9C_454/2022 15.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_454/2022  
 
 
Arrêt du 15 juin 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par M e Franziska Lüthy, avocate Service juridique de PROCAP, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de l'Hôpital 28, 2000 Neuchâtel, 
intimée. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 29 août 2022 (CDP.2021.285-PC/ia). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, marié et père de deux enfants (nés en 1999 et 2001), est au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité, assortie de rentes pour enfants, depuis le 1er novembre 2011 (décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel [ci-après: l'office AI] du 10 juillet 2013). Par décision du 4 juillet 2014, la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation (ci-après: la caisse de compensation ou la CCNC) lui a alloué des prestations complémentaires à compter du 1er novembre 2011. Ce droit a été confirmé à plusieurs reprises par la suite. 
Dans le cadre d'une révision périodique du dossier de l'assuré initiée en novembre 2019, la CCNC a constaté que les allocations familiales versées à l'assuré pour ses enfants avaient augmenté et que des allocations familiales complémentaires devaient être prises en compte à partir du mois de mars 2017. Par décision du 6 novembre 2020, elle a exigé de A.________ la restitution d'un montant de 6'210 fr., correspondant aux prestations complémentaires indûment perçues du 1er mars 2017 au 30 novembre 2020. Après que l'assuré s'est opposé à cette décision en indiquant qu'il ne contestait pas la correction du montant des allocations familiales et complémentaires, mais la prise en compte d'un revenu hypothétique pour son épouse dans le calcul de son droit à des prestations complémentaires (opposition du 4 décembre 2020), la caisse de compensation a confirmé sa décision (décision sur opposition du 28 juillet 2021). En bref, elle a considéré que sa décision du 6 novembre 2020 portait uniquement sur le montant des allocations familiales et complémentaires, si bien qu'il n'était pas possible de réexaminer, dans ce cadre, la prise en compte d'un revenu hypothétique pour l'épouse, qui n'avait jamais été contesté; elle a également précisé que les éléments invoqués par l'assuré ne permettaient pas d'écarter le revenu hypothétique du calcul. 
 
B.  
Statuant le 29 août 2022 sur le recours formé par A.________ contre la décision sur opposition du 28 juillet 2021, le Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, l'a rejeté. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il demande l'annulation. Il conclut à ce qu'il soit dit et jugé que "la reconsidération, tout comme la révision, implique un nouvel examen illimité du rapport juridique en cause", ainsi qu'au renvoi de la cause à la caisse de compensation pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants. Il sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire (limitée aux frais de justice) pour la procédure fédérale. 
La CCNC conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. L'assuré a produit une note d'honoraires en relation avec des éventuels dépens. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (ATF 141 II 113 consid. 1.7). Dans la mesure où le recourant conclut, parallèlement à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'intimée, à ce qu'il soit dit et jugé que "la reconsidération, tout comme la révision, implique un nouvel examen illimité du rapport juridique en cause", il formule une conclusion "préparatoire" puisqu'elle porte sur une question qui doit être tranchée en vue d'examiner les conclusions condamnatoires. Une telle conclusion constatatoire est irrecevable (cf. arrêt 2C_988/2017 du 19 septembre 2018 consid. 1.2, non publié in ATF 144 II 473). La conclusion en renvoi n'étant pas purement cassatoire, il convient cependant d'entrer en matière sur le recours (cf. arrêt 2C_597/2015 du 2 février 2016 consid. 1.2).  
 
1.2. Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties; il peut donc admettre le recours en se fondant sur d'autres arguments que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 140 V 136 consid. 1.1; 139 II 404 consid. 3). Le Tribunal fédéral statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.  
 
2.  
Considérant que le recourant ne contestait pas le bien-fondé de la restitution découlant de l'augmentation des allocations familiales et complémentaires, ni le calcul opéré par la CCNC à cet égard, la juridiction cantonale a circonscrit l'objet du litige au point de savoir si, dans le cadre du réexamen de son droit aux prestations complémentaires justifié par ladite augmentation, l'assuré pouvait valablement contester le poste relatif au revenu hypothétique de son épouse, lequel n'avait pas été modifié dans ce cadre et était entré en force. Elle a d'abord nié que l'art. 25 al. 2 let. b de l'Ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI; RS 831.301), en relation avec l'art. 17 LPGA, fût applicable en l'espèce, dès lors que le recourant n'avait pas fait état d'une modification de ses circonstances personnelles ou économiques nécessitant d'adapter le montant de la prestation au sens de la disposition précitée de l'OPC-AVS/AI. Les premiers juges ont considéré à cet égard que l'assuré avait signalé une erreur commise par l'administration dès l'octroi des prestations complémentaires, si bien qu'il sollicitait la reconsidération, respectivement la révision du poste relatif au revenu hypothétique de son épouse. 
L'instance précédente a ensuite examiné si la voie de la reconsidération pour ledit poste était ouverte, ce qu'elle a nié. En se fondant sur l'état de fait existant à l'époque tel qu'il ressortait du dossier, elle a considéré que la CCNC n'avait pas procédé à une application erronée du droit, dès lors qu'elle ne disposait, à ce moment-là, d'aucun élément attestant du fait que l'épouse de l'intéressé avait diminué son taux d'activité pour s'occuper de lui. Par ailleurs, le recourant n'avait à aucun moment fait part à la caisse de compensation du besoin d'aide qu'il nécessitait de la part de son épouse ni transmis les rapports d'enquête établis par l'office AI. La juridiction cantonale a également nié que le recourant pût se prévaloir d'un motif de révision procédurale fondé sur la production de l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_165/2020 du 15 juin 2020 (concernant le droit à l'allocation pour impotent du recourant), dès lors déjà qu'il n'avait pas agi dans le délai relatif de 90 jours à partir du moment où il avait pris connaissance de cet arrêt (art. 67 al. 1 PA par renvoi de l'art. 55 al. 1 LPGA). Elle a au demeurant considéré que les faits ressortant de cet arrêt n'étaient pas nouveaux. 
 
3.  
 
3.1. A la suite des premiers juges, on rappellera que l'obligation de restituer des prestations indûment touchées (art. 25 LPGA) suppose que soient remplies les conditions d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 130 V 318 consid. 5.2). Selon l'art. 53 al. 2 LPGA, l'assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable.  
 
3.2. Comme le fait valoir à juste titre le recourant, lorsque les conditions de la reconsidération - ou de la révision procédurale (éventualité écartée par la juridiction cantonale dont le raisonnement n'est pas remis en cause par les parties) - sont réalisées, le rapport juridique doit être examiné pour le futur sous tous ses aspects, comme il en va en cas de révision au sens de l'art. 17 LPGA, c'est-à-dire en tenant compte de l'ensemble des faits déterminants pour le droit aux prestations et son éventuelle étendue, sur la base d'un état de fait établi de manière correcte et complète au moment de la décision ou de la décision sur opposition (arrêt 9C_321/2013 du 19 septembre 2013 consid. 2.1.2 et les arrêts cités). L'examen du droit à la prestation et, le cas échéant, de son étendue (ex nunc et) pro futuro est la règle en matière d'assurance-invalidité (arrêts 9C_215/2007 du 2 juillet 2007 consid. 6.1 et 9C_960/2008 du 6 mars 2009 consid. 1.2).  
En revanche, la modification d'une décision d'octroi de prestations complémentaires peut avoir un effet ex tunc ou un effet ex nunc et pro futuro (cf. sur la seconde éventualité, art. 25 OPC-AVS/AI). La modification a un effet ex tunc - et partant justifie, le cas échéant, la répétition des prestations déjà perçues - lorsque sont réalisées les conditions qui président à la révocation, par son auteur, d'une décision administrative, dont celles de la reconsidération (arrêt P 26/02 du 20 janvier 2003 consid. 2). Dans ce cas, l'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment perçues doit simplement permettre de rétablir l'ordre légal, après la découverte du motif justifiant la reconsidération (ou la révision procédurale) de la décision initiale d'octroi de prestations (ATF 122 V 134 consid. 2 d-e; arrêt 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.3). Compte tenu de cet objectif, si l'administration admet que les conditions de la reconsidération de la décision d'octroi des prestations complémentaires sont réalisées et requiert la restitution de celles-ci - la modification correspondante déployant alors un effet ex tunc -, elle est tenue d'examiner le rapport juridique sous tous ses aspects lorsque l'ayant droit fait valoir qu'un autre élément de fait ou de droit que celui justifiant, de l'avis de l'organe d'exécution, la reconsidération conduirait à un résultat différent. 
 
3.3. En l'occurrence, la juridiction cantonale a examiné la question de la prise en compte du revenu hypothétique de l'épouse de l'assuré dès mars 2017, soulevée au stade de l'opposition, sous l'angle uniquement de la reconsidération et du caractère "manifestement erroné" de cet élément. Quant à la CCNC, elle a procédé à l'examen du droit du recourant à des prestations complémentaires en tenant compte du poste relatif au revenu hypothétique de son épouse, sous l'angle de la révision, et elle a effectué un examen pro futuro, à compter du mois de décembre 2020, soit au moment où l'intéressé avait indiqué que "[son] épouse [...] ne p[ouvait] plus travailler en raison du besoin d'aide dû au handicap de son mari" (opposition du 4 décembre 2020). Dans la décision sur opposition du 28 juillet 2021, la caisse de compensation a en effet indiqué qu'elle serait en mesure d'adapter le calcul des prestations complémentaires de l'assuré, en application de l'art. 25 al. 1 let. c et al. 2 let. b OPC-AVS/AI, en relation avec l'art. 17 LPGA, à supposer que l'état de santé de l'intéressé se fût aggravé depuis la décision du 4 juillet 2014, ce qu'elle a toutefois nié.  
Dans ces circonstances, et comme les éléments de fait déterminants sous l'angle de l'examen du droit aux prestations complémentaires défini en l'espèce (consid. 3.2 supra) font défaut dans l'arrêt attaqué, il convient de renvoyer la cause à la caisse de compensation afin qu'elle procède à un nouvel examen du droit de l'assuré à des prestations complémentaires qui portera également sur la question du revenu hypothétique de son épouse, pour la période sur laquelle porte la restitution (de mars 2017 à novembre 2020). 
 
4.  
Vu le renvoi ordonné, qui revient à donner gain de cause au recourant, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera par ailleurs une indemnité de dépens au recourant (art. 68 al. 1 LTF). La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 29 août 2022 et la décision sur opposition de la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation du 28 juillet 2021 sont annulés. La cause est renvoyée à la caisse de compensation pour qu'elle rende une nouvelle décision au sens des considérants. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
L'intimée versera à l'avocate du recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 15 juin 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud