8C_761/2023 06.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_761/2023  
 
 
Arrêt du 6 juin 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, 
Heine et Métral. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
agissant par B.A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Unia Caisse de chômage, 
p.a. CDC-Centre de compétences Romand, 
place Chauderon 5, 1003 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-chômage (suspension du droit à l'indemnité), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 23 octobre 2023 (A/246/2023 ATAS/806/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.A.________ (ci-après aussi: l'employé ou l'assuré), né en 1980, a travaillé pour C.________ SA depuis le 23 août 2010 en tant que chauffeur-livreur. Dès le 23 mai 2022, il a été en incapacité de travail. Le 21 juillet 2022, son médecin traitant a constaté qu'il devait changer de profession "pour raison de santé et pathologie lombaire". Le 9 août 2022, l'employé a résilié ses rapports de travail avec effet au 15 août 2022 pour raisons de santé; vu les contre-indications médicales quant à l'exercice de son activité, il ne pouvait pas respecter le délai de congé.  
 
A.b. Le 10 août 2022, l'employé a sollicité l'octroi de l'indemnité de chômage auprès de la caisse de chômage Unia (ci-après: la caisse). Selon une attestation de l'employeur du 18 août 2022, le délai de congé de l'assuré était de trois mois. À teneur d'un certificat médical du médecin traitant de l'assuré du 23 août 2022, celui-ci devait changer de métier et ne pouvait plus rester à son poste pour des raisons de santé; il n'avait pas été en mesure d'exercer son activité du 23 mai 2022 au 15 août 2022 en raison du caractère non convenable de l'emploi. Le 24 août 2022, l'assuré a confirmé avoir démissionné pour raisons médicales.  
 
A.c. Par décision du 26 septembre 2022, confirmée sur opposition le 22 décembre 2022, la caisse a suspendu le droit de l'assuré à l'indemnité de chômage pour une durée de 25 jours à compter du 16 août 2022, au motif qu'il n'avait pas respecté le délai de congé de trois mois et qu'il avait, de ce fait, causé un dommage à l'assurance-chômage.  
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition du 22 décembre 2022, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 23 octobre 2023. 
 
C.  
A.A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la décision sur opposition du 22 décembre 2022 soit annulée. À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour instruction complémentaire et nouvelle décision. 
L'intimée renvoie à sa décision sur opposition et à l'arrêt cantonal. La juridiction cantonale et le Secrétariat d'État à l'économie (SECO) ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en confirmant la suspension du droit du recourant à l'indemnité de chômage pour une durée de 25 jours.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2; 135 II 313 consid. 5.2.2).  
 
3.  
 
3.1. Selon l'art. 30 al. 1 LACI (RS 837.0), le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu notamment lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute (let. a). Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l'assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail sans avoir été préalablement assuré d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait pas être exigé de lui qu'il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b OACI [RS 837.02]). Le droit de l'assuré à l'indemnité est également suspendu lorsque celui-ci a renoncé à faire valoir des prétentions de salaire ou d'indemnisation envers son dernier employeur, cela au détriment de l'assurance (art. 30 al. 1 let. b LACI).  
Le comportement du salarié qui consiste à accepter un congé donné par un employeur en violation du délai contractuel ou légal, à consentir à la résiliation anticipée des rapports de travail ou à refuser la continuation du contrat jusqu'à son terme est susceptible de tomber sous le coup de l'art. 30 al. 1 let. a LACI (ATF 112 V 323 consid. 2b), et non sous le coup de l'art. 30 al. 1 let. b LACI (arrêt 8C_99/2021 du 27 octobre 2021 consid. 4.2 et les références; voir également arrêt 8C_625/2023 du 7 mars 2024 consid. 5.2). 
 
3.2. Selon l'art. 324a CO, si le travailleur est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, telles que maladie, accident, accomplissement d'une obligation légale ou d'une fonction publique, l'employeur lui verse le salaire pour un temps limité, y compris une indemnité équitable pour le salaire en nature perdu, dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour plus de trois mois (al. 1); sous réserve de délais plus longs fixés par accord, contrat-type de travail ou convention collective, l'employeur paie pendant la première année de service le salaire de trois semaines et, ensuite, le salaire pour une période plus longue fixée équitablement, compte tenu de la durée des rapports de travail et des circonstances particulières (al. 2).  
 
3.3. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a jugé le cas d'une assurée qui avait résilié son contrat de travail, pour raisons de santé, un 28 septembre pour la fin du mois, alors que le délai de congé contractuel était de trois mois. Les juges fédéraux ont considéré que les conditions d'une suspension du droit à l'indemnité de chômage, en application de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, étaient réunies. On était en effet en droit d'attendre de l'assurée qu'elle respectât le délai de préavis de trois mois puisqu'en vertu de l'art. 324a CO et de la Convention collective de travail (CCT) applicable, le droit au salaire était garanti jusqu'à la fin du délai de congé (arrêt 8C_99/2021 précité consid. 5.3).  
 
4.  
Les juges cantonaux ont retenu que l'intimée ne remettait pas en question le fait que le recourant était en droit de résilier son contrat de travail en raison de son incapacité physique de poursuivre son activité auprès de son employeur. Que le recourant ait été ou non en incapacité de continuer cette activité jusqu'à l'issue du délai de congé ne modifiait toutefois pas l'issue du litige. Dans l'hypothèse où son état de santé se serait opposé à son retour au travail, s'il avait respecté le délai de congé, il aurait continué à percevoir son salaire pendant ce délai, respectivement perçu les indemnités perte de gain maladie pendant tout ou partie de cette période. Dans le cas où selon son médecin, une reprise du travail aurait été possible après le 15 août 2022, il n'aurait alors disposé d'aucun motif de résiliation de son contrat sans respecter le délai de congé. En ne tenant pas compte de ces éléments, le recourant avait fait supporter à l'intimée le préjudice financier pendant le délai de congé de trois mois, alors même qu'il aurait pu éviter ce dommage tout en ne s'exposant pas à devoir continuer à travailler dans un emploi qu'il ne pouvait plus assumer en raison de son état de santé. Sa faute, sanctionnée par l'intimée, devait ainsi être confirmée. La cour cantonale a ensuite également confirmé la quotité de la suspension du droit du recourant à l'indemnité de chômage, à savoir 25 jours, cette sanction, proportionnée, ayant été prise en tenant compte de l'ensemble des circonstances pertinentes et après avoir entendu l'intéressé. 
 
5.  
 
5.1. Le recourant explique avoir été au bénéfice d'un certificat médical de reprise du travail dans une activité adaptée dès le 16 août 2022, mais n'avoir eu aucune opportunité de déployer une telle activité chez son ancien employeur. Par conséquent, il n'aurait pas pu travailler jusqu'au terme du délai de congé de trois mois et son employeur ne se serait plus trouvé en demeure de verser le salaire. L'assureur-maladie perte de gain maladie n'aurait pas non plus été tenu de verser des indemnités journalières. A cet égard, le recourant reproche aux premiers juges d'avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte, en retenant qu'il aurait touché son salaire et/ou des indemnités perte de gain s'il avait respecté le délai de congé de trois mois, sans avoir instruit ces faits auprès de l'employeur et de l'assureur. Il ajoute que ce dernier aurait mis un terme au paiement des indemnités dès le 16 août 2022, avant même d'avoir eu connaissance de sa démission. L'instance précédente aurait en outre constaté à tort que la reprise de son activité était possible après le 15 août 2022, dès lors que son médecin aurait établi un certificat de reprise du travail à compter de cette date dans une activité adaptée à son état de santé, et non dans l'emploi qu'il occupait. Le recourant revient en outre sur certains faits, en relevant notamment qu'il y aurait trois catégories d'activités auprès de son ancien employeur, à savoir les activités administratives, l'abattoir et la préparation et livraison des commandes. Or il ne disposerait pas des compétences et des qualifications pour travailler dans les deux premiers secteurs, et le maintien dans le troisième secteur - auquel il appartenait - n'aurait plus été exigible compte tenu de son état de santé. Il indique encore que même si un droit à des indemnités perte de gain avait existé, il n'aurait pas disposé des connaissances juridiques suffisantes pour le savoir. Il se serait ainsi inscrit au chômage en toute bonne foi. Il reproche par ailleurs à l'intimée de ne pas l'avoir informé sur son droit à d'éventuelles indemnités perte de gain maladie, conformément à l'art. 27 al. 3 LPGA (RS 830.1).  
 
5.2.  
 
5.2.1. Aux termes de l'art. 46 al. 1 de la CCT pour la boucherie-charcuterie suisse (ci-après: CCT), si la relation de travail a duré plus de trois mois ou a été conclue pour plus de trois mois, l'entreprise est tenue d'assurer collectivement les salariés soumis à la CCT pour une indemnité journalière de 80 % du dernier salaire versé au travailleur absent pour cause de maladie, correspondant à la durée de travail normale contractuelle (première phrase); la couverture d'assurance commence au plus tard le premier jour du mois au cours duquel il existe une obligation de continuer à verser le salaire conformément au présent alinéa (deuxième phrase); les prestations de l'assurance d'indemnité journalière en cas de maladie sont réputées constituer le salaire dû par l'employeur selon l'art. 324a CO (troisième phrase). L'art. 46 al. 3 CCT précise que si l'entreprise souscrit une assurance-maladie collective d'indemnités journalières avec un délai d'attente de 30 jours au maximum et sous réserve d'un jour de carence pour chaque cas de maladie, l'employeur doit payer 100 % du salaire perdu pour cause de maladie pendant la période d'attente (première phrase); dans la mesure où l'employeur continue à verser lui-même le salaire, il a droit aux indemnités journalières correspondantes (seconde phrase). Les conditions minimales d'assurances prévoient notamment un délai d'attente de 30 jours au maximum ainsi que le paiement d'indemnités journalières de maladie à partir de la fin du délai d'attente jusqu'au 730 ème jour depuis le début du cas de maladie (art. 46 al. 4 let. b et c CCT).  
 
5.2.2. Au vu des certificats médicaux des 21 juillet 2022 et 23 août 2022, il est acquis que le recourant ne pouvait plus exercer son activité de chauffeur-livreur auprès de son employeur pour des raisons de santé, également au-delà du 15 août 2022. Cela étant, contrairement à ce qu'il soutient, il pouvait prétendre à une rémunération jusqu'à la fin du délai de congé de trois mois, sous la forme d'un salaire versé par l'employeur ou d'indemnités journalières versées par l'assurance perte de gain maladie, sur la base de son contrat de travail et de la CCT. Même si les juges cantonaux ne l'ont pas spécifié, il ressort en effet clairement des éléments du dossier mentionnés dans leur arrêt que la CCT faisait partie intégrante du contrat de travail du recourant. Un avenant à ce contrat le précisait en octobre 2010 et il est fait mention de la CCT dans l'attestation de l'employeur du 18 août 2022, de même que dans la décision sur opposition du 22 décembre 2022. Au demeurant, le Conseil fédéral a déclaré obligatoire dans toute la Suisse l'art. 46 CCT (cf. arrêté du Conseil fédéral du 2 décembre 2020 étendant le champ d'application de la convention collective de travail pour la boucherie-charcuterie suisse, entré en vigueur le 1 er janvier 2021).  
Comme on l'a vu (cf. consid. 5.2.1 supra), la CCT impose à l'employeur de souscrire une assurance-maladie collective d'indemnités journalières pour ses salariés qui sont soumis, comme le recourant, à la CCT. Cette assurance doit prévoir au minimum le versement d'indemnités journalières, en cas de maladie, à partir de la fin d'un éventuel délai d'attente - de 30 jours au plus - jusqu'au 730 ème jour depuis le début du cas de maladie. Le paiement du salaire par l'employeur durant le délai d'attente est par ailleurs garanti. Rien n'indique que l'employeur ne se serait pas conformé à ses obligations découlant de la CCT. Le recourant ne le prétend d'ailleurs pas; il concède au contraire avoir touché des indemnités journalières jusqu'au 15 août 2022. Dans ces conditions, la juridiction cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en constatant que celui-ci pouvait prétendre au versement de son salaire, respectivement d'indemnités journalières, jusqu'au terme du délai de congé de trois mois.  
L'arrêt attaqué ne prête pas non plus le flanc à la critique en tant qu'il indique que si le recourant avait été médicalement apte à reprendre son poste, il n'aurait eu aucun motif de résiliation de son contrat avant l'échéance du délai de congé. Contrairement à ce que semble penser le recourant, l'instance précédente a formulé ici une simple hypothèse et n'a pas constaté que la reprise de l'emploi était médicalement possible après le 15 août 2022. Pour le reste, le recourant n'expose pas quel (s) fait (s) aurai (en) t été établi (s) de manière manifestement inexacte ou incomplète par les juges cantonaux. Les précisions fournies à propos des différentes catégories de postes chez son ancien employeur sont au demeurant sans incidence sur l'issue du litige, dès lors qu'il ne lui est pas reproché de ne pas avoir cherché à changer de secteur pour maintenir son engagement. Les griefs portant sur l'établissement des faits s'avèrent ainsi infondés. 
Le manquement du recourant à son obligation de diminuer le dommage (cf. ATF 134 V 109 consid. 10.2.7; 117 V 275 consid. 2b) constitue un motif de suspension du droit à l'indemnité de chômage, en vertu de l'art. 30 al. 1 let. a LACI. La méconnaissance qu'aurait eue le recourant de ses droits ne saurait faire obstacle à l'application de cette disposition. En outre, on ne peut pas faire grief à l'intimée de ne pas l'avoir renseigné sur son droit à des indemnités journalières perte de gain maladie, en violation de l'art. 27 al. 3 LPGA, dès lors qu'au moment où il s'est adressé à elle en vue de percevoir des indemnités de chômage, il avait déjà résilié son contrat de travail et n'avait donc déjà plus droit aux indemnités journalières perte de gain maladie dès le 15 août 2022. Le recourant ne formule aucun grief à l'encontre de la quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage, fixée - de manière conforme au droit (cf. art. 45 OACI) - à 25 jours par l'intimée et confirmée par la cour cantonale. Il s'ensuit que le recours, mal fondé, doit être rejeté. 
 
6.  
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et au Secrétariat d'État à l'économie (SECO). 
 
 
Lucerne, le 6 juin 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny