1B_272/2023 07.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_272/2023  
 
 
Arrêt du 7 juin 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Müller, Juge Présidant, 
Chaix et Kölz. 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois, p.a. Ministère public central du canton 
de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Procédure pénale; refus de désigner un avocat d'office à la partie plaignante, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 avril 2023 (336 - PE19.020994-DTE). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance pénale du 12 avril 2022, le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois a notamment condamné B.________ pour injure à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 30 francs le jour, renoncé à révoquer un précédent sursis et renvoyé le plaignant, A.________, né en 1945, à agir au civil s'agissant de ses prétentions civiles. 
Le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a rejeté préjudiciellement l'opposition formée par A.________ à cette ordonnance au terme d'un prononcé rendu le 23 décembre 2022 que la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a annulé sur recours du prévenu par arrêt du 23 février 2023. Elle lui a renvoyé le dossier de la cause et l'a invité à statuer sur la requête de demande de désignation d'un conseil d'office présentée le 16 décembre 2022 par A.________. 
Par prononcé du 6 avril 2023, le Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a refusé de désigner un conseil d'office au plaignant et mis les frais de la décision à sa charge. Il a considéré en substance que la cause était simple et que la défense des intérêts du plaignant n'exigeait pas l'assistance d'un conseil juridique. Le même jour, il a cité les parties à comparaître à une audience fixée le 26 juin 2023. 
La Chambre des recours pénale a confirmé le prononcé du 6 avril 2023 au terme d'un arrêt rendu le 26 avril 2023, notifié le 12 mai 2023. 
 
B.  
Par acte du 22 mai 2023, A.________ recourt contre cet arrêt en concluant à ce que le Tribunal fédéral lui octroie le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, désigne Me Florence Aebi, avocate à Lausanne, comme conseil juridique gratuit, mette les frais de l'arrêt du 26 avril 2023 à la charge de l'Etat de Vaud et annule les frais mis à sa charge par le Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois dans son prononcé du 6 avril 2023. 
La Chambre des recours pénale et le Ministère public ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale est immédiatement ouvert contre une décision incidente par laquelle l'assistance judiciaire est refusée à une partie à la procédure pénale dès lors qu'elle est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 202 consid. 2.2). Le recourant peut se prévaloir d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour qu'il lui désigne un conseil juridique gratuit (art. 81 al. 1 let. b LTF). Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF). 
 
2.  
A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. 
L'art. 136 CPP concrétise les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire pour la partie plaignante dans un procès pénal (cf. ATF 144 IV 299 consid. 2.1). Selon cette disposition, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante indigente pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles si l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (al. 1). L'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (al. 2 let. a), l'exonération des frais de procédure (al. 2 let. b) et/ou la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (al. 2 let. c). 
Selon les critères déduits de l'art. 29 al. 3 Cst. par la jurisprudence pour juger de la nécessité de la désignation d'un conseil juridique au lésé, la procédure pénale ne nécessite en principe que des connaissances juridiques modestes pour la sauvegarde des droits du lésé; il s'agit essentiellement d'annoncer ses éventuelles prétentions en réparation de son dommage et de son tort moral ainsi que de participer aux auditions des prévenus et des témoins éventuels et de poser, le cas échéant, des questions complémentaires; un citoyen ordinaire devrait ainsi être en mesure de défendre lui-même ses intérêts de lésé dans une enquête pénale (ATF 123 I 145 consid. 2b/bb repris dans le Message relatif à l'unification de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 ch. 2.3.4.2 p. 1160; voir aussi, arrêt 1B_18/2023 du 17 février 2023 consid. 3). 
Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que la partie plaignante ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF 123 I 145 consid. 2b/cc; 1B_18/2023 du 17 février 2023 consid. 3). 
 
3.  
Le recourant, dont l'indigence n'est pas contestée, reproche à la cour cantonale d'avoir indument retenu que les raisons de santé invoquées ne suffisaient pas pour lui octroyer l'assistance d'un conseil juridique gratuite. 
La Chambre des recours pénale a considéré que malgré son âge et au vu de ses explications, le recourant était parfaitement au fait des opérations judiciaires de la procédure dont il est à l'origine. Son état de santé et son âge ne l'empêchaient pas de rédiger des mémoires pourvus de moyens étayés par des références légales et des citations jurisprudentielles. Il avait, sans assistance juridique, obtenu gain de cause devant elle dans deux précédentes procédures ainsi qu'à une reprise devant la Cour d'appel pénale, ce qui prouvait, si besoin était, qu'il est en mesure de défendre seul les conclusions civiles qu'il entend prendre. Quant au certificat médical produit le 26 avril 2023, s'il atteste que le recourant présente plusieurs atteintes à sa santé, il ne modifiait pas l'analyse qui précède, étant précisé que la possibilité qu'il connaisse des troubles de la mémoire lors de l'audience relève du déroulement des débats; au demeurant, dès lors que le recourant a l'exercice des droits civils, il lui sera loisible de chiffrer et de motiver ses conclusions civiles par écrit, conformément à l'art. 123 CPP
Le recourant reproche aux précédents juges d'avoir pris leur décision sans tenir compte du certificat médical de son médecin traitant produit le 26 avril 2023, même si l'arrêt motivé notifié le 12 mai 2023 y fait allusion. Dans son recours, il avait invoqué non pas des troubles de mémoire mais le risque de survenance d'un ictus amnésique, dont il a connu par le passé deux épisodes ayant nécessité son hospitalisation. La Chambre des recours pénale aurait méconnu la véritable nature et l'ampleur de cette maladie en ramenant celle-ci à des troubles de la mémoire dont la possible survenance lors d'une audience relèverait du déroulement des débats. Il aurait sollicité d'être assisté à l'audience par un avocat au courant de sa pathologie et du dossier afin d'éviter qu'un tel épisode survienne aux débats. 
Dans le certificat médical du 24 avril 2023, le médecin traitant du recourant précise que ce dernier a vécu par le passé plusieurs ictus amnésiques, dont deux prolongés, dans des situations conflictuelles. La tenue d'une audience devant un tribunal peut s'apparenter à une telle situation. La présence d'une avocate aux côtés du recourant à cette occasion ne permet certes pas d'exclure la survenance d'un nouvel ictus amnésique, lequel se traduit par une perte brutale de la mémoire antérograde temporaire, une désorientation spatio-temporelle et une totale confusion; elle permettrait toutefois si ce n'est d'éviter au recourant du moins d'atténuer le stress de devoir se présenter seul à l'audience et de garantir que les débats se déroulent dans la sérénité requise, ceci dans l'intérêt non seulement de l'intéressé, mais aussi de la justice. Une telle présence est d'autant plus opportune que le prévenu est assisté d'un avocat, circonstance de nature à augmenter l'état de tension du recourant. La possibilité pour ce dernier de chiffrer et de motiver par écrit ses conclusions civiles n'est au surplus pas de nature à diminuer le stress lié à sa comparution à l'audience du 26 juin 2023. 
Cela étant, la désignation d'un conseil juridique gratuit pour assister le recourant devant le Tribunal de police s'imposait pour les raisons de santé évoquées. 
Partant, en refusant d'octroyer au recourant l'assistance d'un conseiller juridique gratuit en vue de l'audience du 26 juin 2023, l'instance précédente a violé le droit fédéral. 
 
4.  
Le recours doit par conséquent être admis. L'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée au Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois afin qu'il nomme un conseil juridique gratuit au recourant en la personne de Me Florence Aebi, avocate à Lausanne, ou d'un autre avocat, ainsi qu'à la Chambre des recours pénale pour nouvelle décision sur les frais de la procédure cantonale de recours. 
Le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, qui a procédé seul, ne saurait prétendre à des dépens (ATF 135 III 127 consid. 4). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée au Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois afin qu'il nomme un conseil juridique gratuit au recourant en la personne de Me Florence Aebi, avocate à Lausanne, ou d'un autre avocat, ainsi qu'à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais de la procédure cantonale de recours. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois, à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ainsi que, pour information, au Président du Tribunal de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. 
 
 
Lausanne, le 7 juin 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Müller 
 
Le Greffier : Parmelin