2C_1028/2021 16.11.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_1028/2021  
 
 
Arrêt du 16 novembre 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffière : Mme Colella. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
c/o B.________, 
représenté par Me Lida Lavi, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Commissaire de police du canton de Genève, boulevard Carl-Vogt 17-19, 1211 Genève 8, 
 
Secrétariat d'Etat aux migrations, 
Quellenweg 6, 3003 Berne. 
 
Objet 
Interdiction de pénétrer sur le territoire 
de la République et canton de Genève, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de 
la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, du 16 novembre 2021 (ATA/1236/20201). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a.  
A.________, né en 1970, est un ressortissant algérien, également connu sous le nom de C.________, ressortissant marocain né en 1973. Le 6 juin 2003, sa demande d'asile a été rejetée et le Secrétariat d'Etat aux migrations a ordonné son renvoi de Suisse. Ce renvoi n'a pas pu être exécuté par les autorités vaudoises, alors désignées responsables de sa prise en charge. 
 
A.b. Selon un extrait de son casier judiciaire, A.________ a été condamné à onze reprises par les autorités de poursuite pénales suisses, principalement pour des infractions telles que vols, séjour illégal, non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une zone déterminée ou encore exercice d'une activité lucrative sans autorisation. En outre, des recherches dans les bases de données de la police ont révélé qu'il faisait l'objet de trois mandats d'arrêts.  
 
A.c. Le 7 octobre 2021, A.________ a été interpellé dans la gare de l'aéroport de Genève après avoir volé environ 300 fr. et 350 euros ( recte : 140 fr. et 330 euros). Entendu par la police le 8 octobre 2021, il a expliqué n'avoir ni travail, ni argent, ni domicile fixe. Il était en Suisse depuis trente ans et projetait de demander un permis humanitaire. Pour ces faits, le Ministère public genevois l'a reconnu coupable de vol au sens de l'art. 139 CP, faux dans les certificats et séjour illégal en Suisse, et l'a condamné, le 8 octobre 2021, à une peine privative de liberté de 90 jours. L'opposition formée par A.________ contre cette ordonnance est pendante.  
 
B.  
Le 11 octobre 2021, le Commissaire de police de la République et canton de Genève (ci-après: le Commissaire de police) a prononcé une interdiction de pénétrer dans l'ensemble du territoire genevois pour une durée de douze mois à l'encontre de A.________. 
Le 18 octobre 2021, l'intéressé a formé opposition contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif). Entendu par cette autorité, il a reconnu avoir perpétré un vol le 7 octobre 2021 et a indiqué qu'il passait deux à trois jours par semaine à Genève chez son amie, B.________, pour faire plus ample connaissance car ils envisageaient de se marier. Ils avaient déposé une demande en vue d'un mariage en 2019 qu'il devait réactiver. Par jugement du 27 octobre 2021, le Tribunal administratif a rejeté l'opposition. 
Le 8 novembre 2021, A.________ a recouru auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre ce jugement en concluant, outre à l'effet suspensif et à la comparution de B.________, à son annulation. Il indiquait qu'il vivait depuis trois ans une véritable communauté de vie à Genève avec B.________ - ce que cette dernière confirmait dans une attestation datée du 5 novembre 2021 - et qu'ils avaient entrepris des démarches en vue de leur mariage. En outre, le vol commis le 7 octobre 2021 n'était que de peu de gravité et le jugement entrepris était disproportionné en ce qu'il l'éloignait de son amie. 
Par arrêt du 16 novembre 2021, la Cour de justice a rejeté le recours. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ (ci-après: le recourant) demande au Tribunal fédéral, outre l'octroi de l'effet suspensif et de l'assistance judiciaire, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 16 novembre 2021 et de lui renvoyer la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Par courrier du 20 décembre 2021, le Président de la IIe Cour de droit public a indiqué que la demande d'assistance judiciaire serait traitée ultérieurement et, par ordonnance du 4 janvier 2022, le Tribunal fédéral a rejeté la demande d'effet suspensif. 
Par courriers des 6 janvier et 2 février 2022, la Cour de justice ainsi que le Commissaire de police ont conclu au rejet du recours. Le Secrétariat d'Etat aux migrations n'a pas déposé d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 I 239 consid. 2). 
 
