9C_643/2021 17.01.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_643/2021  
 
 
Arrêt du 17 janvier 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann, Moser-Szeless, Beusch et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue des Moulins 3, 1800 Vevey, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représentée par Me Boris Heinzer, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
Allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (Covid-19), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 5 novembre 2021 (APG 20/21 - 20/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ exploite depuis 2011 un cabinet de shiatsu à B.________. Le 27 septembre 2021, elle a déposé une demande d'allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus (Covid-19) pour le mois de septembre 2021. Par décision du 1er octobre 2021, la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: la caisse) a rejeté la demande, motif pris de l'absence de lien entre la diminution du chiffre d'affaires et une mesure actuelle destinée à la lutte contre le Covid-19. A.________ s'est opposée à cette décision, en faisant valoir que depuis fin 2012, elle avait développé une collaboration avec le département santé de l'école C.________, dans le cadre de laquelle elle offrait ses services au personnel de cette institution sur le campus de l'école C.________, à raison de plusieurs jours par semaine. En raison des instructions de la direction de l'école C.________ sur l'activité en télétravail d'au minimum 50 % des collaborateurs, elle subissait une limitation de son taux d'activité et de ses revenus. Par décision sur opposition du 8 octobre 2021, la caisse a confirmé le refus de prestations. 
 
B.  
Statuant le 5 novembre 2021 sur le recours de A.________, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a admis; elle a annulé la décision sur opposition et renvoyé la cause à la caisse pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
C.  
La caisse interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont elle demande l'annulation. A titre principal, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour nouveau jugement "considérant que le télétravail recommandé par l'école C.________ n'est pas une mesure de lutte ordonnée par une autorité cantonale ou fédérale au sens de l'art. 2, al. 3bis, let. a, de l'Ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 et ne peut pas justifier l'octroi d'une allocation corona-perte de gain". Elle requiert subsidiairement le renvoi de la cause à la juridiction de première instance pour instruction complémentaire et nouveau jugement. 
Après avoir indiqué au Tribunal fédéral qu'elle avait écrit à la caisse pour annuler sa demande d'allocation pour perte de gain, A.________ s'est déterminée sur le recours en concluant principalement à son irrecevabilité et subsidiairement à son rejet. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) s'est prononcé en faveur de l'admission du recours. 
A.________ a déposé des observations sur celles de l'autorité de surveillance. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Bien que le ch. II du dispositif de l'arrêt entrepris renvoie la cause à la recourante pour nouvelle décision aux sens des considérants, il ne s'agit pas d'une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF mais finale au sens de l'art. 90 LTF (à cet égard, cf. p. ex. arrêts 9C_326/2022 du 23 novembre 2022 consid. 2.1 et les références; 2C_825/2019 du 21 décembre 2021 consid. 1.5.3, non publié in ATF 148 II 349). Il ressort en effet des considérants de sa décision que la juridiction cantonale a reconnu le droit de l'intimée à l'allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 pour le mois de septembre 2021, le renvoi ne visant que la fixation du montant de l'allocation. Le recours est donc recevable sous l'angle de l'art. 90 LTF.  
 
1.2. Comme le relève à juste titre l'intimée, le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF), de sorte que le recourant doit en principe prendre des conclusions sur le fond, sous peine d'irrecevabilité de ses conclusions. A titre exceptionnel, il est admis que le recourant puisse se limiter à prendre des conclusions cassatoires lorsque le Tribunal fédéral, s'il accueillait le recours, ne serait pas en mesure de statuer lui-même sur le fond (cf. ATF 134 III 379 consid. 1.3). Les conclusions doivent par ailleurs être interprétées à la lumière de la motivation du recours (cf. ATF 137 II 313 consid. 1.3). En l'espèce, il ressort du mémoire de recours que la recourante demande la confirmation du refus de l'allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 à l'intimée et donc la confirmation de sa décision sur opposition. Il y a donc lieu d'entrer en matière sur son recours.  
 
