6B_132/2023 16.08.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_132/2023, 6B_133/2023  
 
 
Arrêt du 16 août 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Jacquemoud-Rossari, Présidente, Muschietti et van de Graaf. 
Greffière : Mme Thalmann. 
 
Participants à la procédure 
6B_132/2023 
A.A.________, 
représenté par Me Daniel Trajilovic, avocat, 
recourant, 
 
et 
 
6B_133/2023 
B.A.________, 
représenté par Me Mélanie Bouvier-Rérat, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République 
et canton du Jura, 
Le Château, 2900 Porrentruy, 
2. C.________, 
représentée par Me Jeremy Huart, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
6B_132/2023  
Viol et viol commis en commun, etc.; fixation de la peine; arbitraire; présomption d'innocence, 
 
6B_133/2023  
Viol et viol commis en commun, actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance, etc.; fixation de la peine; arbitraire; droit d'être entendu, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour pénale, du 2 décembre 2022 (CP 39/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 25 mai 2022, le Tribunal pénal du Tribunal de première instance du canton du Jura a classé, pour cause de prescription, la procédure pénale dirigée contre A.A.________ et B.A.________ pour actes d'ordre sexuel avec des enfants et actes d'ordre sexuel avec des enfants commis en commun, pour des faits survenus entre 2011 et le 6 juin 2012. Il les a toutefois déclarés coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et actes d'ordre sexuel avec des enfants commis en commun, d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance et d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance commis en commun, ainsi que de viol et de viol en commun, infractions commises entre le 7 juin 2012, respectivement le 10 juin 2011, et 2015, entre 2011 et 2013 et entre 2013 et 2015, au préjudice de C.________. Le tribunal les a condamnés à une peine privative de liberté de 7 ans, sous déduction de 4 jours de détention préventive subis avant jugement, au versement de la somme de 30'000 fr. à C.________, à titre de tort moral, avec intérêts à 5 % dès l'entrée en force du jugement, ainsi qu'aux frais judiciaires, fixés à 19'126.25 fr., respectivement 20'112 fr. 45. Il a en outre ordonné une interdiction de contact et de périmètre (moins de 100 mètres) en faveur de C.________, pour une durée de 5 ans. 
Par décision du même jour, le Tribunal pénal du Tribunal de première instance a ordonné le placement des prévenus en détention pour des motifs de sûreté (risque de fuite). 
 
B.  
Par jugement du 2 décembre 2022, la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Jura a rejeté les appels formés par A.A.________ et B.A.________ contre le jugement du 25 mai 2022. 
En résumé, il en ressort les faits suivants. 
 
B.a. A U.________, entre 2011 et 2015, A.A.________ et B.A.________ ont procédé à des attouchements sur la personne de C.________, née en 2004, par-dessous les vêtements, sur les seins, le vagin, les fesses, les cuisses, puis l'ont pénétrée vaginalement avec leur sexe, à réitérées reprises, d'abord chacun séparément, puis ensemble à deux dans la même pièce, la pénétrant successivement l'un puis l'autre, lui intimant l'ordre de ne pas en parler à sa mère.  
 
B.b. A.A.________ est né en 1994 et est originaire du Portugal. Ses casiers judiciaires suisse et français sont vierges.  
 
B.c. B.A.________ est né en 1993 et est également originaire du Portugal. Son casier judiciaire suisse fait état de condamnations à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, avec sursis pendant 2 ans, et à une amende de 700 fr., pour vol par ordonnance pénale du 11 janvier 2016, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende, avec sursis pendant 2 ans, et à une amende de 140 fr. pour infraction à la LCR par ordonnance pénale du 16 février 2017 et à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, avec sursis pendant 4 ans et à une amende de 300 fr. pour vol par jugement du 25 mai 2020. Son casier judiciaire français est vierge.  
 
C.  
A.A.________ ( ci-après: le recourant 1) forme un recours au Tribunal fédéral (6B_132/2023) contre le jugement du 2 décembre 2022. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à ce qu'il soit libéré des infractions de viol et de viol en commun, d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance commis en commun, d'actes d'ordre sexuel avec un enfant et d'actes d'ordre sexuel avec un enfant commis en commun, à ce que sa libération immédiate soit ordonnée, à ce qu'un montant de 4'000 fr. soit octroyé à C.________ à titre d'indemnité du tort moral et à ce qu'une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure d'un montant de 21'674 fr. 70 lui soit octroyée ainsi qu'une indemnité pour la détention pour motifs de sûreté subie depuis le 25 mai 2022. Subsidiairement, il conclut à la réforme du jugement du 2 décembre 2022 en ce sens qu'il est déclaré coupable d'actes d'ordre sexuel avec un enfant, qu'il est libéré des infractions de viol et de viol en commun, d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance commis en commun, qu'il est condamné à une peine privative de liberté compatible avec le sursis complet, que sa libération immédiate est ordonnée, qu'un montant de 4'000 fr. est alloué à C.________ à titre d'indemnité du tort moral et qu'une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure d'un montant de 21'674 fr. 70 lui est octroyée ainsi qu'une indemnité pour la détention pour motifs de sûreté subie depuis le 25 mai 2022. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
D.  
B.A.________ ( ci-après: le recourant 2) forme également un recours en matière pénale (6B_133/2023) contre le jugement du 2 décembre 2022. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il est libéré des infractions d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance, contrainte sexuelle, viol et infractions commises en commun, qu'il est déclaré coupable d'actes d'ordre sexuel avec un enfant, qu'il est condamné à une peine privative de liberté compatible avec le sursis complet, qu'il reconnaît devoir à C.________ un montant de 4'000 fr. à titre d'indemnité du tort moral, qu'une indemnité à titre de réparation du tort moral subi lui est allouée de 200 fr. par jour de détention injustifiée et que sa libération immédiate est ordonnée. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision. Plus subsidiairement, il conclut au constat de la violation du droit à un tribunal indépendant et impartial en raison de la composition irrégulière du Tribunal pénal du Tribunal de première instance et au renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour nouveaux débats et nouvelle décision, dans une composition régulière. Il sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire. 
 
E.  
Invités à se déterminer, le ministère public et la cour cantonale ont conclu au rejet du recours, en se référant aux considérants du jugement attaqué. C.________ a formulé de brèves observations et a sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire. Les observations ont été communiquées aux recourants qui ont répliqué par courriers reçus les 26 et 28 juin 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours, dirigés contre le même jugement, concernent le même complexe de faits et portent dans une large mesure sur les mêmes questions de droit. Il se justifie de les joindre et de statuer par une seule décision (art. 71 LTF et 24 PCF). 
 
2.  
Invoquant les art. 6 CEDH et 30 al. 1 Cst., les deux recourants se plaignent d'une violation du droit à un tribunal indépendant et impartial. Ils invoquent le fait qu'une juge suppléante, qui exerce également en qualité de greffière au sein du Tribunal de première instance du canton du Jura, a siégé dans la composition du jugement qui a été rendu le 25 mai 2022 par le Tribunal pénal du Tribunal de première instance. Ils font grief à la cour cantonale de ne pas avoir annulé le jugement de première instance et renvoyé la cause à l'instance inférieure pour nouveau jugement par un tribunal avec une composition régulière. Ils se prévalent de l'ATF 149 I 14
 
2.1.  
 
2.1.1. L'indépendance du juge est ancrée dans la Constitution fédérale à la fois comme droit fondamental (art. 30 al. 1 Cst.) et comme garantie institutionnelle des autorités judiciaires (art. 191c Cst.; ATF 149 I 14 consid. 5.3.2). Selon l'art. 30 al. 1 Cst. et l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Cette garantie vise à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie (ATF 149 I 14 consid. 5.3.2). L'apparence de partialité peut découler d'un comportement déterminé d'un membre de l'autorité ou de circonstances de nature fonctionnelle ou organisationnelle (ATF 149 I 14 consid. 5.3.2; 147 I 173 consid. 5.1; 142 III 732 consid. 4.2.2). Le Tribunal fédéral examine librement si tel est le cas (ATF 149 I 14 consid. 5.3.2; 147 I 173 consid. 5.1).  
L'indépendance signifie tout d'abord l'indépendance par rapport aux pressions extérieures, notamment celles des autres pouvoirs de l'État ou des parties (cf. ATF 149 I 14 consid. 5.3.2; 123 II 511 consid. 5c). 
Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2). 
Il ne s'agit pas seulement d'éviter des conflits de loyauté effectifs, mais aussi de préserver la confiance nécessaire des justiciables dans l'indépendance judiciaire des tribunaux (ATF 149 I 14 consid. 5.3.2; 124 I 255 consid. 5d; 119 Ia 91 consid. 3; cf. également à ce sujet KURT EICHENBERGER, Die richterliche Unabhängigkeit als staatsrechtliches Problem, 1960, p. 89 s.; REGINA KIENER, Richterliche Unabhängigkeit, 2001, p. 233), raison pour laquelle l'apparence extérieure d'un tribunal doit également donner une impression d'indépendance (ATF 149 I 14 consid. 5.3.2; cf. ATF 139 III 98 consid. 4.2 et 4.4). 
La partialité d'un juge peut résulter non seulement de la configuration particulière du cas d'espèce, mais aussi de l'organisation judiciaire adoptée par le canton (cf. ATF 147 I 173 consid. 5.1; 136 I 207 consid. 3.2). 
 
2.1.2. Selon la jurisprudence, le champ de protection des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH ne comprend pas seulement l'indépendance judiciaire par rapport à toute influence extérieure, mais aussi l'indépendance interne des membres du tribunal, notamment l'autonomie de chacun des membres du tribunal collégial. Cette dernière peut être menacée non seulement par des hiérarchies formelles, mais aussi par des hiérarchies informelles au sein du collège appelé à statuer (ATF 149 I 14 consid. 5 et les références citées).  
Le Tribunal fédéral a ainsi jugé, en tenant compte de la jurisprudence de la CourEDH, que la désignation d'une greffière et d'un greffier de la chambre qui doit statuer, en tant que juges dans cette même chambre, n'est pas compatible avec le droit à un tribunal indépendant (ATF 149 I 14 consid. 5). 
 
2.1.3. Selon la jurisprudence, le grief de la composition irrégulière du tribunal doit être soulevé au début des débats. Celui qui constate une telle irrégularité et ne s'en plaint pas perd le droit d'invoquer ultérieurement la disposition violée (ATF 112 Ia 339 consid. 1a).  
 
2.1.4. Une modification de jurisprudence ne contrevient pas à la sécurité du droit, au droit à la protection de la bonne foi et à l'interdiction de l'arbitraire lorsqu'elle s'appuie sur des raisons objectives, telles qu'une connaissance plus exacte ou complète de l'intention du législateur, la modification des circonstances extérieures, un changement de conception juridique ou l'évolution des moeurs (ATF 122 I 57 consid. 3c/aa et les arrêts cités). En principe, une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement et aux affaires pendantes au moment où elle est adoptée (ATF 132 II 153 consid. 5.1; 122 I 57 consid. 3c/bb et les arrêts cités; arrêt 6B_1008/2015 du 18 juillet 2016 consid. 5.1).  
 
2.1.5. La composition irrégulière de la juridiction est un vice fondamental, qui ne peut pas être réparé; seul un nouveau jugement, rendu par un tribunal établi conformément à la loi, est susceptible de rétablir une situation conforme au droit (cf. arrêts 6B_226/2015 du 30 juin 2015 consid. 1.2; 9C_185/2009 du 19 août 2009 consid. 2.1.2).  
 
2.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que la composition du Tribunal pénal était connue des recourants dès la réception du courrier du 17 novembre 2021, adressé par la direction de la procédure aux parties à cet effet, et que les fonctions de D.________, juge assesseure et greffière, étaient notoires et accessibles sur Internet. Toutefois, ni à la découverte de la composition de Tribunal pénal, ni lors des débats de première instance et encore moins dans la déclaration d'appel, les recourants ne s'étaient offusqués du fait que la prénommée siégeait en qualité de juge assesseure. S'ils s'en étaient plaints, entre la déclaration d'appel et les débats de seconde instance, c'était uniquement parce qu'ils avaient pris connaissance des considérants d'un arrêt rendu récemment par le Tribunal fédéral et parce que la cour cantonale avait dûment attiré leur attention sur sa propre composition. Cela étant, force était de constater qu'ils n'avaient, jusqu'alors, pas jugé nécessaire d'inviter la présidente de l'autorité inférieure à modifier la composition des juges appelés à statuer, alors qu'ils auraient déjà été en mesure de le faire, dès lors que la récente jurisprudence précitée précisait des principes qui existaient de longue date et qui étaient reconnus par la doctrine majoritaire. Par leur attitude, les recourants avaient démontré que la composition de l'autorité inférieure ne les heurtait pas le moins du monde, à tout le moins jusqu'à ce qu'ils aient pris connaissance de la jurisprudence précitée. Au vu de leur comportement procédural, leur argumentation apparaissait manifestement dictée par les besoins de la cause et contrevenait assurément aux règles de la bonne foi.  
La cour cantonale a ainsi considéré que les recourants auraient dû faire valoir le grief qu'ils tirent de la violation de l'art. 30 al. 1 Cst. à un stade antérieur de la procédure. Dès lors qu'ils avaient agi uniquement après le dépôt de leur déclaration d'appel, il devait être admis que leurs conclusions étaient tardives. 
 
2.3. Il n'apparaît pas que le droit cantonal jurassien prohibe le cumul des fonctions de greffier et de juge suppléant. Au contraire, l'art. 7 al. 1 de la Loi d'incompatibilité du 29 avril 1982 (RSJ 170.31) permet l'engagement d'un greffier en qualité de juge. Comme le relève le recourant 1, à la suite de l'ATF 149 I 14, le gouvernement jurassien, dans sa réponse à une question écrite, a notamment déclaré que, "selon les renseignements obtenus, depuis la publication de l'arrêt du Tribunal fédéral, les greffier-ère-s n'ont plus fonctionné comme juges suppléant-e-s au sein des cours dans lesquelles ils/elles travaillent habituellement" (cf. Réponse du Gouvernement du canton du Jura à la question écrite N° 3496 du 6 décembre 2022, p. 2). Ainsi, la cour cantonale ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que l'ATF 149 I 14 ne fait que préciser des principes qui existaient de longue date. En effet, dans cette affaire, le Tribunal fédéral a jugé pour la première fois que la désignation d'un greffier de la chambre qui doit statuer, en tant que juge dans cette même chambre, n'était pas compatible avec le droit à un tribunal indépendant (ATF 149 I 14 consid. 5).  
En l'occurrence, la cour cantonale reconnaît elle-même que D.________ a siégé dans la composition du Tribunal pénal du Tribunal de première instance comme juge assesseure alors qu'elle fonctionne ordinairement comme greffière au sein du Tribunal de première instance. Ainsi, la juge D.________ se trouve dans un rapport de subordination formel vis-à-vis de la Juge présidente E.________ dans le cadre de son activité (principale) de greffière exercée en parallèle. Il y a donc lieu de retenir, conformément à la jurisprudence, que la hiérarchie formelle existant simultanément en dehors de la formation de jugement entre les membres de la formation de jugement de première instance crée à tout le moins l'apparence d'une hiérarchie informelle au sein de la composition du tribunal, susceptible de porter atteinte à l'indépendance judiciaire interne de la personne désignée comme juge assesseure (cf. ATF 149 I 14 consid. 5.3.5). 
 
2.4. A l'instar de la cour cantonale, le ministère public du canton du Jura soutient, dans ses observations, que les recourants connaissaient l'organisation des tribunaux jurassiens et leur fonctionnement et que s'ils avaient eu le moindre doute sur l'indépendance de D.________, ils auraient soulevé la question lors des débats de première instance. Selon lui, il est contraire à la bonne foi de contester ultérieurement une composition de tribunal qui était connue.  
 
2.4.1. En l'espèce, le raisonnement de la cour cantonale relative à la tardivité des conclusions des recours ne saurait être suivi. En effet, comme susmentionné, une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement aux affaires pendantes au moment où elle est adoptée. Or, l'ATF 149 I 14 a été rendu après le jugement de première instance du 25 mai 2022, mais avant le jugement sur appel du 2 décembre 2022. La nouvelle jurisprudence étant immédiatement applicable, l'on ne saurait dès lors reprocher aux recourants de ne pas avoir invoqué leur grief tiré de la violation du droit à un tribunal indépendant et impartial, avant la publication de celle-ci, soit avant les débats de deuxième instance.  
 
2.4.2. Il s'ensuit que le tribunal de première instance a statué dans une composition irrégulière et, partant, violé la garantie constitutionnelle déduite de l'art. 30 Cst. Contrairement à l'avis du recourant 2, il n'y a pas de nullité de la décision attaquée. L'engagement de la greffière en tant que juge assesseure dans la composition de jugement de première instance est certes incompatible avec l'art. 30 al. 1 Cst. et l'art. 6 ch. 1 CEDH; il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une personne élue et donc démocratiquement légitimée. Ce vice entraîne donc l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour renvoi à l'autorité judiciaire de première instance pour qu'elle statue à nouveau, dans une composition régulière.  
Ce droit est de nature formelle, de sorte que sa violation entraîne l'admission des recours et l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des autres griefs soulevés par les recourants (cf. ATF 142 I 93 consid. 8.3 avec renvois). 
 
3.  
Les recours doivent être admis et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Vu l'issue de la procédure, il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF) et le canton du Jura versera aux recourants une indemnité de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Cela rend sans objet les demandes d'assistance judiciaire formulées par les recourants. La demande d'assistance judiciaire de l'intimée doit être admise, les conditions de l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies. L'intimée est dispensée des frais de procédure et Me Jeremy Huart, désigné en qualité d'avocat d'office de l'intimée (art. 64 al. 2 LTF), est indemnisé. Dans les circonstances d'espèce, il peut être renoncé de mettre des dépens à la charge de l'intimée. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 6B_132/2023 et 6B_133/2023 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
La République et canton du Jura versera la somme de 2'000 fr. à titre de dépens en mains de chacun des conseils respectifs des recourants. 
 
5.  
Les demandes d'assistance judiciaire des recourants sont sans objet. 
 
6.  
La demande d'assistance judiciaire de l'intimée est admise. Me Jeremy Huart est désigné comme conseil d'office et une indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
7.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour pénale. 
 
 
Lausanne, le 16 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Thalmann