6B_1202/2023 30.01.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1202/2023  
 
 
Arrêt du 30 janvier 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. le Juge fédéral 
Muschietti, Juge présidant. 
Greffier : M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
Parquet général du canton de Berne, 
Nordring 8, case postale, 3001 Berne, 
intimé. 
 
Objet 
Irrecevabilité formelle du recours en matière pénale; recours tardif; restitution du délai (obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale), 
 
recours contre le jugement de la Cour suprême 
du canton de Berne, 2e Chambre pénale, 
du 15 septembre 2023 (SK 22 337). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
Par jugement du 15 septembre 2023 (SK 22 337), notifié le 20 septembre 2023 au conseil d'office en procédure cantonale de A.A.________, la 2e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a libéré cette dernière de la prévention d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, infraction prétendument commise entre le 1er mars 2018 et le 31 décembre 2019, à U.________ (ch. I), l'a reconnue coupable d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, infraction commise entre le 1er octobre 2016 et le 28 février 2018, à U.________ (ch. II) et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 10 fr. le jour, soit un total de 1'500 fr. avec sursis pendant 2 ans (III), renonçant à prononcer l'expulsion de l'intéressée (IV), le tout avec suite de frais de première (à concurrence de 50 %) et de seconde instances (à concurrence de 25 % à la charge de la prévenue) (V). Ce jugement statue enfin sur la rémunération du mandataire d'office, ainsi que la part de cette rémunération que A.A.________ est tenue de rembourser, dès que sa situation financière le permettra, au canton de Berne et à l'avocat (VI). 
 
2.  
Par courrier daté du 8 octobre 2023, sous rubrique "Ad. procédure 7B_569/2023/CAU", A.A.________ a requis la récusation d'un procureur. Autant que l'on comprenne cette écriture, l'intéressée y relevait notamment l'attitude du magistrat durant la procédure ayant mené à un jugement du 23 février 2022, objet du jugement sur appel SK 22 337 du 15 septembre 2023. En annexe à cette écriture figurait une copie du rubrum de cette dernière décision, avec l'indication " Moi soussignée, j'annonce un appel au jugement SK 22 337. Je demande de sauvegardé le délai, le temps de me nommé un avocat, vu que mon avocate me lesser tombé. [suivie de la mention U.________ le 09.10.2023 et d'une signature]".  
 
3.  
La recourante a été informée par courrier du 11 octobre 2023 que selon la pratique de la cour de céans, il lui incombait de trouver un avocat et à ce dernier, une fois accepté ce mandat, de demander l'assistance judiciaire. Son attention a également été attirée sur l'impossibilité de prolonger le délai de recours ainsi que sur les exigences de forme portant sur la motivation et les conclusions d'une telle écriture. Elle a, enfin, été invitée à prendre les mesures nécessaires en tant que le délai de recours ne paraissait pas encore échu. 
 
4.  
Par pli daté du 19 mais remis à la poste le 25 octobre 2023, sous la signature de sa fille B.A.________, A.A.________ a encore fait produire diverses pièces et elle a aussi adressé au Tribunal fédéral un message électronique non signé le 30 octobre 2023. 
 
5.  
Par ordonnance du 31 octobre 2023, A.A.________ a été invitée à avancer les frais de la procédure par 800 francs. 
 
6.  
Par courrier daté du 17 octobre 2023, portant le sceau d'un bureau postal de V.________ (RU), daté du lendemain et arrivé en Suisse le 2 novembre 2023, A.A.________ a exposé recourir contre le jugement sur appel SK 22 337 et demander la récusation du Juge d'appel C.________ ayant fonctionné comme Président en remplacement dans cette cause. 
 
7.  
Par écriture datée du 6 mais remise à La Poste suisse le 11 novembre 2023, accompagnée de pièces, puis par courrier électronique non signé du 14 novembre 2023, A.A.________ a requis à titre préjudiciel "la reconsidération, respectivement la restitution du délai de recours" ainsi que la désignation d'un défenseur obligatoire. 
 
8.  
Par courrier du 14 novembre 2023, elle a été renvoyée à la précédente communication du Tribunal fédéral du 11 octobre 2023 en ce qui concernait la désignation d'un avocat, informée qu'il n'y avait pas de motif de suspension et que la demande de restitution serait traitée dans l'arrêt à rendre, en attirant son attention sur le fait que le non-paiement de l'avance de frais de procédure dans le délai imparti était susceptible d'entraîner l'irrecevabilité du recours. 
 
9.  
A.A.________ s'est encore exprimée par pli du 20 novembre 2023, accompagné de pièces. 
 
 
10.  
Par ordonnance du 22 novembre 2023, adressée à A.A.________ comme acte judiciaire avec accusé de réception, un délai supplémentaire échéant le 4 décembre 2023 lui a été imparti pour s'acquitter de l'avance de frais de 800 fr., avec l'indication des conséquences en cas de non-respect de ce délai (art. 62 al. 3 LTF). Ce pli n'a pas été retiré et lui a été réexpédié en courrier A le 6 décembre 2023. 
 
11.  
Par courriers datés des 8 et 10 décembre 2023, remis à La Poste le 12 décembre 2023, A.A.________ a informé le Tribunal fédéral avoir " légalement délégué [ses] affaires juridiques ou moins à son assurance juridique " et attendre le 1er janvier 2024 pour donner procuration à son avocat. Elle a également invoqué n'être pas en mesure de s'acquitter de l'avance de frais précitée. 
 
12.  
La partie qui saisit le Tribunal fédéral doit avancer les frais présumés de la procédure (art. 62 al. 1 LTF). Si elle ne verse pas l'avance requise dans le délai supplémentaire qui lui est fixé après un premier non-paiement, son recours est irrecevable (art. 62 al. 3 LTF). 
 
13.  
En l'espèce, la recourante n'a pas effectué l'avance demandée et n'a requis d'en être dispensée qu'après l'échéance du délai supplémentaire imparti. Le recours est irrecevable pour ce premier motif. 
 
14.  
Par surabondance, le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent sa notification (art. 100 al. 1 LTF). Les délais dont le début dépend d'une communication ou de la survenance d'un événement courent dès le lendemain de celles-ci (art. 44 al. 1 LTF). En vertu de l'art. 48 al. 1 LTF, les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse. Si les parties sont pourvues d'un conseil juridique, les communications sont valablement notifiées à celui-ci (art. 87 al. 3 CPP). 
 
15.  
La remise à un bureau de poste étranger n'est pas assimilée à la remise à un bureau de poste suisse (ATF 125 V 65 consid. 1; arrêts 6B_350/2023 du 28 juin 2023 consid. 3; 6B_39/2023 du 13 février 2023 consid. 2; 6B_590/2021 du 29 septembre 2021 consid. 4; 6B_225/2021 du 15 juillet 2021 consid. 3 et les arrêts cités). Pour que le délai de recours soit sauvegardé en pareil cas, il faut que le pli contenant le mémoire arrive le dernier jour du délai au plus tard au greffe du Tribunal fédéral ou que La Poste suisse en prenne possession avant l'expiration du délai (arrêts 6B_39/2023 précité consid. 2; 6B_590/2021 précité consid. 4; 6B_225/2021 précité consid. 3 et les références citées). La partie recourante qui choisit de transmettre son recours par une poste étrangère doit ainsi faire en sorte que celui-ci soit reçu à temps en le postant suffisamment tôt (arrêts 6B_39/2023 précité consid. 2; 6B_590/2021 précité consid. 4; 6B_225/2021 précité consid. 3 et les références citées). 
 
16.  
Selon les données Track&Trace de La Poste, l'arrêt querellé a été notifié à l'adresse du conseil d'office en procédure cantonale de la recourante le 20 septembre 2023. Le délai de recours a, partant, commencé à courir le lendemain pour échoir le vendredi 20 octobre 2023. 
 
17.  
On peut donc se dispenser d'examiner plus avant toutes les écritures postérieures au 20 octobre 2023 au stade de l'examen formel de la recevabilité du recours quant à son contenu. 
 
18.  
Par ailleurs, les mémoires de recours au Tribunal fédéral doivent indiquer notamment les conclusions et les motifs. Celles-là doivent permettre de comprendre quels points du dispositif de la décision entreprise doivent être annulés ou modifiés et ceux-ci exposer succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (art. 42 al. 1 et 2 LTF). La motivation doit être complète, un simple renvoi à d'autres écritures ou aux pièces du dossier n'est pas suffisant (cf. ATF 140 III 115 consid. 2; 133 II 396 consid. 3.2) et il n'est pas possible non plus de compléter la motivation passé le délai de recours (cf. arrêt 9C_236/2020 du 2 juin 2021 consid. 6, non publié aux ATF 147 V 251; arrêt 2C_347/2012 du 28 mars 2013 consid. 2.6 non publié aux ATF 139 II 185). 
 
19.  
Autant qu'on en comprenne le contenu, l'écriture datée du 8 octobre 2023, qui porte en particulier sur la récusation d'un procureur, paraît ne concerner que la procédure 7B_569/2023. Un arrêt ayant été rendu dans cette cause le 21 septembre 2023, cette écriture est sans objet, hormis en ce qui concerne l'intention manifestée - mais dénuée de toute motivation - de contester le jugement SK 22 337 rendu sur appel par la cour cantonale le 15 septembre 2023 (v. supra consid. 2).  
 
20.  
En tant que de besoin, on peut relever qu'il ressort de la page 8 de cette écriture que la recourante invoque que le procureur dont elle critique le comportement avait également instruit l'affaire qui a conduit au jugement sur appel du 20 [recte: 15] septembre 2023. Rien n'indique toutefois que ce point pourrait être l'objet de cette décision de dernière instance cantonale et, partant, qu'il pourrait être celui d'un recours en matière pénale dirigé contre elle (art. 80 al. 1 LTF). Le recours n'apparaît pas recevable sous cet angle non plus. 
 
21.  
L'écriture datée du 17 octobre 2023 a été remise à un bureau de poste étranger et n'est parvenue au pays de destination, soit en main de La Poste suisse, que le 2 novembre 2023. Elle est tardive et, partant, irrecevable. 
 
22.  
L'écriture datée du 19 octobre 2023 n'ayant été remise à La Poste que le 25 octobre 2023, elle est irrecevable pour ce motif déjà, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant si la fille de la recourante pouvait agir en son nom (cf. art. 40 al. 1 LTF) et si un éventuel vice de cet ordre serait ou non réparable. 
 
23.  
La recourante a indiqué sur le rubrum du jugement sur appel du 15 septembre 2023 qu'elle demandait "de sauvegard[er] le délai" le temps de lui désigner un avocat, son avocat d'office en procédure cantonale l'ayant "laissée tomber". Elle a plus formellement requis la restitution du délai de recours dans la cause 6B_1202/2023 dans son écriture du 6 novembre 2023.  
 
24.  
Conformément à l'art. 50 al. 1 LTF, si, pour un autre motif qu'une notification irrégulière, la partie ou son mandataire a été empêché d'agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute, le délai est restitué pour autant que la partie en fasse la demande, avec indication du motif, dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé; l'acte omis doit être exécuté dans ce délai. La restitution du délai est ainsi subordonnée à la condition qu'aucun reproche ne puisse être formulé à l'encontre de la partie ou de son mandataire. La restitution d'un délai au sens de l'art. 50 al. 1 LTF suppose donc l'existence d'un empêchement d'agir dans le délai fixé, lequel doit être non fautif (ATF 149 IV 97 consid. 2.1). 
 
25.  
On recherche en vain l'exposé de tout motif à l'appui de la demande précitée de "sauvegarder le délai". On peut donc se dispenser d'examiner plus avant s'il s'agit réellement d'une demande de restitution du délai de recours au sens de l'art. 50 en corrélation avec l'art. 100 LTF, ce qui ne va pas de soi, dans la mesure où le délai n'était pas échu au moment de cette requête et où, comme la recourante a été invitée à le faire (courrier du 11 octobre 2023; v. supra consid. 3), elle avait encore la possibilité de compléter ses écritures.  
 
26.  
Il ressort, en revanche, d'une attestation annexée à cet envoi, datée du 28 septembre 2023, qu'à cette date la recourante était hospitalisée à l'Unité de Réhabilitation Psychosociale de l'Hôpital du Jura bernois, qu'elle se trouvait alors débordée sur le plan administratif, qu'il pouvait être opportun de déléguer toutes ses affaires juridiques à un avocat commis d'office et que l'hospitalisation risquait de se prolonger jusqu'au 3 octobre 2023. 
 
27.  
Dans la suite, la recourante a posté en Russie, le 18 octobre 2023, son recours, qui n'est parvenu en Suisse que le 2 novembre 2023. Cette écriture contenant une douzaine de pages de réflexions, qui sont au moins partiellement compréhensibles et en lien avec la décision contestée, le tout émaillé de références à la constitution, au CPP ainsi qu'à la jurisprudence du Tribunal fédéral, force est d'admettre que, même si la recourante s'est plainte de ne pas avoir pu disposer de l'assistance d'un avocat, elle n'en a pas moins été en mesure de déposer un recours complet. 
 
28.  
En définitive, seule prête à discussion l'éventuelle faute de la recourante consistant à avoir attendu le 18 octobre 2023 pour poster depuis la Russie son pli recommandé. 
 
 
29.  
A cet égard, et même si une impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à l'erreur excusable peut justifier la restitution d'un délai (cf. ATF 96 II 262 consid. 1a p. 265; compléter), la pratique se montre stricte dans l'appréciation de la réalisation de cette condition; elle exige que le caractère non fautif de l'empêchement allégué apparaisse clairement (arrêts 6B_148/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3.3; 4A_215/2008 du 23 septembre 2008 consid. 7.1 et les références citées). Du reste, contrairement à la solution moins stricte retenue par l'art. 148 al. 1 CPC, l'art. 50 al. 1 LTF n'envisage pas la restitution du délai en cas de faute légère. Il n'y a ainsi empêchement d'agir dans le délai que pour autant qu'aucun reproche ne puisse être formulé à l'encontre de la partie ou de son mandataire (cf. arrêts 8C_743/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.3; 8C_15/2012 du 30 avril 2012 consid. 1). 
 
30.  
En l'espèce, si la recourante a été hospitalisée (v. supra consid. 26), elle n'en a pas moins été en mesure d'agir le 8 octobre 2023 et de rédiger un courrier de près d'une dizaine de pages. Elle disposait ainsi encore d'une douzaine de jours pour formuler son recours dans le présent dossier. Si l'on ignore quand précisément la recourante s'est déplacée en Russie, rien n'indique qu'elle n'aurait pas été en mesure de concevoir que ce choix, alors que le délai de recours n'était pas échu, pouvait compliquer l'accomplissement de ses obligations procédurales. Elle en répond donc. Il ressort également de l'écriture postée dans ce pays que la recourante savait que son pli mettrait 6 à 10 jours pour parvenir en Suisse, mais qu'elle a néanmoins pris la décision de déposer son recours par lettre recommandée, en se réservant de le compléter (dossier 6B_1202/2023, act. 10 p. 1). Dans la mesure où d'autres possibilités s'offraient à elle, comme de demander à sa fille domiciliée en Suisse de remettre le recours à La Poste, à l'instar de l'envoi daté du 19 octobre 2023 (dossier 6B_1202/2023 act. 6), sa décision de procéder de la sorte ne peut même plus être appréciée comme procédant d'une faute simplement légère. On ne perçoit pas non plus ce qui aurait empêché la recourante de se renseigner sur les exigences relatives au respect du délai de recours posées par la loi suisse. L'absence de tout contrôle à ce propos relève tout au moins de la négligence, ce qui conduit également au refus de la restitution du délai.  
 
 
31.  
En tant que de besoin, soit dans la mesure où la recourante invoque se trouver dans un cas de défense obligatoire, il suffit de rappeler que la loi sur le Tribunal fédéral ne connaît pas cette institution au sens des art. 130 ss CPP (ATF 149 IV 97 consid. 2.4 et 2.5). 
 
32.  
Il résulte de ce qui précède que le recours est manifestement irrecevable, ce qu'il y a lieu de constater dans la procédure prévue par l'art. 108 al. 1 let. a LTF. Vu cette issue, les conclusions de la recourante étaient dénuées de chances de succès, si bien que l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 et 3 LTF). La recourante succombe. Elle supporte les frais de la procédure qui seront fixés en tenant compte de sa situation, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Juge présidant prononce :  
 
1.  
La demande de restitution du délai de recours est rejetée. 
 
2.  
Le recours est irrecevable. 
 
3.  
L'assistance judiciaire est refusée. 
 
4.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale. 
 
 
Lausanne, le 30 janvier 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Muschietti 
 
Le Greffier : Vallat