1.3. C'est le lieu d'ajouter que si, dans un premier temps, l'intimée a indiqué en instance fédérale avoir écrit à la recourante pour annuler sa demande d'allocations pour perte de gain, elle a ensuite pris position sur le recours en faisant valoir des motifs qui justifieraient à ses yeux son droit aux prestations, avant d'exprimer ultérieurement son souhait d'obtenir gain de cause (courrier du 8 juillet 2022). L'intérêt actuel et pratique au recours de la caisse au sens de l'art. 89 al. 1 LTF ne fait dès lors pas de doute.  
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en admettant le droit de l'intimée à l'allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 pour le mois de septembre 2021. Il s'agit en particulier d'examiner si l'activité lucrative de l'intimée a été significativement limitée en raison d'une mesure de lutte contre le Covid-19 ordonnée par une autorité, de sorte qu'elle a subi une perte de gain de ce fait.  
 
3.2.  
 
3.2.1. L'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance du 20 mars 2020 sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19; ordonnance sur les pertes de gain COVID-19; RS 830.31; dans sa teneur en vigueur du 17 septembre 2020 au 16 février 2022 [RO 2020 4571], applicable en l'occurrence compte tenu du moment de la survenance des faits entraînant des conséquences juridiques [ATF 148 V 162 consid. 3.2 et les références]) prévoit que: "Les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 12 LPGA et les personnes visées à l'art. 31, al. 3, let. b et c, LACI, pour autant qu'elles ne soient pas concernées par l'al. 3 et qu'elles remplissent la condition prévue à l'al. 1bis, let. c, ont droit à l'allocation: a. si leur activité lucrative est significativement limitée en raison de mesures de lutte contre l'épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité; b. si elles subissent une perte de gain ou de salaire, et c. si elles ont touché pour cette activité au moins 10'000 fr. à titre de revenu soumis aux cotisations AVS en 2019; cette condition s'applique par analogie si l'activité a débuté après 2019; si celle-ci n'a pas été exercée pendant une année complète, cette condition s'applique proportionnellement à sa durée".  
Cette disposition est fondée sur l'art. 15 al. 1 de la loi fédérale du 25 septembre 2020 sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (Loi COVID-19; RS 818.102, entrée en vigueur le 26 septembre 2020; RO 2020 3843). Selon cette disposition (entrée en vigueur à titre rétroactif au 17 septembre 2020; ici dans sa teneur en vigueur du 1er avril 2021 au 31 décembre 2022 [RO 2021 153; RO 2021 878]), le Conseil fédéral peut prévoir le versement d'allocations pour perte de gain aux personnes qui doivent interrompre ou limiter de manière significative leur activité lucrative à cause de mesures prises pour surmonter l'épidémie de COVID-19. Seules les personnes frappées par une perte de gain ou de salaire et qui, dans leur entreprise, ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 30 % par rapport au chiffre d'affaires moyen des années 2015 à 2019 sont considérées comme ayant dû limiter de manière significative leur activité lucrative. En vertu de l'art. 15 al. 2 de la loi, ont également droit à l'allocation notamment les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 12 LPGA et les personnes qui occupent une position assimilable à celle d'un employeur. 
 
3.2.2. L'art. 25 al. 1 et 2 de l'ordonnance du 23 juin 2021 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière; RS 818.101.26; dans sa teneur en vigueur du 26 juin au 19 décembre 2021; RO 2021 379; RO 2021 882) prévoit que l'employeur garantit que les employés puissent respecter les recommandations de l'OFSP en matière d'hygiène et de distance. A cette fin, les mesures correspondantes doivent être prévues et mises en oeuvre (al. 1). L'employeur prend d'autres mesures en vertu du principe STOP (substitution, technique, organisation, personnel), notamment la possibilité de travailler à domicile, la mise en place de séparations physiques, la séparation des équipes, l'aération régulière ou le port d'un masque facial (al. 2).  
L'art. 25 al. 1 et 3 de l'ordonnance correspond à l'art. 10 al. 1 et 2 de la version antérieure de l'ordonnance du 19 juin 2020 COVID-19 situation particulière (dans sa teneur valable du 18 janvier au 25 juin 2021; RO 2020 2213). L'art. 25 de l'ordonnance (dans sa version en vigueur du 26 juin au 19 décembre 2021) ne comprend en revanche pas la règle prévue précédemment par l'art. 10 al. 3, première et deuxième phrases, de l'ordonnance du 19 juin 2020 COVID-19 (RO 2021 7, 110). La teneur en était la suivante: "Lorsque la nature de l'activité le rend possible et réalisable sans efforts disproportionnés, l'employeur veille à ce que les employés remplissent leurs obligations professionnelles depuis leur domicile. Il prend les mesures organisationnelles et techniques appropriées à cette fin". 
 
3.2.3. La directive de l'école C.________ relative au télétravail - produite par l'intimée dans la procédure administrative - prévoyait que: "Le télétravail doit être la règle dans toutes les situations qui ne requièrent pas absolument votre présence sur le campus. Le télétravail n'est plus obligatoire; il reste toutefois recommandé, s'il n'engendre pas de complications.  
Pour les collaborateur·trice·s dont le travail ne requiert pas un accès aux infrastructures physiques (recherche théorique, administration), nous recommandons aux responsables d'unité d'organiser des rotations afin d'avoir au maximum 50 % de ces personnes en présentiel et 50 % en télétravail. L'objectif étant que chacun·e puisse revenir sur le campus. 
Dans tous les cas, l'unité doit maintenir une fiche de présence à jour. Le télétravail doit être la règle dans toutes les situations qui ne requièrent pas absolument votre présence sur le campus." 
 
4.  
 
4.1. Le Tribunal cantonal a retenu que si l'obligation de travail à domicile prévue par l'art. 10 al. 3, première et deuxième phrases, de l'ordonnance du 20 juin 2020 COVID-19 situation particulière (dans sa teneur en vigueur du 18 janvier au 25 juin 2021) avait été levée avec effet au 26 juin 2021, elle était cependant demeurée toujours hautement recommandée depuis lors. Il a considéré que les mesures à prendre en vertu du principe STOP concrétisaient l'obligation de l'employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des travailleurs. Pour les juges cantonaux, la directive de l'école C.________ relative au télétravail suivait scrupuleusement les recommandations émises par le Conseil fédéral en vue d'endiguer le Covid-19: même s'il n'était plus obligatoire, le télétravail constituait alors une mesure de lutte voulue par le gouvernement fédéral pour maîtriser la situation épidémiologique que les employeurs étaient tenus de mettre en oeuvre, dans la mesure du possible. En conséquence, la diminution de revenu subie par l'intimée en raison des mesures prises par l'école C.________ était en lien avec des mesures de lutte contre le Covid-19, de sorte qu'elle avait droit à l'allocation pour perte de gain correspondante pour le mois de septembre 2021.  
 
4.2. La recourante fait valoir qu'en vertu de l'art. 2 al. 3 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (sans préciser à quelle version de l'ordonnance elle se réfère) l'octroi d'une allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 à une personne de condition indépendante exige un lien de causalité entre "une mesure de lutte édictée par un gouvernement cantonal ou fédéral et la baisse du chiffre d'affaires de l'ayant droit". Elle reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé le "sens de la Loi Covid-19 et de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19" en considérant que la recommandation de l'école C.________ faisait partie de l'arsenal des mesures déployées par la Confédération pour lutter contre la pandémie. Elle invoque que l'école C.________ n'est pas une autorité et que le télétravail n'était pas, au mois de septembre 2021, une mesure ordonnée par le gouvernement cantonal ou la Confédération, de sorte que les conditions de l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 n'étaient pas réalisées.  
De plus, la recourante soutient que le télétravail recommandé par l'école C.________ ne pouvait pas être reconnu comme la cause d'au moins 30 % de la perte du chiffre d'affaires de l'intimée, faute d'éléments de preuve dans ce sens. Les clients de l'intimée concernés par la recommandation de télétravail promulguée par l'école C.________ auraient gardé la possibilité de se rendre dans son cabinet privé, situé hors campus. La baisse de chiffres d'affaires aurait donc été provoquée par des critères purement économiques, sans lien avec la recommandation de télétravail. En juger autrement reviendrait, toujours selon la recourante, à ouvrir la voie à la reconnaissance d'allocations pour perte de gain en lien avec le Covid-19 pour toute une série de personnes touchées de façon indirecte par les mesures. Elle donne les exemples d'un peintre qui ne peut plus aller chez ses clients parce que ces derniers ne peuvent libérer la pièce où ils font du télétravail, d'un formateur qui ne peut pas intervenir en entreprise car les employés sont en télétravail ou d'un cordonnier dont les clients n'abîment pas leurs chaussures en restant à la maison. 
 
4.3. De son côté, l'intimée se rallie entièrement aux considérations de la juridiction cantonale, en soutenant que sa situation en septembre 2021 devait être assimilée à celle qui avait été la sienne lorsque le télétravail avait été rendu obligatoire par le Conseil fédéral. Selon elle, au-delà du 25 juin 2021, le télétravail a en effet constitué une mesure de lutte voulue par le Conseil fédéral, qui était destinée à maîtriser la situation épidémiologique et qu'il appartenait aux employeurs de mettre en oeuvre dans la mesure du possible. En outre, elle fait valoir qu'elle a fourni un décompte faisant état d'une baisse de son chiffre d'affaires de 47 % au mois de septembre 2021 par rapport à la moyenne des années 2015 à 2019. Cette baisse ne pouvait s'expliquer que par la limitation de son activité de thérapie manuelle de relaxation sur le site de l'école C.________, dont les modalités convenues avec l'employeur comprenaient l'accès des collaboratrices et collaborateurs aux prestations directement sur le lieu de travail et la possibilité pour ceux-ci de faire valoir trente minutes de consultation comme du temps de travail. Sans l'attrait que représentait l'accès confortable et facilité aux prestations thérapeutiques sur le site de l'école C.________, les employés de celle-ci n'y auraient pas recours; l'exercice de l'activité en cause était donc directement liée à la présence des collaborateurs à leur lieu de travail. Il importait donc peu, selon l'intimée, que ces derniers aient pu se rendre à son cabinet pendant la période concernée, comme l'invoquait la recourante.  
 
4.4. Pour l'OFAS, il découle d'une lecture des art. 15 de la loi COVID-19, 2 al. 3bis let. a de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (dans sa teneur en vigueur du 17 septembre 2020 au 16 février 2022), 10 al. 3 (dans sa teneur en vigueur du 18 janvier au 25 juin 2021) et 25 al. 2 (dans sa teneur en vigueur dès le 26 juin 2021) de l'ordonnance COVID-19 situation particulière que la mesure obligatoire de télétravail initialement ordonnée par le Conseil fédéral est devenue une mesure potestative laissée à la seule volonté de l'employeur. A partir du 26 juin 2021, l'autorité fédérale avait émis uniquement une recommandation que l'employeur était libre d'appliquer ou non. L'OFAS soutient en conséquence que la recommandation de télétravail prévue par l'art. 25 al. 2 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière ne peut pas être assimilée à une mesure ordonnée par une autorité. Partant, même si la direction de l'école C.________ avait maintenu en quelque sorte l'obligation de télétravail, en choisissant d'imposer le télétravail pour les collaborateurs dont la présence dans les locaux professionnels n'était pas indispensable, le maintien de cette obligation de télétravail ne relevait pas d'une mesure ordonnée par une autorité fédérale ou cantonale (qu'un employeur privé ou public n'est pas), mais du choix de l'employeur. Par ailleurs, dès lors que le cabinet privé de l'intimée n'avait fait l'objet d'aucune mesure de restriction à l'exception du port du masque facial, sa clientèle, y compris les collaborateurs de l'école C.________, avait gardé la possibilité de bénéficier des services de la thérapeute. Dans la mesure où l'intimée avait donc continué d'exercer son activité lucrative à son cabinet privé, la juridiction cantonale aurait considéré à tort le télétravail ordonné par l'école C.________ comme une mesure de lutte ordonnée par une autorité justifiant l'octroi de l'allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 au sens de l'art. 2 al. 3bis let. a de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19.  
 
