6B_1256/2022 14.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1256/2022  
 
 
Arrêt du 14 juin 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes les Juge fédérales 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, van de Graaf et Koch. 
Greffier : M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
A._________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Tentative de contrainte, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 12 août 2022 
(P/18166/2019 AARP/276/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par arrêt du 12 août 2022, statuant sur appel de A._________ et appel joint de B._________, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève, admettant partiellement l'appel principal a, avec suite de frais et d'indemnités, notamment acquitté A._________ du chef d'accusation de dénonciation calomnieuse mais l'a déclaré coupable de tentative de contrainte et condamné à 60 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant 5 ans. 
 
A.a. En résumé, en ce qu'il a de pertinent pour la présente procédure, cet arrêt, auquel on renvoie pour le surplus, retient que A._________ est en litige notamment avec B._________ depuis que le premier, qui avait été engagé par la mère du second (aujourd'hui décédée) en l'an 2000 en qualité d'exploitant responsable d'un café, a été licencié au mois d'octobre 2005 avec effet au 31 janvier 2006. Depuis lors, A._________ a été impliqué dans de nombreuses procédures civiles et pénales.  
 
A.b. A._________ a notamment déposé, le 17 août 2020, une réquisition de poursuite à l'encontre de B._________. Un commandement de payer a été notifié à ce dernier le 24 août 2020 pour un montant total de 4,5 millions de francs avec l'indication "interruption de la prescription; vol du [café]; détournement de documents officiels, fausses informations aux institutions; faux témoignages-subornation de témoins; diverses décisions judiciaires dont P/10939/2015 du 11.10.2018 arrêt du 10.03.2020; réserves sur d'autres dossiers dont l'affaire P/9288/2009 demande de révision va être déposée; Frais de justice". Cet acte de poursuite visait à recouvrer une créance qui n'était pas due à A._________, comme l'avait retenu la Chambre de surveillance de l'Office des poursuites de la Cour de justice dans sa décision d'entrée en force du 19 novembre 2020. Au moment du dépôt de la réquisition de poursuite, le poursuivant savait que le poursuivi ne lui devait aucun montant à ce titre, ce d'autant qu'il était assisté d'un avocat. Il n'était pas non plus légitimé à penser son geste licite. La cour cantonale en a conclu que le commandement de payer constituait un moyen de contrainte illicite, que l'infraction était ainsi réalisée tant objectivement que subjectivement, mais n'avait toutefois pas été consommée, le poursuivi n'ayant pas cédé à la pression subie.  
 
 
B.  
Par acte du 20 octobre 2022, rectifié (une faute de frappe) par acte du 29 du même mois, A._________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 12 août 2022. Il conclut avec suite de frais et dépens à la réforme de cette décision en ce sens qu'il soit libéré de l'accusation de tentative de contrainte. Il requiert, par ailleurs, le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
A._________ a encore transmis pour information, le 23 janvier 2023, copie d'un courrier qu'il a adressé au greffe de la cour cantonale. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Invoquant formellement une violation des art. 22 et 181 CP, le recourant discute essentiellement l'état de fait sur lequel s'est fondée la cour cantonale. 
 
1.1. Dans le recours en matière pénale, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits (sur cette notion, v. ATF 145 IV 154 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs ainsi que, de manière plus générale, tous ceux qui relèvent de la violation de droits fondamentaux, que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), soit s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
1.2. Aux termes de la motivation de la décision querellée, la principale créance invoquée par le recourant comme cause de l'obligation en poursuite correspondait, comme il l'avait expliqué, au préjudice qu'il considérait avoir subi s'agissant du prétendu "vol du Café [...]", étant précisé que le montant de la prétention correspondait à celui résultant de ses explications sur le préjudice subi du fait de son éviction dans la décision rendue par la Cour de justice dans la cause C/6766. L'intéressé avait été définitivement débouté au terme de cette procédure (jugement du Tribunal de première instance du canton de Genève du 1er juin 2017, considérant la demande en paiement non chiffrée déposée le 4 avril 2014 par A._________ notamment à l'encontre de B._________ et de deux tiers comme prescrite; décision confirmée par la Cour de justice le 16 avril 2019, puis par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 4A_324/2019 du 17 janvier 2020). Au moment du dépôt de la réquisition de poursuite, il savait que l'intimé ne lui devait aucun montant à ce titre, ce d'autant qu'il était assisté d'un avocat. Il n'était pas non plus légitimé à penser son geste licite au motif qu'il avait précédemment bénéficié d'un acquittement du chef d'accusation de tentative de contrainte dans la procédure P/2322/2015, le but d'interrompre la prescription étant, dans ce cas-là plausible, dès lors que ce point n'avait pas encore été tranché à l'époque de la réquisition de poursuite. Des prétentions salariales ne ressortaient pas du libellé de la réquisition de poursuite, si bien que A._________ ne pouvait pas invoquer en sa faveur avoir déposé une demande de révision d'un arrêt de la Cour d'appel des prud'hommes du 11 juillet 2008 et que cette demande n'avait été rejetée que postérieurement à la réquisition de poursuite. Concernant les autres causes de l'obligation, A._________ citait encore les procédures clôturées P/9288/2009 et P/10939/2015. Dans la mesure où il avait lui-même été reconnu coupable de diffamation à l'égard de B._________ dans la première, on voyait mal quel dommage il pourrait alléguer, hormis dans le cadre d'une procédure de révision qu'il ne prétendait pas avoir déposée. Il en allait de même de la seconde, qui avait donné lieu à son acquittement du chef de diffamation. Il n'avait fourni aucune explication sur ses autres prétentions mentionnées dans la réquisition de poursuite ("détournement de documents officiels", "fausses informations aux institutions", "faux témoignages-subornation de témoins" ou encore "frais de justice") et il était difficilement imaginable qu'elles puissent conduire à un dommage de 4,5 millions de francs, qui s'écartait d'ailleurs du montant de 3 millions de francs estimé comme valeur litigieuse approximative par l'assistance judiciaire dans la cause C/6766/2014. Enfin, la cour cantonale a relevé qu'elle ne percevait pas non plus les conséquences qu'il entendait tirer des démarches qu'il se contentait d'alléguer - hormis le recours en matière civile au Tribunal fédéral déposé le 16 mai 2022 - avoir entreprises depuis février 2021 pour faire valoir une créance à l'égard de B._________.  
 
1.3. En se référant à la cause cantonale P2322/2015, dans laquelle la Cour de justice l'a libéré de la prévention de contrainte à l'égard d'un avocat, le recourant objecte qu'il ne réclamerait " que des sommes qu'il n'aurait pu encaisser à ce jour ". Le Tribunal fédéral lui aurait, par ailleurs, donné raison dans l'arrêt 4A_614/2015 du 25 avril 2016 quant à l'appropriation illicite du café et il ressortirait de cet arrêt qu'il avait également chiffré des conclusions à concurrence de 4'780'000 francs. L'intimé, ancien président d'un club de football et administrateur de sociétés serait rompu aux affaires, de sorte qu'il serait notoire qu'il n'est pas une personne de sensibilité moyenne qui pourrait être soumise à de fortes pressions psychologiques l'entravant dans sa liberté d'action. La poursuite litigieuse aurait été annulée par la Cour de justice le 19 décembre 2020, si bien que la tentative de contrainte n'aurait duré que 3 mois. La cour cantonale aurait, par ailleurs, omis d'examiner et d'expliquer pourquoi les autres causes d'obligations mentionnées (" le détournement des documents officiels et les fausses informations aux institutions ") n'auraient pu justifier l'envoi d'un commandement de payer. Le recourant relève à ce propos que, dans une décision du 19 novembre 2020, la Cour de justice avait mentionné une " procédure pénale P/6766/2014 " qui concernerait le préjudice subi par le recourant ensuite de l'appropriation du café par l'intimé. Selon le recourant, la cour cantonale devait rechercher si ces infractions entraient en ligne de compte dès lors qu'il soutenait " à juste titre ", que l'intimé avait instigué sa fiduciaire à falsifier le bilan et le montant du chiffre d'affaires du café pour l'exercice 2004, selon diverses pièces produites et les déclarations fournies de 2003 à 2009 par une fiduciaire.  
 
1.4. La cour cantonale a expliqué au recourant par le menu en quoi la présente affaire différait de celle jugée dans la cause cantonale P/2322/2015. En se bornant à objecter qu'il ne réclamerait que des sommes qu'il n'aurait pu encaisser à ce jour, le recourant ne discute pas précisément la motivation de la décision entreprise. Autant que le recourant laisse ainsi entendre que ces sommes seraient dues, cette argumentation, au mieux appellatoire, est irrecevable dans le recours en matière pénale.  
L'arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 avait pour seul objet la question incidente du droit du recourant à l'assistance judiciaire dans une procédure civile. Pour ce motif déjà, on ne perçoit pas comment le Tribunal fédéral aurait pu lui avoir " donné raison [...] quant à l'appropriation illicite du café ". De surcroît, cet arrêt est antérieur à l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_324/2019 du 17 janvier 2020 sur lequel la cour cantonale s'est fondée pour affirmer que le recourant avait été définitivement débouté de ses prétentions en indemnisation découlant de l'appropriation du café. 
Le recourant a été condamné pour une contrainte (art. 181 CP) simplement tentée (art. 22 CP). Étant rappelé que cette dernière disposition vise tant l'hypothèse où le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas que celle où il ne pouvait pas se produire (al. 1), l'allégation du recourant selon laquelle l'intimé ne serait pas une personne de sensibilité moyenne qui pourrait être soumise à de fortes pressions psychologiques l'entravant dans sa liberté d'action est dénuée de toute pertinence puisqu'elle n'est pas de nature à remettre en cause la qualification de tentative de contrainte. Par ailleurs, vu que l'infraction n'a été que tentée et que le résultat ne s'est pas produit, on ne perçoit pas non plus ce que le recourant pourrait déduire en sa faveur du fait que cette tentative n'aurait "duré que 3 mois" et il n'en dit mot. Pour le surplus, la décision de la Cour de justice du 19 novembre 2020 ne mentionne pas de procédure pénale "P/6766/2014", mais bien la procédure civile C/6766/2014, qui a mené à l'arrêt 4A_324/2019. Il suffit de renvoyer à ce qui a déjà été exposé. 
 
2.  
On renvoie, pour le surplus, intégralement à la motivation de la décision cantonale qui n'apparaît pas critiquable (art. 109 al. 3 LTF). 
 
3.  
A la limite de la témérité, le recours était dénué de chances de succès, ce qui conduit au refus de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant supporte les frais de la procédure, qui seront fixés en tenant compte de sa situation, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
L'assistance judiciaire est refusée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 14 juin 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Vallat