6B_776/2023 30.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_776/2023, 6B_781/2023, 6B_782/2023, 6B_783/2023, 6B_784/2023, 6B_785/2023  
 
 
Arrêt du 30 juin 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme la Juge fédérale 
Jacquemoud-Rossari, Présidente. 
Greffier : M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
6B_776/2023 
A.________, 
représentée par B.________ AG, c/o C.________ 
recourante, 
 
6B_781/2023 
D.________, 
représentée par B.________ AG, c/o C.________, 
recourante, 
 
6B_782/2023 
E.________ Ltd, 
c/o C.________, case postale, 8034 Zurich, 
recourante, 
 
6B_783/2023 
F.________ AG, c/o C.________, 
recourante, 
 
6B_784/2023 
G.________AG, 
recourante, 
 
6B_785/2023 
H.________ Ltd, 
représentée par B.________ AG, c/o C.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la Confédération, route de Chavannes 31, case postale, 1001 Lausanne, 
intimé. 
 
Objet 
Irrecevabilité du recours en matière pénale; défaut de qualité pour recourir; motivation insuffisante (Procédure pénale [participation en tant que tiers]), 
 
recours contre l'ordonnance du Tribunal pénal fédéral, Cour d'appel, du 2 mai 2023 (CN.2023.16). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
Par ordonnance du 2 mai 2023, le Juge président de la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral a rejeté les demandes par lesquelles A.________, F.________ AG, G.________ AG, D.________, H.________ Ltd et E.________ Ltd (ci-après A.________ et consorts) requéraient de pouvoir participer à la procédure d'appel dirigée contre le jugement de la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral SK.2022.22 du 17 juin 2022 prononçant notamment la confiscation de l'ensemble des valeurs patrimoniales déposées auprès de la banque I.________ à Genève, relation xx.xxxxxx-x.xxx, au nom de J.________ AG et le maintien des saisies, en vue de l'exécution de la créance compensatrice prononcée à l'encontre de C.________, sur l'intégralité des valeurs patrimoniales déposées auprès de la Banque nationale suisse (ci-après: BNS) à Berne, relation xxxxxxx, au nom de K.________ AG, de la banque L.________ à Lucerne, relation Rxxx.xxx (devenue xxxxxxx.xxxx), au nom de K.________ AG, de la banque M.________ à Zurich, relation xxxxxx, au nom de K.________ AG, de la BNS à Berne, anciennement ouverte à P.________ AG au nom de K.________ AG i.L., relation CHxx xxxx xxxx xxxx xxxx Y, au nom de N.________ AG, de la BNS à Berne, déposées en différentes devises et séquestrées chez K.________ AG le 1er mai 2013, ainsi que les valeurs patrimoniales séquestrées au O.________ dans un coffre-fort de K.________ AG le 22 mai 2012 (cf. jugement de la Cour des affaires pénales SK.2022.22 du 17 juin 2022, dispositif ch. V. 11 et VII. 15, 17-22). 
 
2.  
Par actes des 23 mai 2023 (A.________), 30 mai 2023 (mais daté du 27 mai 2023; H.________ Ltd) ainsi que 31 mai 2023 (mais datés du 1er juin 2023; les autres consorts), A.________ et consorts, toutes représentées par B.________ AG, agissant par C.________, membre du conseil avec signature individuelle, recourent en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'ordonnance précitée. Les recourantes concluent avec suite de frais principalement à l'annulation de la décision querellée subsidiairement qu'ordre soit donné à la Cour d'appel d'entrer en matière sur les déclarations d'appel. Elles requièrent par ailleurs la restitution de l'effet suspensif. Enfin, invitées à avancer les frais de la procédure par ordonnance du 9 juin 2023, elles ont requis le bénéfice de l'assistance judiciaire, soit d'être dispensées de procéder à cette avance. 
 
3.  
Devant le Tribunal fédéral, la langue de la procédure est généralement celle de la décision attaquée (art. 54 al. 1 LTF), le français en l'espèce. Le seul fait que les recourantes agissent en langue allemande ne justifie pas de s'écarter de cette règle. 
 
4.  
Les recours ont pour objet la même décision. Ils ont trait au même complexe de faits procéduraux et soulèvent des questions identiques. Il apparaît expédient de joindre les causes et de les traiter dans un seul arrêt (art. 24 al. 2 PCF et 71 LTF). 
 
5.  
Le point de savoir si B.________ AG peut représenter les recourantes au regard de l'art. 40 al. 1 LTF souffre de demeurer indécis pour les motifs qui suivent. 
 
6.  
En renvoyant à un courrier adressé le 2 mai 2023 à l'autorité intimée, la recourante A.________ avance que l'existence des pouvoirs qu'elle aurait conférés à B.________ AG résulterait d'un "Certificate of incumbency" du 14 août 2020. Or, le Tribunal fédéral a déjà jugé que ce document, portant une date antérieure de plus d'une année à celle où un acte de procédure était exécuté, ne suffisait pas à établir l'existence de la société et les pouvoirs conférés à ses organes, C.________ en particulier (arrêt 1B_534/2021 du 4 octobre 2021 consid. 2). Il n'y a pas de raison de s'écarter de cette appréciation en l'espèce, ce qui conduit d'emblée à l'irrecevabilité du recours de A.________. On traitera encore les griefs communs à cette société dans la suite par surabondance. 
 
7.  
Les recourantes font état de reproches à l'adresse du Juge président de la Cour d'appel, qui justifieraient selon elles sa récusation. Alors qu'une requête en ce sens aurait été déposée au Tribunal pénal fédéral (mémoires de recours, p. 4) mais n'aurait pas encore été tranchée, cette question n'est manifestement pas l'objet de la décision entreprise (art. 80 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu de s'y arrêter. 
 
8.  
Les recourantes se plaignent de s'être vu refuser leur participation à la procédure d'appel. Elles ont qualité pour le faire, autant qu'elles ne font pas valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (cf. ATF 146 IV 76 consid. 2; 141 IV 1 consid. 1.1 et les références citées). 
 
9.  
En bref, laissant indécis le point de savoir si les pièces produites lui permettaient de se déterminer sur l'existence des sociétés en question, le Président de la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral a retenu que ces personnes morales ne démontraient pas à satisfaction de droit avoir un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision de la Cour des affaires pénales. Les entités en question n'étaient pas titulaires de comptes bancaires ou coffre-fort faisant l'objet d'une confiscation ou d'une décision de séquestre. Les intéressées se prétendaient propriétaires économiques de certaines valeurs patrimoniales saisies, sans toutefois que ces valeurs n'aient été véritablement identifiées et que des éléments probants aient été versés afin de prouver les liens allégués. La qualité d'ayant droit économique ne suffisait de toute manière pas pour leur reconnaître qu'elles auraient été directement touchées par le séquestre ou la confiscation et, en tant qu'elles invoquaient des prétentions à l'égard de la société K.________ AG en liquidation, cette dernière participait déjà à la procédure en qualité de tiers et était représentée par son liquidateur. 
 
10.  
Au vu de ce qui précède, seul le point de savoir si les recourantes pouvaient prétendre à participer à la procédure d'appel est l'objet de la décision entreprise. Seule cette question de procédure peut être soumise au Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale (art. 80 al. 1 LTF). On peut se dispenser d'examiner les développements que les recourantes consacrent à la confiscation, qui relèvent du fond. 
 
11.  
Selon l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours au Tribunal fédéral doivent indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. En particulier, le recourant doit motiver son recours en exposant succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (cf. art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 88 ss et 115 consid. 2 p. 116 s.); la motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale (arrêt 6B_1511/2021 du 9 février 2022 consid. 6 et les références citées). De plus, le Tribunal fédéral est lié par les faits retenus par la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire (art. 9 Cst.; sur cette notion, cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244) dans la constatation des faits. Le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1 p. 118). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 146 IV 114 consid. 2.1 p. 118; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156). 
 
12.  
Les recourantes soutiennent désormais être titulaires juridiques et ayants droit économiques, des valeurs patrimoniales bloquées provisionnellement et détenues à titre fiduciaire par K.________ AG en liquidation (respectivement, pour A.________, du contenu d'un safe confisqué depuis 2012 et contenant 150'000 euros en espèces, dont K.________ AG aurait été dépositaire [Aufbewahrer]). Elles auraient qualité pour faire appel dès lors que la société titulaire du ou des comptes séquestrés puis confisqués, K.________ AG en liquidation, aurait été radiée du registre du commerce. Les recourantes D.________, E.________ Ltd, F.________ AG, G.________ AG et H.________ Ltd ajoutent, en soulignant cette fois être propriétaires économiques exclusives des mêmes valeurs, soulever des griefs d'ordre formel, soit la violation de leur droit d'être entendu résultant du refus de les laisser accéder au dossier en lien avec la radiation de K.________ AG ainsi que compte tenu de la motivation de la décision querellée, qu'elles qualifient de confuse et inconsistante ("völlig verwirrend und inkonsistent"). En violation des art. 3 let. c CPP et 6 CEDH, elles n'auraient pas non plus bénéficié d'un procès équitable faute d'avoir pu participer à l'audience de janvier 2021 en raison de l'épidémie de COVID.  
 
13.  
La décision entreprise permet aisément de comprendre les motifs pour lesquels le Juge président de la Cour d'appel a rejeté les demandes des recourantes tendant à participer à la procédure d'appel. Le seul fait de taxer forfaitairement cette décision de confuse et d'inconsistante ne répond manifestement pas aux exigences de motivation accrues déduites de l'art. 106 al. 2 LTF. L'audience de janvier 2021 concernait, par ailleurs, la procédure de première instance et non la procédure d'appel. La décision entreprise ne traite pas de cette question et les recourantes ne tentent pas de démontrer qu'elles l'auraient soulevée et invoquée pour justifier leur prétention à participer à la procédure d'appel. Pour le surplus, les très brèves explications des recourantes ne permettent pas de comprendre en quoi consiste leur moyen déduit d'une prétendue violation de leur droit d'accès au dossier qui n'est pas non plus traitée spécifiquement par la décision querellée. Hormis le fait que ce moyen est articulé au nom "du recourant" ("Der Beschwerdeführer"; mémoires de recours p. 8), ce qui suggérerait qu'il pourrait concerner plus C.________ que les recourantes, on ignore, en particulier si la violation ainsi alléguée résulterait du refus de les laisser participer à la procédure d'appel (auquel cas, ce moyen n'a pas de portée propre par rapport aux autres) ou si une requête spécifique en ce sens aurait été écartée ou encore si elles entendaient invoquer en appel qu'elles auraient été privées d'un tel droit antérieurement. Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant ces moyens, dont la motivation est manifestement insuffisante. 
 
14.  
La décision entreprise ne constate ensuite d'aucune manière que les sociétés recourantes seraient titulaires juridiques des valeurs patrimoniales séquestrées puis confisquées, mais bien au contraire, en fait, que les liens allégués par ces sociétés avec ces valeurs n'ont pas été prouvés. L'argumentation des recourantes est, dans cette mesure, purement appellatoire et, partant, irrecevable.  
 
15.  
Les recourantes invoquent, de surcroît, l'existence de cessions ( assignment of assets/claim) du 30 juin 2020 en faveur de B.________ AG. Or, conformément aux principes les plus élémentaires régissant la cession des droits, on ne voit pas comment elles pourraient cumuler les positions de cédantes et titulaires juridiques des mêmes droits (v. p. ex. ATF 130 III 417 consid. 3.4; 123 IV 132 consid. 4b/bb) et elles n'expliquent rien à ce propos.  
 
16.  
Les recourantes invoquent enfin que la société K.________ AG aurait été radiée du registre du commerce ensuite de sa liquidation (cf. ATF 139 II 404 consid. 2.1.1). Hormis le fait que les recourantes citent elles-mêmes la raison sociale de cette entité avec la précision abrégée "i.L." "soit en liquidation", ce qui suggère que la liquidation n'est pas achevée, et qu'il est de toute manière notoire que cette société en liquidation est toujours inscrite au registre du commerce, l'autorité précédente a constaté que cette entité participait déjà à la procédure en qualité de tiers et y était représentée par un liquidateur. Faute de toute discussion de ce point précis, la motivation ainsi articulée, au mieux appellatoire, n'est pas topique. 
 
17.  
La motivation des recours est manifestement insuffisante et le recours de A.________ est de surcroît manifestement irrecevable ce qu'il convient de constater dans la procédure prévue par l'art. 108 al. 1 let. a et b LTF. Vu l'issue de la procédure, les demandes d'assistance judiciaire doivent être rejetées (art. 64 al. 1 et 3 LTF). Les recourantes succombent. Elles supportent les frais de la procédure. Les intéressées n'ayant déposé aucune pièce établissant la consistance de leur patrimoine. Elles n'établissent pas, en particulier, qu'il serait exclusivement constitué d'actifs séquestrés, respectivement confisqués en Suisse. Il n'y a, dès lors, pas lieu de tenir compte de cette circonstances au stade de la fixation des frais, qu'elles supportent solidairement et à parts égales (art. 65 al. 2 et 66 al.1 LTF). La demande d'effet suspensif est sans objet. 
 
 
Par ces motifs, la Présidente prononce :  
 
1.  
Les causes 6B_776/2023, 6B_781/2023, 6B_782/2023, 6B_783/2023, 6B_784/2023 et 6B_785/2023 sont jointes. 
 
2. Les recours déposés par A.________, F.________ AG, G.________ AG, D.________, H.________ Ltd et E.________ Ltd sont irrecevables.  
 
3.  
L'assistance judiciaire est refusée. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge des recourantes A.________, F.________ AG, G.________ AG, D.________, H.________ Ltd et E.________ Ltd conjointement. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal pénal fédéral, Cour d'appel. 
 
 
Lausanne, le 30 juin 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Vallat