4A_349/2023 13.12.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_349/2023  
 
 
Arrêt du 13 décembre 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, juge présidant, Hohl et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Gérald Page, 
avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Damien Bender, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage interne, 
 
recours en matière civile contre la sentence rendue le 15 mai 2023 par un Tribunal arbitral avec siège à Sierre. 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 11 juillet 2017, A.________ SA (ci-après: A.________ SA) et C.________, devenue par la suite B.________ SA (ci-après: B.________ SA), ont conclu un contrat ayant pour objet la vente en faveur de cette dernière d'un immeuble à construire, comprenant vingt-deux appartements, ainsi que plusieurs box et places de parking, situés sur le territoire de la commune de Sierre. Les plans et le descriptif de l'objet de la vente, établis par D.________ SA, laquelle est devenue par la suite l'architecte et la direction des travaux du chantier, étaient annexés au contrat.  
 
A.b. Lors de l'exécution du chantier, le représentant de B.________ SA, E.________, a sollicité plusieurs modifications par rapport au descriptif des travaux annexé au contrat.  
Au mois de novembre 2018, A.________ SA s'est engagée à livrer le bâtiment et les places de parc ainsi que les box (sans les aménagements extérieurs) au 1er mai 2019. A la suite de cette communication, B.________ SA a conclu divers contrats de bail, les premiers locataires devant prendre possession des appartements loués le 1er mai 2019. Le délai fixé au 1er mai n'a toutefois pas été respecté. 
 
A.c. Le 24 mai 2019, les parties ainsi qu'un représentant de la commune concernée ont tenu une séance lors de laquelle ils ont inspecté l'immeuble. Au cours de celle-ci, un permis d'habiter provisoire pour les appartements a été délivré oralement, avant d'être confirmé par écrit le 9 août 2019. Aucune remarque n'a été faite quant à l'état de l'immeuble.  
 
A.d. Les parties se sont encore rencontrées à plusieurs reprises par la suite.  
Par lettre du 24 juillet 2019, B.________ SA a résumé sa position au sujet des défauts affectant selon elle l'immeuble ainsi que des moins-values qu'elle exigeait sur le prix de vente. Elle a annoncé avoir payé la moitié du solde du prix de vente encore impayé, le reste devant être versé une fois les points en suspens réglés. 
Les deux derniers appartements non occupés de l'immeuble ont été loués avec effet au 1er octobre 2019, tandis que les box et les places de parc sont demeurés inutilisables jusqu'au 4 août 2020. 
 
A.e. Le 24 janvier 2020, A.________ SA a soutenu que la "longue liste de défauts" évoquée par B.________ SA dans un courrier daté du 16 septembre 2019 était tardive, car la prise de possession des locaux était intervenue en mai 2019 et les états des lieux des appartements ne mentionnaient pas de défauts mais uniquement des retouches.  
Par la suite, B.________ SA a signalé encore plusieurs défauts à A.________ SA, laquelle en a contesté l'existence et a refusé toute intervention de sa part. 
 
A.f. La séance tendant à la "réception finale de l'immeuble" est intervenue le 28 mai 2020 en présence des représentants des parties et de la direction des travaux. Un procès-verbal de ladite séance, indiquant notamment que la prise de possession des locaux avait eu lieu en 2019 et contenant une liste de défauts allégués, a été établi et signé par les parties ainsi que par la direction des travaux.  
Le 19 juin 2020, les parties se sont rencontrées une nouvelle fois et ont signé une liste actualisée des défauts. Elles ont également apposé leur signature sur un document mentionnant qu'à cette date l'ouvrage était considéré comme reçu. 
Le permis d'habiter définitif pour l'entier du complexe immobilier a été délivré le 4 août 2020. 
 
A.g. Après plusieurs échanges de correspondances, B.________ SA a transmis à A.________ SA la dernière version de ses listes de défauts et l'a sommée de procéder aux travaux de réfection d'ici au 17 mai 2021.  
A.________ SA ayant manifesté son refus d'effectuer toute réfection, B.________ SA a renoncé à son droit à la réparation, en date du 29 avril 2021, et a exigé le paiement de dommages-intérêts positifs, sans toutefois en quantifier le montant. 
 
