4A_80/2024 24.05.2024
Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_80/2024  
 
 
Arrêt du 24 mai 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Jean Orso, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Antoine Boesch, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
cautionnement; nantissement; subrogation, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2023 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/12728/2017, ACJC/1690/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par contrat du 14 août 1987, la Banque C.________ (ci-après: C.________) a accordé au ressortissant saoudien A.________ un prêt de 600'000 fr. destiné à l'acquisition d'un logement situé à U.________. Ledit contrat était subordonné à l'obtention d'un cautionnement solidaire.  
D.________, homme d'affaires fortuné d'origine saoudienne, qui avait rencontré A.________ au début des années 1980, a consenti à la demande de cautionnement pour le prêt susvisé sous réserve de la constitution à son profit, à titre de garantie, d'une hypothèque conventionnelle de droit français sur les biens immobiliers de A.________. 
Le 14 septembre 1987, A.________, son épouse et D.________ ont conclu un contrat de cautionnement, instrumenté par un notaire à U.________, lequel prévoyait une telle hypothèque. 
A une date indéterminée, les comptes bancaires de A.________ et de D.________ ainsi que les relations de prêt et de cautionnement ont été transférés de C.________ à la banque E.________ (ci-après: E.________). 
 
A.b. En date des 28 août 2000 et 12 juin 2021, D.________ a signé auprès de E.________ des conventions de nantissement prévoyant, en substance, un gage en faveur de la banque précitée sur tous les avoirs déposés par le prénommé auprès d'elle en garantie de toute créance actuelle ou future, y compris les intérêts, commissions, honoraires ou tous autres frais que cet établissement bancaire pourrait avoir à l'encontre de A.________.  
Le 31 mai 2006, E.________ a transmis à A.________ une confirmation relative à l'octroi d'une avance à terme fixe d'un montant supplémentaire de 400'000 fr. portant le crédit à 1'000'000 fr., avec échéance au 31 août 2006, le prêt étant garanti par une tierce partie, à savoir D.________. 
Le même jour, E.________ a confirmé à D.________ que, selon ses instructions, elle acceptait de nantir ses comptes bancaires au titre de garantie de l'avance à terme fixe susvisée. Elle lui a demandé de signer la convention reflétant cet accord, intitulée " Deed of Pledge ". 
Par la suite, le crédit accordé à A.________ a été régulièrement prolongé, avec modification du taux d'intérêt et du montant du prêt. 
 
A.c. Par courrier du 8 mai 2015, E.________ a mis en demeure A.________ de lui rembourser le montant de 786'500 fr., intérêts en sus. En cas de non-paiement, la banque se réservait le droit de procéder à la réalisation des avoirs nantis en couverture de ce crédit.  
Le même jour, E.________ en a informé D.________. 
Selon un avis de débit daté du 8 juillet 2015, E.________ a débité le montant de 786'500 fr. du compte de D.________, faute de remboursement par A.________ du capital prêté dans le délai imparti, seuls les intérêts du prêt ayant été réglés par ce dernier. 
Le 31 juillet 2015, D.________ a été informé par E.________ qu'il était subrogé dans ses droits vis-à-vis d'A.________ jusqu'à due concurrence. 
 
A.d. Le 21 août 2015, D.________ a cédé sa créance contre A.________ à B.________ SA.  
 
A.e. Par jugement du 20 mai 2016, le Tribunal de première instance genevois, statuant sur une requête en cas clair introduite par B.________ SA contre A.________, a condamné ce dernier à payer à ladite société le montant de 786'500 fr., avec intérêts.  
Statuant le 7 octobre 2016 sur l'appel interjeté par A.________, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé ledit jugement et prononcé l'irrecevabilité de la requête en cas clair. 
 
B.  
 
B.a. Après une procédure de conciliation infructueuse initiée le 7 juin 2017, B.________ SA a assigné, en date du 24 janvier 2018, A.________ devant le Tribunal de première instance genevois en vue d'obtenir le paiement de la somme de 786'500 fr., intérêts en sus.  
Par jugement du 17 juin 2022, le Tribunal de première instance genevois a fait entièrement droit aux conclusions de la demande. En bref, il a considéré que le dénommé D.________ s'était porté caution envers E.________ en garantie du prêt contracté par A.________. Ce dernier ne s'étant pas acquitté de sa dette de 786'500 fr. envers la banque, celle-ci avait prélevé ledit montant sur le compte bancaire de D.________, raison pour laquelle ce dernier était subrogé dans les droits de E.________ contre A.________. L'autorité de première instance a également écarté la thèse selon laquelle la somme prélevée par E.________ sur le compte bancaire de D.________ constituait en réalité un salaire dû en vertu d'un prétendu contrat de travail conclu entre ce dernier et A.________. 
 
B.b. Le 29 août 2022, le défendeur a interjeté appel contre cette décision. Au cours de la procédure d'appel, il a produit une série de pièces nouvelles.  
Statuant par arrêt du 19 décembre 2023, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel et confirmé le jugement entrepris. Les motifs qui étayent cette décision seront examinés plus loin dans la mesure utile à la compréhension des griefs dont celle-ci est la cible. 
 
C.  
Le 2 février 2024, A.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt. 
Par ordonnance présidentielle du 5 février 2024, B.________ SA (ci-après: l'intimée) et la cour cantonale ont été invitées à répondre au recours et à la requête d'effet suspensif jusqu'au 26 février 2024. 
L'autorité précédente s'est référée à sa décision. 
L'intimée n'a pas respecté le délai imparti pour répondre au recours, puisqu'elle a déposé sa réponse le 18 mars 2024. 
La requête d'effet suspensif présentée par le recourant a été admise par ordonnance présidentielle du 13 mars 2024, faute d'opposition de la part de l'intimée et de l'autorité précédente. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites sur le principe. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des différents griefs invoqués par le recourant. 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5) ou ont été établies en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte de preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3). 
 
2.3. En vertu du principe de l'épuisement des griefs, le recours n'est ouvert qu'à l'encontre des décisions rendues par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), ce qui signifie que les voies de droit cantonales doivent avoir été non seulement utilisées sur le plan formel, mais aussi épuisées sur le plan matériel (ATF 143 III 290 consid. 1.1). Lorsque l'autorité de dernière instance cantonale peut se limiter à examiner les griefs régulièrement soulevés, le principe de l'épuisement matériel veut que les griefs soumis au Tribunal fédéral aient déjà été invoqués devant l'instance précédente (arrêts 4A_245/2021 du 26 octobre 2021 consid. 4.1; 4A_40/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.2 et les références citées).  
 
3.  
 
3.1. Dans un premier moyen, le recourant, se plaignant d'une violation de l'art. 8 CC ainsi que des art. 227 et 317 CPC, reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que l'intimée avait prouvé le montant de sa créance de 786'500 fr. déduite en justice. A son avis, l'instance précédente aurait également omis de tenir compte des remboursements partiels du prêt effectués par lui, lesquels seraient établis par les pièces 24 à 35 produites lors de la procédure d'appel.  
 
3.2. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a déclaré irrecevables les pièces produites pour la première fois en appel, dès lors que celles-ci auraient pu être produites devant la première instance. Sur le fond, elle a considéré que l'intimée avait établi le montant de sa créance à l'égard du recourant, à savoir 786'500 fr., en produisant la lettre de mise en demeure du 8 mai 2015 ainsi que l'avis de débit du 8 juillet 2015.  
 
3.3. Le grief tiré de la violation de l'art. 8 CC manque à l'évidence sa cible. Le droit à la preuve, découlant de l'art. 8 CC, ne permet en effet pas de remettre en question l'appréciation des preuves effectuée par le juge (ATF 130 III 591 consid. 5.4), ni de critiquer son appréciation quant à l'aptitude d'un moyen de preuve à démontrer un fait pertinent (ATF 122 III 219 consid. 3c). En l'occurrence, la cour cantonale s'est forgée une conviction quant à l'existence et au montant de la créance alléguée par l'intimée à l'encontre du recourant, raison pour laquelle il n'y a plus de place pour une violation de l'art. 8 CC. Sous le couvert du moyen fondé sur l'art. 8 CC, le recourant critique en réalité l'appréciation des preuves opérée par la juridiction cantonale. Or, l'intéressé ne soulève pas ni ne motive le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves (art. 9 Cst.), puisqu'il se contente d'affirmer que les preuves administrées ne suffisaient pas à justifier la somme réclamée par l'intimée. Son argumentation est dès lors irrecevable.  
C'est également en pure perte que le recourant se plaint d'une violation des art. 227 et 317 CPC. La cour cantonale a en effet souligné à juste titre que l'intéressé n'avait pas exposé les raisons pour lesquelles il n'aurait pas été en mesure de produire les pièces 24 à 35 avant le stade de l'appel. Le recourant fait aussi fausse route lorsqu'il affirme que la juridiction cantonale aurait dû tenir compte desdites pièces sur la base de l'art. 227 al. 3 CPC, dès lors que la partie demanderesse n'a jamais restreint sa demande. 
 
4.  
Dans un deuxième moyen, le recourant, dénonçant une violation des règles de la LDIP, fait grief à l'autorité précédente d'avoir fait application du droit français, et non du droit suisse, au moment de déterminer si les rapports qu'ils avaient noués avec D.________ relevaient d'un contrat de travail. 
En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que l'autorité de première instance avait examiné, à l'aune des règles du droit français, si le recourant avait conclu un contrat de travail avec D.________. Or, l'intéressé ne démontre pas qu'il aurait remis en cause l'application du droit français dans son mémoire d'appel. La cour cantonale a du reste souligné que " l'appelant ne contest[ait] pas l'application du droit français au contrat de travail allégué entre lui-même et le cédant [D.________] "). Le grief soulevé pour la première fois au stade du recours au Tribunal fédéral est dès lors irrecevable car il n'a pas été soumis à la cour cantonale. 
 
5.  
Dans un troisième et dernier moyen, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir enfreint les règles du droit français en niant l'existence d'un contrat de travail prétendument noué entre D.________ et lui-même. 
Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer. L'intéressé fait en effet une lecture par trop réductrice des considérations émises par la cour cantonale lorsqu'il soutient, en substance, que celle-ci aurait nié l'existence d'un contrat de travail uniquement parce que le droit français exclut le versement du salaire sous la forme d'un cautionnement ou de toute autre garantie d'un prêt dont la mise en oeuvre serait compensée avec la rémunération due. Si elle a certes fait allusion à ce point, l'autorité précédente a également considéré, en substance, que le recourant n'avait pas fourni d'éléments factuels suffisants permettant de conclure à l'existence d'un contrat de travail. Or, dans son mémoire de recours, l'intéressé, qui fonde en partie son argumentation sur des faits ne ressortant pas de l'arrêt attaqué, se lance dans un exposé appellatoire visant à démontrer qu'un contrat de travail aurait bel et bien été conclu. Ce faisant, il ne fait que substituer sa propre appréciation des preuves à celle de la cour cantonale. Son argumentation est dès lors irrecevable. 
 
6.  
Au vu de ce qui précède, le recours ne peut qu'être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée n'a pas droit à des dépens, car elle a déposé sa réponse après l'échéance du délai qui lui avait été imparti pour répondre au recours. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 24 mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : O. Carruzzo