6B_818/2023 11.12.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_818/2023  
 
 
Arrêt du 11 décembre 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et van de Graaf. 
Greffière : Mme Klinke. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
2. B.________ Sàrl, 
représentée par Me Joël Desaules, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Arbitraire (tentative d'escroquerie), 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
du 20 février 2023 (n° 35 PE17.022619-FJL/OPI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 24 juin 2022, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a reconnu A.________ coupable de tentative d'escroquerie et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 40 fr. l'unité, avec sursis pendant deux ans. A.________ a été condamnée à verser à B.________ Sàrl la somme de 10'000 fr., valeur échue, à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Le tribunal a statué sur l'indemnité d'office, le maintien au dossier de documents séquestrés ainsi que sur les frais de la cause. 
 
B.  
Statuant sur appel de A.________ et appel joint de B.________ Sàrl par jugement du 20 février 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois les a rejetés et a confirmé le jugement de première instance. 
En substance, le jugement cantonal repose sur les faits suivants. 
Par demande du 16 novembre 2017, adressée au Tribunal des Prud'hommes de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, A.________ a introduit un procès contre son ancien employeur, B.________ Sàrl. Elle concluait au versement par celui-ci d'un montant total de 30'000 fr. représentant des heures supplémentaires impayées entre 2012 et 2017. A l'appui de cette demande, A.________ a produit un carnet rose et un agenda noir dans lesquels elle avait prétendument reporté l'intégralité des heures travaillées au fur et à mesure de son activité et qui, selon elle, n'avaient jamais été indemnisées. En réalité, les deux calepins avaient été fabriqués par ses soins pour les besoins du procès, les heures inscrites ne reflétant au surplus aucunement la réalité. 
B.________ Sàrl a déposé plainte le 17 novembre 2017. 
 
C.  
A.________ forme un recours au Tribunal fédéral contre le jugement cantonal du 20 février 2023 et conclut en substance à son acquittement. Elle requiert le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La recourante se plaint principalement d'une "constatation erronée des faits" et de l'appréciation des preuves, en invoquant l'art. 398 al. 3 CPP
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des conclusions insoutenables (ATF 145 IV 154 consid. 1.1; 143 IV 500 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1).  
 
1.2. En substance, la cour cantonale a retenu, au bénéfice du doute, que la recourante avait effectué des heures supplémentaires pour le compte de l'intimée. Néanmoins, elle a considéré que celles recensées dans le carnet noir de la recourante n'étaient pas conformes à la réalité, de sorte que les décomptes produits auprès du Tribunal des Prud'hommes étaient des faux destinés à tromper l'autorité judiciaire.  
Pour parvenir à cette conclusion, la cour cantonale a fait sienne la motivation du Tribunal de police, lequel a notamment tenu compte des témoignages d'autres employés de la société qui contredisaient les informations consignées dans l'agenda noir de la recourante. De plus, les jours fériés, hormis le 1er août, étaient tous inscrits comme jours travaillés. Par ailleurs, le carnet révélait des inscriptions en bloc de plusieurs mois d'affilée, avec la même écriture, le même stylographe et le même espacement, hormis quelques exceptions trop rares. Cela réfutait la version de la recourante selon laquelle le décompte avec été écrit semaine après semaine. La cour cantonale a constaté qu'aucun des témoignages recueillis auprès des autres employées de l'intimée, même les plus favorables à la recourante, n'attestait que celle-ci eut effectué les nombreuses heures supplémentaires mentionnées dans les décomptes produits, notamment durant les jours fériés. Avec le premier juge, la cour cantonale a relevé que le carnet noir était "monolithique et répétitif" et qu'il était peu probable qu'il eut été élaboré semaine après semaine comme prétendu par la recourante, ce d'autant qu'il comportait des erreurs, certains jours fériés officiels n'ayant pas été reportés, et un rendez-vous avec l'ORP (office régional de placement) n'ayant pas été inscrit à la bonne date. 
 
1.3. En tant que la recourante reproche au ministère public d'avoir refusé d'entendre certains témoins, son grief d'ordre procédural est irrecevable, faute d'être dirigé contre le jugement cantonal sujet à recours (cf. art. 80 al. 1 LTF). Au demeurant, la cour cantonale a exposé les motifs pour lesquels elle considérait, par appréciation anticipée des moyens de preuve, qu'il n'y avait pas lieu d'auditionner de nouveaux témoins ni de solliciter les pièces requises au stade de l'appel (cf. jugement entrepris consid. 3). La recourante ne fait valoir aucun grief topique, motivé à satisfaction de droit sur ce point, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'examiner (cf. sur l'appréciation anticipée des preuves et le droit d'être entendu, notamment ATF 144 II 427 consid. 3.1.3; arrêt 6B_971/2023 du 19 octobre 2023 consid. 1.1).  
 
1.4. La recourante présente, de manière largement appellatoire, sa propre version des faits concernant les heures de travail effectuées et consignées, sans tenter de démontrer dans quelle mesure le raisonnement cantonal serait entaché d'arbitraire. Elle prétend notamment que des "preuves solides" auraient été négligées, en affirmant que ses notes étaient claires et précises et que l'intimée aurait fait preuve de mauvaise foi en établissant ses décomptes, pour déformer la réalité de ses heures de travail et la discréditer. Ces développements se fondent sur une appréciation personnelle de déclarations faites par certains témoins en procédure et sur une contestation non étayée de la valeur probante de documents produits par l'intimée. Ce faisant, la recourante échoue à démontrer le caractère manifestement insoutenable de l'appréciation faite par les juges cantonaux des preuves administrées.  
La recourante évoque librement différents événements (notamment, rencontre entre les avocats des parties; licenciement d'une ancienne collègue; falsifications de fiches de travail; demande de restitution de clés) qui ne ressortent pas du jugement entrepris et en déduit plusieurs prétentions qui outrepassent le cadre du présent litige. Ce procédé est irrecevable, le Tribunal fédéral étant lié par l'état de fait établi par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), toute conclusion nouvelle étant du reste inadmissible (cf. art. 99 al. 2 LTF). 
La recourante demande au Tribunal fédéral de "réexaminer cette affaire", tant pour elle que pour l'ensemble des travailleurs qui pourraient se trouver dans une situation similaire, et de mener une enquête approfondie et impartiale afin de faire la lumière sur la situation d'espèce. Or il n'appartient pas au Tribunal fédéral de procéder de la sorte, compte tenu notamment du pouvoir de cognition restreint dont il jouit (cf. supra consid. 1.1).  
 
1.5. En définitive, la recourante échoue à démontrer que la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves.  
Pour le surplus, la recourante ne conteste d'aucune manière la qualification de l'infraction de tentative d'escroquerie au procès (cf. sur cette infraction notamment arrêt 6B_807/2021 du 7 juin 2022 consid. 4.2) et ne soulève aucun grief sous l'angle de l'art. 146 CP. Elle ne conteste pas davantage la peine prononcée. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner ces points du jugement entrepris. 
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Comme les conclusions étaient dépourvues de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante, qui succombe, supportera les frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 11 décembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Klinke