B.  
Le 4 octobre 2021, A.________ SA, se fondant sur le compromis arbitral signé par les parties, a initié une procédure d'arbitrage à l'encontre de B.________ SA. Selon le dernier état de ses conclusions, la défenderesse devait être condamnée à lui verser un montant de 100'000 fr. correspondant au solde du prix de vente non réglé, ainsi que la somme de 846'478 fr. 73 pour différents travaux à plus-value effectués par la demanderesse, le tout avec intérêts. 
La défenderesse a conclu au rejet intégral de la demande. Elle a aussi élevé des prétentions à titre reconventionnel tendant, en dernier lieu, au paiement de la somme de 600'776 fr. 70. Elle a déclaré invoquer la compensation de ce montant avec les prétentions de la demanderesse. 
Un Tribunal arbitral ad hoc, composé de trois arbitres, a été constitué et son siège fixé à Sierre. 
Les experts désignés par le Tribunal arbitral aux fins de se prononcer sur la réalité des défauts invoqués ont rendu leur rapport final le 4 juillet 2022, puis un rapport d'expertise complémentaire en date du 19 août 2022. 
Le 25 août 2022, le Tribunal arbitral a décidé de poser des questions finales aux experts visant à compléter l'expertise dans un délai fixé au 16 septembre 2022 et, partant, de reporter l'audience d'instruction précédemment prévue du 5 au 7 septembre 2022. 
Les experts ont déposé leur troisième rapport d'expertise le 15 octobre 2022. 
Le Tribunal arbitral a tenu une audience d'instruction du 6 au 8 décembre 2022. 
Le Tribunal arbitral a rendu sa sentence finale le 15 mai 2023, au terme de laquelle il a condamné A.________ SA à verser à B.________ SA la somme de 141'623 fr. 56. En bref, il a admis que la demanderesse avait droit au paiement de la somme de 100'000 fr. correspondant au solde du prix de vente et d'un montant de 51'510 fr. 34 au titre de la différence entre les plus-values et moins-values du complexe immobilier, soit un total de 151'510 fr. 34. Il a par ailleurs accueilli les prétentions reconventionnelles à hauteur de 293'133 fr. 90. Après compensation des montants réciproquement dus, le Tribunal arbitral a ainsi reconnu que A.________ SA devait la somme de 141'623 fr. 56 à son adversaire. Les motifs qui étayent cette décision seront évoqués plus loin dans la mesure utile à la compréhension des critiques dont celle-ci est la cible. 
 
C.  
Le 29 juin 2023, A.________ SA (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile à l'encontre de cette sentence, assorti d'une requête d'effet suspensif (cause 4A_349/2023). Elle conclut à l'annulation de la sentence, notamment pour cause d'incompétence ratione temporis du Tribunal arbitral. Elle requiert en outre, si la compétence des arbitres devait être confirmée, que les frais et honoraires du Tribunal arbitral soient réduits à 210'000 fr.  
Le même jour, B.________ SA a aussi interjeté un recours au Tribunal fédéral contre cette sentence (cause 4A_343/2023). 
Au terme de sa réponse du 24 août 2023, B.________ SA (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours formé par son adversaire. 
Le Tribunal arbitral a déposé des observations relatives aux deux recours interjetés à l'encontre de sa sentence. 
La recourante a déposé une réplique spontanée en persistant dans ses conclusions initiales. 
La requête d'effet suspensif a été admise par ordonnance du 3 octobre 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
En l'espèce, deux recours ont été formés à l'encontre de la même sentence. Cela étant, les questions soulevées dans les mémoires de recours diffèrent sensiblement et la réponse à leur apporter est susceptible de varier. Dans ces conditions, il ne se justifie pas, du point de vue de l'économie de la procédure, de joindre les causes 4A_343/2023 et 4A_349/2023. 
 
2.  
C onformément à l'art. 77 al. 1 let. b de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le recours en matière civile est recevable contre les sentences rendues dans un arbitrage interne aux conditions fixées par les art. 389 à 395 du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272) lorsque, comme c'est ici le cas, les parties n'ont pas fait usage de la possibilité d'un opting out prévue à l'art. 353 al. 2 CPC. Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, des conclusions prises par l'intéressée ou du délai de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité, sous l'angle de leur motivation, des critiques formulées par la recourante.  
 
3.  
 
3.1. Les motifs de recours sont plus restreints lorsque celui-ci a pour cible une sentence arbitrale plutôt qu'un jugement étatique. En matière d'arbitrage interne, ils sont énoncés exhaustivement à l'art. 393 CPC. Conformément au principe d'allégation, la partie recourante doit invoquer l'un de ces griefs et développer une argumentation circonstanciée censée démontrer en quoi l'analyse effectuée dans la sentence viole le précepte invoqué (art. 77 al. 3 LTF; arrêts 4A_139/2021 du 2 décembre 2021 consid. 1.2; 4A_7/2019 du 21 mars 2019 consid. 2; 4A_542/2015 du 16 février 2016 consid. 1.2). La motivation doit être présentée dans l'acte de recours même; un simple renvoi au contenu d'écritures antérieures ou de pièces du dossier est insuffisant (arrêt 4A_143/2015 du 14 juillet 2015 consid. 1.2 et les références citées). Au demeurant, la partie recourante ne saurait se servir de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'elle n'a pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF), ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêts 4A_600/2016 du 29 juin 2017 consid. 1.2; 4A_34/2016 du 25 avril 2017 consid. 2.2).  
 
3.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). En revanche, il conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 393 CPC est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (arrêt 4A_215/2020 du 5 août 2020 consid. 3 et les références citées).  
 
4.  
Dans un premier moyen, la recourante, invoquant l'art. 393 let. b CPC, soutient que les arbitres ont rendu leur sentence finale après l'expiration de leur mission. 
 
4.1.  
 
4.1.1. Le contrat d'arbitre - receptum arbitrii ou arbitri - désigne la relation contractuelle qui se noue entre l'arbitre et les parties. Il participe de la nature mixte de l'arbitrage, lequel revêt un caractère contractuel par sa source et juridictionnel par son objet. L'arbitre, tel le juge étatique, est investi du pouvoir de trancher un différend par une sentence équivalant à un jugement, mais il tient ce pouvoir de la volonté des parties. Le contrat d'arbitre est souvent qualifié de mandat sui generis, mais les règles du mandat (art. 394 ss CO) sont largement exclues par le statut de l'arbitre, s'agissant notamment des conditions dans lesquelles ce contrat prend fin (ATF 140 III 75 consid. 3.2.1 et les références citées).  
Le contrat d'arbitre s'éteint normalement en même temps que l'instance, c'est-à-dire, dans la grande majorité des cas, lorsque la sentence finale est rendue (pour autant qu'elle ne soit pas nulle ni annulée) voire, plus rarement, suite à un retrait d'instance, que ce soit par un désistement ou par une transaction. Il peut toutefois se terminer de manière anticipée, pendente lite, en particulier si l'arbitre décède, s'il est récusé, s'il est révoqué par les parties, s'il est destitué par le juge ou s'il démissionne (ATF 140 III 75 consid. 3.2.1 et les références citées). Il peut aussi prendre fin avant le prononcé de la sentence, lorsque les parties ont limité, dans la convention d'arbitrage ou dans un accord ultérieur, la durée de la mission du tribunal arbitral. Cette faculté est expressément prévue à l'art. 366 al. 1 CPC s'agissant d'un arbitrage interne (ATF 140 III 75 consid. 3.2.1 et les références citées).  
Une sentence rendue après que les pouvoirs du Tribunal arbitral se sont éteints est annulable, sur recours, au titre de l'incompétence visée par l'art. 190 al. 2 let. b de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291; ATF 140 III 75 consid. 4.1), respectivement l'art. 393 let. b CPC en matière d'arbitrage interne. 
 
4.1.2. A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice évidente. L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories établies par la jurisprudence et la doctrine. L'emploi dans le texte légal du qualificatif «manifeste» démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 et les références citées).  
 
4.2. Pour étayer son grief, la recourante fait valoir que les parties étaient convenues de soumettre le litige les divisant à un Tribunal arbitral car elles entendaient obtenir une décision rapidement. Elle relève que le respect des délais fixés dans le compromis d'arbitrage était essentiel pour elles. Elle en veut pour preuve le chiffre 9 dudit compromis mentionnant que "Le respect des délais prévus dans la présente convention est une obligation du mandat du Tribunal arbitral". L'intéressée insiste en outre sur le fait que les arbitres devaient rendre et communiquer leur sentence le 31 août 2022, - ledit délai pouvant être reporté en cas de nécessité selon l'art. 8 du compromis arbitral -, et que le Tribunal arbitral n'a pas respecté ce délai puisque la sentence querellée est datée du 15 mai 2023. Elle relève en outre que le délai fixé par les parties dans le calendrier procédural - lequel faisait partie intégrante du compromis arbitral - concernant la reddition du rapport d'expertise n'a pas davantage été observé. La recourante estime que les arbitres n'ont ainsi pas respecté leurs obligations en prolongeant indûment la durée de la procédure, le Tribunal arbitral ayant décidé, de son propre chef, de reporter le délai imparti aux experts pour rendre leur rapport, de leur poser de nouvelles questions et de reporter l'audience d'instruction déjà fixée. Elle fait aussi valoir qu'elle a protesté, à plusieurs reprises, contre la prolongation des délais prévus dans le compromis d'arbitrage. En modifiant les délais relatifs à la reddition de l'expertise et à la tenue d'une audience ainsi qu'en rendant une sentence après l'expiration du délai prévu à cet effet, les arbitres auraient dès lors "agi et tranché le litige avec des pouvoirs qu'ils n'avaient plus".  
 