5.  
Les parties ne contestent pas que le droit de l'intimée à l'allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 suppose tout d'abord qu'elle ait subi une perte de gain du fait d'une limitation significative de son activité lucrative en raison d'une mesure de lutte contre l'épidémie de Covid-19 ordonnée par une autorité (art. 15 al. 1 de la loi Covid-19; art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain Covid-19). Elles sont en désaccord sur la définition d'une telle mesure, respectivement sur le point de savoir s'il existe en l'espèce un lien de causalité suffisant entre une mesure de lutte édictée par une autorité cantonale ou fédérale et la perte de gain que l'intimée invoque en lien avec la mesure de télétravail maintenue par l'école C.________ pour la période concernée. 
 
5.1. Le droit à l'allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 pour les personnes indépendantes qui ont été touchées indirectement par les mesures de lutte contre la pandémie a été introduit par l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (modification du 16 avril 2020, entrée en vigueur avec effet au rétroactif au 17 mars 2020 [RO 2020 1257]). Selon cette disposition (première phrase), les personnes considérées comme indépendantes au sens de l'art. 12 LPGA qui ne sont pas concernées par l'al. 3 ont droit à l'allocation pour autant qu'elles subissent une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le coronavirus et que leur revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l'année 2019 se situe entre 10'000 fr. et 90'000 fr. Il s'agissait d'une compensation pour les personnes indépendantes qui n'étaient pas touchées par la fermeture de leur entreprise ou l'interdiction ou l'annulation de manifestations (cf. art. 6 al. 1 et 2 de l'ordonnance 2 COVID-19; RS 818.101.24, dans sa version en vigueur du 17 mars au 19 avril 2020; RO 2020 783) mais subissaient néanmoins une perte de gain en raison des mesures du Conseil fédéral destinées à lutter contre le Covid-19. Le Conseil fédéral entendait éviter des cas de rigueur - personnes dont les revenus soumis à l'AVS étaient situés entre 10'000 fr. et 90'000 fr. - en élargissant le droit à l'allocation pour perte de gain en lien avec le Covid-19 pour indemniser les personnes en difficulté qui étaient confrontées à la paralysie de l'économie et voyaient leurs revenus diminuer alors que leur activité n'était pas interdite. Ainsi, les chauffeurs de taxi, les hôteliers, les cameramen, les fournisseurs ou les physiothérapeutes comptaient parmi les ayants droit (Commentaire en ordre chronologique de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 [commentaire des modifications du 16 avril 2020, ad art. 2 al. 3bis] consulté le 11 janvier 2023 sur le site internet de l'OFAS [www.bsv.admin.ch, sous publications & services / lois et ordonnances / APG législation / coronavirus: perte de gain / documents]).  
Lors de l'adoption de la loi COVID-19, la nécessité de prévoir une allocation pour "indemniser également les indépendants indirectement touchés" a été clairement reconnue (Message du 12 août 2020 concernant la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 [loi COVID-19], FF 2020 6363, 6383 ch. 2.3.7 et 6408 ch. 3). Pour le Conseil fédéral, il s'agissait alors des personnes qui n'étaient pas touchées par la fermeture d'établissements publics ou affectées par l'interdiction des manifestations, mais qui devaient interrompre leur activité à cause de mesures prises pour surmonter l'épidémie de Covid-19 (art. 10 al. 1 P-Loi COVID-19, FF 2020 6426). Selon le gouvernement fédéral, les indépendants qui n'étaient pas obligés d'interrompre leur activité n'avaient pas droit à l'allocation (message cité, 6409 ch. 3). Le Parlement fédéral a toutefois étendu le droit au versement des allocations pour perte de gain également aux personnes qui devaient "limiter de manière significative leur activité lucrative" à cause de telles mesures (art. 15 al. 1, première phrase, de la loi COVID-19, dans sa teneur en vigueur à partir du 17 septembre 2020; RO 2020 3842). Au cours des débats parlementaires, la situation des personnes indépendantes qui n'avaient pas été obligées d'interrompre leur activité mais qui avaient néanmoins subi une perte de gain en raison des mesures du Conseil fédéral a été évoquée. Ainsi, le Conseiller national de Courten a mentionné que même après la levée des mesures, la reprise des affaires n'intervenait pas du jour au lendemain et de nombreuses personnes continuaient à subir une limitation de leur perte de gain dont l'origine remontait au "Lockdown" (BO 2020 CN 1338). De même, au Conseil des Etats, la discussion a porté sur le cas des indépendants qui n'avaient pas dû formellement fermer leur entreprise mais qui s'étaient retrouvés pratiquement dans la même situation, comme avant tout les agences de voyage, les coiffeuses ou les physiothérapeutes, soit des personnes qui avaient à nouveau pu travailler mais dont la perte de gain n'était pas prise en considération (déclaration de la Conseillère aux Etats Carobbio Guscetti, BO 2020 CE 881). La condition d'un lien suffisant entre les mesures prises par le Conseil fédéral et la perte de gain subie a été soulignée à plusieurs reprises ("Covid-bedingte[r] Einbruch", BO 2020 CE 783; BO 2020 CN 1335 s.; BO 2020 CE 879 s.; BO 2020 CN 1500 ss). 
Le droit aux allocations pour perte de gain correspondantes a dès lors été maintenu à partir du 17 septembre 2020 à l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (modification du 4 novembre 2020 entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 novembre 2020; RO 2020 4571). La définition de la perte de gain significative a cependant été modifiée (cf. art. 2 al. 3ter de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19) : les cas de rigueur avec la limite supérieure de revenu de 90'000 fr. ont été remplacés par la condition de la limitation significative de l'activité lucrative, définie comme une baisse du chiffre d'affaires, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen des années 2015 à 2019, d'au moins 55 % du 17 septembre au 18 décembre 2020 (RO 2020 4571), de 40 % du 19 décembre 2020 au 31 mars 2021 (RO 2020 5829) et de 30 % à partir du 1er avril 2021 (RO 2021 183; à partir du 17 février 2022, ch. 3 de l'annexe à la modification de l'ordonnance COVID-19 situation particulière du 16 février 2022 [RO 2022 97]). 
 
