7B_156/2024 13.03.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_156/2024  
 
 
Arrêt du 13 mars 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président 
Hurni et Hofmann. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Delphine Gonseth, 
Juge auprès de la Chambre pénale d'appel et de révision de la République et canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3, 
intimée. 
 
Objet 
Récusation, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 7 décembre 2023 
(AARP/464/2023 - PS/108/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par jugement J-2022 du 13 décembre 2022 (cause P-2020), le Tribunal de police du Tribunal pénal de la République et canton de Genève a reconnu A.________ coupable de représentation de la violence (art. 135 al. 1 et 1bis CP), de pornographie (art. 197 ch. 5 CP) et de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).  
Le prévenu a fait appel de ce jugement. 
 
A.b. Par arrêt AARP-159 du 8 mai 2023 (cause PS-48), la Chambre pénale d'appel et de révision de la République et canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale d'appel et de révision) a ordonné la récusation de la Juge de la Chambre pénale d'appel et de révision alors en charge de la direction de la procédure relative à l'appel formé contre le jugement de première instance susmentionné.  
La Juge Delphine Gonseth a repris cette fonction le 9 mai 2023. 
 
A.c. Par courrier daté du 26 mai 2023 - posté le 30 mai 2023 -, A.________, agissant sans l'assistance de son mandataire, a demandé la récusation de la Juge Delphine Gonseth (ci-après : la Juge intimée); il lui reprochait en substance d'avoir rejeté, par courrier non motivé du 17 mai 2023, ses réquisitions de preuve. Au cours de la procédure de récusation, il lui a également en substance fait grief de n'avoir pas suspendu la procédure d'appel, respectivement de n'avoir pas motivé son refus sur cette question.  
Par arrêt AARP-304 du 16 août 2023 (cause PS-64), la Chambre pénale d'appel et de révision a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, cette requête de récusation. 
 
B.  
Par requête du 5 octobre 2023, A.________ a sollicité une nouvelle fois la récusation de la Juge intimée (cause PS/108/2023). 
Par arrêt AARP/464/2023 du 7 décembre 2023 (cause PS/108/203), la Chambre pénale d'appel et de révision a rejeté cette requête de récusation. 
Il ressort de cet arrêt les éléments suivants en lien notamment avec le déroulement de la procédure d'appel. 
 
B.a. Préalablement à la première requête de récusation, la Juge intimée a rejeté, par ordonnance du 17 mai 2023, les réquisitions de preuve déposées par A.________. Il a notamment été rappelé au prévenu qu'il pouvait librement produire tous les documents utiles à sa défense.  
A la suite d'une demande du 23 mai 2023 de l'avocat de A.________ relative à une demande de suspension (i) de la procédure d'appel et (ii) du délai imparti pour déposer le mémoire d'appel motivé jusqu'à droit connu sur la "plainte" adressée le 3 avril 2023 par son mandant au Ministère public de la Confédération, au Centre national pour la cybersécurité et à Interpol, la Juge intimée a reporté au 15 juin 2023 le délai pour déposer un mémoire d'appel motivé. 
Agissant personnellement, A.________ a en substance réitéré, le 25 mai 2023, la requête de suspension de la procédure. Cette demande a été rejetée le 31 mai 2023, dès lors que les "conditions de l'art. 329 al. 2 CPP [n'étaient] pas réalisées, de sorte que la procédure [était] en état d'être jugée, et qu'en toute hypothèse, l'utilité des « enquêtes » auxquelles [A.________] se référ[ait avait] déjà été tranchée lorsqu'il [avait] été statué sur les réquisitions de preuve". 
 
B.b. Parallèlement à la première procédure de récusation, le prévenu, agissant sans avocat, a sollicité, le 29 mai 2023, une décision motivée sur le rejet des réquisitions de preuve. Par courrier du 7 juin 2023 - faisant référence à des communications des 11 avril, 25 mai et 7 juin 2023 -, il a réitéré ses demandes de suspension et a sollicité une décision motivée sur le rejet de ses réquisitions de preuve. Le 9 juin 2023, la Juge intimée a transmis ce dernier courrier à l'avocat du prévenu, en le priant d'informer son mandant qu'elle avait reçu ses courriers; elle a précisé qu'il serait "statué sur ses différentes requêtes" lorsque la demande de récusation aurait été tranchée (cf. ci-dessus let. A.c).  
Par "n'empêche" du 9 août 2023, la Juge intimée a accepté de reporter jusqu'au 15 septembre 2023 le délai pour déposer le mémoire d'appel motivé vu la procédure de récusation en cours (cf. ci-dessus let. A.c). 
Le mandataire du prévenu a sollicité une nouvelle prolongation en raison d'un éventuel recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt AARP-304 du 16 août 2023 rejetant sa requête de récusation (cf. ci-dessus let. A.c). En l'absence de la Juge intimée, cette prolongation a été accordée, mais uniquement jusqu'au 30 septembre 2023. 
Par courriers des 18, 22 et 26 septembre 2023, A.________ - agissant seul - a requis le report sine die du délai pour déposer son mémoire d'appel motivé, soit jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral sur sa requête de récusation; il a également relevé que la Juge intimée persistait à ne pas rendre de décision motivée sur les réquisitions de preuve ou sur son refus de suspendre la procédure d'appel. Le 27 septembre 2023, la Juge intimée a informé le prévenu qu'elle n'entendait pas lui accorder un délai sine die, mais ne voyait pas d'objection à le prolonger, dans l'attente d'une éventuelle saisine du Tribunal fédéral; elle s'est référée à ses précédentes décisions s'agissant de la suspension de la procédure, répétant que les conditions y relatives n'étaient pas réalisées. 
Le 2 octobre 2023, A.________ a relevé que la Juge intimée n'avait pas fixé de nouveau délai pour le dépôt de son mémoire d'appel motivé; il a également réitéré sa demande de motivation en lien avec la suspension de la procédure et le rejet de ses réquisitions de preuve. Par courrier du 3 octobre 2023, la Juge intimée a pris note de la résiliation immédiate du mandat de l'avocat du prévenu et, en tenant notamment compte de ce motif, a imparti un délai au 20 octobre 2023 à A.________ pour déposer son mémoire d'appel motivé; elle lui a également rappelé qu'il avait déjà été statué, de manière formelle et motivée, sur les réquisitions de preuve, ainsi que sur la demande de suspension. 
 
B.c. Après le dépôt de sa nouvelle requête de récusation du 5 octobre 2023, A.________ a informé, les 11 et 26 octobre 2023, la Juge intimée qu'il avait recouru au Tribunal fédéral contre l'arrêt AARP-304 du 16 août 2023 (cause 7B_739/2023; cf. ci-dessus let. A.c), requérant dès lors que le délai pour déposer son mémoire d'appel soit reporté jusqu'à droit jugé; il est également revenu sur sa demande de suspension de la procédure et sur ses réquisitions de preuve.  
Le 16 octobre 2023, le nouvel avocat de A.________ a requis la suspension du délai pour le dépôt du mémoire d'appel motivé jusqu'à droit connu sur le recours au Tribunal fédéral (cause 7B_739/2023; cf. ci-dessus let. A.c) et sur la requête de récusation du 5 octobre 2023 (cause PS/108/2023; cf. ci-dessus let. B). Le 18 octobre 2023, la Juge intimée a prolongé le délai jusqu'au 30 novembre 2023. 
 
 
C.  
Par acte du 1er février 2024, A.________, agissant sans son avocat, interjette un recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt AARP/464/2023 du 7 décembre 2023, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que la récusation de la Juge Delphine Gonseth soit ordonnée et subsidiairement à son annulation suivie du renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants (cf. ch. 6 de ses conclusions). En tout état de cause, il demande la condamnation de "l'Etat de Genève à tous les frais et dépens", ainsi que l'allocation d'une indemnité de 3'000 fr. (cf. ch. 8 et 9 de ses conclusions). Préalablement, il sollicite la jonction de la cause relative au présent recours avec la cause 7B_739/2023, l'octroi de l'effet suspensif et la suspension de la procédure P-2020 pendante devant la Chambre pénale d'appel et de révision, subsidiairement l'annulation du délai qui lui a été imparti au 31 mars 2024 pour déposer un mémoire d'appel motivé (cf. ch. 2, 3 et 4 de ses conclusions). Dans le délai imparti par le Tribunal fédéral, le recourant a produit une copie de l'arrêt attaqué. Le 28 février 2024, il a sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant demande la jonction de la présente cause avec la procédure 7B_739/2023 relative à son recours contre l'arrêt AARP-304. 
Certes, on ne saurait ignorer que des questions similaires sont soulevées dans ces deux causes. Cela dit, les recours sont formés contre deux arrêts séparés, rendus en outre à des dates différentes. Il n'y a donc pas lieu de joindre les causes. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. De plus, le Tribunal fédéral n'entre en matière sur de tels moyens que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF), les critiques de nature appellatoire étant irrecevables (ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
Faute d'une argumentation conforme à ces exigences, il n'y a dès lors pas lieu de prendre en compte les éléments de faits tels que rapportés par le recourant dans les premières pages de son mémoire du 1er février 2024. 
 
2.2. Pour le surplus et vu l'issue du litige, les questions de recevabilité peuvent rester indécises.  
 
3.  
 
3.1. Les principes relatifs à un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP ont été rappelés au recourant dans l'arrêt 7B_739/2023 rendu le 13 mars 2024 (cf. consid. 2.3), ainsi que dans l'arrêt AARP/464/2023 attaqué (cf. consid. 2.1). Il peut donc y être renvoyé.  
 
3.2. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours au Tribunal fédéral doivent indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. En particulier, le recourant doit motiver son recours en exposant succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (cf. art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse (ATF 146 IV 297 consid. 1.2); en particulier, la motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale (ATF 123 V 335; arrêts 6B_99/2024 du 14 février 2024 consid. 3; 7B_449/2023 du 30 novembre 2023 consid. 1.1).  
 
3.3. Dans une argumentation circonstanciée, la Chambre pénale d'appel et de révision a écarté les griefs - dans la mesure où ils étaient compréhensibles - soulevés par le recourant en lien avec le défaut de suspension de la procédure d'appel. Elle a en particulier relevé que le choix de la Juge intimée de procéder par des prolongations successives de délais pour déposer le mémoire d'appel motivé en lieu et place d'une suspension de la procédure démontrait qu'elle avait, sur le principe, accédé à la demande du recourant, lequel était ainsi mal venu d'y voir une démonstration de prévention (cf. consid. 2.2.1 p. 8 de l'arrêt attaqué).  
Le recourant ne développe aucune argumentation permettant de comprendre en quoi cette appréciation serait erronée. En particulier, le seul fait qu'il n'adhère pas au mode choisi par la Juge intimée, ainsi qu'aux motivations retenues par celle-ci notamment pour rejeter ses réquisitions de preuve (cf. l'ordonnance du 17 mai 2023) ou refuser la suspension de la procédure d'appel (cf. l'ordonnance du 31 mai 2023 et le courrier du 27 septembre 2023 [cf. notamment p. 20 du recours]) ne constitue pas en soi un motif démontrant une apparence de prévention à son égard. Il en va de même du fait que la Juge intimée n'ait pas modifié sa position sur la question de la suspension de la procédure et ait continué à procéder par le biais de prolongations de délais à la suite du dépôt de la première, puis de la deuxième requête de récusation (cf. en particulier p. 22 du recours). Le recourant ne saurait en effet utiliser cette voie particulière pour s'opposer, y compris de manière anticipée, aux décisions relatives au déroulement de la procédure d'appel qui lui déplaisent (cf. ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt 7B_677/2023 du 24 novembre 2023 consid. 3.2 in fine). 
 
3.4. Dans son mémoire au Tribunal fédéral (cf. en particulier p. 21 et 23 du recours), le recourant semble encore reprocher à la Juge intimée de n'avoir pas statué à réception de sa demande du 18 septembre 2023 visant à obtenir le report du délai pour déposer son mémoire d'appel motivé; elle ne se serait prononcée que le 27 septembre 2023, soit après deux "relances" de sa part.  
A cet égard, l'autorité précédente a considéré qu'un laps de temps de neuf jours pour répondre au courrier du recourant n'avait rien d'excessif, dès lors que la procédure concernant le recourant n'était pas la seule au rôle de la Juge intimée (cf. consid. 2.2.1 p. 8 de l'arrêt attaqué). On relèvera tout d'abord qu'au vu des deux "relances" déposées par le recourant, celui-ci a su défendre ses droits; il ne prétend d'ailleurs pas avoir dû déposer son mémoire d'appel motivé faute d'avoir obtenu en temps utile une prolongation du délai pour ce faire. En tout état de cause, la Juge intimée - confrontée à de nombreuses sollicitations de la part du recourant ou de son avocat relatives en outre à des questions souvent similaires - aurait-elle réellement tardé à agir que cette seule circonstance ne saurait constituer une erreur grave de sa part qui démontrerait une violation grave de ses devoirs (cf. ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt 7B_189/2023 du 16 octobre 2023 consid. 2.2.1 et les arrêts cités). Une telle hypothèse semble d'autant moins réalisée qu'au vu de la position adoptée jusqu'alors en lien avec la procédure de récusation, rien ne permet de considérer, même sous l'angle de la vraisemblance, que la Juge intimée n'aurait pas accordé la prolongation de délai requise. 
 
3.5. Le recourant ne remet enfin pas en cause les explications données par la cour cantonale quant à la portée de son arrêt AARP-304, à savoir en substance qu'il ne lui appartenait pas, dans le cadre d'une requête de récusation, de se prononcer sur la demande de suspension ou sur les réquisitions de preuve sollicitées, mais uniquement sur la justesse du choix opéré par la Juge intimée de reporter ses réponses à ce propos; l'autorité précédente a au demeurant relevé que des décisions formelles avaient été rendues (cf. les ordonnances du 17 et du 31 mai 2023 [consid. 2.2.3 p. 9 de l'arrêt attaqué]).  
 
3.6. Au regard des considérations qui précèdent, la Chambre pénale d'appel et de révision n'a pas violé le droit fédéral en rejetant la requête de récusation du 5 octobre 2023.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (cf. art. 64 al. 1 LTF). Son recours était cependant d'emblée dénué de chances de succès et cette requête doit être rejetée. Le recourant, qui succombe, supportera dès lors les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF); ils seront fixés en tenant compte du fait qu'il n'a pas été procédé à un échange d'écritures. Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
Vu l'issue du présent litige, les conclusions visant à l'octroi de l'effet suspensif et au prononcé de mesures provisionnelles sont sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, fixés à 600 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève, au Ministère public de la République et canton de Genève et, pour information à Me B.________. 
 
 
Lausanne, le 13 mars 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Kropf