4.3. En l'occurrence, il ressort de la sentence attaquée que les règles de procédure applicables étaient, en vertu du compromis arbitral, les décisions communes des parties et les règles établies par le Tribunal arbitral, en premier lieu, et, subsidiairement, les dispositions du CPC (sentence, n. 8). Il appert, ainsi, que les décisions communes des parties et les règles établies par le Tribunal arbitral étaient placées sur un pied d'égalité.  
En l'espèce, les parties ont certes établi un calendrier procédural dans leur compromis arbitral, arrêtant notamment la date à laquelle le rapport d'expertise devrait être rendu. Elles n'ont cependant jamais prévu que le non-respect des divers délais procéduraux fixés dans le calendrier procédural entraînerait automatiquement l'extinction des pouvoirs conférés aux arbitres. Comme le souligne du reste l'intimée, sans être contredite sur ce point par son adversaire, les parties avaient expressément réservé, dans leur compromis arbitral, la possibilité de reporter le délai fixé initialement pour la reddition du rapport d'expertise et l'adaptation éventuelle du calendrier procédural en cas de nécessité. Aussi la Cour de céans ne discerne-t-elle pas en quoi le non-respect de certains délais procéduraux dénoncé par la recourante, et singulièrement ceux ayant trait à la reddition du rapport d'expertise et à la tenue de l'audience d'arbitrage, fût-il avéré, aurait eu pour effet de priver le Tribunal arbitral ipso facto de son pouvoir de trancher le litige divisant les parties. Que l'éventuel non-respect d'un calendrier procédural puisse constituer une violation du mandat des arbitres et, le cas échéant, engager leur responsabilité est une chose. Qu'il entraîne nécessairement et automatiquement l'extinction de leurs pouvoirs en est une autre. Or, la recourante échoue à démontrer que la volonté des parties était de sanctionner n'importe quelle inobservation d'un délai procédural par la fin immédiate des pouvoirs du Tribunal arbitral. Interprétées selon le principe de la confiance, les clauses topiques du compromis arbitral ne permettent pas davantage de retenir pareille solution, étant précisé que les parties avaient elles-mêmes envisagé la possibilité d'un report de délai et d'une adaptation du calendrier procédural. Sous le couvert du grief d'incompétence, l'intéressée critique ainsi, en réalité, la manière dont le Tribunal arbitral a conduit la procédure.  
Il sied toutefois d'observer que les parties ont limité la durée de la mission du Tribunal arbitral, puisqu'elles ont prévu, dans leur compromis arbitral, que la sentence devait être rendue et communiquée le 31 août 2022 au plus tard, tout en réservant la possibilité pour elles de reporter cette date en cas de nécessité. Il est aussi incontesté que la sentence attaquée a été rendue à une date ultérieure, soit le 15 mai 2023. Comme l'expose le Tribunal arbitral dans ses observations sur le recours, les parties ont toutefois été invitées, lors de la procédure d'arbitrage, à lui indiquer, dans un délai échéant le 16 septembre 2022, si elles estimaient "que le mandat d'arbitrage é[tait échu", car, dans un tel cas, la continuation de la procédure ne faisait aucun sens. Or, dans son courrier du 16 septembre 2022, la recourante, si elle a certes reproché au Tribunal arbitral de n'avoir pas respecté le compromis arbitral en modifiant les délais liés à la reddition du rapport d'expertise et en reportant l'audience fixée sans l'accord de toutes les parties, n'a jamais prétendu à cette occasion que les pouvoirs des arbitres avaient pris fin. Elle a, au contraire, expressément demandé au Tribunal arbitral "de purger sa saisine et conduire la procédure jusqu'à son terme". De son côté, l'intimée a répondu, en substance, que le mandat juridictionnel confié aux arbitres n'avait pas pris fin. Les circonstances de la cause révèlent dès lors la volonté concordante des deux parties que la procédure d'arbitrage aille jusqu'à son terme. Le Tribunal arbitral ne pouvait pas comprendre autrement, selon les règles de la bonne foi, la volonté manifestée de la sorte par les deux parties. En tout état de cause, la recourante adopte une attitude contradictoire et manifestement incompatible avec les règles de la bonne foi, lorsqu'elle soutient, pour la première fois devant le Tribunal fédéral, que la sentence a été rendue après l'extinction des pouvoirs confiés aux arbitres, alors qu'elle leur a demandé, après le 31 août 2022, de poursuivre la procédure jusqu'à son terme et y a participé activement. Il s'ensuit le rejet du moyen considéré. 
 
5.  
Dans un deuxième moyen, la recourante dénonce une atteinte à son droit d'être entendue (art. 393 let. d CPC). 
 
5.1. L'art. 393 let. d CPC précise que la sentence issue d'un arbitrage interne peut être attaquée si l'égalité des parties ou leur droit d'être entendues en procédure contradictoire n'a pas été respecté. Ce motif de recours a été repris des règles régissant l'arbitrage international. En conséquence, la jurisprudence relative à l'art. 190 al. 2 let. d LDIP est, en principe, également applicable dans le domaine de l'arbitrage interne (arrêt 4A_395/2019 du 2 mars 2020 consid. 7.1).  
La jurisprudence a admis, dans le domaine de l'arbitrage, que chaque partie a le droit de s'exprimer sur les faits essentiels pour la sentence, de présenter son argumentation juridique, de proposer, pour autant qu'elle le fasse à temps et dans les formes prévues, ses moyens de preuve sur des faits pertinents et de prendre part aux séances du tribunal arbitral (ATF 142 III 284 consid. 4.1 et les références citées). Elle a aussi déduit du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3; arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2.1). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêts 4A_542/2021 du 28 février 2022 consid. 5.1; 4A_618/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.2). 
 
5.2. La recourante reproche au Tribunal arbitral de n'avoir pas exposé les raisons pour lesquelles il avait décidé de modifier le calendrier procédural et, partant, d'écarter les objections qu'elle avait formulées à cet égard durant la procédure d'arbitrage. En ne justifiant pas de telles décisions ayant prétendument trait à la "compétence" du Tribunal arbitral, elle estime que les arbitres auraient violé son droit d'être entendue.  
Semblable argumentation n'emporte point la conviction de la Cour de céans. En l'occurrence, la recourante fonde essentiellement son argumentation sur la prémisse erronée selon laquelle la modification de certains délais procéduraux opérée par le Tribunal arbitral aurait affecté la compétence même de celui-ci. Or, tel n'est pas le cas pour les motifs exposés ci-dessus auxquels on peut renvoyer ici (cf. consid. 4.3 supra). L'intéressée n'expose du reste pas en quoi la violation dénoncée de son droit d'être entendue aurait influé sur l'issue du litige. On relèvera, enfin, que le Tribunal arbitral et l'intimée ont exposé, de façon convaincante, les motifs pour lesquels les pouvoirs du Tribunal arbitral n'avaient pas pris fin le 31 août 2022, date à laquelle la sentence aurait en principe dû être rendue, raison pour laquelle on ne discerne nulle trace d'une quelconque violation du droit d'être entendu de la recourante.  
 
6.  
Dans un troisième moyen, la recourante, invoquant l'art. 393 let. d CPC, reproche au Tribunal arbitral d'avoir enfreint le principe d'égalité des parties. 
 
6.1. Selon la jurisprudence, l'égalité des parties implique que la procédure soit réglée et conduite de manière à ce que chaque partie ait les mêmes possibilités de faire valoir ses moyens (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1).  
 
6.2. Force est de relever que, sous le couvert d'une prétendue violation du principe d'égalité des parties, la recourante se borne à critiquer, sous un autre angle, le fait que les arbitres n'ont pas respecté le calendrier procédural et à déplorer le fait que le rapport d'expertise n'a pas été rendu dans les délais impartis, tout en se plaignant simultanément de ce que les arbitres ont posé des questions supplémentaires aux experts et reporté, par voie de conséquence, l'audience d'arbitrage déjà fixée. Ce faisant, elle reproche, en réalité, aux arbitres d'avoir commis certaines fautes procédurales mais elle échoue à démontrer l'existence d'une violation du principe d'égalité des parties. Il n'apparaît en effet pas, sur la base des constatations souveraines opérées par les arbitres, que la recourante n'aurait pas bénéficié des mêmes possibilités que son adversaire de faire valoir tous ses moyens. Autrement dit, la recourante formule des critiques qui ne s'inscrivent pas dans le cadre tracé par l'art. 393 let. d CPC. Ceci est particulièrement patent lorsque l'intéressée semble reprocher aux arbitres d'avoir, en substance, agi au mépris des règles relatives au fardeau de la preuve et à la maxime des débats.  
 
7.  
Dans un quatrième moyen, l'intéressée, invoquant l'art. 393 let. e CPC, soutient que la sentence querellée est arbitraire à plusieurs égards. Avant d'examiner la recevabilité et, le cas échéant, les mérites des critiques formulées par l'intéressée, il sied de rappeler certains principes. 
 
7.1. Une constatation de fait est arbitraire au sens de l'art. 393 let. e CPC uniquement si le tribunal arbitral, à la suite d'une inadvertance, s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier, soit en perdant de vue certains passages d'une pièce déterminée ou en leur attribuant un autre contenu que celui qu'ils ont réellement, soit en admettant par erreur qu'un fait est établi par une pièce alors que celle-ci ne donne en réalité aucune indication à cet égard. L'objet du grief d'arbitraire en matière de faits est donc restreint: il ne porte pas sur l'appréciation des preuves et les conclusions qui en sont tirées, mais uniquement sur les constatations de fait manifestement réfutées par des pièces du dossier. La façon dont le tribunal arbitral exerce son pouvoir d'appréciation ne peut pas faire l'objet d'un recours; le grief d'arbitraire est limité aux constatations de fait qui ne dépendent pas d'une appréciation, c'est-à-dire à celles qui sont inconciliables avec des pièces du dossier (ATF 131 I 45 consid. 3.6 et 3.7; arrêt 4A_215/2020, précité, consid. 4). Il n'y a ainsi pas de constatation contraire au dossier mais appréciation des preuves lorsque l'arbitre soupèse plusieurs moyens de preuves contradictoires et accorde la préséance à certains au détriment d'autres (arrêt 4A_139/2021, précité, consid. 3.1).  
Il y a par ailleurs violation manifeste du droit lorsque la sentence méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté. Il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable. Le choix d'une solution ne saurait être qualifié d'arbitraire lorsque la question est controversée en doctrine (arrêts 4A_277/2021 du 21 décembre 2021 consid. 3.1; 4A_139/2021, précité, consid. 4.2;). 
Encore faut-il, dans les hypothèses évoquées ci-dessus, que la violation avérée ait rendu la sentence arbitraire dans son résultat, comme le précise expressément l'art. 393 let. e CPC (arrêt 4A_600/2016, précité, consid. 3.1). 
 
7.2.  
 
7.2.1. Dans la première partie du moyen considéré, intitulée "Les plus-values", l'intéressée reproche, en substance, aux arbitres d'avoir écarté certaines prétentions qu'elle avait élevées en lien avec des travaux à plus-values.  
 
7.2.2. En l'occurrence, le Tribunal arbitral a estimé qu'il appartenait à la recourante, qui réclamait divers montants au titre de plus-values, de prouver que l'intimée avait demandé des modifications par rapport au projet initial, et d'établir que ces modifications avaient été exécutées, que les parties s'étaient accordées sur le prix ou que le prix réclamé correspondait au prix effectif et que les frais avaient été effectivement supportés par l'entrepreneur (sentence, n. 138). Il a jugé que les plus-values litigieuses qui avaient été contestées par l'intimée ou acceptées "sous réserve de la facture" n'avaient pas été prouvées et devaient ainsi être écartées, dès lors que la recourante n'avait pas établi que les montants réclamés correspondaient aux prix effectifs ni qu'ils avaient été effectivement payés par la recourante. Les arbitres ont en revanche fait partiellement droit aux prétentions élevées par la recourante, lorsque les montants des plus-values avaient été formellement admis par l'intimée devant le Tribunal arbitral (sentence, n. 142-215).  
 
7.2.3. Bien qu'elle se réfère expressément à la jurisprudence relative à l'art. 393 let. e CPC, telle qu'elle vient d'être rappelée, la recourante ne s'y conforme pourtant pas dans l'application au cas concret des principes posés par le Tribunal fédéral. Elle reproche certes au Tribunal arbitral d'avoir écarté arbitrairement un certain nombre de faits et de moyens de preuve dont il aurait dû tenir compte en examinant les divers postes de travaux à plus-value, respectivement d'avoir procédé à des appréciations insoutenables. Cependant, elle le fait de manière purement appellatoire, au moyen d'une série d'allégations et de renvois à certaines pièces figurant au dossier. Il n'appert nullement de sa démonstration que telle ou telle constatation figurant dans la sentence serait contredite par une pièce déterminée versée au dossier de l'arbitrage. L'intéressée confond, de toute évidence, la notion d'inadvertance manifeste avec celle d'appréciation arbitraire des preuves. Or, cette dernière notion n'est pas constitutive d'un grief recevable dans un recours en matière civile dirigé contre une sentence interne. Pour le reste, la recourante se borne à affirmer, de manière péremptoire, que le Tribunal arbitral aurait méconnu les règles sur le fardeau de la preuve mais elle échoue manifestement à démontrer que les arbitres auraient sombré dans l'arbitraire au sens de l'art. 393 let. e CPC. Point n'est, dès lors, besoin d'examiner plus avant ce chapitre du mémoire de recours.  
 
7.3.  
 
7.3.1. Dans les chapitres de son mémoire intitulés "La livraison partielle de l'ouvrage" et "Avis des défauts", la recourante fait valoir que le Tribunal arbitral aurait versé dans l'arbitraire en ne retenant pas qu'une livraison partielle de l'immeuble, des box et du garage avait eu lieu le 24 mai 2019 et en omettant de constater qu'aucun avis des défauts n'avait été effectué dans les sept jours suivant ladite livraison partielle.  
 
7.3.2. Dans la sentence attaquée, le Tribunal arbitral souligne que, faute d'accord contraire entre les parties, l'ouvrage doit être livré entièrement, ce qui implique que tous les travaux prévus dans le contrat aient été exécutés. Parallèlement, le délai pour notifier les défauts affectant l'ouvrage commence à courir seulement après la livraison. Se référant à l'opinion professée par un auteur, les arbitres relèvent que les parties peuvent convenir d'une livraison partielle de l'ouvrage. En cas de silence du contrat sur ce point, comme en l'espèce, il faut rechercher la volonté des parties par voie d'interprétation, l'existence d'un accord sur des livraisons partielles ne devant pas être retenue à la légère. Passant ensuite à l'examen du cas d'espèce, le Tribunal arbitral constate que le bâtiment était loin d'être achevé le 24 mai 2019, date à laquelle un permis provisoire d'habiter a été délivré. Il observe aussi qu'aucun procès-verbal n'a été établi lors de la séance tenue le 24 mai 2019, au cours de laquelle les clés ont été remises de manière informelle à l'intimée. Sur la base des preuves disponibles, il estime que la volonté des parties n'était pas de convenir d'une livraison partielle le 24 mai 2019 déjà. Il considère que la réception de l'ensemble de l'ouvrage (appartements, extérieurs et parking) est intervenue lors de l'octroi du permis d'habiter pour la totalité du complexe, soit le 4 août 2020 (sentence, n. 229-243).  
 
7.3.3. Il ressort de la sentence attaquée que le Tribunal arbitral a pu "reconstituer" la volonté des parties, en constatant qu'elles n'avaient pas voulu convenir d'une livraison partielle le 24 mai 2019 déjà (sentence, n. 241). Ce faisant, les arbitres ont réussi à déterminer la volonté concordante des parties, c'est-à-dire leur réelle et commune intention, laquelle relève du fait. Dans ces conditions, il appartenait à la recourante de démontrer que semblable constatation de fait était manifestement réfutée par des pièces du dossier. Or, l'argumentation présentée par l'intéressée ne consiste, une fois encore, qu'en une tentative inadmissible de remettre en cause l'appréciation des preuves sur laquelle repose la constatation faite par les arbitres. La recourante ne fait ainsi rien d'autre que d'opposer sa propre appréciation des preuves disponibles à celle opérée par le Tribunal arbitral. Elle se contente en outre de taxer d'arbitraire la solution juridique retenue par les arbitres sans toutefois parvenir à en faire la démonstration. Pour le reste, la thèse de l'intéressée selon laquelle l'avis des défauts aurait été effectué tardivement ne saurait prospérer, puisqu'elle repose sur la prémisse, non avérée, d'une livraison partielle de l'ouvrage intervenue avant le 4 août 2020.  
 
7.4. Dans le chapitre de son mémoire intitulé "Les montants spécifiques alloués par la sentence sur la demande reconventionnelle", l'intéressée reproche aux arbitres d'avoir admis plusieurs prétentions élevées par l'intimée. Toutefois, elle se lance ici derechef dans une critique appellatoire de la sentence attaquée, voire remet en cause, au titre de l'arbitraire visé par l'art. 393 let. e CPC, diverses constatations faites par les arbitres sur la base des preuves dont ils disposaient, méconnaissant ainsi les exigences de motivation applicables en matière de recours dirigé contre une sentence arbitrale (art. 77 al. 3 LTF). La recourante s'écarte aussi, dans une très large mesure, des constatations souveraines du Tribunal arbitral afin d'asseoir sa démonstration, ce qui n'est pas davantage admissible. Quoi qu'il en soit, ses explications ne permettent pas de démontrer que les constatations de fait opérées par le Tribunal arbitral seraient manifestement réfutées par des pièces du dossier. Elles ne suffisent pas davantage à établir une éventuelle violation manifeste du droit commise par les arbitres et encore moins l'arbitraire que comporterait la sentence dans son résultat.  
 
8.  
Dans un cinquième et dernier moyen, la recourante soutient que les dépenses et les honoraires des arbitres fixés par le Tribunal arbitral sont manifestement excessifs. 
 
8.1. Selon l'art. 393 let. f CPC, la partie recourante est autorisée à faire valoir que les frais et honoraires des arbitres fixés par le tribunal arbitral sont manifestement excessifs. Ce grief ne permet toutefois de contester que le montant des frais et honoraires du tribunal arbitral, à l'exclusion de la répartition de ces frais et honoraires entre les parties et des dépens alloués à l'une d'elles (arrêt 4A_49/2019 du 15 juillet 2019 consid. 5). L'art. 393 let. f CPC n'institue pas le Tribunal fédéral en organe de taxation des frais d'arbitrage; au contraire, le tribunal n'est habilité à réduire, au besoin, que des honoraires et frais "manifestement excessifs" (arrêt 4A_49/2019, précité, consid. 5).  
Selon l'art. 395 al. 4 CPC, le Tribunal fédéral est habilité à substituer un montant réduit à celui fixé par le tribunal arbitral. Il incombe à la partie recourante d'articuler des conclusions chiffrées (arrêts 4A_49/2019, précité, consid. 5; 4A_424/2011 du 2 novembre 2011, consid. 1.2); cette exigence est en l'espèce satisfaite, puisque l'intéressée a conclu à ce que les frais et honoraires du Tribunal arbitral soient fixés à 210'000 fr. 
 
8.2. En l'occurrence, il appert que les honoraires des arbitres se sont élevés à 350'000 fr., montant auquel se sont ajoutés les frais d'expertise de 86'000 fr. Le Tribunal arbitral a demandé des provisions sur ses honoraires et frais. Chaque partie s'est acquittée de sa propre avance de frais due de 175'000 fr., tandis que c'est l'intimée qui a réglé intégralement les frais d'expertise. Le Tribunal arbitral a relevé le caractère raisonnable de ses honoraires, compte tenu de la complexité de la cause, de l'enjeu de l'affaire ainsi que des nombreux incidents ayant émaillé la procédure (sentence, n. 453 ss).  
 
8.3. Dans ses écritures, la recourante tente de relativiser la complexité de la cause, en soulignant que les arbitres sont des experts chevronnés en matière de droit de la construction. Elle conteste aussi l'affirmation selon laquelle le Tribunal arbitral aurait dû faire face à divers incidents procéduraux. Elle soutient, par ailleurs, que les frais d'expertise auraient pu être moins élevés. Se référant aux règles de la Chambre de Commerce Internationale, l'intéressée estime que les honoraires des arbitres, arrêtés à 350'000 fr., sont, en comparaison, excessifs et devraient être réduits de 40 %.  
Semblable argumentation n'emporte pas la conviction de la Cour de céans. Le Tribunal fédéral n'examine pas la conduite de la procédure arbitrale, mais uniquement si les frais et honoraires des arbitres, considérés dans leur ensemble, sont manifestement excessifs. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, si l'on tient compte non seulement du temps consacré par les arbitres à la résolution de cette affaire, mais aussi d'autres critères tels que la valeur litigieuse et le degré de difficulté du litige (arrêts 4A_63/2023 du 24 mai 2023 consid. 7.3; 4A_30/2022 du 3 mai 2022 consid. 3.4.2). Dans ses observations sur le recours, le Tribunal arbitral expose en outre, sans être contredit par la recourante, que les parties ont été informées de manière transparente sur l'évolution des coûts prévisibles de la procédure et ont régulièrement payé les avances de frais requises. Il relève aussi que la valeur litigieuse était supérieure à 2'000'000 fr. et qu'il a investi 692 heures dans la présente cause, - ce qui représente un tarif horaire moyen de 505 fr. pour les trois arbitres (350'000 fr. / 692 heures) -, afin de trancher une affaire qui s'est révélée très complexe et extrêmement litigieuse sur le plan procédural. Sur le vu de ces explications et eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause en litige, les critiques formulées par la recourante ne sont pas de nature à faire apparaître les frais et honoraires des arbitres comme manifestement excessifs. Le moyen pris de la violation de l'art. 393 let. f CPC se révèle ainsi infondé. 
 
9.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à son adverse partie (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 16'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 18'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Sierre. 
 
 
Lausanne, le 13 décembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo