1C_322/2024 31.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_322/2024  
 
 
Arrêt du 31 mai 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Haag, Juge Présidant, 
Müller et Merz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
toutes les trois représentées par Me Tobias Zellweger, avocat, 
recourantes, 
 
contre  
 
Ministère public de la Confédération, 
Guisanplatz 1, 3003 Berne. 
 
Objet 
Entraide judiciaire internationale à l'État du Qatar, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 15 mai 2024 (RR.2024.13, RR.2024.14, RR.2024.15). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par trois ordonnances de clôture du 24 janvier 2024, le Ministère public de la Confédération (MPC) a décidé de transmettre au Procureur général de l'État du Qatar la documentation relative à trois comptes bancaires détenus par A.________, B.________, ainsi que par la société C.________, toutes trois au Costa Rica. Cette transmission intervient en exécution d'une demande d'entraide judiciaire formée dans le cadre d'une enquête contre les directeurs de la société D.________ GmbH (D.________, sise au Qatar) soupçonnés de blanchiment d'argent pour plus de 11 millions d'euros en provenance d'une société de l'Île Maurice, en faveur des deux précitées. Le MPC a en outre confirmé le blocage des comptes détenus par celles-ci à hauteur de 1'800'000, respectivement 2'750'000 euros. 
 
B.  
Par arrêt du 15 mai 2024, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté les recours formés contres les ordonnances de clôture. Après avoir écarté les griefs d'ordre formel, la Cour des plaintes a considéré que tant les versements en faveur de D.________ que les transferts vers les comptes des deux recourantes étaient dénués de justification apparente. L'autorité requérante soupçonnait que les fonds proviennent de jeux de hasard non déclarés au Panama; les faits décrits pouvaient ainsi constituer en tout cas des actes de blanchiment, voire d'abus de confiance, de gestion déloyale ou de vol. Le principe de la proportionnalité était respecté tant à l'égard de la documentation transmise que du blocage des fonds. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________ et C.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour des plaintes, d'annuler les décisions de clôture du 24 janvier 2024, de rejeter la demande d'entraide et de lever les séquestres. Subsidiairement, les recourantes concluent au renvoi de la cause à la Cour des plaintes afin qu'elle statue dans le sens des considérants. Elles demandent en outre l'effet suspensif. 
Il n'a pas été demandé de réponse. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale si celui-ci a pour objet notamment la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 142 IV 250 consid. 1.3). Une violation du droit d'être entendu dans la procédure d'entraide peut également fonder un cas particulièrement important, pour autant que la violation alléguée soit suffisamment vraisemblable et l'irrégularité d'une certaine gravité (ATF 145 IV 99 consid. 1.5). 
En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe à la partie recourante de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 139 IV 294 consid. 1.1). 
 
2.  
La présente cause porte certes sur la transmission de documents bancaires, soit des renseignements touchant le domaine secret des recourantes. Toutefois, compte tenu des faits à l'origine de la demande (soit des infractions de blanchiment d'argent) et de la nature de la transmission envisagée, limitée à la documentation relative à trois comptes bancaires, le cas ne revêt en soi aucune importance particulière. 
 
2.1. Les recourantes relèvent que, dans leur opposition auprès du MPC, elles faisaient valoir qu'aucune procédure pour soustraction fiscale n'était ouverte au Panama, et que l'état de fait présenté ne permettait pas de conclure que les impôts prétendument soustraits s'élèveraient à plus de 300'000 fr. (élément constitutif objectif de l'infraction de blanchiment du produit d'un délit fiscal qualifié). La Cour des plaintes ne répondrait pas à cet argument. La question de l'existence d'indices d'un délit fiscal qualifié (art. 305bis ch. 1bis CP) comme infraction préalable au blanchiment d'argent constituerait selon les recourantes une question de principe.  
A propos de la double incrimination, la Cour des plaintes a rappelé que l'entraide judiciaire peut être accordée pour des infractions de blanchiment d'argent sans que l'autorité requérante n'ait à prouver la commission d'une infraction préalable. L'existence de transactions suspectes ou dénuées de justifications apparentes ainsi que des montages financiers complexes peuvent suffire à l'octroi de l'entraide (ATF 129 II 97 consid. 3). La Cour des plaintes a ensuite considéré, en se fondant sur l'état de fait présenté par l'autorité requérante, que les montants litigieux pouvaient avoir été versés afin d'éluder l'impôt sur les jeux au Panama. Contrairement à ce que soutiennent les recourantes, l'ouverture d'une procédure formelle dans ce pays est sans influence sur l'existence même d'une telle infraction. Quant au montant de 300'000 fr. fixé à l'art. 305bis ch. 1bis CP pour la reconnaissance d'un délit fiscal qualifié, la Cour des plaintes ne s'est certes pas prononcée à ce propos. Elle n'avait toutefois pas à le faire dès lors que selon l'art. 64 EIMP (RS 351.1), la réalisation de la condition de double incrimination pour une seule infraction est suffisante pour l'octroi de l'entraide judiciaire. Or, la Cour des plaintes a retenu, à titre subsidiaire, que les faits présentés par l'autorité requérante pouvaient aussi être constitutifs d'abus de confiance ou de gestion déloyale, voire de vol. Les recourantes contestent certes cette appréciation, mais il ne se pose sur ces points aucune question de principe, et les recourantes ne soutiennent pas que la Cour des plaintes se serait d'une manière ou d'une autre écartée de la jurisprudence constante. 
Le sort de la présente cause ne dépend dès lors pas de la résolution d'une quelconque question de principe. 
 
2.2. Les recourantes se plaignent également d'une violation de leur droit d'être entendues et d'une violation du principe de la proportionnalité. Elles n'en font toutefois pas un motif d'entrée en matière, alors que, comme cela est rappelé ci-dessus, cette démonstration leur appartient.  
 
3.  
Sur le vu de ce qui précède, la condition posée à l'art. 84 al. 2 LTF (dont il convient de rappeler que le but est de limiter fortement l'accès au Tribunal fédéral dans le domaine de l'entraide judiciaire, en ne permettant de recourir que dans un nombre très limité de cas jugés particulièrement importants - ATF 145 IV 99 consid. 1.2 et les références) n'est pas remplie, ce qui entraîne l'irrecevabilité du recours. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge solidaire des recourantes qui succombent. Le présent arrêt est rendu selon la procédure simplifiée prévue à l'art. 109 al. 1 LTF
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge solidaire des recourantes. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, au Ministère public de la Confédération, au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, et à l'Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire. 
 
 
Lausanne, le 31 mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Haag 
 
Le Greffier : Kurz