1B_630/2022 16.06.2023
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_630/2022  
 
 
Arrêt du 16 juin 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Kölz. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Toni Kerelezov, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office cantonal de la détention de la République et canton de Genève, Directeur général, case postale 1229, 1211 Genève 26. 
 
Objet 
Placement en régime de sécurité renforcée, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 8 novembre 2022 (ATA/1121/2022 - A/1865/2022-PRISON). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon du 29 janvier au 20 mai 2021, période durant laquelle il a fait l'objet de seize sanctions disciplinaires et a été placé 55 jours en cellule forte. Il a également été incarcéré du 23 août 2021 au 21 janvier 2022, séjour pendant lequel il a subi quinze sanctions disciplinaires et a été placé en régime de sécurité renforcée du 28 octobre 2021 au 21 janvier 2022. 
Le 18 janvier 2022, A.________ a été condamné pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et lésions corporelles simples, en raison d'agressions à l'encontre d'agents de détention. 
Lors de sa nouvelle incarcération le 4 mars 2022, A.________ a été placé au secteur "observations" pour une durée de quatorze jours, après quoi il a été placé en détention ordinaire. Son comportement a donné lieu à plusieurs sanctions les 18 mars, 15 avril, 18 avril et 1 er mai 2022.  
 
B.  
Par décision du 19 mai 2022, la Direction générale de l'Office cantonal de la détention de la République et canton de Genève (OCD) a ordonné le placement en régime de sécurité renforcée de A.________ pour une durée de trois mois. 
Au terme d'un arrêt rendu le 7 juin 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (Chambre pénale de recours) a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ contre la décision du 19 mai 2022, transmettant la cause, pour raison de compétence, à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (Chambre administrative). 
Saisi d'un recours en matière pénale formé par A.________ contre l'arrêt précité, le Tribunal fédéral l'a rejeté le 9 août 2022 (1B_358/2022). En substance, la Cour de céans a considéré que l'art. 235 al. 5 CPP n'était pas violé et que l'interprétation faite par la Chambre pénale de recours des dispositions cantonales régissant la compétence des autorités administratives et judiciaires en matière de placement en régime de sécurité renforcée était défendable; elle n'était en tout cas pas arbitraire. 
Depuis le 8 juin 2022, A.________ se trouve en exécution anticipée de peine. 
 
C.  
Par arrêt du 8 novembre 2022, la Chambre administrative a rejeté le recours interjeté par A.________ contre la décision du 19 mai 2022. 
Par acte du 12 décembre 2022, A.________ forme un recours contre cet arrêt. Principalement, il demande au Tribunal fédéral de l'annuler (5), de dire et constater que la Chambre administrative était incompétente pour connaître son recours contre la décision le plaçant en régime de sécurité renforcée (6) et de renvoyer la cause à la Chambre pénale de recours pour nouvelle décision au sens des considérants (7). Subsidiairement, il demande qu'il soit constaté que sa détention en régime de sécurité renforcée du 19 mai au 19 août 2022 était illicite (11), et que la République et canton de Genève soit condamnée à l'allocation d'une indemnité de 200 fr. par jour de détention illicite (12). Il sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire et la dispense de l'avance des frais. 
Invitée à se déterminer, la Chambre administrative, qui n'a pas formulé d'observations, persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'OCD conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, respectivement à l'irrecevabilité des conclusions nos 6 et 7 du recours. Dans ses déterminations du 30 janvier 2023, le recourant confirme les termes et conclusions de son recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1). 
Les décisions prises dans le cadre de l'exécution de la détention provisoire selon les art. 234 ss CPP peuvent en principe faire l'objet d'un recours en matière pénale conformément aux art. 78 ss LTF (ATF 143 I 241 consid. 1; arrêts 1B_141/2020 du 20 août 2020 consid. 2.1; 1B_82/2020 du 31 mars 2020 consid. 1.2). 
L'art. 81 al. 1 let. b LTF fait dépendre la qualité pour former un recours en matière pénale notamment de l'existence d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (cf. sur cette notion ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 137 I 23 consid. 1.3.1). En l'occurrence, le recourant, qui ne se trouve plus en régime de sécurité renforcée, n'a plus d'intérêt actuel et pratique à l'admission de son recours. Il est toutefois en exécution anticipée de peine depuis le 8 juin 2022 et pourrait se retrouver à nouveau dans un régime de sécurité renforcée. Comme par ailleurs ce type de régime est en règle générale d'une durée relativement courte, le Tribunal fédéral ne pourrait jamais se prononcer à ce propos si on s'en tenait strictement à l'exigence de l'intérêt actuel (ATF 124 I 231 consid. 1b; arrêts 6B_988/2020 du 12 novembre 2020 consid. 1.2; 6B_552/2009 du 21 décembre 2009 consid. 1). Il existe en outre un intérêt public suffisamment important à l'examen de la cause, de sorte qu'il y a lieu d'admettre que le recours est recevable. 
Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) et les conclusions principales sont recevables au regard de l'art. 107 LTF (cf. infra consid. 4.1 s'agissant des conclusions nos 6 et 7). Quant à la question de la recevabilité des conclusions subsidiaires tendant à obtenir une indemnité par jour de détention allégué illicite, elle peut demeurer indécise au vu de ce qui suit. 
 
2.  
Le recourant demande la production de certains documents par l'OCD devant le Tribunal fédéral. En tant que la Cour de céans statue et conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), elle n'ordonne des mesures probatoires que de manière exceptionnelle (art. 55 LTF; ATF 136 II 101 consid. 2; arrêt 6B_189/2023 du 20 avril 2023 consid. 3). En l'espèce, outre que le recourant n'invoque aucun élément justifiant des mesures exceptionnelles d'instruction devant le Tribunal fédéral, il n'y a pas lieu de donner suite à sa requête au regard de ce qui suit. 
 
3.  
 
3.1. Le recourant se plaint d'un établissement inexact des faits, (art. 97 al. 1 LTF), respectivement d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 Cst.). La Chambre administrative n'aurait pas donné suite à sa requête tendant à ce que l'OCD produise la preuve des contrôles périodiques de son placement en régime de sécurité renforcée ainsi que la note interne indiquant les modalités concrètes de ce régime. Elle n'aurait pas non plus fait droit à sa demande d'être confronté avec l'OCD pour l'interroger sur ces modalités.  
 
3.2. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprend pas nécessairement celui d'être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1; 134 I 140 consid. 5.3; arrêt 6B_764/2022 du 17 avril 2023 consid. 4.2). Le droit d'être entendu n'empêche en outre pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 147 IV 534 consid. 2.5.1; 145 I 167 consid. 4.1). Le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 147 IV 534 consid. 2.5.1; 144 II 427 consid. 3.1.3).  
 
3.3. En l'espèce, les modalités concrètes du placement du recourant en régime de sécurité renforcée de même que les critères pris en compte pour le prononcer ressortent explicitement de la décision du 19 mai 2022. On ne distingue dès lors pas ce qui aurait justifié de produire d'autres pièces en lien avec ces éléments.  
S'agissant des contrôles périodiques de ce placement, la décision du 19 mai 2022 précise qu'une évaluation régulière de la situation du recourant sera effectuée, pouvant conduire, le cas échéant, à une proposition de levée de la mesure avant son terme. L'OCD a confirmé que cette réévaluation avait eu lieu une fois par mois. Le recourant ne fait valoir aucune circonstance propre à mettre en doute cette affirmation. L'autorité précédente pouvait en tous les cas considérer sans arbitraire que tel avait été le cas. En tout état de cause, même en admettant que ce réexamen n'ait pas eu lieu, cela ne rendrait pas pour autant la mesure disproportionnée (cf. infra consid. 5). On ne saurait, dans ces circonstances, reprocher à l'autorité précédente de ne pas avoir fait droit à la demande du recourant tendant à la production des documents destinés à prouver ces contrôles. 
Par ailleurs, l'arrêt entrepris relève que le recourant a eu au cours de la procédure de nombreuses occasions de s'exprimer par écrit et de produire des pièces (cf. arrêt attaqué, p. 7). De plus, une audience de plaidoiries s'est tenue le 20 septembre 2022 devant la Chambre administrative, lors de laquelle les parties ont également pu exposer leur point de vue (cf. arrêt entrepris, p. 6 et 7). Le recourant ne prétend pas qu'il aurait souhaité développer oralement d'autres arguments qui n'auraient pas été plaidés par son conseil ou qui ne seraient pas contenus dans ses écritures. On ne distingue dès lors pas, le recourant ne l'expliquant pas précisément, ce qui aurait imposé une confrontation avec l'OCD. 
En définitive, l'autorité précédente pouvait, sans faire preuve d'arbitraire et sans violer d'une autre manière le droit fédéral, considérer que les faits pertinents étaient suffisamment établis par les pièces figurant au dossier, sans qu'il soit nécessaire de donner suite aux actes d'instruction sollicités par le recourant. Les griefs de ce dernier sont donc infondés. 
 
