1B_233/2023 05.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_233/2023  
 
 
Arrêt du 5 juin 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Kneubühler, Président, Chaix et Kölz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Kathrin Gruber, avocate, 
recourant, 
 
contre 
 
Parquet général du canton de Berne, Nordring 8, case postale, 3001 Berne. 
 
Objet 
Détention pour des motifs de sûreté, 
 
recours contre la décision de la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale, du 20 avril 2023 (SK 23 41-59 BOV). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 21 mai 2021, le Ministère public du Jura bernois-Seeland (ci-après : le Ministère public) a ouvert une procédure pénale contre A.________ pour incendie intentionnel (art. 221 CP). Il a été placé en détention pour des motifs de sûreté par le Tribunal des mesures de contrainte du Jura bernois-Seeland, par ordonnance du 10 novembre 2022. 
Par jugement du 24 novembre 2022, le Tribunal régional du Jura bernois-Seeland (ci-après: le Tribunal régional) a reconnu A.________ coupable d'incendie intentionnel et l'a condamné à une peine privative de liberté de neuf mois; il a aussi prononcé son expulsion du territoire suisse pour une durée de vingt ans. Un appel a été déposé contre cette décision. 
Ce 24 novembre 2022, le Tribunal régional a également ordonné le maintien en détention pour des motifs de sûreté du prévenu. Cette décision a été confirmée sur recours par la Chambre de recours pénale de la Cour suprême du canton de Berne le 4 janvier 2023, puis par le Tribunal fédéral le 13 février 2023 (cause 1B_34/2023). 
 
B.  
Par décision du 20 avril 2023, la 2 e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne (ci-après: la Cour suprême) a ordonné le maintien de A.________ en détention pour des motifs de sûreté suite à l'audience des débats d'appel, ceci jusqu'à l'exécution de la peine prononcée ce jour par la Cour suprême. Celle-ci a condamné en appel le prévenu à une peine privative de liberté de neuf mois et a précisé que la détention pour des motifs de sûreté subie du 11 novembre 2022 au 20 avril 2023 (soit 161 jours) était imputée sur la peine privative de liberté prononcée; elle a aussi prononcé son expulsion du territoire suisse pour une durée de vingt ans.  
 
C.  
Par acte du 3 mai 2023, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre la décision du 20 avril 2023 ordonnant son maintien en détention pour des motifs de sûreté. Il conclut à sa libération immédiate, subsidiairement moyennant le prononcé d'une mesure de substitution (obligation de se présenter une à deux fois par semaine au poste de police le plus proche de son domicile). Il demande en outre l'assistance judiciaire. 
L'instance précédente et le Ministère public renoncent à prendre position sur le recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir et l'arrêt attaqué en tant que décision incidente peut lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF
Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant ne nie pas, à juste titre, l'existence de charges suffisantes propres à justifier son maintien en détention pour des motifs de sûreté (cf. art. 221 al. 1 CPP). Ces charges reposent en effet sur un jugement de première instance, respectivement un jugement d'appel aux termes desquels il a été reconnu coupable d'incendie intentionnel (cf. art. 221 al. 1 CP) et condamné à une peine privative de liberté de neuf mois. Le fait qu'il entende plaider devant le Tribunal fédéral son acquittement, subsidiairement une exemption de peine (art. 54 CP) n'est pas décisif. 
 
3.  
Le recourant conteste tout d'abord l'existence du risque de fuite. 
 
3.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite.  
Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible mais également probable. Le fait que le risque de fuite puisse se réaliser dans un pays qui pourrait donner suite à une requête d'extradition de la Suisse n'est pas déterminant pour nier le risque de fuite. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé. Si cela ne dispense pas de tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes, la jurisprudence admet que lorsque le prévenu a été condamné en première instance à une peine importante, le risque d'un long séjour en prison apparaît plus concret que durant l'instruction (ATF 145 IV 503 consid. 2.2). 
 
3.2. A l'appui de son grief, le recourant se limite à affirmer que le risque de fuite ne saurait être retenu après l'exécution des deux tiers de la peine de neuf mois prononcée en première instance et confirmée en appel; il affirme en effet pouvoir immédiatement obtenir une libération conditionnelle. Ce faisant, le recourant ne discute pas les motifs retenus par l'instance précédente en lien avec le risque de fuite. Cela étant, sur ce point, il peut être renvoyé aux considérations émises par la Cour de céans dans son arrêt du 13 février 2023, lesquelles conservent toute leur pertinence (arrêt 1B_34/2023 consid. 3.2). Il en ressort notamment, tout comme de l'arrêt cantonal attaqué, que le recourant n'a aucun lien particulier avec la Suisse, qu'il a affirmé vouloir quitter au plus vite le territoire helvétique et qu'il n'a aucune perspective en Suisse, compte tenu notamment de l'expulsion pour une durée de 5 ans ordonnée par le Tribunal cantonal vaudois le 3 mai 2019 et de celle pour une durée vingt ans (non encore définitive) prononcée par le Tribunal régional et confirmée en appel. Partant, la cour cantonale pouvait, à bon droit, considérer qu'il existait un risque de fuite concret dans le cas d'espèce. Quant à la mesure de substitution proposée par le recourant (obligation de se présenter à un poste de police régulièrement), au demeurant sans aucune motivation, elle n'est manifestement pas en mesure de pallier le risque de fuite retenu (cf. art. 237 CPP).  
 
3.3. L'admission du risque précité dispense en principe d'examiner s'il existe aussi un risque de récidive. L'instance précédente a toutefois considéré que cette condition alternative était également réalisée (sur ce risque, voir ATF 146 IV 326 consid. 3.1). En l'occurrence, si le recourant conteste un tel risque de réitération, il ne discute à nouveau pas concrètement les motifs présentés dans l'arrêt entrepris. Sur ce point, le recourant peut également être renvoyé à l'argumentation développée au considérant 3.3 de l'arrêt 1B_34/2023 qui, en l'absence d'éléments nouveaux propres à conduire à une autre appréciation, demeure pertinente. La Cour de céans a en effet relevé que le recourant avait de nombreux antécédents, dont des violences et menaces contre des fonctionnaires, des menaces et des lésions corporelles simples; elle s'est aussi référée au risque de récidive retenu par l'expert psychiatre et a constaté, avec la présente procédure pénale et la procédure pénale parallèle en cours pour tentative de lésions corporelles graves notamment (cf. jugement SK 22 34 du 1er novembre 2022 de la Cour suprême - ayant fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, sous la référence 6B_173/2023 - condamnant le recourant à une peine privative de liberté de 36 mois, sous déduction des jours de détention avant jugement subis), une aggravation des infractions reprochées au recourant. Ce dernier soutient d'ailleurs en vain que le risque de récidive serait faible au vu des conditions et raisons pour lesquelles il avait mis le feu à son matelas dans la cellule de sûreté, expliquant à ce sujet qu'il se trouvait dans un état de détresse profonde et voulait comprendre les raisons de cette sanction disciplinaire. En effet, si le recourant explique cet acte par son placement, injustifié selon lui, en cellule de sûreté, il convient de rappeler que toutes les infractions qu'il a commises pendant près de dix ans n'ont pas été réalisées dans ce contexte particulier. Ainsi, l'arrêt attaqué qui retient un risque sérieux de réitération ne prête pas le flanc à la critique.  
 
4.  
Enfin, le recourant soutient que le maintien en détention pour des motifs de sûreté violerait le principe de proportionnalité. Il se prévaut du fait qu'il aurait déjà purgé les deux tiers des peines infligées par la Cour suprême dans la présente procédure pénale ainsi que dans la procédure SK 22 34; il affirme qu'il pourrait immédiatement obtenir la libération conditionnelle. 
 
4.1. En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. L'art. 212 al. 3 CPP rappelle cette exigence en précisant que la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, ne doit pas durer plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible.  
Le juge peut dès lors maintenir la détention avant jugement aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation. Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car il y a lieu de veiller à ce que les autorités de jugement ne prennent pas en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention avant jugement à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 145 IV 179 consid. 3.1; 143 IV 168 consid. 5.1; arrêt 1B_13/2022 du 3 février 2022 consid. 5.1). 
Lorsque le détenu a déjà été jugé en première instance, ce prononcé constitue un indice important quant à la peine susceptible de devoir être finalement exécutée (ATF 143 IV 168 consid. 5.1; arrêt 1B_13/2022 du 3 février 2022 consid. 5.1). Afin cependant d'éviter d'empiéter sur les compétences du juge du fond, le juge de la détention ne tient en principe pas compte de l'éventuel octroi, par l'autorité de jugement, d'un sursis, d'un sursis partiel et/ou d'une possible libération conditionnelle (ATF 145 IV 179 consid. 3.4); pour éventuellement entrer en considération sur cette dernière hypothèse, son octroi doit être d'emblée évident (arrêts 1B_383/2021 du 4 août 2021 consid. 4.1; 1B_185/2020 du 29 avril 2020 consid. 4.1; 1B_250/2019 du 14 juin 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). En outre, pour examiner si la durée de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté s'approche de la peine à laquelle il faut s'attendre en cas de condamnation et ainsi respecter le principe de proportionnalité, il appartient au juge de la détention de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Dans ce contexte, le seul fait que la durée de la détention avant jugement dépasserait les trois quarts de la peine prévisible n'est pas décisif en tant que tel (ATF 145 IV 179 consid. 3.5). 
 
4.2. Il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant se trouve en détention pour des motifs de sûreté en lien avec la procédure relative à l'infraction d'incendie intentionnel depuis le 11 novembre 2022 (161 jours). Au jour de l'arrêt entrepris (20 avril 2023), la durée de la détention pour des motifs de sûreté subie en lien avec cette procédure - soit un peu plus de 5 mois (161 jours) - ne violait donc pas le principe de proportionnalité, n'ayant en particulier pas atteint les deux tiers de la peine encourue. Pour le surplus, on ne saurait affirmer, comme le fait le recourant, que le maintien en détention pour des motifs de sûreté au-delà d'une durée correspondant aux deux tiers de la peine privative de liberté prononcée serait en soi disproportionnée (cf. ATF 145 IV 179 consid 3.5). Cela vaut d'autant moins lorsque, comme en l'espèce, l'octroi d'une libération conditionnelle n'apparaît pas d'emblée évidente. Le recourant ne peut en outre rien déduire du fait que la Cour suprême a considéré que la durée de la détention pour des motifs de sûreté subie en lien avec la procédure parallèle SK 22 34 relative à d'autres infractions (notamment tentative de lésions corporelles graves) n'était plus conforme au principe de proportionnalité. Partant, le grief du recourant doit être rejeté.  
 
5.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Le recours étant dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit également être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Toutefois, pour tenir compte de la situation financière du recourant, il peut être exceptionnellement renoncé à la perception de frais judiciaires (art. 66 al. 1 in fine LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Parquet général du canton de Berne et à la 2 e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne.  
 
 
Lausanne, le 5 juin 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn