6B_596/2023 31.08.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_596/2023  
 
 
Arrêt du 31 août 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et van de Graaf. 
Greffier : M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Yann Oppliger, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Demande de révision (lésions corporelles graves); arbitraire, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
du 13 février 2023 (n° 146 PE20.016501-LAL). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance pénale du 7 octobre 2020, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a condamné B.________ pour voies de fait, injure et violation de domicile, à 40 jours-amende à 50 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, et à 500 fr. d'amende substituables par 10 jours de privation de liberté en cas de non-paiement dans le délai imparti, a condamné C.________ pour voies de fait à une amende de 300 fr., convertible en 3 jours de privation de liberté en cas de non-paiement dans le délai imparti, et a dit que les frais de procédure, par 1275 fr., seraient mis à la charge de B.________ (par 950 fr.) et de C.________ (par 325 fr.). Les faits pertinents retenus étaient les suivants: 
Le 15 août 2020, B.________ est entrée sans y avoir été autorisée dans le hall de l'appartement de A.________ et a donné des coups de poing sur la tempe de son ex-conjoint C.________ en le traitant notamment de "salopard", ainsi qu'à A.________ tout en lui tirant les cheveux, en la bousculant et en la traitant notamment de "pute" et de "sale garce", sans les blesser. 
 
B.  
Saisie par A.________ d'une demande de révision, par jugement du 13 février 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a déclarée irrecevable et a rejeté la demande d'assistance judiciaire, frais (550 fr.) à charge de la demanderesse en révision. 
 
C.  
Par acte du 8 mai 2023, A.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement précité. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à sa réforme en ce sens que la demande de révision est admise et B.________ condamnée pour lésions corporelles graves, injure et violation de domicile à une peine que justice dira. A titre subsidiaire, elle en réclame la réforme en ce sens qu'il soit entré en matière sur sa demande et, plus subsidiairement encore, que la décision entreprise soit annulée et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. Elle requiert, par ailleurs, le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante a vu sa demande de révision déclarée irrecevable. Elle a qualité pour contester cette issue (art. 81 al. 1 let. a et b LTF). Le recours en matière pénale est recevable sous cet angle. L'objet de la procédure fédérale étant toutefois, hormis les questions accessoires, limité à ce point procédural (art. 80 al. 1 LTF), les conclusions de la recourante tendant à obtenir une modification sur le fond de l'ordonnance pénale sont irrecevables. 
 
2.  
La cour cantonale a jugé que si la recourante avait été physiquement blessée lors des faits survenus le 15 août 2020, elle avait bien dû s'en rendre compte avant que l'ordonnance pénale du 7 octobre 2020 devienne définitive, la pièce médicale produite attestant que le médecin de la recourante avait constaté la rupture complète d'un ligament du genou le 26 août 2020. Le lien entre l'agression et les blessures était par ailleurs douteux dès lors que la même pièce indiquait que la patiente (qui avait déjà des problèmes de genou avant cela) s'était plainte le 26 août 2020 de douleurs "apparues depuis un mois environ", c'est-à-dire avant le 15 août 2020. La cour cantonale en a conclu que les pièces produites n'étaient pas propres à entraîner une condamnation différente.  
 
La recourante lui reproche d'avoir établi les faits de manière lacunaire, erronée et arbitraire (art. 9 Cst.). L'autorité précédente aurait aussi violé son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) faute de résumer au moins succinctement les pièces médicales produites et elle aurait violé l'art. 410 al. 1 let. a CPP en ne retenant pas la réalisation des motifs de révision avancés. 
 
3.  
Dans le recours en matière pénale, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits (sur cette notion, v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1). Il en va ainsi notamment du contenu de la pensée (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs ainsi que, de manière plus générale, tous ceux qui relèvent de la violation de droits fondamentaux, que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), soit s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1). 
 
4.  
L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement ou une ordonnance pénale entrés en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuves qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère. Les faits ou moyens de preuves invoqués doivent ainsi être nouveaux et sérieux. Les faits ou moyens de preuves sont nouveaux s'ils sont restés inconnus du juge au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2 p. 66 s.). Comme cela ressort sans ambiguïté des textes en langues allemande et italienne, les faits n'en doivent pas moins avoir existé antérieurement à la décision ( vor dem Entscheid eingetretene Tatsachen; anteriori alla decisione). Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 p. 199; 137 IV 59 consid. 5.1.4 p. 68).  
 
La procédure du rescindant instituée par le CPP se déroule, en principe, en deux phases, à savoir un examen préalable de la recevabilité (art. 412 al. 1 et 2 CPP) et un examen des motifs invoqués (art. 412 al. 3 et 4 et 413 CPP). Il s'agit de deux étapes d'une seule et même procédure, pour laquelle la juridiction d'appel est compétente (art. 412 al. 1 et 3 CPP). Selon l'art. 412 al. 2 CPP, la juridiction d'appel n'entre pas en matière sur la demande de révision si celle-ci est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé. La procédure de non-entrée en matière selon cette disposition est en principe réservée à des vices de nature formelle (par exemple le défaut de la qualité pour recourir, le caractère non définitif du jugement entrepris, etc.). Il est néanmoins loisible à la juridiction d'appel de refuser d'entrer en matière si les motifs de révision invoqués apparaissent d'emblée non vraisemblables ou mal fondés (ATF 143 IV 122 consid. 3.5 p. 129; arrêt 6B_297/2020 du 10 juillet 2020 consid. 1.1.2), ou encore lorsque la demande de révision apparaît abusive (arrêt 6B_297/2020 précité consid. 1.1.2 et les références citées). Le refus d'entrer en matière s'impose alors pour des motifs d'économie de procédure, car si la situation est évidente, il n'y a pas de raison que l'autorité requière des déterminations (art. 412 al. 3 CPP) pour ensuite rejeter la demande (art. 413 al. 1 CPP; arrêt 6B_574/2019 du 9 septembre 2019 consid. 1.2.1).  
 
Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu alléguer dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en oeuvre par une simple opposition. En revanche, une révision peut entrer en considération à l'égard d'une ordonnance pénale pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raisons d'invoquer à cette époque (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 p. 199; 130 IV 72 consid. 2.3 p. 75 s.; arrêt 6B_1061/2019 du 28 mai 2020 consid. 3.3). L'abus de droit ne sera cependant admis qu'avec retenue. Il s'agit dans chaque cas d'examiner, au regard des circonstances de l'espèce, si la demande tend à contourner les voies de droit ordinaires (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 p. 199; 130 IV 72 consid. 2.2 p. 74 et consid. 2.4 p. 76; arrêt 6B_1061/2019 précité consid. 3.3). 
 
4.1. Pour succincte qu'elle soit, la motivation fournie par la cour cantonale permet de comprendre que cette autorité a jugé la demande de révision d'emblée mal fondée, dès lors que la recourante aurait pu faire état de la blessure alléguée dans le cadre de la procédure ayant mené au prononcé de l'ordonnance pénale. Il suffit dès lors de rappeler que le juge n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2) et que dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). Cela suffit à exclure la violation du droit d'être entendu alléguée.  
 
4.2. Contrairement à ce que suggère la recourante, il n'y a pas de motifs d'appréhender de manière différente la demande de révision d'une ordonnance pénale présentée par le condamné et celle émanant de la partie plaignante. En effet, l'ordonnance pénale a certes pour spécificité de contraindre le premier à prendre position, l'absence de réaction de sa part s'interprétant comme un acquiescement. Il n'en va toutefois pas différemment de la seconde. Si, aux termes de la loi, cette dernière n'est pas désignée expressément comme pouvant former opposition (art. 354 al. 1 CPP), la jurisprudence a admis qu'elle pouvait, en tant qu'"autre personne concernée" (art. 354 al. 1 let. b CPP), le faire non seulement pour invoquer son droit à une indemnité au sens de l'art. 433 CPP (ATF 139 IV 102 consid. 5.2) mais aussi pour contester l'appréciation juridique des faits et ce indépendamment d'éventuelles prétentions civiles (ATF 141 IV 231 consid. 2.3 ss). On peut donc attendre de la partie plaignante insatisfaite de la qualification retenue dans l'ordonnance pénale qu'elle fasse opposition et présente, dans la procédure judiciaire de première instance, l'ensemble de ses moyens (en fait et en droit) pour établir de manière concrète l'étendue de la lésion qu'elle a subie dans un bien juridique protégé par la loi pénale.  
 
Au stade de la révision, l'ouverture d'une telle procédure suppose une demande dûment motivée (art. 411 al. 1 CPP; cf. déjà ATF 107 Ia 102). En d'autres termes, l'acte introductif doit répondre à des exigences de motivation relativement strictes (MARIANNE HEER, in Basler Kommentar Strafprozessordnung, 3e éd. 2023, nos 7 ad art. 411 CPP et 2a ad art. 412 CPP), le demandeur assumant le fardeau de l'allégation et, lorsqu'il est le condamné, supportant même un fardeau de la preuve inversé par rapport à celui prévalant dans la procédure précédente (THOMAS FINGERHUTH, in Kommentar zur schweizerischen Strafprozessordnung, 3e éd. 2020, no3 ad art. 411 CPP). Il incombe donc au demandeur en révision, a fortiori lorsqu'il s'agit de la partie plaignante et qu'elle est assistée d'un mandataire professionnel, d'exposer de manière détaillée, quelles raisons légitimes justifiaient de taire les faits en question dans la procédure de l'ordonnance pénale, respectivement de renoncer à entreprendre cette ordonnance par voie d'opposition. A défaut, le demandeur en révision s'expose au reproche de tenter de contourner les voies de droit ordinaires.  
 
4.3. En l'espèce, la cour cantonale a noté, sur la base des pièces produites, que la rupture ligamentaire complète du genou avait déjà été diagnostiquée le 26 août 2020. La recourante ne tente pas de démontrer que cette constatation serait insoutenable (art. 106 al. 1 LTF). Elle relève tout au plus que ce serait la persistance dans le temps des lésions physiques qui serait déterminante. Elle perd toutefois de vue qu'il s'agit là de circonstances essentiellement postérieures à l'ordonnance pénale qui ne sauraient fonder la demande de révision.  
 
4.4. Il n'en va pas différemment du rapport médical établi le 23 mars 2022 par le Centre de psychiatrie et psychothérapie D.________. Hormis le fait que l'on ignore à la lecture de ce document si la symptomatologie évocatrice d'un état de stress post-traumatique est apparue avant ou après la date à laquelle l'ordonnance pénale est entrée en force, on ne perçoit pas pourquoi la recourante, suivie depuis le 24 juillet 2019, n'aurait pas été en mesure de faire valoir l'existence d'atteintes psychiques nouvelles, dans la procédure de l'ordonnance pénale, respectivement par voie d'opposition. Cette pièce n'impose donc pas non plus de s'écarter de la solution retenue par la cour cantonale.  
 
4.5. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, retenir que les pièces produites à l'appui de la demande de révision, fût-ce au simple stade de la vraisemblance, n'étaient manifestement pas propres à modifier l'état de fait retenu, question qui ressortit à l'appréciation des preuves, soit aux faits (ATF 130 IV 72 consid. 1). De surcroît, en l'absence de toute explication de la recourante quant aux raisons pour lesquelles elle n'a pas invoqué précédemment ces moyens, la cour cantonale pouvait aussi considérer que la demande de révision visait, en réalité, à contourner les voies de droit ordinaires et se dispenser d'examiner au fond cette même demande.  
 
5.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il était dénué de chances de succès, ce qui conduit au refus de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). La recourante supporte les frais de la procédure, qui seront fixés en tenant compte de sa situation, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
L'assistance judiciaire est refusée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1200 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 31 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Vallat