4.  
 
4.1. Le recourant conteste ensuite la compétence de la Chambre administrative pour se prononcer sur la décision du 19 mai 2022 de l'OCD ordonnant son placement en régime de sécurité renforcée. Il se plaint à cet égard d'une violation de l'art. 235 CPP ainsi que d'une interprétation et d'une application arbitraires des art. 60 du règlement cantonal du 30 septembre 1985 sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérée (RRIP; rsGE F 1 50.04) et 30 de la loi cantonale du 27 août 2009 d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale (LaCP; rsGE E 4 10). Son placement en régime de sécurité serait une décision relative à l'exécution de la détention provisoire au sens de l'art. 30 al. 1 LaCP, lequel renvoie à l'art. 235 al. 5 CPP, de sorte que la Chambre pénale de recours était compétente pour traiter son recours contre cette décision (cf. art. 60 al. 2 RRIP).  
 
4.2. En l'espèce, la question de la compétence pour traiter d'un recours contre une décision de placement en sécurité renforcée au sens de l'art. 50 RRIP a déjà été examinée dans l'arrêt 1B_358/2022 du 9 août 2022. Il s'agissait alors de savoir si la motivation adoptée par la Chambre pénale de recours dans son arrêt du 7 juin 2022, dans lequel elle se déclare incompétente à raison de la matière et transmet le recours à la Chambre administrative, violait l'art. 235 al. 5 CPP, respectivement était arbitraire, ce à quoi le Tribunal fédéral a répondu par la négative.  
Dans l'arrêt présentement attaqué, la Chambre administrative, à qui la cause a été transmise, s'est déclarée compétente pour connaître du litige. Elle a repris les considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral précité et jugé qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter de la jurisprudence cantonale constante en la matière. Selon celle-ci, la Chambre administrative est compétente pour statuer sur le bien-fondé d'une décision de placement en régime de sécurité renforcée dès lors que ce placement ne constitue pas une sanction, mais une mesure d'organisation interne, soit une décision au sens de l'art. 4 de la loi cantonale du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA; rsGE E 5 10), susceptible de recours auprès d'elle selon les art. 60 al. 1 RRIP et 132 al. 1 de la loi cantonale du 26 septembre 2019 sur l'organisation judiciaire (LOJ; rsGE 2 05). Quoi qu'en dise l'OCD, il appartient désormais au Tribunal fédéral d'examiner si la motivation de la Chambre administrative peut être confirmée. 
 
4.3. Le recourant se prévaut des mêmes arguments que dans la procédure ayant abouti à l'arrêt de la Cour de céans 1B_358/2022 du 9 août 2022, dont les considérants conservent toute leur valeur.  
L'ATF 140 I 125 - auquel se réfère le recourant - a certes admis la voie du recours pénal pour le contrôle des conditions de la détention (ordinaire). L'art. 235 al. 5 CPP laisse toutefois aux cantons la compétence pour régler les droits et les obligations des prévenus en détention, en particulier la surveillance des établissements de détention. Dans le canton de Genève, c'est bien la voie administrative qui est prévue pour s'en prendre aux conditions d'une détention (extraordinaire) décidée par une autorité administrative pour la sauvegarde de la sécurité collective (cf. art. 50 al. 1, 52 al. 2 et 60 al. 1 RRIP). 
Comme évoqué dans l'arrêt 1B_358/2022 précité, auquel il peut être renvoyé, il n'apparaît pas insoutenable, au vu de la systématique de la loi et du contenu des articles 50, 52 al. 2 - applicable aux personnes condamnées - et 60 RRIP ainsi que de l'art. 30 al. 2 LaCP, de considérer que le placement litigieux - qui ne suppose aucune faute de l'intéressé et ne requiert pas qu'une infraction au règlement ait été commise, au contraire des sanctions prévues à l'art. 47 RRIP - n'est pas de nature pénale. Il est en tout cas défendable de considérer que ce placement revêt le caractère d'une mesure ne relevant pas du régime normal de l'exécution de la détention provisoire, mais qu'il constitue une décision administrative, susceptible d'un recours auprès de la Chambre administrative. 
Pour le surplus, le recourant ne démontre toujours pas concrètement en quoi le résultat auquel aboutit l'arrêt entrepris serait arbitraire. Quoi qu'en dise ce dernier, la Chambre administrative, à qui la cause a été transmise, a en effet examiné au fond la légalité de la mesure litigieuse, en particulier si celle-ci respectait les dispositions légales applicables en la matière ainsi que les droits fondamentaux du recourant. On ne distingue en l'espèce pas en quoi l'illicéité du placement du recourant en régime de sécurité renforcée alléguée constituerait une question d'opportunité. Dès lors, le recourant ne saurait se contenter de faire valoir sans autre démonstration que la procédure prévue par le CPP lui conférerait dans le cas d'espèce des droits plus étendus que la procédure administrative, sous prétexte que l'art. 393 al. 2 let. c CPP prévoit un examen en opportunité, au contraire de l'art. 61 LPA applicable en procédure administrative. Il est à cet égard également insuffisant d'alléguer qu'une confrontation entre les parties aurait été assurée en application du CPP (cf. supra consid. 3). 
Mal fondé, le grief doit donc être rejeté. 
 
5.  
Le recourant soutient enfin que les art. 50 al. 1 et 52 al. 2 RRIP ne rempliraient pas les exigences de densité normative posées par la jurisprudence, respectivement fait valoir une violation de l'art. 36 Cst. 
 
5.1. L'isolement constitue une atteinte à la liberté personnelle, laquelle n'a pas une valeur absolue, à l'instar de tout autre droit fondamental. Conformément à l'art. 36 Cst., une restriction de cette garantie est admissible, si elle repose sur une base légale qui doit être de rang législatif en cas de restrictions graves (al. 1); elle doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et si elle est proportionnée au but visé (al. 3), sans violer l'essence du droit en question (al. 4; ATF 147 I 393 consid. 5; 137 I 167 consid. 3.6). Ce dernier principe exige que les mesures coercitives prises par les autorités soient propres à atteindre le but visé, justifié par un intérêt public prépondérant, et qu'elles soient nécessaires et raisonnables pour la personne concernée. Une mesure restrictive est notamment disproportionnée si une mesure plus douce est à même de produire le résultat escompté. L'atteinte, dans ses aspects matériel, spatial, temporel et personnel, ne doit pas être plus rigoureuse que nécessaire (ATF 134 I 221 consid. 3.3; arrêt 6B_988/2020 du 12 novembre 2020 consid. 5.1).  
 
5.2. S'agissant de la base légale nécessaire en cas de restriction de la liberté découlant de la détention, la jurisprudence considère que lorsque les causes et la durée de la privation de la liberté sont prévues dans une loi au sens formel, les restrictions à la liberté personnelle des détenus qui découlent des conditions de détention peuvent figurer dans une loi au sens matériel, à savoir un règlement de prison, car ces personnes sont liées à l'Etat par un rapport de droit spécial (ATF 145 I 318 consid. 2.1; 124 I 203 consid. 2b). Le règlement de prison doit satisfaire à des exigences minimales de clarté et de précision, afin d'assurer aux détenus une protection suffisante contre l'arbitraire ou d'autres violations de leurs droits fondamentaux (ATF 124 I 203 consid. 2b; 123 I 221 consid. I/4a; arrêt 1B_452/2022 du 7 mars 2023 consid. 2.2).  
 
5.3. L'art. 235 al. 1 CPP prévoit que la liberté des prévenus en détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement. Comme déjà évoqué, les cantons règlent les droits et les obligations des prévenus en détention, notamment les mesures disciplinaires ainsi que la surveillance des établissements de détention (art. 235 al. 5 CPP). En droit cantonal genevois, la détention en commun peut être interdite si elle présente des inconvénients ou des risques, notamment pour ce qui concerne la sauvegarde de la sécurité collective (art. 50 al. 1 RRIP); le placement en régime de sécurité renforcée peut également être ordonné à l'encontre des personnes condamnées soumises au régime normal de la détention (art. 52 al. 2 RRIP). La décision de placement en régime de sécurité renforcée peut être ordonnée pour une durée de 6 mois au maximum et renouvelée aux mêmes conditions (art. 50 al. 2 et 52 al. 3 RRIP).  
Quoi qu'en dise le recourant, l'art. 235 al. 1 et 2 CPP, en lien avec l'art. 50 RRIP, respectivement 52 RRIP, constitue une base légale formelle suffisante pour le prononcé d'un placement en régime de sécurité renforcée, notamment en cas de dangerosité du détenu, respectivement d'incapacité de ce dernier à se conformer aux règles de comportement applicables à tous les détenus. 
En ce qui concerne le principe de proportionnalité, l'autorité précédente a constaté que malgré plusieurs sanctions disciplinaires (31 x durant son incarcération du 29 janvier au 20 mai 2021 et du 23 août 2021 au 21 janvier 2022), dont le recourant ne prétend pas qu'elles seraient nulles, et une mesure d'observation pendant 14 jours à sa nouvelle arrivée en prison le 4 mars 2022 aux termes de laquelle il a été placé en détention ordinaire, le comportement de ce dernier ne s'est pas modifié. Il a persisté dans son attitude, violant à plusieurs reprises l'obligation tant d'observer un comportement correct à l'égard du personnel pénitentiaire que de ne pas troubler l'ordre et la tranquillité de l'établissement. Il a en effet été sanctionné à quatre reprises pour avoir troublé l'ordre de l'établissement et proféré des menaces et des injures, accompagnées une fois de violence physique, au détriment des gardiens. S'agissant de la prétendue nullité de ces dernières sanctions, le recourant se contente d'affirmer qu'elles auraient été prononcées en violation de son droit d'être entendu, respectivement que l'une d'entre elles ne lui aurait pas été notifiée. Outre qu'il ne conteste pas valablement les faits sur la base desquelles les sanctions en cause ont été prononcées et qu'il ne s'en prend pas aux considérants de l'arrêt attaqué à ce sujet (art. 42 al. 2 LTF), le recourant oppose sa propre version des faits à celles de l'autorité précédente, dans une argumentation appellatoire et, partant, irrecevable (cf. art. 97 al. 1 et 105 al. 1 et 2 LTF). 
Il est pour le surplus relevé que le régime de sécurité renforcée auquel le recourant a été soumis ne l'empêchait pas de recevoir des visites, d'échanger de la correspondance et de lire; en outre, ses droits à l'hygiène, aux soins médicaux, à l'assistance sociale et spirituelle, aux relations avec la direction de l'établissement et avec son avocat n'étaient pas restreints. A cet égard, la seule évocation par le recourant des Règles pénitentiaires européennes et de leur commentaire au sujet de l'isolement cellulaire est dès lors sans portée. 
Pour le reste, le recourant a, par ses comportements, mis en péril la sécurité de la prison et troublé l'ordre et la tranquillité de l'établissement. La mesure répond dès lors à un intérêt public prépondérant. 
Compte tenu de ces éléments, de l'intérêt public à maintenir la sécurité, l'ordre et la tranquillité de la prison, et de la durée limitée de la mesure, en l'espèce trois mois, le principe de proportionnalité n'a pas été violé. 
Les griefs du recourant sont par conséquent infondés. 
 
6.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Toni Kerelezov en tant qu'avocat d'office du recourant pour la procédure fédérale et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, laquelle sera supportée par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Toni Kerelezov est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office cantonal de la détention de la République et canton de Genève, Directeur général, à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 16 juin 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Nasel