1.1. La voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte à l'encontre d'un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en dernière instance cantonale par une autorité judiciaire supérieure (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) en matière de mesures de contrainte (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.1.3; arrêt 2C_497/2021 du 22 mars 2022 consid. 1.1). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF).  
 
1.2. La qualité pour recourir auprès du Tribunal fédéral suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée (cf. art. 89 al. 1 LTF). Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). Si l'intérêt actuel disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet, alors qu'il est irrecevable si l'intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 139 I 206 consid. 1.1).  
En matière de détention, notamment administrative, un intérêt actuel et pratique au recours n'existe plus lorsque la personne détenue a été libérée avant que le Tribunal fédéral ne tranche (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 p. 143; 137 I 296 consid. 4.2 p. 299). Le Tribunal fédéral entre toutefois en matière même s'il n'existe plus d'intérêt actuel et pratique au recours lorsque la partie recourante invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 139 I 206 consid. 1.2.1). 
 
1.3. En l'espèce, la décision du Commissaire de police interdisant au recourant de pénétrer dans l'ensemble du territoire genevois pour une durée de douze mois a été prononcée le 11 octobre 2021 et notifiée à l'intéressé le même jour. Cette décision a été confirmée le 27 octobre 2021 par le Tribunal administratif, puis le 16 novembre 2021 par la Cour de justice, sans que l'effet suspensif ait été restitué. Le recours en matière de droit public a été déposé auprès du Tribunal fédéral le 17 décembre 2021, et la requête d'octroi de l'effet suspensif a été rejetée le 4 janvier 2022.  
Dans un tel cas, il convient d'admettre qu'il existait un intérêt actuel au moment du dépôt du recours, mais qu'il a disparu en cours de procédure, l'interdiction de pénétrer dans l'ensemble du territoire genevois pour douze mois ayant pris fin le 11 octobre 2022. Cela rend le recours sans objet en raison de la perte d'intérêt actuel à recourir du recourant (cf. ATF 137 I 23 consid. 1.3.1). Le recourant invoque toutefois de manière défendable une violation de l'art. 8 CEDH en lien avec son concubinage. La question de savoir si la jurisprudence fédérale précitée en matière de détention administrative s'applique aussi à l'interdiction de pénétrer dans un territoire et justifierait donc d'entrer en matière sur le recours peut toutefois demeurer indécise, car le recours aurait de toute façon vraisemblablement dû être rejeté sur le fond (cf. infra consid. 1.5). 
 
1.4. Lorsque le Tribunal fédéral raye une cause du rôle, il statue sur les frais de la procédure et les dépens par une décision sommairement motivée, en application de l'art. 71 LTF en relation avec l'art. 72 de la loi fédérale de procédure civile fédérale (RS 273). La décision sur les frais et dépens doit se fonder sur l'issue présumée de la procédure devant le Tribunal fédéral (ATF 118 Ia 488 consid. 4a; arrêt 2D_63/2019 du 21 janvier 2020 consid. 3).  
 
1.5. En l'espèce, le recourant invoque une constatation manifestement inexacte des faits pertinents et une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), de l'art. 74 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20), de l'art. 8 CEDH et du principe de proportionnalité.  
Eu égard au premier grief, il est vrai que, dans son arrêt du 16 novembre 2021, la Cour de justice a inexactement indiqué, au même titre que le Commissaire de police et le Tribunal administratif, que le recourant avait été condamné pour le vol d'environ 300 fr. et 350 euros, alors que l'Ordonnance pénale du 8 octobre 2021 faisait état d'un vol de 140 fr. et 330 euros. Toutefois, le recourant n'a jamais sollicité la correction du vice devant les juridictions précédentes et il ne démontre pas qu'elle aurait influencé le sort de la cause. En tout état de cause, les montants volés dépassent 300 fr. de sorte que leur soustraction reste constitutive d'un vol au sens de l'art. 139 CP et non d'une infraction d'importance mineure, au sens de l'art. 172ter CP (cf. ATF 142 IV 129 consid. 3.1; 123 IV 113 consid. 3a). 
Eu égard au grief de violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), la Cour de justice a considéré que les auditions sollicitées n'étaient pas de nature à modifier son opinion, car le recourant avait pu s'exprimer oralement et par écrit devant le Commissaire de police et le Tribunal administratif, puis par écrit devant elle, et produire toutes les pièces utiles. En outre, il n'exposait pas quelles informations supplémentaires utiles son audition ou celle de son amie auraient pu apporter. On ne voit dès lors pas, et le recourant ne le démontre pas non plus, en quoi cette appréciation anticipée des preuves (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1) serait arbitraire (sur la cognition du Tribunal fédéral limitée à l'arbitraire, cf. ATF 138 III 374 consid. 4.3.2), étant rappelé que le droit d'être entendu ne comprend pas, en principe, le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3). 
Quant à l'art. 74 al. 1 let. a LEI, il permet à l'autorité cantonale compétente d'enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée lorsque celui-ci n'est pas titulaire d'un titre de séjour et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics. Or, le recourant ne conteste pas n'être au bénéfice d'aucun titre de séjour, faire l'objet d'une décision de renvoi définitive et exécutoire, avoir été condamné à onze reprises par les autorités de poursuite pénale suisses, et avoir commis un nouveau vol le 7 octobre 2021. De tels faits constituent, sur le principe, des motifs suffisants pour lui interdire de pénétrer dans une région déterminée au sens de cette disposition. Eu égard à la proportionnalité d'une telle interdiction, la Cour de justice a estimé qu'au vu de l'absence de communauté conjugale, de la durée du séjour illégal du recourant en Suisse, de la multiplication des infractions à la LEI, et du fait que son amie pourrait toujours rencontrer le recourant dans le canton de Vaud, l'interdiction était apte à atteindre son but et sa durée apparaissait proportionnée. Cette conclusion, qui procède d'une pesée détaillée des intérêts en présence, n'appelle aucune critique. 
Enfin, eu égard à l'atteinte alléguée au droit à la vie privée et familiale garanti à l'art. 8 CEDH, la Cour de justice a estimé que le recourant ne pouvait se prévaloir de cette disposition, faute d'avoir pu établir l'existence d'un concubinage avec B.________. Les revirements des déclarations du recourant sur ce point devant les différentes autorités, l'absence de preuves tangibles d'une réelle vie de couple - l'attestation de communauté conjugale formulée en termes généraux par B.________ la veille du recours ayant été jugée de faible valeur probante - et le renoncement à la procédure de mariage entamée en 2019 ne permettaient pas de retenir l'existence d'une communauté de vie au sens de cette disposition. 
Un tel raisonnement s'inscrit dans la ligne de la jurisprudence relative à l'art. 8 CEDH, qui prévoit qu'un étranger qui vit en concubinage avec un ressortissant suisse ou une personne ayant le droit de s'établir en Suisse ne peut prétendre à une autorisation de séjour que s'il entretient depuis longtemps des relations étroites et effectivement vécues avec son concubin ou s'il existe des indices concrets d'un mariage sérieusement voulu et imminent (cf. ATF 144 I 266 consid. 2.5; arrêt 2C_401/2018 du 17 septembre 2018 consid. 6). De plus, il faut que les relations entre les concubins puissent, par leur nature et leur stabilité, être assimilées à une véritable union conjugale pour bénéficier de la protection de l'art. 8 par. 1 CEDH (arrêts 2C_162/2018 du 25 mai 2018 consid. 4.1). Faute de relation de concubinage établie et d'indices concrets d'un mariage sérieusement voulu et imminent, le recourant ne peut donc pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour rester auprès de son amie. 
Le recours aurait ainsi été dénué de chances de succès devant le Tribunal fédéral, ce dont il sera tenu compte pour la fixation des frais et dépens (cf. supra consid. 1.4). 
 
2. Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré sans objet et la cause rayée du rôle. Compte tenu de l'issue prévisible du recours, la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF) et les frais judiciaires mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Le montant sera fixé en tenant compte de la situation financière de l'intéressé. Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 3 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
La cause, devenue sans objet, est rayée du rôle. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Commissaire de police du canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 2ème section, et au Secrétariat d'Etat aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 16 novembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : S. Colella