6B_1374/2021 18.01.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1374/2021  
 
 
Arrêt du 18 janvier 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Jacquemoud-Rossari, Présidente, Muschietti et van de Graaf. 
Greffière : Mme Paris. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Laura Panetti-Caruso, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Indemnité de détention injustifiée; arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 8 octobre 2021 
(P/18604/2020 AARP/318/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 4 mars 2021, le Tribunal de police genevois a acquitté A.________ d'infraction grave à la loi sur les stupéfiants (LStup) et d'entrée illégale. Il a condamné l'État de Genève à lui verser 30'400 fr. à titre d'indemnité pour la réparation du tort moral subi (art. 429 al. 1 let. c CPP). 
 
B.  
Par arrêt du 8 octobre 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a admis partiellement l'appel du ministère public en ce sens qu'elle a réduit l'indemnité à 15'200 fr. Elle a, en particulier, alloué à A.________ une indemnité de 100 fr. par jour pour la détention injustifiée subie, en lieu et place des 200 fr. alloués par le tribunal de police. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que l'État de Genève est condamné à lui verser la somme de 30'400 fr. à titre de réparation du tort moral. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les décisions sur les prétentions en indemnisation prévues à l'art. 429 al. 1 CPP, notamment celles relatives au tort moral (let. c), constituent des décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF contre lesquelles le recours en matière pénale est ouvert (ATF 139 IV 206 consid. 1). Dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF), le recours est en principe recevable. 
 
2.  
Sous couvert d'une violation du droit d'être entendu, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir examiné de son propre chef, et non sur appel du ministère public, la question du montant de l'indemnité visée par l'art. 429 al. 1 let. c CPP. 
 
2.1. Selon l'art. 404 al. 1 CPP, la juridiction d'appel ne peut examiner que les points du jugement de première instance qui sont attaqués dans l'appel et dans l'appel joint. Lorsqu'elle rend sa décision, elle n'est pas liée par les motifs invoqués par les parties ni par les conclusions des parties, sauf lorsqu'elle statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP). Elle jouit d'un plein pouvoir d'examen sur tous les points attaqués du jugement (art. 398 al. 2 CPP).  
 
2.2. En l'espèce, le ministère public a déclaré faire appel du jugement du tribunal de police, notamment en ce qu'il condamnait l'État de Genève à verser à A.________ 30'400 fr. à titre d'indemnité pour la réparation du tort moral et a conclu au rejet de toutes les conclusions en indemnisation du prénommé (cf. arrêt entrepris let. A.a). L'indemnisation du recourant constituait donc bien un "point attaqué" au sens des art. 398 al. 2 et 404 al. 1 CPP que la cour cantonale devait revoir. Mal fondé, le grief doit être rejeté.  
 
3.  
Le recourant conteste la quotité de l'indemnité octroyée à titre de réparation du tort moral pour sa détention injustifiée. Il invoque une violation de l'art. 429 al. 1 let. c CPP et se prévaut d'arbitraire (art. 9 Cst.). 
 
3.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. c CPP, le prévenu a droit à une réparation du tort moral subi en raison d'une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.  
Afin d'ouvrir le droit à l'indemnité visée par l'art. 429 al. 1 let. c CPP, l'intensité de l'atteinte à la personnalité doit être analogue à celle requise dans le contexte de l'art. 49 CO. L'indemnité pour tort moral sera régulièrement allouée si le prévenu s'est trouvé en détention provisoire ou en détention pour des motifs de sûreté. Outre la détention, peut constituer une grave atteinte à la personnalité, par exemple, une arrestation ou une perquisition menée en public ou avec un fort retentissement médiatique, une durée très longue de la procédure ou une importante exposition dans les médias, ainsi que les conséquences familiales, professionnelles ou politiques d'une procédure pénale, de même que les assertions attentatoires aux droits de la personnalité qui pourraient être diffusées par les autorités pénales en cours d'enquête. En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte les désagréments inhérents à toute poursuite pénale comme la charge psychique que celle-ci est censée entraîner normalement chez une personne mise en cause (ATF 143 IV 339 consid. 3.1; arrêt 6B_528/2021 du 10 novembre 2022 consid. 3.4). 
L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par l'intéressé et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable. Selon la jurisprudence, un montant de 200 fr. par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur (cf. arrêts 6B_528/2021 précité consid. 3.4; 6B_133/2014 du 18 septembre 2014 consid. 3.2 et les arrêts cités). Le taux journalier n'est qu'un critère qui permet de déterminer un ordre de grandeur pour le tort moral. Il convient ensuite de corriger ce montant compte tenu des particularités du cas (durée de la détention, retentissement de la procédure sur l'environnement de la personne acquittée, gravité des faits reprochés, etc.). Lorsque la détention injustifiée s'étend sur une longue période, une augmentation linéaire du montant accordé dans les cas de détentions plus courtes n'est pas adaptée, car le fait de l'arrestation et de la détention pèse d'un poids en tout cas aussi important que l'élément de durée pour apprécier l'atteinte que subit la personne incarcérée. Aussi, lorsque la durée de détention est de plusieurs mois, convient-il en règle générale de réduire le montant journalier de l'indemnité (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 p. 342 et les références citées; arrêt 6B_528/2021 précité consid. 3.4). 
La fixation de l'indemnité pour tort moral est une question d'application du droit fédéral, que le Tribunal fédéral examine donc librement. Dans la mesure où celle-ci relève pour une part importante de l'appréciation des circonstances, il intervient avec retenue. Il le fait notamment si l'autorité précédente a mésusé de son pouvoir d'appréciation en se fondant sur des considérations étrangères à la disposition applicable, en omettant de tenir compte d'éléments pertinents ou encore en fixant une indemnité inéquitable parce que manifestement trop faible ou trop élevée (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 et les références citées; arrêts 6B_528/2021 précité consid. 3.4; 6B_909/2015 du 22 juin 2016 consid. 2.2.1; 6B_53/2013 du 8 juillet 2013, consid. 3.2 non publié in ATF 139 IV 243). 
 
3.2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir considéré qu'une détention injustifiée d'environ 5 mois représentait une détention de longue durée et d'avoir ainsi fixé le montant de l'indemnité à 100 fr. par jour.  
Contrairement à ce que suggère le recourant, la question déterminante n'est pas seulement celle de savoir si la détention était de "longue" ou de "courte" durée, dans la mesure où la durée de la détention n'est qu'un critère parmi ceux qui peuvent être pris en compte pour établir les souffrances physiques et psychiques justifiant une indemnisation (cf. consid. 3.1 supra). Ainsi, le recourant ne saurait rien tirer du Message du Conseil fédéral relatif à la réforme des sanctions dont il ressort que l'ancien droit entendait par courtes peines privatives de liberté celles qui étaient inférieures à six mois (cf. FF 2012 4385, p. 4398). Outre le fait que cette observation n'a nullement trait à la durée d'une détention injustifiée donnant lieu à une réparation du tort moral, la cour cantonale a tenu compte, en sus de la durée de la détention injustifiée du recourant de 152 jours, des autres particularités du cas pour arrêter l'indemnité journalière à 100 fr. Le recourant ne discute pas son appréciation à cet égard, laquelle ne prête pas le flanc à la critique. En effet, la juridiction précédente était fondée à tenir compte du fait que le recourant n'avait pas spécialement mal vécu sa détention et que celle-ci ne lui avait pas causé de souffrances particulières (cf. arrêt 6B_909/2015 précité consid. 2.2.2). Elle pouvait en outre prendre en considération le fait que ses conditions de vie n'avaient pas considérablement changé d'un point de vue professionnel et social du fait de sa mise en détention provisoire dans la mesure où il était célibataire, sans enfant et en situation irrégulière; cet élément justifie une réduction de l'indemnité (cf. arrêts 6B_909/2015 précité consid. 2.2.2; 6B_196/2014 du 5 juin 2014 consid. 1.4). Elle a également relevé que le recourant n'avait subi aucune dégradation de sa situation financière, dès lors qu'il était sans emploi durant la période en cause. En outre, la cour cantonale était fondée à retenir que le sentiment de frustration et d'injustice que le recourant disait avoir ressenti était commun à toute personne placée en détention avant qu'une décision d'acquittement ne soit rendue et ne constituait pas encore un facteur aggravant (cf. arrêt 6B_909/2015 précité consid. 2.2.2). Pour le reste, l'autorité cantonale a relevé que le recourant n'avait pas démontré que la détention aurait nui à sa réputation, ni n'avait fait état d'atteintes concrètes s'agissant des conditions de celle-ci, étant rappelé qu'il appartient au demandeur d'invoquer et de prouver les atteintes subies (ATF 135 IV 43 consid. 4.1 p. 47; 117 IV 209 consid. 4b p. 218; arrêt 6B_909/2015 précité consid. 2.2.1).  
Vu ce qui précède, il apparaît que la cour cantonale n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en se fondant sur des considérations étrangères à la disposition applicable, ou en omettant de tenir compte d'éléments pertinents. L'indemnisation de 100 fr. par jour demeure dans les limites de son pouvoir d'appréciation compte tenu des circonstances particulières du cas d'espèce. Les comparaisons opérées par le recourant ne lui sont d'aucun secours, étant rappelé que toute comparaison avec d'autres affaires doit se faire avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n'est pas dépourvue d'intérêt et peut être, suivant les circonstances, un élément utile d'orientation (ATF 138 III 337 consid. 6.3.3 et l'arrêt cité; arrêts 6B_45/2022 du 21 septembre 2022 consid. 2.3.5.1; 6B_1072/2020 du 26 mai 2021 consid. 5.1). En l'occurrence, le cas d'espèce se distingue des arrêts 6B_1052/2014 et 6B_437/2014 dont se prévaut le recourant, dans lesquels une violation du droit fédéral a été constatée dans la mesure où la cour cantonale avait retenu un montant de base journalier de 100 fr. en se fondant sur sa seule pratique, sans autres explications, ne mentionnant ainsi aucune particularité du cas permettant de s'écarter du montant de 200 fr. jugé approprié par la jurisprudence. Pour le reste, la manière dont le recourant souligne les hypothétiques différences entre les indemnités des prévenus qui résulteraient possiblement de l'application de la jurisprudence relative à l'art. 429 al. 1 let. c CPP, est dénuée de pertinence. 
Mal fondé, le grief doit être rejeté. 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires dont le montant sera fixé en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 18 janvier 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Paris