2C_578/2023 02.04.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_578/2023  
 
 
Arrêt du 2 avril 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hänni, Juge présidant, Donzallaz et Ryter. 
Greffier : M. de Chambrier. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Sàrl, 
représenté par Me Vincent Willemin, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département de l'économie et de la santé de la République et canton du Jura, rue de la Jeunesse 1, 2800 Delémont. 
 
Objet 
Allocation d'aide extraordinaire destinée aux entreprises touchées par les mesures contre l'épidémie du Covid-19, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre administrative, du 7 septembre 2023 (ADM 10 / 2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société A.________ Sàrl (ci-après: la société, puis la recourante) est inscrite au registre du commerce jurassien depuis mai 2018.  
Par contrat du 19 juillet 2018, l'entreprise B.________ SA a accordé à la société un prêt d'un montant de 100'000 francs, destiné à pourvoir aux investissements nécessaires au lancement de son activité, respectivement à la création d'un bar en ville de U.________. 
 
A.b. La société a fait l'objet de différentes décisions de fermeture de son établissement en 2020 et 2021 en raison de la crise sanitaire COVID-19.  
Le 12 février 2021, la société a déposé une demande de mesures de soutien aux entreprises jurassiennes pour cas de rigueur auprès du Département de l'économie et de la santé de la République et canton du Jura (ci-après : le Département). Elle a demandé une aide complémentaire le 20 avril 2021. 
Par décisions successives prononcées en février, avril et juillet 2021, le Département lui a accordé des avances pour les années 2020 et 2021, en précisant que ces aides donneront lieu à un décompte final après présentation des comptes 2020/2021 et que sur cette base, l'avance serait convertie en contribution non remboursable ou en prêt. 
Après présentation des comptes définitifs 2020 de la société, le Département a retenu que celle-ci avait droit pour l'année 2020 à une aide à fonds perdus d'un montant de 53'664 francs sous déduction de l'avance perçue. 
 
B.  
Suite à la remise des comptes bouclés de la société pour l'année 2021, le Département a constaté, par décision du 5 octobre 2022, que l'avance totale octroyée en 2021 suffisait à couvrir les charges incompressibles encourues durant l'année 2021 et que le surplus devait ainsi être converti en prêt remboursable pour un montant de 51'652.35 francs. 
 
B.a. Par décision sur opposition du 9 décembre 2022, le Département a rejeté l'opposition formée par la société contre cette décision. Il a relevé que les revenus totaux de la société s'élevaient à 493'634 francs et les charges incompressibles à 593'902.20 francs (en déduisant le montant de 67'868.80 francs correspondant au solde de la dette relative au contrat de prêt de 100'000 francs conclu avec B.________ SA). Il apparaissait dès lors une insuffisance de couverture de charges de 40'268.20 francs. Le dispositif des cas de rigueur couvrant le 80 % de ce montant, soit 32'215 francs, le solde à rembourser sur le montant de l'avance octroyée pour 2021 était de 51'652.35 francs (83'867.35 francs - 32'215 francs).  
Par arrêt du 7 septembre 2023, la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours interjeté par la société contre la décision sur opposition susmentionnée du 9 décembre 2022. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ Sàrl demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, l'annulation de l'arrêt du Tribunal cantonal du 7 septembre 2023 et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal indique ne pas avoir de remarque particulière à formuler. Il conclut au rejet du recours et à la confirmation de son arrêt. Le Secrétariat d'État à l'économie renonce à se déterminer. Le Département conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 148 I 160 consid. 1). 
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Portant sur l'octroi d'aides financières de l'État en lien avec l'épidémie de COVID-19, il s'agit d'une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Le recours en matière de droit public est donc en principe ouvert. Toutefois, un tel recours n'est pas recevable contre les décisions concernant des subventions auxquelles la législation ne donne pas droit (art. 83 let. k LTF).  
 
