6B_1044/2023 20.03.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1044/2023  
 
 
Arrêt du 20 mars 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, 
van de Graaf et von Felten. 
Greffière : Mme Brun. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Laurent Seiler, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Escroquerie par métier; vol; fixation de la peine; expulsion; inscription au registre SIS; arbitraire, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
du 4 juillet 2023 (n° 171 PE19.016561-KBE/SOS). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 15 novembre 2022, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a reconnu A.________ coupable des chefs d'accusation d'appropriation illégitime, de vol, de vol d'importance mineure, d'escroquerie par métier et de violation de domicile et l'a condamnée à une peine privative de liberté de 15 mois avec sursis pendant cinq ans, sous déduction de 88 jours de détention provisoire, ainsi qu'à une amende de 300 francs. Il a en outre ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans avec inscription au registre du Système d'Information Schengen (SIS). 
 
B.  
Par jugement du 4 juillet 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel formé par A.________ et a confirmé le jugement du 15 novembre 2022. 
En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants selon l'acte d'accusation établi le 25 juillet 2022 par le Ministère public de l'Est vaudois: 
Cas 2, 3, 5, 6, 13a, 14 
 
B.a. En Suisse romande, entre le mois de mai 2019 et avril 2020, A.________, sous une fausse identité, a mis en vente sur des sites de commerce en ligne des caméras et des casques audio pour des montants entre 110 et 200 francs. Plusieurs acheteurs intéressés par ces articles ont proposé, puis ont versé le montant demandé sur le compte bancaire de A.________. Malgré leurs relances, ceux-ci n'ont jamais reçu les objets, ni n'ont été remboursés de leurs investissements.  
Cas 7 à 11 
 
B.b. En février 2020, dans différentes villes de suisse romande, A.________ et B.________ ont dérobé des bouteilles d'alcool dans des supermarchés pour des montants compris entre 200 fr. et 514 fr. 10 francs.  
Cas 15, 15/1 à 15/22 
 
B.c. À U.________, entre mai 2019 et le 23 juin 2020 (jour de son arrestation), A.________ a effectué 628 commandes frauduleuses sur Internet, tout d'abord de manière occasionnelle, puis de façon systématique dès le mois de novembre 2019. Pour cela, elle a créé au moins 112 adresses de courriels fantaisistes, utilisé 73 identités différentes et est parvenue à se faire expédier les colis à douze adresses distinctes dans différentes villes. Elle a récupéré les colis dans des boîtes aux lettres sur lesquelles elle avait préalablement apposé des étiquettes portant des identités utilisées pour les commandes. Elle a également demandé à sa fille, mineure au moment des faits, de coller des étiquettes avec de fausses identités sur des boîtes aux lettres. Elle a en outre utilisé sa fille à une trentaine de reprises pour récupérer des colis auprès de La Poste. A.________ a également demandé à sa fille, à une occasion, de solliciter l'une de ses amies, mineure au moment des faits, afin de récupérer des colis. A.________ a expliqué à cette dernière qu'il fallait prétendre à La Poste qu'il s'agissait de paquets destinés à une tante hospitalisée. Les commandes frauduleuses ont été passées pour le moins sur 15 sites de vente en ligne, 323 commandes ayant été expédiées pour un préjudice de 53'007 fr. 22 et 305 tentatives de commandes ayant été perpétrées pour une valeur globale de 36'586 fr. 85.  
S'agissant spécifiquement des cas 15/1 à 15/22, de nombreuses victimes ont reçu des colis de différentes boutiques en ligne ou des rappels de factures ou encore des rappels de paiements de sociétés de recouvrement concernant des commandes d'articles qu'elles n'avaient pas effectuées. Ces commandes ont été validées au moyen de fausses adresses électroniques créées par A.________. 
A.________ gardait à la maison la marchandise acquise frauduleusement. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral à l'encontre du jugement du 4 juillet 2023. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants. Subsidiairement, elle conclut à son acquittement des infractions d'escroquerie et de vol, à la condamnation à une peine pécuniaire avec sursis complet, ainsi qu'à la renonciation à son expulsion et son inscription au registre du SIS. Elle sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante conteste sa condamnation pour vol (cas 7, 8, 10 et 11), invoquant une appréciation arbitraire des preuves, une violation du principe in dubio pro reo en lien avec les art. 139 CPP, 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH.  
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 144 IV 345 consid. 2.2.3.1; 127 I 38 consid. 2a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves (sur la portée et le sens précis de la règle sous cet angle, cf. ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3), la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe in dubio pro reo, celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (voir ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
1.2. La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir retenu une coactivité entre elle et son ex-compagnon dans le cadre du vol de bouteilles d'alcool.  
 
1.2.1. Le coauteur est celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet, auquel il peut adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Ce qui est déterminant, c'est que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 149 IV 57 consid. 3.2.2; 135 IV 152 consid. 2.3.1; 130 IV 58 consid. 9.2.1).  
 
1.2.2. La recourante considère qu'il est inexact de retenir qu'elle savait que son ex-compagnon déroberait des bouteilles d'alcool dans différents commerces et qu'il ne ressortait pas de la procédure qu'elle aurait adopté un rôle de guet. Elle estime qu'en l'absence de collaboration déterminante et d'une participation essentielle à l'exécution de l'infraction, seul un rôle de complice pourrait éventuellement lui être imputé.  
Par ces éléments, la recourante présente sa propre appréciation des faits, sans pour autant démontrer que ceux retenus par la cour cantonale, qui sous-tendent la coactivité, seraient arbitraires. De nature appellatoire, son argumentation est irrecevable. 
Savoir si une coactivité peut être considérée sur la base des faits retenus est également une question de droit. Sur la base des éléments, qui lient la cour de céans, la recourante n'ayant pas démontré leur arbitraire, il était correct de retenir une coaction en raison de son rôle d'accompagnatrice lors de passages récurrents - dépourvus de toute justification - dans divers commerces et des enregistrements de vidéosurveillance qui ont attesté de son rôle de guet. C'est à juste titre que la cour cantonale l'a condamnée en qualité de coauteur. 
 
2.  
La recourante conteste sa condamnation pour escroquerie par métier (cas 2, 3, 5, 6, 13a, 14, 15, 15/1 à 15/22) en invoquant une violation de l'art. 146 CP
 
2.1. Aux termes de l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.  
Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 al. 1 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2). 
Selon la jurisprudence, la tromperie portant sur la volonté d'exécuter une prestation, en particulier sur le fait de prétendre être disposé à payer, constitue en principe une tromperie astucieuse, étant donné qu'elle se rapporte à des faits internes qui, par essence, ne peuvent être directement vérifiés par le cocontractant (ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2, affaire concernant une vente conclue sur Internet). L'astuce ne fait alors défaut que si les affirmations de l'auteur concernant sa volonté d'exécuter sa prestation sont indirectement susceptibles de faire l'objet de vérifications portant sur sa capacité à s'exécuter et si, à l'aune des vérifications que l'on pouvait raisonnablement attendre de la part de la dupe, celle-ci aurait pu ou dû se rendre compte que l'auteur ne disposait pas d'une telle capacité. Cette approche découle de l'idée selon laquelle quiconque n'a manifestement pas la capacité d'exécuter sa prestation ne peut pas non plus avoir de volonté sérieuse de s'exécuter (ATF 147 IV 73 consid. 3.3; 135 IV 76 consid. 5.2; 118 IV 359 consid. 2; arrêt 6B_797/2023 du 29 novembre 2023 consid. 6.1). 
L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une coresponsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 147 IV 73 consid. 3.2; 143 IV 302 consid. 1.4.1; 142 IV 153 consid. 2.2.2; 135 IV 76 consid. 5.2; arrêt 6B_1290/2022 du 7 juillet 2023 consid. 1.4.1). 
Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle, l'intention devant porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit en outre avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3; arrêt 6B_797/2023 précité consid. 6.1). 
 
2.2. La recourante considère que la tromperie astucieuse n'est pas réalisée car il appartenait aux acheteurs de procéder aux vérifications que l'on pouvait attendre d'eux et aux sociétés de vente en ligne d'exiger un paiement préalable avant de livrer leurs marchandises.  
La recourante estime notamment que les acheteurs auraient dû vérifier la date d'inscription du vendeur, son évaluation et sa solvabilité en lui demandant son identité et son adresse. Elle considère que, s'ils avaient procédé à de telles démarches, ils auraient été en mesure de se rendre compte que les informations étaient fictives et déceler la tromperie. De la sorte, la recourante présente des faits non retenus, sans établir l'arbitraire de leur omission. 
Contrairement à ce que la recourante affirme, son comportement doit être qualifié d'astucieux. En effet, il n'appartenait pas aux acheteurs, non professionnels, de procéder à des vérifications particulières - l'identité et l'adresse de vendeurs pouvant au demeurant facilement être usurpées - en particulier au vu de la faible valeur des articles mis en vente. 
Par ailleurs, l'un des buts des plateformes de vente en ligne, sur lesquelles acheteurs et vendeurs doivent préalablement s'enregistrer afin d'assurer une certaine sécurité, est de permettre les transactions entre des particuliers éloignés géographiquement. Afin que celles-ci puissent avoir lieu, elles nécessitent souvent un paiement et un envoi différés, avec les risques que cela comporte, tant pour l'acheteur que pour le vendeur (cf. jugement attaqué, p. 29). 
 
3.  
Partant de la prémisse qu'elle serait acquittée des chefs d'accusation d'escroquerie et de vol, invoquant une violation de l'art. 47 CP, la recourante conteste la peine privative de liberté prononcée et requiert que seule une peine pécuniaire soit prise en considération. 
Compte tenu de ce qui précède (cf. supra consid. 1.2.2 et 2.2), ce grief est sans objet. Au demeurant, on relèvera que, lorsque la recourante a décidé de se livrer à ses multiples escroqueries et vols, elle était déjà mère. Cela ne l'a pas empêché d'utiliser sa fille mineure, ainsi que l'amie mineure de celle-ci, dans le cadre de son activité délictueuse. Son argument tendant à mettre en avant sa vie de famille pour qu'une peine plus clémente soit prononcée ne trouve aucune justification.  
 
4.  
Invoquant les art. 66a CP, 5 al. 2, 13 Cst. et 8 CEDH, la recourante s'oppose à son expulsion du territoire suisse. 
 
4.1.  
 
4.1.1. Aux termes de l'art. 66a al. 1 let. c CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné notamment pour escroquerie par métier, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de 5 à 15 ans. La recourante remplit donc a priori les conditions d'une expulsion, sous la réserve d'une application de l'art. 66a al. 2 CP, voire également des normes de droit international.  
Selon l'art. 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. 
La clause de rigueur permet de garantir le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.; ATF 149 IV 231 consid. 2.1.1; 146 IV 105 consid. 3.4.2; 144 IV 332 consid. 3.3.1). Elle doit être appliquée de manière restrictive (ATF 149 IV 231 consid. 2.1.1; 146 IV 105 consid. 3.4.2; 144 IV 332 consid. 3.3). Il convient de s'inspirer des critères énoncés à l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA; RS 142.201) et de la jurisprudence y relative, dans le cadre de l'application de l'art. 66a al. 2 CP. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. L'autorité doit tenir compte notamment de l'intégration du requérant selon les critères définis à l'art. 58a al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé, ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF 149 IV 231 consid. 2.1.1; 144 IV 332 consid. 3.3.2). En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (ATF 149 IV 231 consid. 2.1.1; 146 IV 105 consid. 3.4.2). 
 
4.1.2. L'art. 8 par. 1 CEDH dispose que toute personne a en particulier droit au respect de sa vie privée et familiale. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible, selon l'art. 8 par. 2 CEDH, pour autant qu'elle soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Selon la jurisprudence, pour se prévaloir du droit au respect de sa vie privée au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance (cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3; arrêts 6B_348/2023 du 28 avril 2023 consid. 2.4; 6B_1116/2022 du 21 avril 2023 consid. 3.1.2). Un séjour légal de dix années suppose en principe une bonne intégration de l'étranger (ATF 144 I 266 consid. 3.9).  
 
4.1.3. Par ailleurs, un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH (et de l'art. 13 Cst.), qui garantit notamment le droit au respect de la vie familiale, pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille, pour autant qu'il entretienne une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1; 139 I 330 consid. 2.1 et les références citées). Les relations familiales visées par l'art. 8 par. 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux, ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (cf. ATF 144 II 1 consid. 6.1; 135 I 143 consid. 1.3.2).  
En l'absence de ménage commun avec son enfant et de relations personnelles entretenues de manière régulière, la seule présence en Suisse de l'enfant du condamné ne permet en principe pas de considérer qu'il existe une atteinte à la vie familiale au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH et, par conséquent, que son expulsion l'expose à une situation personnelle grave (arrêts 6B_1136/2023 du 29 novembre 2023 consid. 2.4; 6B_1187/2022 du 23 août 2023 consid. 1.4 et les arrêts cités). 
Les relations entre enfants adultes et leurs parents ne bénéficient en revanche pas de la protection de l'art. 8 CEDH, sauf s'il existe entre eux une relation de dépendance qui va au-delà de liens affectifs normaux, par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap (ATF 137 I 154 consid. 3.4.2; arrêt 6B_1116/2022 précité consid. 3.1.2). 
Dans la pesée des intérêts, il faut aussi tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et de son bien-être (art. 3 CDE; ATF 143 I 21 consid. 5.5.1). En ce qui concerne les enfants du parent concerné par l'expulsion, la jurisprudence tient notamment compte du fait que les parents de l'enfant vivent ensemble et ont la garde et l'autorité parentale conjointe ou que le parent concerné par l'expulsion a la garde exclusive et l'autorité parentale ou qu'il n'a pas du tout la garde et l'autorité parentale et n'entretient donc de contacts avec l'enfant que dans le cadre d'un droit de visite (arrêt 6B_244/2023 du 25 août 2023 consid. 6.3). L'intérêt de l'enfant est particulièrement atteint lorsque l'expulsion entraîne une rupture de l'unité conjugale, c'est-à-dire lorsque les relations familiales sont intactes et que les parents détiennent conjointement l'autorité parentale et la garde de l'enfant et que l'on ne peut raisonnablement exiger des autres membres de la famille, et en particulier de l'autre parent, également titulaire de l'autorité parentale et de la garde, qu'ils partent dans le pays d'origine de l'autre parent. Une expulsion qui conduit à un éclatement d'une famille constitue une ingérence très grave dans la vie familiale (arrêts 6B_1136/2023 précité consid. 2.4; 6B_244/2023 précité consid. 6.3). 
 
4.1.4. Selon l'état de santé de l'intéressé et les prestations de soins disponibles dans l'État d'origine, l'expulsion du territoire suisse pourrait le placer dans une situation personnelle grave au sens de l'art. 66a CP ou être disproportionnée sous l'angle de l'art. 8 par. 2 CEDH (ATF 145 IV 455 consid. 9.1). La CourEDH précise également que les éléments d'ordre médical doivent être pris en compte dans l'examen de l'art. 8 par. 2 CEDH, à travers le caractère provisoire ou définitif de l'interdiction du territoire (arrêt CourEDH Hasanbasic c. Suisse du 11 juin 2013 [requête no 52166/09] par. 54; cf. aussi: ATF 145 IV 455 consid. 9.1; arrêt 6B_1136/2023 précité consid. 3.2.3). Aussi, lorsque l'intéressé se prévaut d'une maladie ou d'une infirmité, il sied d'examiner le niveau d'atteinte à la santé, les prestations médicales qui sont à disposition dans le pays d'origine, ainsi que les conséquences négatives que cela peut engendrer pour la personne concernée (ATF 145 IV 455 consid. 9.1 et les références citées). En matière d'expulsion pénale, l'autorité de jugement appelée à prononcer une telle mesure doit examiner si, en raison de l'état de santé du prévenu, la mesure se révèle disproportionnée (arrêts 6B_244/2023 précité consid. 6.4; 6B_86/2023 du 7 août 2023 consid. 5.2.3; 6B_745/2022 du 22 février 2023 consid. 3.2.3).  
 
4.1.5. Dans le cas où une situation personnelle grave est admise, il convient de déterminer si l'intérêt privé du recourant à demeurer en Suisse pourrait l'emporter sur les intérêts publics présidant à son expulsion. Cet examen implique en particulier d'apprécier si la mesure litigieuse respecte le principe de la proportionnalité découlant des art. 5 al. 2 Cst. et 8 par. 2 CEDH.  
Selon la jurisprudence de la CourEDH, dans la mesure où elle porte atteinte à un droit protégé par le par. 1 de l'art. 8 CEDH, la décision d'expulsion doit se révéler nécessaire dans une société démocratique, c'est-à-dire être justifiée par un besoin social impérieux et, notamment, proportionnée au but légitime poursuivi. S'agissant d'un étranger arrivé en Suisse à l'âge adulte, l'examen de la proportionnalité suppose une prise en compte de la nature et de la gravité de la faute, du temps écoulé depuis la commission de l'infraction, du comportement de l'auteur durant cette période, de la durée de son séjour en Suisse et de la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination (arrêt 6B_122/2023 du 27 avril 2023 consid. 1.1.4; cf. ATF 139 I 145 consid. 2.4). La question de savoir si l'atteinte à la garantie de la vie familiale est "nécessaire" au sens de l'art. 8 par. 2 CEDH implique en outre de prendre en considération les critères suivants: la nationalité des diverses personnes concernées; la situation familiale de l'intéressé, notamment, le cas échéant, la durée de son mariage, et d'autres facteurs témoignant de l'effectivité d'une vie familiale au sein d'un couple; la question de savoir si le conjoint avait connaissance de l'infraction à l'époque de la création de la relation familiale; la question de savoir si des enfants sont issus du mariage et, dans ce cas, leur âge, ainsi que la gravité des difficultés que le conjoint et les enfants risquent de rencontrer dans le pays vers lequel l'intéressé doit être expulsé (arrêt 6B_122/2023 précité consid. 1.1.4 les références citées). 
 
4.2. La cour cantonale a estimé que la clause de rigueur ne trouve pas application compte tenu de la gravité des infractions commises, de leur nombre, des lourdes conséquences financières subies par plusieurs victimes dont le préjudice se compte en milliers de francs, de la durée des agissements en cause, des antécédents, de la mauvaise intégration en Suisse et de l'absence de prise de conscience pour une partie très importante des faits qui lui sont reprochés. Au vu de ces éléments, elle a considéré que la recourante présentait un danger pour l'ordre public et que, dès lors, son intérêt privé à demeurer en Suisse ne l'emportait pas sur l'intérêt public à son expulsion.  
 
4.3. La recourante soutient que son expulsion entraîne une ingérence dans le droit au respect de sa vie familiale et que son expulsion la placerait dans une situation personnelle grave. Elle estime que, compte tenu du caractère moyennement grave des infractions reprochées, de l'ancienneté de ses antécédents de faible gravité, de son intégration en Suisse - qu'elle estime réussie notamment par le fait qu'elle cumule deux emplois - des difficultés qu'elle rencontrerait en Géorgie si elle devait y retourner et par les conséquences potentiellement mortelles qu'elle pourrait subir si elle arrêtait son traitement médical actuel, son intérêt privé à demeurer en Suisse l'emporterait sur les intérêts publics à son expulsion.  
 
4.4. En l'espèce, sous l'angle du droit au respect de la vie privée, il ressort du jugement attaqué que la recourante est arrivée en Suisse à l'âge de dix-neuf ans. Son renvoi vers la Géorgie et sa réinsertion ne seront pas difficiles car elle est titulaire d'un diplôme obtenu en Géorgie, elle entretient de bonnes relations avec son ex-mari, père de sa première fille majeure et ressortissant géorgien, et elle passe régulièrement ses vacances là-bas, la dernière fois en 2019 où elle y est restée sept semaines. Il ressort également du jugement attaqué que, si la recourante a amélioré sa situation financière afin de ne plus toucher l'aide sociale, qu'elle a retrouvé une activité lucrative, qu'elle a récupéré la garde de son aînée et un droit de visite sur ses cadets, elle est encore sous curatelle, lourdement endettée, en litige de droit de la famille impliquant ses enfants qu'elle n'a presque pas vus depuis plusieurs années s'agissant des cadets.  
Dans ces conditions, il apparaît douteux que la recourante puisse se prévaloir d'un droit au respect de sa vie privée ou familiale au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH. Cette question peut cependant demeurer ouverte dès lors que la cour cantonale a jugé à bon droit que l'intérêt public à l'éloignement de la recourante l'emportait sur son intérêt privé à demeurer en Suisse (cf. infra consid. 4.5).  
 
4.5.  
 
4.5.1. Les intérêts publics à l'expulsion de la recourante sont importants. Elle a en effet commis de nombreuses infractions graves, contrairement à ce qu'elle semble encore penser et qui dénote encore, à ce stade, une absence de prise de conscience, au préjudice de nombreuses victimes pour un montant conséquent. Comme l'a relevé à juste titre la cour cantonale, elle présente un danger pour l'ordre public.  
Par ailleurs, la peine privative de liberté à laquelle la recourante a été condamnée dépasse le seuil d'une année, ce qui pourrait permettre une révocation de son autorisation de séjour sur la base de l'art. 62 al. 1 let. b LEI (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.1; arrêts 6B_1136/2023 précité consid. 2.10.2; 6B_470/2023 du 20 septembre 2023 consid. 6.6.1). 
 
4.5.2. En rapport avec l'intérêt privé de la recourante à demeurer en Suisse, il sied de tenir compte de sa longue durée de séjour, du fait qu'elle y est arrivée à dix-neuf ans et que les membres de sa famille, soit notamment ses trois enfants, y vivent. Si l'on ne peut certes pas ignorer que l'expulsion est susceptible de porter atteinte aux relations entre la recourante et ses enfants, il convient de relever que cette mesure reste d'une durée limitée et que, si elle récupérait, avant l'expulsion, la garde de ses deux cadets, dont le père est de nationalité géorgienne comme celui de l'aînée, il demeure envisageable que la vie de famille se poursuive à l'étranger, ce d'autant plus que sa fille aînée parle géorgien et que ses cadets, au vu de leur jeune âge, ont des perspectives d'intégration. En tout état de cause, la mesure n'empêchera pas la recourante d'entretenir des contacts avec ses enfants par le biais des moyens de télécommunication modernes, voire par le biais de visites occasionnelles de ceux-ci en Géorgie.  
S'agissant des liens avec son pays d'origine, ils sont importants. Le père de sa fille aînée - qui parle le géorgien - y vit. Comme relevé par la cour cantonale, la recourante a ses racines à Tbilissi, la capitale, ce qui représente une réelle perspective d'emploi pour une personne diplômée de l'enseignement supérieur, traductrice de métier et ayant bénéficié d'une longue expérience en Suisse. 
Enfin, la recourante soutient que son expulsion empêcherait le suivi médical mis en place en Suisse. Elle fait valoir que, si elle est expulsée, elle subirait des conséquences potentiellement mortelles en lien avec l'interruption de son traitement médical actuel. La recourante ne formule de la sorte aucune description du danger encouru mais se limite à des assertions personnelles. Rien n'indique que ses problèmes de santé ne pourront pas également être suivis dans son pays d'origine. 
 
4.6. En définitive, compte tenu notamment de la gravité des faits reprochés à la recourante, de ses antécédents, du danger qu'elle représente pour l'ordre et la sécurité publics, de sa mauvaise intégration en Suisse et des perspectives qu'elle conserve de se réintégrer dans son pays d'origine, l'intérêt public à son éloignement l'emporte sur son intérêt privé à demeurer en Suisse.  
 
4.7. La seconde condition pour l'application de l'art. 66a al. 2 CP n'étant pas réalisée, le prononcé d'expulsion de la recourant ne viole pas le droit fédéral.  
 
5.  
La recourante conclut à ce qu'il soit renoncé à son inscription dans le registre du SIS. 
En tant que sa conclusion suppose qu'il soit renoncé à son expulsion - ce qui n'est pas le cas - celle-ci est sans portée. Pour le surplus, la recourante ne développe aucune argumentation concernant son inscription dans le SIS (art. 42 al. 2 LTF). 
 
6.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
La cause étant jugée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 20 mars 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Brun