4A_496/2022 06.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_496/2022  
 
 
Arrêt du 6 novembre 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Gabriel Aubert, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Nathalie Subilia, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
contrat de travail; indemnité pour vacances non prises (art. 329d al. 1 CO); convention de fin des rapports de travail, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2022 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève 
(C/21281/2019-4; CAPH/159/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ (ci-après: le CEO ou l'employé) a été engagé par A.________ SA (ci-après: la banque ou l'employeuse) en qualité de directeur général (CEO) et membre de la direction générale à partir du 1er octobre 2017 par contrat de travail de durée indéterminée.  
Il avait été convenu un salaire annuel de 600'000 fr. brut, soit 50'000 fr. par mois, versé douze fois l'an, ainsi qu'une indemnité forfaitaire annuelle de 18'000 fr. pour frais de représentation. Le droit aux vacances correspondait à 28 jours par an. Le délai de congé était de six mois pour la fin d'un mois. 
 
A.b. Les résultats de la banque pour l'année 2018 ne correspondant pas aux attentes de l'actionnaire principal (également membre du conseil d'administration), le CEO a été convoqué à une réunion du conseil d'administration qui s'est tenue le 27 mars 2019. D'emblée, le conseil d'administration lui a fait part de l'opportunité de se séparer. Pour éviter un licenciement, il lui a suggéré de présenter sa démission. Sur ce, le CEO a remis au conseil d'administration une lettre, datée du 27 mars 2019 et apparemment préparée à l'avance, précisant qu'il mettait fin au contrat de travail pour le 30 septembre 2019.  
 
A.c. Dans la foulée, l'actionnaire principal, souhaitant voir partir le CEO et le libérer au plus vite afin qu'il puisse trouver un nouvel emploi sans attendre la fin du délai de résiliation, lui a suggéré de présenter un projet de convention mettant fin par consentement mutuel aux rapports de travail pour le 31 mars 2019.  
 
A.d. Le 29 mars 2019, le CEO a fait parvenir à l'actionnaire principal et un autre membre du conseil d'administration un projet dans ce sens. Se référant aux discussions intervenues, il a indiqué dans ce document que le contrat de travail prendrait fin " le 31 mars 2019 " (art. 1), que " l'équivalent de six salaires " lui serait versé " date valeur 3 avril 2019 " (art. 2) et que " la Banque s'engage[ait] à [lui] verser, à bien plaire, un montant final de CHF (à définir par [l'actionnaire principal]) [...] qui sera[it] payé date valeur 3 avril 2019 " (art. 3).  
Ce projet a été remanié après de nouvelles discussions. L'actionnaire majoritaire a fait supprimer l'art. 3 prévoyant un " paiement final " en sus de " l'équivalent de six salaires ". 
 
A.e. Pour finir, les parties sont tombées d'accord sur le texte suivant qui a été daté et signé le 3 avril 2019:  
 
" Monsieur, 
Par la présente, nous vous confirmons avoir pris acte de votre volonté de mettre un terme au contrat de travail vous liant avec A.________ SA. Nous nous permettons par conséquent d'en exposer les principales modalités: 
 
1. Fin des rapports de travail 
Votre contrat de travail prendra fin avec effet au 5 avril 2019. 
2. Salaire 
L'équivalent de six mois de salaire vous sera payé date valeur 3 avril 2019. A noter que l'assurance accident de la Banque vous couvrira pendant 30 jours après la date de fin de votre contrat de travail, sauf prise en charge antérieure par l'assurance accident d'un nouvel employeur. 
3. Remboursement de votre prêt lié à l'acquisition d'actions (...) 
La banque s'engage à reprendre l'intégralité de vos actions, soit 1'284'450 actions au prix de Chf 2,60 par action. Le prêt actuel dont vous êtes titulaire et qui se monte à Chf 3 millions sera compensé avec ce montant permettant ainsi à la banque de vous verser la différence correspondant à vos fonds propres, soit Chf 339'570.-, montant qui vous sera versé valeur 3 avril 2019. Les intérêts débiteurs non payés à ce jour ne vous seront pas facturés et les intérêts débiteurs payés à ce jour vous serons [sic] remboursés en même temps que vos fonds propres. (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF
4. Document, matériel et effets divers 
Nous vous prions également de bien vouloir remettre au service du personnel tous les documents et effets professionnels (badges, clés, carte de crédits [sic] accompagnée des relevés y relatifs, téléphone portable, laptop, documents de travail, etc.) reçus dans le cadre de votre activité professionnelle auprès de notre établissement. (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF
5. Confidentialité 
(...) " 
Lors des pourparlers, qui se sont déroulés hors la présence de leurs avocats, les parties n'ont pas abordé la question des vacances. 
 
A.f. Le 3 avril 2019, le CEO a remis au directeur général la convention qu'il venait de signer pour exécution; il l'a informé qu'il quitterait la banque le surlendemain et souhaitait toucher son argent rapidement.  
Au moment d'exécuter la convention, le directeur général n'a pas posé de questions au CEO concernant les vacances. Il a considéré que les jours de congé qui n'avaient pas été pris devaient être indemnisés. Le CEO, de son côté, ne lui a pas demandé de lui verser une indemnité de vacances. 
Le CEO avait délégué l'inscription de ses vacances dans le logiciel topique à ses assistantes. Jusqu'à fin 2018, celles-ci s'étaient bornées à y inscrire celles planifiées dans l'agenda Outlook, laissant à la directrice des ressources humaines le soin d'inscrire, dans le système, les congés effectivement pris. 
Le 8 avril 2019, le directeur général a déclenché le virement bancaire d'un montant de 370'779 fr. 40 net correspondant, après déduction des cotisations sociales, à 8'333 fr. 35 brut à titre de salaire du 1 er au 5 avril 2019, 300'000 fr. brut à titre d' " indemnité de départ " et 85'287 fr. 35 brut à titre de " [s]olde vacances payé (sortie) ".  
Ce dernier montant a été calculé sur la base d'un extrait du système " C." indiquant que le CEO disposait au 31 décembre 2018 d'un solde de 35,06 jours de vacances (" [r]eport congés ") auxquels s'ajoutaient 7,5364 jours calculés au pro rata pour la période du 1er janvier au 5 avril 2019 sous déduction des 5,5 jours pris par l'intéressé en 2019.  
 
A.g. Après avoir appris que cette indemnité de vacances avait été versée à l'ancien CEO, le conseil d'administration a convoqué le directeur général pour qu'il s'explique. Il a été licencié avec effet immédiat pour justes motifs.  
 
A.h. Par courrier du 6 juin 2019, la banque a informé l'employé que plusieurs montants qui lui avaient été versés n'étaient pas prévus dans la convention de départ, à savoir le salaire pour la période du 1 er au 5 avril 2019, le solde de vacances ainsi que le forfait pour frais de représentation de 250 fr., pour un total de 93'870 fr. 70. Elle l'a mis en demeure de lui rembourser ce montant jusqu'au 21 juin 2019. L'employé a contesté avoir touché un quelconque montant qui n'ait pas été dû.  
 
B.  
 
B.a. A l'issue d'une procédure de conciliation infructueuse, la banque a saisi le Tribunal des prud'hommes de Genève d'une demande dirigée contre le CEO et tendant au paiement de 80'450 fr. 70 avec intérêts à 5 % l'an dès le 6 juin 2019, à titre de restitution de l'indemnité de vacances selon elle perçue indûment. Elle a conclu de surcroît à la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer ce montant qu'elle lui avait fait signifier. A l'audience de débats d'instruction du 23 septembre 2020, la demanderesse a pris une conclusion supplémentaire tendant au paiement de 7'354 fr. à titre de remboursement du salaire perçu pour la période du 1 er au 5 avril 2019 ainsi que pour les frais de représentation, avec les intérêts moratoires correspondants.  
Par jugement du 4 octobre 2021, le Tribunal des prud'hommes a débouté la banque de toutes ses conclusions. Il a estimé que l'employé ne pouvait pas renoncer à l'indemnité pour vacances non prises, la convention de départ ne comportant pas de concessions réciproques. 
 
B.b. Par arrêt du 26 septembre 2022, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève a admis partiellement l'appel de la banque, condamné le défendeur à lui rembourser le montant de 30'467 fr. 20 net avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 6 juin 2019 et prononcé la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer y relatif à concurrence de ce montant et de ces intérêts. Ses motifs seront évoqués dans les considérants en droit du présent arrêt, dans la mesure où les griefs du recourant le dictent.  
 
C.  
La banque forme un recours en matière civile. En substance, elle conclut à ce que l'intimé soit condamné à lui payer 80'450 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 21 juin 2019 et à ce que l'opposition que celui-ci a formée soit levée à concurrence de ce montant et de ces intérêts. 
L'intimé conclut au rejet du recours. La Cour cantonale s'en réfère, quant à elle, aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la demanderesse qui a succombé partiellement dans ses conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF) dans une contestation en matière de droit du travail dont la valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
En revanche, la pièce produite par l'intimé à l'appui de sa réponse est nouvelle et, partant, irrecevable (art. 99 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 140 III 86 consid. 2; 138 II 331 consid. 1.3; 137 II 313 consid. 1.4; 135 III 397 consid. 1.4). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 in fine).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
En matière de constatations de fait et d'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales. Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3; 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2). 
 
3.  
Il est constant que les parties ont été liées par un contrat de travail qui a pris fin le 5 avril 2019 selon une convention datée du 3 avril précédent. Le litige porte sur l'indemnité pour vacances non prises touchée par l'intimé à son départ et dont la recourante réclame la restitution sur la base de l'enrichissement illégitime. 
 
3.1. Le défendeur soutenant que la somme qu'il a perçue repose sur son contrat de travail (art. 329d CO) et la demanderesse ayant soulevé l' exceptio rei transactae, la Cour cantonale devait déterminer si les parties avaient conclu une transaction sur le chapitre des vacances non prises. Son raisonnement peut être résumé ainsi:  
 
1) La convention de départ est valable. En effet, l'employeuse a renoncé à la prestation de travail de l'employé durant le préavis théorique de six mois, tout en lui payant l'équivalent du salaire durant ce laps de temps; de son côté, l'employé a acquis la possibilité d'intégrer un nouveau poste sans délai et sans rendre de comptes à l'employeuse. Il n'a pas renoncé à la protection potentielle des art. 336 ss et 336c CO puisque c'est lui qui a démissionné. La convention comporte donc des concessions réciproques pro futuro.  
2) L'interprétation de la convention de départ ne permet pas d'admettre qu'elle recouvre les jours de vacances non pris. 
-- Il n'y avait pas de volonté commune et concordante des parties pour éteindre les prétentions en paiement des vacances non prises au terme du contrat de travail par une remise de dette: l'employeuse avait voulu englober l'indemnisation des éventuels jours de vacances non pris dans le montant de 300'000 fr. prévu au titre d' " équivalent de six mois de salaire " et l'employé, de son côté, partait de l'idée que les vacances, dont le sort n'avait pas été évoqué lors des pourparlers, n'étaient pas englobées dans cette convention qui n'avait pas vocation à tout liquider. 
-- L'interprétation normative permettait toutefois d'établir le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux manifestations de volonté de l'autre. En effet, l'employé pouvait légitimement inférer du fait que la question des vacances n'avait été évoquée ni dans les pourparlers ni dans la convention et que celle-ci précisait expressis verbis qu'elle ne réglait que les principales modalités de la fin des rapports de travail qu'il avait droit à l'indemnisation du solde de ses vacances. D'autant que, selon la convention, les rapports de travail prenaient fin le 5 avril 2019 déjà et non le 30 septembre 2019 et que la prise en nature du solde de ses vacances n'était donc plus possible.  
3) L'employé n'avait pas renoncé à l'indemnisation du solde de ses vacances, que ce soit expressément ou par actes concluants, de sorte que la question de l'application éventuelle de l'art. 341 al. 1 CO ne se posait pas. 
4) A ce stade de leur raisonnement, les juges cantonaux se sont penchés sur le calcul des jours de vacances à convertir en argent. Ils ont corrigé le chiffre retenu par les premiers juges pour tenir compte des congés que l'employé avait concédé avoir pris en 2018 et 2019 et retenu qu'il était titulaire d'un solde de 23,03 jours de vacances à la fin des rapports de travail. L'employeuse lui devait donc une somme de 49'983 fr. 50 à ce titre. 
5) Sur les 80'450 fr. 70 qu'il avait touchés, l'employé devait donc restituer à la recourante 30'467 fr. 20 avec intérêts (80'450 fr. 70 - 49'983 fr. 50), les conditions de l'enrichissement illégitime étant par ailleurs réalisées. 
 
3.2. La recourante dénonce une violation des art. 2 CC, 18 CO et 329d al. 1 CO. Dans ses développements, ponctués du grief de violation de l'art. 8 CC et d'omission de faits pertinents régulièrement allégués en procédure, elle reproche aux juges cantonaux d'avoir méconnu les principes régissant l'interprétation des contrats. Un bon nombre d'éléments auraient été méconnus, dont le fait que ce serait l'intimé qui aurait rédigé cette convention de manière volontairement ambiguë, que son intention initiale n'était pas de réclamer une indemnité pour ses jours de vacances non pris mais que, déçu de ne point avoir obtenu d'indemnité de départ, il aurait changé d'avis au cours des négociations, et que l'indemnité de vacances ne s'apparenterait pas à un élément secondaire, comme son montant le révélerait fort bien, de sorte qu'elle aurait été soldée transactionnellement à l'instar de tous les éléments principaux liés au départ de l'intimé. Tous éléments pertinents considérés, l'interprétation objective aurait dû dicter la conclusion suivante: l'indemnité pour vacances non prises serait englobée dans les six mois de salaire prévus au ch. 2 de la convention de départ.  
 
4.  
 
4.1. Conformément aux principes généraux applicables tant à la conclusion qu'à l'interprétation des contrats, le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités; arrêt 4A_502/2022 / 4A_504/2022 du 12 septembre 2023 consid. 3.1.2). L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il s'agit de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités; arrêt 4A_502/2022 / 4A_504/2022 précité consid. 3.1.2).  
 
4.2. Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêts 4A_502/2022 / 4A_504/2022 précité consid. 4.2; 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.2 et les références citées). Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 130 III 417 consid. 3.2). La détermination de la volonté objective des parties, selon le principe de la confiance, est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement; pour la trancher, il faut cependant se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait. Les circonstances déterminantes à cet égard sont uniquement celles qui ont précédé ou accompagné la manifestation de volonté, mais non les événements postérieurs (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 133 III 61 consid. 2.2.1).  
 
5.  
En l'espèce, la question est de savoir si la prétention de l'employé afférente aux vacances non prises est englobée dans l'indemnité prévue au ch. 2 de la convention de départ (cf. supra let. A.e).  
 
5.1. La Cour cantonale a constaté qu'une réelle et commune intention sur ce point était inexistante. La recourante ne s'en prend pas à cette constatation de fait qui sonne le glas de l'interprétation subjective.  
 
5.2. Devant l'échec de cette méthode, la Cour cantonale a fait appel à l'interprétation objective ou normative, ce qui ne suscite à juste titre aucune critique.  
La Cour cantonale a estimé que, puisque la question des vacances n'avait pas été thématisée, que ce soit lors des pourparlers ou dans la convention elle-même, l'intimé pouvait de bonne foi en déduire que celles-ci lui seraient versées en espèces, d'autant que cette convention ne visait à régler que les principales modalités de son départ. En cela, elle ne peut être suivie. 
Initialement, l'employé avait donné sa démission pour l'échéance du 30 septembre 2019, puisqu'il disposait d'un préavis de six mois. C'est ensuite que les parties sont convenues d'un départ anticipé (le 3 avril pour le 5 avril 2019). Cette fin anticipée des rapports de travail comportait un avantage pour l'employé: il recouvrait immédiatement sa liberté et pouvait intégrer un nouveau poste sans délai et sans avoir à rendre de comptes à la banque. Quant à celle-ci, elle se privait certes de la force de travail de l'employé pendant la durée du préavis; toutefois, elle était mécontente de son CEO et souhaitait le voir partir aussi rapidement que possible, ce qui signifie qu'elle l'aurait certainement libéré de son obligation de travailler si les rapports de travail avaient perduré durant six mois supplémentaires. Il s'agissait donc pour les parties de procéder à la liquidation anticipée des rapports de travail, ce qui impliquait de placer l'employé dans la situation qui aurait été la sienne s'il était resté six mois supplémentaires tout en le libérant des obligations qui auraient été les siennes si le contrat de travail avait perduré durant ce laps de temps. Elles sont donc convenues au ch. 1 de la convention de départ que le contrat de travail " prendra[it] fin avec effet au 5 avril 2019 " et, au ch. 2, que " [l]'équivalent de six mois de salaire [...] sera[it] payé [à l'employé] date valeur 3 avril 2019 ". Dans ces conditions, l'employé pouvait-il légitimement croire que les vacances qu'il n'avait pas pu prendre jusque-là lui seraient versées en sus, sans que ceci n'ait été thématisé durant les pourparlers ou ne soit indiqué en toutes lettres dans la convention? La réponse est nécessairement négative. Les six mois de salaire convenus au ch. 2 de la convention de départ devaient être compris dans le présent contexte comme un équivalent en temps durant lequel le CEO aurait pu prendre les jours de congé dont il bénéficiait encore. Il faut en effet raisonner s'agissant des vacances comme si l'employé l'était demeuré six mois supplémentaires tout en étant libéré de l'obligation de travailler: il aurait alors eu tout loisir de prendre les 23,03 jours de congé dont il était encore titulaire, ajoutés aux jours de vacances afférents au délai de préavis lui-même. En parallèle, il aurait pu dédier tout le temps nécessaire à des recherches d'emploi, d'autant qu'il ne paraît guère avoir éprouvé une quelconque difficulté dans ces démarches, à en juger par le nouveau poste qu'il affirme avoir intégré à compter du 1er novembre 2019 déjà. 
Certes, cette démarche interprétative crée un décalage entre la fin effective des rapports de travail, le 5 avril 2019, et la date retenue pour fixer le droit à une éventuelle indemnité pour vacances non prises, à savoir le 30 septembre 2019. Cela étant, ce cas de figure n'est pas singulier. Ainsi, en cas de licenciement immédiat injustifié, le contrat de travail prend fin immédiatement mais il y a en quelque sorte reconstitution d'une date hypothétique de fin des rapports de travail pour les besoins de la fixation de l'indemnité, laquelle correspond au délai ordinaire de congé non respecté, ainsi que pour l'imputation des vacances, laquelle se justifie lorsque le délai de résiliation est de longue durée (ATF 128 III 271 consid. 4a/bb; 117 II 270 consid. 3b; arrêts 4A_56/2016 du 30 juin 2016 consid. 4.1.1; 4A_115/2010 du 14 mai 2010 consid. 3.1; 4A_308/2008 du 25 septembre 2008 consid. 3.2). C'est donc de manière pertinente que la recourante cite cette jurisprudence, lors même qu'elle ne concerne pas directement l'interprétation d'une convention de départ. 
En conclusion, l'intimé ne pouvait raisonnablement croire qu'il toucherait non seulement le salaire afférent aux six mois de préavis durant lesquels il n'avait pas à travailler, mais en plus celui correspondant à des vacances qu'il aurait dû prendre en nature durant les six mois en question. La clause prévue au ch. 2 de la convention devait être comprise de bonne foi en ce sens qu'elle englobait l'indemnité afférente aux jours de vacances subsistants. Ou, pour le dire autrement, les six mois (de salaire) que l'employeuse versait aux termes de cette convention couvraient une période durant laquelle les jours de vacances subsistants étaient compensés. Le grief de violation de l'art. 18 CO apparaît dès lors fondé. 
 
5.3. L'intimé ne fait pas clairement valoir que la convention du 3 avril 2019 ne serait pas valable. Et la Cour cantonale est parvenue à la conclusion qu'elle déployait tous ses effets. Il n'y a dès lors pas lieu d'en disserter.  
 
5.4. L'intimé ne prétend pas non plus de manière suffisamment motivée, pour le cas où le Tribunal fédéral conclurait que l'indemnité de vacances est englobée dans celle prévue au ch. 2 de la convention, que l'art. 341 al. 1 CO y ferait obstacle. Il n'est d'ailleurs pas question ici d'une renonciation à cette indemnité.  
 
5.5. Au vu de ce qui précède, il est inutile de se pencher sur les griefs de la recourante qui ont trait aux éléments factuels qui auraient été ignorés, respectivement à la justesse du calcul des vacances opéré par la Cour cantonale.  
 
5.6. Il apparaît donc que le montant de 80'450 fr. 70 que la recourante a versé à l'employé l'a été sans fondement aucun. L'intimé ne soulève aucun grief suffisamment motivé s'agissant des conditions déterminant l'obligation de restituer cette somme en vertu de l'enrichissement illégitime. Cela scelle le sort du litige.  
 
5.7. La recourante a conclu à ce que l'intimé soit condamné à lui payer 80'450 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 21 juin 2019 et à la levée de l'opposition formée par l'intimé à concurrence de ce montant et de ces intérêts. Dans la mesure où le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF), l'intimé sera condamné à verser ce montant et ces intérêts à la recourante.  
 
6.  
Partant, le recours doit être admis. 
Le jugement attaqué est annulé et réformé en ce sens que l'intimé doit être condamné à payer à la recourante le montant de 80'450 fr. net, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 21 juin 2019. La mainlevée définitive de l'opposition formée le 9 juillet 2019 par l'intimé au commandement de payer notifié par l'Office des poursuites de Genève dans la poursuite n o xxx est prononcée à concurrence de 80'450 fr. net, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 21 juin 2019. Les parties sont déboutées de toute autre conclusion.  
Compte tenu de cette issue, l'intimé supportera les frais judiciaires et versera à la recourante une indemnité à titre de dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et réformé dans le sens suivant: 
L'intimé est condamné à payer à la recourante le montant de 80'450 fr. net, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 21 juin 2019. 
La mainlevée définitive de l'opposition formée le 9 juillet 2019 par l'intimé au commandement de payer notifié par l'Office des poursuites de Genève dans la poursuite n o xxx est prononcée à concurrence de 80'450 fr. net, avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 21 juin 2019.  
Les parties sont déboutées de toute autre conclusion. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
La cause est renvoyée à la Cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 6 novembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Douzals