1.2. Le Tribunal fédéral a jugé que les aides financières à fonds perdu accordées par les cantons aux entreprises dans le but de maintenir leur activité en relation avec l'épidémie de COVID-19 étaient en principe des subventions au sens de l'art. 83 let. k LTF (cf. arrêts 2C_142/2022 du 15 décembre 2023 consid. 1.4.2; 2C_59/2023 du 22 juin 2023 consid. 1.4; 2C_8/2022 du 28 septembre 2022 consid. 1.2).  
 
1.3. La jurisprudence a toutefois précisé que l'exception de l'art. 83 let. k LTF ne concernait pas les décisions qui ne portaient pas sur l'octroi initial d'une subvention, mais sur son remboursement. En pareil cas, le recours en matière de droit public est recevable, parce que le bénéficiaire est atteint dans sa situation juridique, même s'il n'existe, le cas échéant, aucun droit à la subvention en cause (arrêts 2C_1051/2022 du 14 décembre 2023 consid. 1.1; 2C_996/2022 du 23 mai 2023 consid. 1.2 et les références).  
 
1.4. En l'occurrence, le présent litige porte sur le remboursement  
d'un montant de 51'652.35 francs, sur l'aide financière totale de 83'867.35 francs versée à la recourante pour 2021. L'art. 83 let. k LTF ne saurait donc trouver application dans le cas d'espèce. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte. 
 
1.5. Au surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF), par la destinataire de l'arrêt attaqué qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, un tel recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est néanmoins possible de faire valoir que l'application du droit cantonal consacre une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un autre droit constitutionnel (cf. ATF 145 I 108 consid. 4.4.1). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 147 IV 329 consid. 2.3; 142 V 577 consid. 3.2; 141 I 36 consid. 1.3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 148 I 160 consid. 3). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).  
 
3.  
L'objet du litige se limite à la question de savoir si la contribution de loyauté d'un montant de 67'868.80 francs, prévue par le contrat passé le 23 août 2021 entre B.________ SA, d'une part, et la recourante et C.________ (associé et gérant de la recourante selon le registre du commerce jurassien consulté le 9 février 2024), d'autre part (art. 105 al. 2 LTF), devait être déduite des charges incompressibles de la recourante, respectivement prise en compte dans le calcul de la couverture desdites charges par les revenus de celle-ci. 
 
4.  
 
4.1. L'ordonnance cantonale du 10 décembre 2020 concernant les mesures de soutien aux entreprises jurassiennes en difficulté suite à l'épidémie de COVID-19 (RS/JU 901.811; ci-après : ordonnance sur les mesures de soutien) prévoit notamment un soutien aux cas de rigueur "fédéral" (art. 5 al. 1 let. a), dont les détails sont réglés en annexe (art. 5 al. 2). Cette ordonnance indique aussi qu'il est attendu des requérants qu'ils recourent en priorité aux dispositifs généraux d'atténuation des pertes financières et que, le cas échéant, il en est tenu compte dans l'établissement du montant de l'aide (art. 6 al. 1). Il est également tenu compte de toutes les autres aides financières octroyées par la Confédération et le canton en lien avec l'épidémie de COVID-19 (art. 6 al. 2).  
L'annexe 1 de l'ordonnance sur les mesures de soutien consacrée aux cas de rigueur "fédéral" prévoit notamment que les entreprises bénéficiaires sont celles dont les revenus ne suffisent plus à couvrir les charges incompressibles en raison de la crise du COVID19 après que l'entreprise a pris toutes les mesures possibles (cf. dans le même sens, l'art. 3 al. 1 de l'arrêté du Parlement jurassien du 9 décembre 2020 portant octroi d'un crédit supplémentaire destiné au soutien des entreprises jurassiennes (mesures Covid-19) [RS/JU 901.81]; ci-après: arrêté mesures COVID-19). Concernant les charges incompressibles, l'ordonnance sur les mesures de soutien prévoit que la contribution non remboursable équivaut à maximum 80 % des charges incompressibles non couvertes de l'année de référence. 
Au sujet des éléments financiers déterminants, l'annexe 1 de l'ordonnance sur les mesures de soutien indique qu'il s'agit des chiffres d'affaires des années 2018 et suivantes, des bilans des années 2018 et suivantes, des charges incompressibles de l'année considérée, des revenus totaux de l'année considérée, des crédits COVID-19, des liquidités et du patrimoine de l'entreprise et de ses principaux ayants droit économiques. Toujours selon cette annexe, "sont en particulier comprises dans les charges incompressibles les rubriques de coûts suivantes en lien direct avec l'activité commerciale: [les] loyers commerciaux, hors charges et hors TVA, [les] charges sociales patronales, [les] assurances, [les] licences et abonnements, [les] contrats de location, leasings, [les] frais sur des engagements ne pouvant être annulés, [les] intérêts courants sur emprunts [et les] frais d'entretien courants". Ladite annexe indique aussi que "sont compris dans les revenus totaux: [le] chiffre d'affaires [et les] autres aides financières octroyées par la Confédération et le canton en lien avec l'épidémie de Covid-19". 
Toujours selon cette annexe "il incombe à l'entreprise de démontrer qu'après avoir pris toutes les mesures possibles (selon l'art. 3, al. 1, 1er tiret, de l'arrêté du Parlement (mesures COVID-19)) l'équilibre financier de son entreprise pour l'exercice considéré, sous l'angle du chiffre d'affaires et de la couverture des charges incompressibles par les revenus totaux, ne peut pas être atteint suite aux conséquences de l'épidémie de COVID-19". 
 
5.  
 
5.1. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal doute que le contrat du 23 août 2021 porte sur un abandon de créance, pour un montant de 67'868.80 francs, de la part de B.________ SA, comme l'avaient retenu les parties devant lui. Il estime qu'il s'agit plutôt d'une compensation de créances entre ce montant qu'il restait à rembourser sur les 100'000 francs prêtés à la recourante par contrat du 19 juillet 2018 et la contribution de loyauté prévue par contrat du 23 août 2021, soit une note de crédit d'un montant de 67'868.80 francs.  
Le Tribunal cantonal relève que la législation impose aux requérants de recourir en priorité aux dispositifs généraux d'atténuation des pertes financières (art. 6 al. 1 de l'ordonnance sur les mesures de soutien) et que seules les entreprises qui auront pris toutes les mesures possibles pour couvrir les charges incompressibles pourront bénéficier de l'aide (art. 3 al. 1 de l'arrêté mesures COVID-19 et annexe 1 à l'ordonnance sur les mesures de soutien). Les juges cantonaux reprochent à la recourante d'avoir préféré rembourser sa dette, en pleine crise sanitaire COVID-19, plutôt que de compenser sa note de crédit avec les factures courantes de B.________ SA et ainsi diminuer ses charges incompressibles. Ils constatent que des mesures comme des abandons de créances, des aménagements de loyers ou des reports de remboursement de dettes doivent être considérés comme permettant de diminuer les charges incompressibles, sans que cela ne soit considéré comme arbitraire ou contraire au droit. En outre, les juges cantonaux estiment que le traitement comptable, par la recourante, de cet arrangement entre elle et B.________ SA, comptabilisé par celle-ci comme un produit exceptionnel, doit être pris en compte, dans la mesure où il a une incidence sur le compte de résultat, puisqu'il améliore - en tous les cas dans l'immédiat - la situation financière de la recourante. 
 
6.  
La recourante se plaint en premier lieu d'une violation arbitraire du principe de la légalité. 
 
6.1. Le principe de la légalité, consacré à l'art. 5 al. 1 Cst., exige que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi.  
 
6.2. L'exigence de la base légale signifie que les actes étatiques doivent trouver leur fondement dans une loi au sens matériel, qui soit suffisamment précise et déterminée et qui émane de l'autorité constitutionnellement compétente (ATF 141 II 169 consid. 3.1; 131 II 13 consid. 6.5.1; 128 I 113 consid. 3c). Tel que consacré à l'art. 5 al. 1 Cst., le principe de la légalité ne constitue pas un droit constitutionnel distinct, sauf en matière pénale ou fiscale, mais uniquement un principe constitutionnel général régissant l'activité de l'État. Il est toutefois permis de se plaindre de sa violation par le biais du recours en matière de droit public dès lors qu'il représente une règle de droit fédéral au sens de l'art. 95 let. b LTF. Cependant, si la partie recourante invoque une violation du principe de la légalité en relation avec une mesure de droit cantonal, sans se plaindre d'aucune restriction de ses droits fondamentaux (cf. art. 36 al. 1 Cst.), le Tribunal fédéral n'intervient que si cette mesure viole simultanément l'interdiction de l'arbitraire (ATF 140 I 381 consid. 4.4; 134 I 153 consid. 4; arrêt 2C_431/2022 du 12 juillet 2023 consid. 6.2; aussi arrêt 2C_134/2018 du 24 septembre 2018 consid. 4.1).  
L'exigence de précision de la norme (ou de densité normative) est relative et varie selon les domaines. Elle dépend notamment de la gravité des atteintes qu'elle comporte aux droits fondamentaux (ATF 141 V 688 consid. 4.2.2; 140 I 381 consid. 4.4; 131 II 13 consid. 6.5.1). En matière d'administration des prestations, les exigences requises sont moindre (ATF 141 V 688 consid. 4.2.2; 138 I 378 consid. 7.2). 
 
6.3. La recourante considère que la décision attaquée ne repose sur aucune base légale. Elle fait valoir que l'autorité précédente ne se réfère à aucune réglementation précise qui permettrait de prendre en compte un abandon ou une compensation de créance dans le calcul des charges incompressibles. La recourante relève également que l'annexe 1 de l'ordonnance sur les mesures de soutien mentionne expressément les intérêts courants sur emprunts dans les charges incompressibles, mais nullement le remboursement respectivement l'amortissement d'un prêt.  
 
6.4. En l'occurrence, l'art. 3 al. 1 de l'arrêté mesures COVID-19 et l'annexe 1 de l'ordonnance sur les mesures de soutien se référent aux revenus et aux charges incompressibles, ainsi qu'à toutes les mesures possibles permettant de faire en sorte que les premiers couvrent les secondes (l'annexe 1 précitée, sous le titre "Justificatifs à fournir", cite comme ex. une réduction des coûts, un financement et une diversification des activités). En outre, la formulation "sont compris dans les revenus totaux", utilisée à l'annexe 1 de ladite ordonnance, ne permet pas d'affirmer qu'il s'agirait d'une liste exhaustive des éléments à prendre en compte dans les revenus. Par ailleurs, la formulation "sont en particulier comprises dans les charges incompressibles" souligne aussi que d'autres charges que celles mentionnées sont envisageables. Enfin, l'art. 6 al. 1 de l'ordonnance sur les mesures de soutien indique que les requérants doivent recourir en priorité aux dispositifs généraux d'atténuation des pertes financières et que, le cas échéant, il en sera tenu compte dans l'établissement du montant de l'aide. Cette disposition indique donc également que des éléments qui ne figureraient pas dans la liste des revenus totaux ou des charges incompressibles de l'annexe 1 précitée pourraient être pris en compte dans l'octroi de l'aide. Sur le vu de ces éléments, il n'était pas insoutenable de considérer, comme l'a fait le Tribunal cantonal, que la législation permettait de prendre en compte le revenu exceptionnel que représentait la compensation en question dans le calcul de la couverture des charges incompressibles par le revenu total. Si, à l'instar de la recourante, on peut douter que la législation permettait de prendre en considération le solde de la dette en cause et, dès lors, la compensation de celle-ci dans le poste des charges incompressibles, il n'était pas arbitraire de considérer qu'elle permettait en revanche de la prendre en compte dans le poste des revenus.  
Le grief de violation arbitraire du principe de la légalité est partant infondé. 
 
7.  
La recourante dénonce également une application arbitraire du droit cantonal, ainsi que le caractère arbitraire de la décision attaquée. 
 
7.1. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner aux dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 148 II 465 consid. 8.1; 144 I 170 consid. 7.3).  
 
7.2. En l'occurrence, la recourante fait valoir qu'il est arbitraire de retenir, comme l'a fait l'autorité précédente, que la contribution de loyauté aurait pu servir au paiement des factures courantes. Elle explique qu'elle ne disposait d'aucune marge de manoeuvre pour procéder autrement que ce qui était prévu dans le contrat du 23 août 2021. B.________ SA lui avait accordé, comme à d'autres clients, une contribution de loyauté correspondant au solde du prêt ayant pour effet d'annuler celui-ci. Elle n'avait, selon elle, strictement aucune influence sur un abandon de créance émanant exclusivement de la volonté propre de l'entreprise créancière et était juridiquement dans l'impossibilité de transformer ce que la créancière lui avait consenti en une opération telle que celle que le Tribunal cantonal lui a reproché de ne pas avoir effectuée. Elle estime que l'autorité précédente retient ainsi à tort que l'accord passé avec B.________ SA aurait pu dégager des liquidités supplémentaires qui lui auraient permis de faire face à ses charges incompressibles.  
Enfin, elle fait valoir qu'il est exclu qu'un abandon de créance ou un report de remboursement de dettes puisse être en l'espèce une mesure permettant de diminuer les charges incompressibles de la recourante, puisque le remboursement d'un prêt n'est manifestement pas considéré comme une charge incompressible par l'ordonnance cantonale. 
 
7.3. En l'espèce, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué et la recourante n'allègue pas qu'elle aurait tenté d'obtenir de B.________ SA la possibilité de compenser la contribution de loyauté avec des factures courantes émanant de cette société, contrairement à ce qui aurait pu être attendu d'elle en lien avec le devoir de prendre "toutes les mesures possibles" (art. 3 al. 1 de l'arrêté mesures COVID-19 et l'annexe 1 de l'ordonnance sur les mesures de soutien). Cette question peut toutefois être laissée ouverte au vu de ce qui suit.  
Il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que le solde de la dette découlant du prêt octroyé par B.________ SA en 2018 figurait parmi les charges incompressibles prises en compte lors des différents calculs des aides qui ont été allouées à la recourante pour les années 2020 et 2021, en lien avec la pandémie de COVID-19, y compris dans les décomptes finaux des années concernées. Une telle approche était par ailleurs conforme à l'annexe 1 de l'ordonnance sur les mesures de soutien qui mentionne au titre des charges incompressibles les intérêts courants sur emprunts et non les emprunts eux-même. Le Département, dans sa prise de position du 8 novembre 2023, ne peut donc être suivi lorsqu'il soutient, en lien avec le présent cas, que le montant d'une créance qui a été abandonné ne peut plus être considéré comme une charge. Cela étant, comme déjà mentionné, il n'est pas arbitraire de retenir que la contribution de loyauté en question aboutissait à une augmentation du revenu de la recourante, comme elle l'a d'ailleurs indiqué elle-même dans ses comptes, au titre de produit exceptionnel. Le résultat arithmétique restant le même, que l'on diminue les charges incompressibles ou que l'on augmente les revenus, la décision attaquée n'est ainsi pas arbitraire, à tout le moins, quant à son résultat. Il n'est enfin pas insoutenable que "la dette de la recourante, qui a été éteinte par un tiers, renaît, mais cette fois au seul bénéfice de l'Etat", puisque ce dernier n'intervient, selon l'arrêté mesures COVID-19 (art. 3 al. 1) et l'annexe 1 de l'ordonnance sur les mesures de soutien, qu'en dernier lieu, une fois que toutes les mesures possibles ont été prises. 
Le grief d'arbitraire est infondé. 
 
8.  
Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté. 
Succombant, la recourante supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département de l'économie et de la santé de la République et canton du Jura, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre administrative, et au Secrétariat d'Etat à l'économie SECO. 
 
 
Lausanne, le 2 avril 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : J. Hänni 
 
Le Greffier : A. de Chambrier