratégie de cette institution et nomme notamment les membres du corps professoral (art. 19 al. 1, 2 et 3 ainsi qu'art. 20 al. 1 LUNE). Il ne fait ainsi guère de doute que toutes ces personnes, dans le cadre de leur activité au sein de l'université, sont chargées de l'accomplissement de tâches de droit public et sont des agents au sens de l'art. 1 al. 3 de la loi neuchâteloise du 29 septembre 2020 sur la responsabilité des collectivités publiques et de leurs agents (Loi sur la responsabilité; LResp/NE; RS/NE 150.10). Or, conformément aux dispositions de cette loi, la collectivité publique répond du dommage causé sans droit à un tiers par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, sans égard à la faute de ces derniers (art. 5 al. 1 LResp/NE) et le lésé n'a aucune action contre l'agent responsable (art. 9 LResp/NE). Il s'ensuit que le dommage et le tort moral allégués par la recourante ne suffisent pas à établir à satisfaction de droit que la décision attaquée pourrait avoir des effets sur le jugement des prétentions civiles de l'intéressée. Elle ne démontre donc pas à satisfaction de droit avoir qualité pour recourir sur le fond. 
 
8.  
La recourante souligne ensuite que la liste de l'art. 81 al. 1 let. b LTF n'est pas exhaustive, que cette disposition ne mentionne pas, en particulier, l'hypothèse d'une révision, laquelle pourrait précisément être demandée conformément à l'art. 123 LTF lorsqu'une procédure pénale établit que l'arrêt a été influencé au préjudice du requérant par un crime ou un délit (al. 1 première phrase), respectivement, si les conditions fixées à l'art. 410 al. 1, let. a et b, et 2 CPP sont remplies (al. 2 let. b). 
 
9.  
La recourante n'explique d'aucune manière de quel arrêt du Tribunal fédéral elle désirerait obtenir la révision en application de l'art. 123 LTF. En relation avec l'art. 123 al. 2 let. b LTF, elle ne démontre pas non plus que le Tribunal fédéral aurait, dans l'un des arrêts rendus en matière pénale la concernant, complété l'état de fait déterminant sur la base de l'art. 105 al. 2 LTF (cf. ATF 134 IV 48). Il suffit, dès lors, de rappeler qu'en règle générale, la seule perspective d'une éventuelle révision de décisions (notamment civiles) entrées en force à l'issue - conjecturée favorable - d'une procédure pénale apparaît d'emblée trop hypothétique pour fonder la qualité de la partie plaignante pour recourir en matière pénale contre le refus d'entrer en matière sur sa plainte (cf. arrêts 6B_79/2021 du 4 avril 2022 consid. 1.5; 6B_223/2019 du 9 avril 2019 consid. 1.2.2). La recourante ne peut dès lors rien déduire en sa faveur de cette argumentation en ce qui concerne sa qualité pour recourir en matière pénale. 
 
10.  
Quant à une éventuelle violation d'un droit de procédure entièrement séparé du fond équivalant à un déni de justice (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5; 136 IV 29 consid. 1.9 p. 40 et les références citées), la recourante invoque encore, dans son complément du 10 juin 2022, la récusation du "Procureur D.________", en visant, en réalité, l'un des membres de la cour cantonale.  
 
Cette question a été traitée dans un jugement séparé rendu le 16 août 2022 par la Cour pénale cantonale. Elle n'est pas l'objet de la décision querellée et ne peut donc être soumise au Tribunal fédéral à l'occasion du présent recours (art. 80 al. 1 LTF). 
 
11.  
Pour le surplus, il ne transparaît pas des écrits de la recourante qu'elle invoquerait la violation de son droit à la plainte au sens de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 6 LTF. 
 
12.  
Au vu de ce qui précède, l'irrecevabilité du recours est patente. Il convient de la constater dans la procédure prévue par l'art. 108 al. 1 let. a LTF. Au vu de cette issue, les conclusions du recours étaient dénuées de chances de succès, de sorte que l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 et 3 LTF). La recourante supporte les frais de la procédure, qui seront fixés en tenant compte de sa situation (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). La requête d'effet suspensif est sans objet. 
 
En tant que de besoin, il est rappelé à la recourante que d'éventuelles demandes de révision du même genre que celle écartée par l'arrêt 6F_4/2022 du 28 avril 2022 seront purement et simplement classées sans suite et sans frais (arrêt 6F_4/2022 précité consid. 5). 
 
 
Par ces motifs, le Juge présidant prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
L'assistance judiciaire est refusée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale. 
 
 
Lausanne, le 20 mars 2023 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Vallat