5.2.  
 
5.2.1. A partir du 26 juin 2021, le Conseil fédéral a levé l'obligation du travail à domicile, tout en recommandant celui-ci. Il a ainsi déclaré que le télétravail obligatoire est abrogé et est remplacé par une recommandation de télétravail (communiqué de presse du 23 juin 2021 consulté le 11 janvier 2023 sur le site internet du Conseil fédéral [www.admin.ch, sous documentation / communiqués / communiqué du 23 juin 2021 intitulé Coronavirus: le Conseil fédéral décide d'un nouvel assouplissement d'envergure et facilite l'entrée en Suisse]). Ainsi, chaque employeur a la latitude de prendre les dispositions judicieuses pour son entreprise ou son établissement: le travail à domicile reste un bon outil pour protéger les employés. Ceux-ci doivent veiller à la sécurité et à la protection de la santé des membres de leur personnel, ce qui peut signifier, par exemple, que le port du masque demeure obligatoire dans certains cas ou qu'une partie du personnel reste en travail à domicile (FAQ - Mesures, document de l'Office fédéral de la santé publique du 23 juin 2021, consulté le 11 janvier 2023 sur le site internet du Conseil fédéral [www.admin.ch, sous documentation / communiqués / communiqué du 23 juin 2021 intitulé Coronavirus: le Conseil fédéral décide d'un nouvel assouplissement d'envergure et facilite l'entrée en Suisse / documents]).  
 
5.2.2. Comme l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale, la recommandation faite par le Conseil fédéral aux employeurs s'inscrit dans le prolongement des mesures prévues par l'art. 25 al. 2 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière (en vertu de la délégation prévue à l'art. 4 al. 1 de la Loi Covid-19). Du point de vue systématique, cette disposition fait partie de la section 5 "Mesures de protection des employés" et prévoit la possibilité de prendre "d'autres mesures" de prévention en vertu du principe STOP (substitution, technique, organisation, personnel), notamment la possibilité de travailler à domicile, [...] (consid. supra 3.2.2). Le texte de la norme est en principe sans équivoque: le Conseil fédéral prévoit que les employeurs ouvrent à leurs employés la possibilité de travailler à domicile, à titre de mesure de prévention. Cette possibilité constitue l'une des mesures organisationnelles qui concrétisent l'obligation de l'employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé des travailleurs au sens de l'art. 6 LTr (cf. Département fédéral de l'intérieur, Rapport explicatif concernant l'ordonnance du 23 juin 2021 sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière [ordonnance COVID-19 situation particulière; RS 818.101.26], p. 29, consulté le 11 janvier 2023 sur le site internet de l'OFSP [www.bag.admin.ch, sous Maladies / Maladies infectieuses: flambées, épidémies, pandémies / Flambées et épidémies actuelles / Coronavirus / Mesures et ordonnances / Anciennes versions du rapport explicatif]). L'employeur qui fait usage de cette possibilité ne fait donc que mettre en oeuvre une mesure prévue par le Conseil fédéral comme mesure de lutte destinée à maîtriser la situation épidémiologique. Cela vaut en tout cas lorsque l'employeur ne va pas plus loin que le gouvernement fédéral mais suit ses recommandations à la lettre, comme l'a fait l'école C.________ en l'occurrence.  
 
5.3. Quoi qu'en dise la recourante et son autorité de surveillance, la situation particulière de l'intimée entre dans le champ d'application de l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, puisque la thérapeute a été confrontée indirectement à une limitation de son activité lucrative en raison de la mesure appliquée par un employeur en raison de la recommandation correspondante du Conseil fédéral. Selon les constatations des premiers juges, que les parties ne remettent pas en cause (supra consid. 2), l'intimée disposait d'un accord contractuel avec l'école C.________, selon lequel elle offrait les services thérapeutiques au lieu de travail des employés de celui-ci. Comme elle le relève, les modalités convenues - qui ne sont pas contestées par la recourante - facilitaient l'accès de ses services aux employés et en permettaient l'exécution dans un cadre qui ne peut pas être assimilé à celui d'une séance thérapeutique à son cabinet privé (où l'accès facilité pendant les heures de travail et la prise en considération d'une partie de temps de thérapie comme temps de travail font défaut).  
En raison de la collaboration spécifiquement prévue par l'école C.________ et l'intimée, il existe un lien de causalité suffisant entre la recommandation émise par le Conseil fédéral, sa mise en oeuvre par l'école C.________ et la diminution de revenus invoquée par l'intimée en lien avec son activité sur le site de cet employeur. La situation de l'intimée se distingue par conséquent des exemples abstraits mentionnés par la recourante à l'appui de son argumentation (consid. 4.2 supra). Dès lors, la condition de l'art. 2 al. 3bis let. a de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 est réalisée. 
 
5.4. En tant que la recourante fait finalement valoir que l'intimée n'a pas prouvé avoir subi une baisse de son chiffre d'affaires de 30 % en raison du télétravail "recommandé par l'école C.________", elle perd de vue qu'en droit des assurances sociales, le degré de preuve exigé est, en règle générale, celui de la vraisemblance prépondérante (cf. p. ex. ATF 138 V 218 consid. 6). A l'inverse de ce qu'elle prétend, le lien entre la mesure de travail à domicile instaurée par l'école C.________ pendant la période concernée, pour suivre la recommandation du Conseil fédéral, et la baisse du chiffre d'affaires invoquée par l'intimée - de 47 % par rapport à la moyenne des années 2015 à 2019, chiffre non contesté par la recourante - paraît évident au regard de la collaboration entre l'intimée et l'école C.________. La recourante allègue en vain que l'intimée a été en mesure de maintenir son activité dans son cabinet privé, dès lors que les modalités particulières convenues avec l'école C.________ ne s'y appliquaient pas.  
 
6.  
En conséquence de ce qui précède, le recours est mal fondé. 
 
7.  
La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF) et les dépens de l'intimée (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 17 janvier 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton