5A_523/2023 23.10.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_523/2023  
 
 
Arrêt du 23 octobre 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffière : Mme Hildbrand. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Christophe A. Gal, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Banque B.________, 
représentée par Mes Guillaume Tattevin et Joanna Didisheim, avocats, 
intimée. 
 
Objet 
mainlevée définitive de l'opposition (exequatur d'un jugement étranger, effet suspensif), 
 
recours contre l'arrêt du Président ad interim de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 28 juin 2023 (C/22871/2022, ACJC/878/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par jugement du 5 juin 2023, le Tribunal de première instance du canton de Genève a reconnu et déclaré exécutoire en Suisse l'arrêt de la Cour d'appel de Dubaï du 27 février 2019 dans la cause n° vvv (ch. 3 du dispositif) ainsi que l'arrêt de la Cour de cassation de Dubaï du 7 juillet 2019 dans la cause n° www (recte: xxx) à concurrence du montant de AED 211'099'040.31 (ch. 4), a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuites n° yyy et zzz (ch. 5 et 6) et a statué sur les frais (ch. 7 à 9).  
 
A.b. Le 19 juin 2023, A.________ a formé un recours auprès de la Cour de justice du canton de Genève contre ce jugement, concluant à titre principal à l'annulation des ch. 3 à 9 de son dispositif.  
A titre préalable, le recourant a conclu à la suspension du caractère exécutoire du jugement attaqué. Il a fait valoir à ce propos qu'en cas de refus, la banque pourrait requérir la continuation de la poursuite et in fine la saisie et la distribution des actifs; que la banque a son siège et probablement ses comptes bancaires dans une autre juridiction ce qui rendrait improbable, sinon impossible, la récupération de l'argent en cas de gain de cause; qu'il apparaît pour le moins douteux que la banque subisse le moindre dommage à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.  
 
A.c. Par arrêt du 28 juin 2023, le président ad interim de la Chambre civile de la Cour de justice a rejeté la requête du recourant tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement rendu le 5 juin 2023 par le Tribunal de première instance.  
 
B.  
Par acte posté le 10 juillet 2023, A.________ exerce un recours en matière civile, avec requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, contre l'arrêt du 28 juin 2023. Sur le fond, il conclut principalement à son annulation et à sa réforme en ce sens que l'effet exécutoire du jugement du 5 juin 2023 est suspendu jusqu'à droit connu sur le recours formé le 19 juin 2023. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Des déterminations sur le fond n'ont pas été requises. 
 
C.  
Par ordonnance présidentielle du 13 juillet 2023, la requête d'effet suspensif a été admise à titre superprovisoire. 
Par ordonnance subséquente du 9 août 2023, la requête de mesures provisionnelles a été admise en ce sens que l'Office des poursuites est invité à ne pas distribuer les actifs mis sous main de justice jusqu'à droit connu sur le recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. La décision querellée constitue une décision incidente visée par l'art. 93 al. 1 LTF dès lors que, portant sur l'effet suspensif, elle ne conduit pas à la clôture définitive de l'instance (ATF 137 III 475 consid. 1; 134 II 192 consid. 1.3; arrêt 5A_934/2021 du 26 avril 2022 consid. 1.2.1 et les autres arrêts cités). Le recours dirigé contre cette décision est soumis à la même voie de droit que celle qui est ouverte contre la décision principale (ATF 137 III 380 consid. 1.1). En l'occurrence, le litige s'inscrit dans une procédure de mainlevée définitive, soit de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF). La cour cantonale n'a pas statué sur recours, mais en qualité d'instance cantonale unique; le recours en matière civile est cependant admissible en vertu de l'art. 75 al. 2 let. a LTF (ATF 137 III 424 consid. 2.2). Bien que sans influence sur les griefs recevables (cf. art. 98 LTF; parmi d'autres: ATF 137 III 475 consid. 2; 134 II 192 consid. 1.5; arrêt 5A_884/2020 du 29 octobre 2020 consid. 2 et les références), la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le recourant, qui a qualité pour recourir (art. 76 LTF), a agi dans la forme (art. 42 al. 1 LTF) et le délai légal (art. 100 al. 1 LTF).  
 
1.2. Hormis les décisions mentionnées à l'art. 92 al. 1 LTF, sur des questions non pertinentes en l'espèce, une décision préjudicielle ou incidente peut être entreprise immédiatement notamment si elle peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), à savoir un préjudice juridique qu'un jugement sur le fond même favorable au recourant ne ferait pas disparaître entièrement (ATF 139 V 42 consid. 3.1; 138 III 46 consid. 1.2; 137 III 324 consid. 1.1). Un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un préjudice irréparable (ATF 141 III 80 consid. 1.2; 138 III 333 consid. 1.3.1; 134 III 188 consid. 2.2). Ainsi, de jurisprudence constante, le fait d'être exposé au paiement d'une somme d'argent n'entraîne, en principe, aucun préjudice au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 138 III 333 consid. 1.3.1 et les références; parmi plusieurs: arrêt 5A_99/2022 du 30 mars 2022 consid. 1.1.1 et les arrêts cités). Il n'y a d'exception que si le paiement de la somme litigieuse expose la partie recourante à d'importantes difficultés financières ou si, en cas d'admission du recours, le recouvrement du montant acquitté paraît aléatoire (ATF 107 Ia 269 consid. 2; arrêts 5A_99/2022 précité loc. cit.; 5A_33/2018 du 10 avril 2018 consid. 4.1 et l'autre arrêt cité).  
Savoir si un préjudice irréparable existe s'apprécie par rapport aux effets de la décision incidente sur la procédure principale (ATF 141 précité consid. 1.2; 137 III 380 consid. 1.2.2). La probabilité d'un préjudice (juridique) irréparable suffit (ATF 137 précité consid. 1.2.1). Encore faut-il toutefois qu'elle soit corroborée par des indices concrets et ne repose pas sur une simple pétition de principe ou se réduise à des considérations théoriques (arrêt 5A_934/2021 précité consid. 1.2.2 et les arrêts cités). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de la procédure; en tant que cour suprême, le Tribunal fédéral doit en principe ne s'occuper qu'une seule fois d'un procès, et cela seulement lorsqu'il est certain que le recourant subit effectivement un dommage définitif (ATF 133 IV 139 consid. 4). A moins que cette condition ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 141 III 80 consid. 1.2, 395 consid. 2.5 et les références), il incombe à la partie recourante d'indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d'un préjudice juridique irréparable par la décision incidente qu'elle attaque; à défaut, le recours est irrecevable (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 précité consid. 1.2 et les références; 138 III 46 consid. 1.2 et les références; 137 III 324 consid. 1.1). 
 
1.3. En l'espèce, pour justifier l'existence d'un risque de préjudice irréparable, le recourant rappelle notamment que, dans la présente procédure, la créancière poursuivante est une banque émirienne sise aux Emirats arabes unis. Pour récupérer le montant qui serait payé par l'Office des poursuites en mains de celle-ci, après avoir été saisi dans le cadre de l'exécution du jugement entrepris par-devant la Cour de justice, il devrait ainsi introduire une action en répétition par-devant les juridictions de cet Etat. Or ces juridictions étaient celles qui avaient prononcé les décisions dont la reconnaissance et l'exequatur sont querellées. Sans préjudice de la question relative à l'absence de toute preuve du caractère exécutoire desdites décisions, il était hautement improbable, sinon "tout bonnement" impossible, que les juges dubaïotes admettent et/ou concèdent la moindre restitution des fonds, vers des comptes bancaires étrangers, qui interviendrait en contradiction avec leurs décisions. De facto, le recouvrement du montant n'apparaissait donc pas seulement aléatoire, mais "tout bonnement" impossible à considérer que la saisie soit opérée, et ce même s'il obtenait gain de cause par-devant la Cour de justice. Il en ressortait que l'absence d'effet suspensif créerait non seulement un risque de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, mais qu'il viderait "tout bonnement" la procédure de recours de sa substance et viendrait donc "incidemment" violer ses droits procéduraux, se trouvant ainsi dans l'impossibilité de faire efficacement contrôler la validité des décisions dont sont recours.  
 
1.4. Par une telle motivation, le recourant échoue à démontrer l'existence d'un risque concret de préjudice irréparable. Singulièrement, il ne démontre aucunement un risque concret d'impossibilité de recouvrement. Les prétendues difficultés qu'il met en avant en lien avec l'exécution de son éventuelle prétention en restitution se fondent sur des faits ne résultant pas de la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF) ainsi que sur de pures conjectures, ses craintes à cet égard ne reposant sur aucun élément un tant soit peu étayé. Pour le reste, on ne voit pas - et le recourant ne l'explicite pas plus avant - en quoi le refus de l'effet suspensif aurait " tout bonnement " ou " incidemment " pour conséquence que les mérites de son recours cantonal ne pourraient plus être examinés par la cour cantonale.  
 
2.  
En définitive, le recours est irrecevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer au fond, mais a été suivie dans les conclusions qu'elle a prises dans ses déterminations sur la requête de mesures provisionnelles, a droit à une indemnité de dépens pour cette écriture, mise à la charge du recourant (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Une indemnité de 500 fr., à verser à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Président ad interim de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.  
 
 
Lausanne, le 23 octobre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Hildbrand