6B_1244/2022 16.12.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1244/2022  
 
 
Arrêt du 16 décembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. le Juge fédéral 
Denys, Juge présidant. 
Greffier : M. Rosselet. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par Maîtres Yaël Hayat et Simine Sheybani, Avocates, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. B.A.________, 
représentée par Me Eve Dolon, avocate, 
3. C.________, 
représentée par Me Olivier Peter, avocat, 
4. D.________, 
représenté par Me Lassana Dioum, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Décision incidente; recevabilité du recours au Tribunal fédéral (classement partiel [contrainte]), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 30 août 2022 
(P/14202/2016 AARP/264/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par ordonnance pénale du 20 février 2019, le Ministère public de la République et canton de Genève a reconnu A.A.________ coupable de tentative d'exploitation de l'activité sexuelle et d'encouragement à la prostitution, d'infraction à la LEI (RS 142.20), et d'instigation à faux dans les titres. Cette ordonnance a été rendue à la suite d'une plainte pénale déposée par C.________ à l'encontre, notamment, du précité pour traite d'êtres humains, encouragement à la prostitution et contrainte, pour l'avoir notamment poussée à se rendre dans des bars à champagne en profitant de sa vulnérabilité et exerçant des pressions sur elle, telles des menaces de renvoi à U.________.  
Ayant fait opposition à ladite ordonnance, A.A.________ a été renvoyé en jugement par acte d'accusation du 23 septembre 2020, sans que la qualification de contrainte et les faits y relatifs ne soient retenus par le ministère public. 
 
A.b. Par jugements des 11 et 13 octobre 2021, le Tribunal de police genevois a rejeté la question préjudicielle de C.________ tendant au complément de l'acte d'accusation du 23 septembre 2020, subsidiairement au renvoi de ce dernier au ministère public, respectivement a acquitté A.A.________ de tentative d'encouragement à la prostitution, d'infraction à l'art. 116 al. 1 let. b LEI et d'instigation à faux dans les titres, et débouté C.________ de ses conclusions civiles.  
 
B.  
Par arrêt du 30 août 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise, statuant sur appel de C.________ notamment, a admis la question préjudicielle soulevée par la prénommée et a renvoyé la cause au ministère public pour qu'il rende une nouvelle décision de classement ou de mise en accusation, tant en ce qui concerne la mention de la qualification juridique de contrainte que celle des faits y relatifs. 
 
C.  
A.A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 30 août 2022. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à l'annulation de l'arrêt entrepris, au constat de l'entrée en force du classement partiel implicite des faits susceptibles d'être constitutifs de contrainte résultant de l'acte d'accusation du 23 septembre 2020 et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour reprise de la procédure d'appel. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt querellé et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les recours au Tribunal fédéral sont recevables contre les décisions finales (art. 90 LTF), les décisions partielles (art. 91 LTF) et les décisions préjudicielles ou incidentes aux conditions prévues par les art. 92 et 93 LTF
Selon la jurisprudence constante, un arrêt de renvoi constitue, en principe, une décision incidente (ATF 138 I 143 consid. 1.2 p. 148; voir aussi arrêts 6B_1432/2021 du 29 mars 2022 consid. 3.2; 6B_126/2022 du 23 février 2022 consid. 2.2) contre laquelle un recours au Tribunal fédéral n'est ouvert qu'aux conditions des art. 92 et 93 LTF
L'arrêt querellé, en ce qu'il admet la question préjudicielle de l'intimée 3 et renvoie la cause au ministère public pour nouvelle décision, constitue une décision incidente, comme l'admet le recourant. 
 
1.1. Sous réserve des cas visés par l'art. 92 LTF, non réalisés ici, le recours en matière pénale est recevable, conformément à l'art. 93 al. 1 LTF, contre les décisions préjudicielles et incidentes notifiées sépa-rément si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b).  
 
1.1.1. Dans la procédure de recours en matière pénale, un préjudice irréparable se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 144 IV 321 consid. 2.3 p. 329; 141 IV 284 consid. 2.2 p. 287; 137 IV 172 consid. 2.1 p. 173), ce qui est en particulier le cas quand la décision incidente contestée ne peut plus être attaquée avec la décision finale, en rendant ainsi impossible le contrôle par le Tribunal fédéral. En général, une décision de renvoi n'est pas susceptible de causer un préjudice juridique irréparable aux parties, le seul allongement de la durée de la procédure ou le seul accroissement de celle-ci n'étant pas considérés comme des éléments constitutifs d'un tel dommage (ATF 147 III 159 consid. 3.1 p. 165; 144 III 475 consid. 1.2 p. 479; 142 III 798 consid. 2.2 p. 801; arrêts 6B_1432/2021 du 29 mars 2022 consid. 3.3; 6B_126/2022 du 23 février 2022 consid. 2.2).  
 
1.1.2. Les conditions énoncées à l'art. 93 al. 1 let. b LTF sont cumulatives. Il faut, d'une part, que l'admission du recours puisse conduire immédiatement à une décision finale et, d'autre part, que l'arrêt attaqué ouvre la voie à une procédure probatoire longue et coûteuse. Pour que cette seconde condition soit réalisée, il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels, ce qui n'est pas le cas lorsque l'administration des preuves se limite à l'audition des parties, à la production de pièces ou à l'interrogatoire de quelques témoins (cf. arrêt 6B_161/2019 du 6 mars 2019 consid. 1.2.2 et les références citées). Cette disposition doit faire l'objet d'une interprétation restrictive en matière pénale (ATF 133 IV 288 consid. 3.2 p. 292; arrêt 6B_281/2021 du 3 novembre 2021 consid. 2.3.2) et n'est généralement pas applicable en cette matière (ATF 144 IV 127 consid. 1.3 p. 130; 141 IV 284 consid. 2 p. 286).  
 
1.2. En substance, la cour cantonale a retenu que le ministère public n'avait jamais rendu de décision sur les faits concernés par la demande de complément de l'intimée 3. Celle-ci avait déposé plainte pénale, notamment pour contrainte, infraction que le ministère public avait instruite pendant plusieurs mois. Malgré les observations de la partie plaignante adressées au ministère public à la suite de l'avis de prochaine clôture, l'ordonnance pénale rendue ne faisait aucune mention de l'infraction de contrainte et les faits y relatifs n'étaient pas détaillés. Aucune ordonnance de classement n'avait été rendue en parallèle, tandis que l'ordonnance pénale rendue ne contenait aucune motivation formalisant l'abandon des charges relatives à la contrainte et expliquant le choix du ministère public. Il s'agissait tout au plus d'un classement implicite, lequel n'avait pas permis à l'intimée 3 d'exercer ses droits.  
 
1.3.  
 
1.3.1. Le recourant soutient tout d'abord que l'arrêt querellé, en ce qu'il renvoie la cause au ministère public afin que celui-ci rende une décision de classement ou de mise en accusation relative à des faits susceptibles d'être constitutifs de contrainte, soit des faits qui seraient déjà classés, consacrerait une violation du principe ne bis in idem et aurait ainsi pour conséquence d'entraîner un préjudice juridique irréparable.  
En l'espèce, l'on ne discerne toutefois pas - et le recourant ne l'explique d'ailleurs pas - en quoi celui-ci serait empêché de soulever un tel grief à la suite de la nouvelle décision que sera amené à rendre le ministère public. Le recourant ne démontre ainsi pas que le dommage de nature juridique qu'il allègue ne pourrait plus être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision qui lui serait favorable. Faute de préjudice irréparable, l'arrêt querellé ne constitue pas une décision susceptible d'un recours en matière pénale en application de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, de sorte qu'il est irrecevable sous cet angle. 
 
1.3.2. Le recourant allègue ensuite que l'admission du présent recours pourrait conduire à une décision finale qui mettrait un terme à la procédure s'agissant des faits pouvant être constitutifs de contrainte, puisque l'annulation de l'arrêt entrepris restituerait la validité du classement implicite de ces faits résultant de l'acte d'accusation du 23 septembre 2020. Il soutient en outre que le présent recours permettrait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Il invoque à ce titre que la décision de renvoi de la cour cantonale aurait pour conséquence d'étirer sensiblement la procédure pour des faits classés implicitement par le ministère public, dans la mesure où celui-ci rendrait vraisemblablement une ordonnance de classement qui serait contestée par l'intimée 3, laquelle bénéficierait d'une restitution abusive de son droit de recours contre le classement implicite, et d'engendrer des coûts de procédure certains par les actes et mesures qui seraient alors entrepris.  
Outre que le recourant ne détaille pas les actes et mesures auxquels il fait référence, il ressort de l'arrêt querellé que le ministère public a déjà instruit l'infraction de contrainte pendant plusieurs mois. En outre, la cour cantonale a renvoyé la cause au ministère public afin que celui-ci rende une décision qui formalise le classement des faits susceptibles d'être constitutifs de contrainte ou qu'il mette en accusation le recourant pour de tels faits. Dans ces circonstances, l'on ne voit pas en quoi les actes que sera amené à entreprendre le ministère public pourraient impliquer une procédure particulièrement longue et coûteuse au sens de l'art. 93 al. 1 let. b LTF. A cet égard, le seul risque d'un recours de l'intimée 3 à l'encontre d'une éventuelle ordonnance de classement rendue par le ministère public à la suite de l'arrêt querellé est insuffisant à satisfaire une telle condition. En conséquence, faute pour le recourant de démontrer que les conditions - exceptionnelles en matière pénale - de l'art. 93 al. 1 let. b LTF seraient réalisées, le recours n'apparaît pas plus recevable sur la base de cette disposition. 
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours est manifestement irrecevable (art. 108 al. 1 let. a LTF). Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires, dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 16 décembre 2022 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Rosselet