2C_164/2024 24.04.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_164/2024  
 
 
Arrêt du 24 avril 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Ryter et Kradolfer. 
Greffier : M. Rastorfer. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Basile Casoni, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Service de la population du canton de Vaud, avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne Adm cant VD, 
intimé. 
 
Objet 
Refus d'octroi d'une autorisation de séjour et renvoi de Suisse, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 20 février 2024 (PE.2023.0142). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
A.________, ressortissante russe née en 1955, est entrée en Suisse en juillet 2022 sur la base d'un visa de touriste valable durant 90 jours, afin de rendre visite à son fils, B.________, de nationalité suisse et russe. 
Le 3 octobre 2022, B.________ a déposé auprès du Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le Service cantonal) une demande d'autorisation de séjour pour regroupement familial en faveur de sa mère, subsidiairement pour raisons médicales à la suite d'une luxation de l'épaule de l'intéressée. Par décision du 14 juillet 2023, le Service cantonal a refusé de délivrer une autorisation de séjour en faveur de A.________ et a prononcé son renvoi de Suisse. 
 
2.  
Par décision sur opposition du 21 août 2023, le Service cantonal a confirmé sa décision du 14 juillet 2023. 
Par arrêt du 20 février 2024, le Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision précitée. 
 
3.  
Contre l'arrêt du 20 février 2024, A.________ forme un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais et de dépens, outre à l'octroi de l'effet suspensif, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial lui est octroyée. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Par ordonnance du 25 mars 2024, la Présidente de la II e Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
4.  
D'après l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable à l'encontre des décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. Selon la jurisprudence, il suffit qu'il existe un droit potentiel à l'autorisation, étayé par une motivation soutenable, pour que l'art. 83 let. c ch. 2 LTF ne s'applique pas et, partant, qu'un recours en matière de droit public soit envisageable (ATF 147 I 89 consid. 1.1.1; 139 I 330 consid. 1.1). 
 
4.1. Tout d'abord, en tant que la recourante s'en prend au refus d'octroi d'une autorisation de séjour pour traitement médical fondé sur l'art. 29 LEI (RS 142.20), elle perd de vue que cette disposition ne peut, en raison de sa nature potestative, fonder un droit de nature à ouvrir la voie du recours en matière de droit public (cf. arrêts 2C_567/2017 du 5 mars 2018 consid. 5.2; 2C_784/2012 du 23 août 2012 consid. 3). Il en va de même du refus d'autorisation de séjour pour cas de rigueur fondé sur l'art. 30 al. 1 let. b LEI, cette disposition relevant au demeurant des dérogations aux conditions d'admission, expressément exclues de la voie du recours en matière de droit public (art. 83 let. c ch. 2 et 5 LTF).  
 
4.2. Quant à la relation avec son fils majeur, il convient de souligner que la LEI ne prévoit aucun droit au regroupement familial inversé dont pourrait se prévaloir la recourante, qui ne prétend pas être titulaire d'une autorisation de séjour durable délivrée par un État avec lequel la Suisse a conclu un accord sur la libre circulation des personnes, ce qui n'est pas le cas de la Russie (cf. arrêts 2C_756/2022 du 14 décembre 2022 consid. 5.2; 2C_665/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.2.2; 2C_629/2018 du 6 février 2019 consid. 3). En outre, la recourante ne peut invoquer de manière soutenable la protection de la vie familiale garantie par l'art. 8 CEDH pour prétendre à pouvoir demeurer en Suisse auprès de son fils. En effet, la protection de la vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH vise en premier lieu la famille nucléaire, soit la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs vivant ensemble (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1; 140 I 77 consid. 5.2; 139 II 393 consid. 5.1). Ce n'est que si l'étranger se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à un proche parent hors famille nucléaire (par exemple un enfant majeur) qui est au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d'un handicap - physique ou mental - ou d'une maladie grave, qu'il peut déduire exceptionnellement un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 CEDH (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1; 140 I 77 consid. 5.2).  
 
4.2.1. En l'espèce, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal a retenu que, du point de vue médical, la recourante souffrait de problèmes récurrents de luxation d'épaule ainsi que d'hypertension artérielle, ce qui ne constituait pas un handicap ou une maladie grave au sens de la jurisprudence relative à l'art. 8 CEDH. Par ailleurs, si l'intéressée avait fait une chute liée à une perte d'équilibre en septembre 2022 qui avait provoqué une fracture du bras et de la clavicule, il s'agissait d'un événement qui ne pouvait pas à lui seul attester d'une impossibilité de vivre sans son fils. Aucune attestation dans ce sens ne figurait par ailleurs au dossier. Au contraire, l'intéressée, qui s'était immatriculée pour suivre un cours de langue et culture française en automne 2023 au sein de l'Université de Lausanne, apparaissait autonome. Un lien de dépendance particulier avec son fils au sens de la jurisprudence n'était donc pas établi.  
 
4.2.2. La recourante se limite à affirmer que c'est "à tort" que les juges précédents ont nié l'existence d'un lien de dépendance avec son fils, en "occultant" les documents qu'elle avait produits et qui, selon elle, démontraient son besoin quotidien d'assistance "constante" en lien avec son état de santé. Elle n'invoque toutefois pas, sous cet angle, un quelconque arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves par le Tribunal cantonal, qui lient partant la Cour de céans (art. 105 al. 1 LTF). Or, sur le vu des constations cantonales relatives à l'état de santé de la recourante, l'existence d'un lien de dépendance particulier au sens de la jurisprudence peut d'emblée être écartée. Le fait qu'elle soit tributaire du soutien financier de son fils n'est pas non plus pertinent, la simple dépendance financière n'entrant pas dans les hypothèses citées par la jurisprudence permettant de déduire, dans une situation de regroupement hors famille nucléaire, un droit à séjourner en Suisse de l'art. 8 CEDH (cf. arrêt 2C_665/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.2.1 et les arrêts cités). Dans ces conditions, la recourante ne peut pas se prévaloir de manière défendable de l'art. 8 CEDH.  
 
4.3. Enfin, dans la mesure où l'intéressée, qui cite l'art. 83 al. 4 LEI, entend, du moins implicitement, se plaindre de son renvoi de Suisse et requérir son admission provisoire, le recours en matière de droit public n'est pas davantage ouvert (art. 83 let. c ch. 3 et 4 LTF; cf. arrêt 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 1.3). Cette disposition ne lui confère du reste aucun droit (cf. ATF 137 II 305 consid. 1 à 3; arrêt 2C_1097/2013 du 3 décembre 2013 consid. 6).  
 
4.4. Il s'ensuit que le recours en matière de droit public est irrecevable.  
 
5.  
Il convient donc d'examiner si le recours constitutionnel subsidiaire interjeté en parallèle par la recourante est recevable. 
 
5.1. Le recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF) peut être formé pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). La qualité pour former un recours constitutionnel subsidiaire suppose un "intérêt juridique" à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 115 let. b LTF; cf. ATF 133 I 185). L'intérêt juridiquement protégé requis par l'art. 115 let. b LTF peut être fondé sur le droit cantonal ou fédéral ou directement sur un droit fondamental particulier (cf. ATF 136 I 323 consid. 1.2; 135 I 265 consid. 1.3).  
En l'occurrence, comme on l'a vu, la recourante, qui ne peut invoquer de manière défendable un droit de séjour fondé sur l'art. 8 CEDH, n'a pas de position juridique protégée lui conférant la qualité pour agir au fond (cf. supra consid. 4.2). Il n'en va donc pas autrement en tant qu'elle se prévaut, dans le cadre de son recours constitutionnel subsidiaire, de l'art. 13 Cst., puisque cette disposition a une portée identique à celle de l'art. 8 CEDH (cf. ATF 146 I 20 consid. 5.1). Pour le reste, comme on l'a déjà relevé, les art. 29, 30 al. 1 let. b et 83 al. 4 LEI ne sont pas susceptibles de lui conférer un droit de séjour en Suisse (cf. supra consid. 4.1 et 4.3). 
 
5.2. La partie recourante qui n'a pas qualité pour agir au fond peut encore se plaindre par la voie du recours constitutionnel subsidiaire de la violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, pour autant qu'il ne s'agisse pas de moyens ne pouvant être séparés du fond ("Star Praxis"; cf. ATF 146 IV 76 consid. 2; 137 II 305 consid. 2; 114 Ia 307 consid. 3c).  
 
5.2.1. En l'espèce, invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., la recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue. Elle reproche en substance au Tribunal cantonal d'avoir jugé que la motivation de la décision sur opposition du 21 août 2023, en tant qu'elle retenait que les conditions à l'octroi d'une autorisation de séjour en vue d'un traitement médical au sens de l'art. 29 LEI n'était pas réunies, était suffisante sous l'angle du droit à une motivation motivée.  
 
5.2.2. Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que le recourant puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2).  
 
5.2.3. Le Tribunal cantonal a reconnu que la décision sur opposition du 21 août 2023 n'expliquait que sommairement la raison pour laquelle une autorisation de séjour fondée sur l'art. 29 LEI ne pouvait pas être délivrée en faveur de la recourante, à savoir que cette dernière n'avait pas démontré que son départ de Suisse était garanti à l'issue du traitement suivi. Les juges précédents ont toutefois considéré que cette motivation était suffisante sous l'angle des garanties de l'art. 29 al. 2 Cst., ce d'autant plus qu'elle avait permis à l'intéressée de déposer un recours en toute connaissance de cause.  
Une telle appréciation n'est pas critiquable. On doit admettre que le Service cantonal a, dans sa décision sur opposition du 21 août 2023, clairement indiqué, bien que brièvement, les motifs pour lesquels il fondait sa décision de refus, étant rappelé que l'autorité administrative n'avait pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par la recourante lorsqu'elle a rendu sa décision. D'ailleurs, celle-ci a bel et bien compris le raisonnement suivi par le Service cantonal sur ce point, puisqu'elle l'a valablement contesté sur près de trois pages de son recours cantonal. Quant à l'arrêt attaqué, il expose pour sa part de manière étayée, en fait et en droit, les motifs pour lesquels les conditions à l'octroi d'une autorisation de séjour pour traitement médical au sens de l'art. 29 LEI n'étaient pas réunies. Il a en particulier souligné que la recourante n'avait apporté aucune garantie qu'elle quitterait la Suisse à la fin de son traitement et que la fin de son séjour dans ce pays n'était pas clairement défini, ce d'autant moins que si elle avait tout d'abord déclaré qu'elle avait l'intention de rentrer en Russie, elle avait par la suite déposé une demande de séjour pour cas de rigueur et avait fait valoir qu'elle ne pouvait plus vivre seule dans son pays d'origine. Cette motivation est d'ailleurs discutée par la recourante sur le fond dans son recours. Il ne reste ainsi pas de place pour un défaut de motivation au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. Mal fondé, le grief est partant rejeté. 
 
5.3. Pour le reste, en tant que la recourante se plaint, comme on vient de le mentionner, que le Tribunal cantonal ait jugé que les conditions à l'octroi d'une autorisation de séjour en vue d'un traitement médical au sens de l'art. 29 LEI n'était pas réunies, son grief ne relève pas du droit d'être entendu, mais de l'appréciation des preuves en rapport avec la réalisation des conditions légales posées par l'art. 29 LEI. Il est donc indissociable du fond et n'est pas recevable.  
 
6.  
Sur le vu des considérants qui précèdent, le recours en matière de droit public est irrecevable. Le recours constitutionnel subsidiaire, qui s'avère manifestement infondé (cf. art. 109 al. 2 let. b LTF), doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires réduits (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public est irrecevable. 
 
2.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, au Service de la population du canton de Vaud et au Secrétariat d'État aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 24 avril 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : H. Rastorfer