5A_882/2023 03.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_882/2023  
 
 
Arrêt du 3 juin 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, von Werdt et De Rossa. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par Me Michel De Palma, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.A.________, 
représentée par Me Olivier Couchepin, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
mesures provisionnelles de divorce (modification de mesures protectrices de l'union conjugale; contribution d'entretien en faveur de l'épouse), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II, du 20 octobre 2023 (C1 23 187). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.A.________ (1948) et B.A.________ (1952) se sont mariés en 1991. Ils n'ont pas d'enfants communs. 
 
B.  
Statuant dans le contexte d'une procédure de mesures protectrices de l'union conjugale introduite par l'épouse, le juge du Tribunal des districts de Martigny et St-Maurice (ci-après: le juge de district) a notamment procédé à une liquidation partielle et provisoire du régime matrimonial des époux, attribué la jouissance du logement familial au mari et astreint celui-ci à verser à son épouse une contribution d'entretien mensuelle de 680 fr. dès le mois de septembre 2020 compris, montant porté à 1'280 fr. dès le mois correspondant à l'installation de l'épouse dans un nouveau logement en Suisse si celle-ci devait s'en constituer un à ses frais (l'épouse résidait alors auprès de sa soeur en France). 
La contribution initiale a été réduite à 425 fr. par mois par le Tribunal cantonal, statuant sur appel le 11 avril 2022; l'autorité cantonale n'a en revanche pas modifié le montant de la contribution prévue dès l'installation de l'épouse dans un nouveau logement en Suisse (à savoir: 1'280 fr.). 
 
C.  
A.A.________ a ouvert action en divorce le 2 septembre 2022. 
 
C.a. Le 9 juin 2023, il a adressé au Tribunal des districts de Martigny et St-Maurice une "[d]emande de modification de la contribution d'entretien", précisant ultérieurement qu'il concluait à la suppression de la contribution d'entretien en faveur de son épouse avec effet au 1er juin 2023. Celle-ci a conclu au rejet de sa requête.  
Statuant le 5 septembre 2023, le juge de district a partiellement admis la requête et arrêté la contribution d'entretien en faveur de l'épouse à 450 fr. par mois dès le 1er juillet 2023. 
 
C.b. B.A.________a interjeté appel contre cette décision, sollicitant en outre l'octroi de l'effet suspensif.  
 
Par arrêt du 20 octobre 2023, le juge de la cour civile II du Tribunal cantonal du Valais a admis l'appel et rejeté la requête déposée par l'époux le 9 juin 2023, déclarant sans objet la requête d'effet suspensif. 
 
D.  
Agissant le 20 novembre 2023 par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, A.A.________ (ci-après: le recourant) conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et, partant, à la confirmation de la décision du juge de district du 5 septembre 2023. 
B.A.________ (ci-après: l'intimée) n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond. 
 
E.  
Par ordonnance présidentielle du 11 décembre 2023 l'effet suspensif a été attribué au recours pour les contributions d'entretien arriérées, dues en vertu de la décision dont la modification est requise - à savoir l'arrêt du Tribunal cantonal valaisan du 11 avril 2022 (let. B supra) - et encore en souffrance jusqu'à la fin du mois précédant le dépôt de la requête d'effet suspensif ( i.e. octobre 2023); il a en revanche été refusé pour les pensions courantes, qui demeurent ainsi régies par l'arrêt précité.  
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 134 III 426 consid. 2.2), rendue dans une affaire matrimoniale (art. 72 al. 1 LTF) de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 et 74 al. 1 let. b LTF), par une autorité supérieure statuant sur recours et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF); le recourant, qui a agi à temps (art. 100 al. 1 LTF), a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. a et b LTF). Le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. La décision attaquée porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 134 III 667 consid. 1.1; 133 III 393 consid. 5, 585 consid. 3.3), en sorte que la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant ("principe d'allégation"; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2; 144 III 93 consid. 5.2.2), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1), étant rappelé qu'en matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
3.  
Le recourant invoque l'arbitraire dans l'application de l'art. 179 CC ainsi que dans l'établissement des faits. 
 
3.1.  
 
3.1.1. Les règles relatives à la modification des mesures protectrices de l'union conjugale s'appliquent par analogie en cas de changement pendant une procédure de divorce (art. 179 al. 1 CC et art. 276 CPC; ATF 143 III 617 consid. 3.1; arrêt 5A_895/2022 du 17 juillet 2023 consid. 10.2.1 et les références).  
 
3.1.2. La modification des mesures provisoires ne peut être obtenue que si, depuis leur prononcé, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, notamment en matière de revenus, à savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, si les faits qui ont fondé le choix des mesures provisoires dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévus, ou encore si la décision de mesures provisoires est apparue plus tard injustifiée parce que le juge appelé à statuer n'a pas eu connaissance de faits importants (art. 179 al. 1 CC; ATF 143 III 617 consid. 3.1; 141 III 617 consid. 3.1 et les références; arrêts 5A_895/2022 précité loc. cit.; 5A_42/2022 du 19 mai 2022 consid. 4.1).  
En revanche, les parties ne peuvent pas invoquer, pour fonder leur requête en modification, une mauvaise appréciation des circonstances initiales, que le motif relève du droit ou de l'établissement des faits allégués sur la base des preuves déjà offertes; pour faire valoir de tels motifs, seules les voies de recours sont ouvertes (arrêts 5A_895/2022 précité loc. cit.; 5A_42/2022 précité loc. cit. et la référence), car la procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles (ATF 137 III 604 consid. 4.1.1; 131 III 189 consid. 2.7.4).  
 
3.2. La contribution d'entretien de l'intimée a été arrêtée sur mesures protectrices de l'union conjugale à 425 fr. par mois dès le mois de septembre 2020; dès la prise à bail d'un logement en Suisse par l'intimée - à une date qui pouvait survenir à tout moment dès le prononcé -, le manco de l'épouse, à savoir 1'100 fr. après utilisation du disponible du recourant (soit: 731 fr.), devait être couvert par la fortune des parties à hauteur de la moitié chacune (soit 550 fr.), portant ainsi la contribution du recourant en faveur de l'intimée à 1'280 fr. (soit: 731 fr. + 550 fr., montant arrondi).  
La fortune mobilière personnelle du recourant était arrêtée à 42'722 fr., somme répartie sur trois comptes bancaires. L'intimée disposait pour sa part d'un compte ouvert auprès de l'UBS (solde: 15'360 fr.) et d'un montant de 115'362 fr. provenant de la succession de son père et prêté à sa soeur - prêt dont il a été considéré qu'elle pouvait obtenir le remboursement immédiat sous forme d'amortissements réguliers. 
 
3.2.1. Admettant la requête de modification du recourant, le juge de district a considéré que la fortune de l'intéressé avait fortement diminué depuis le prononcé de la décision de mesures protectrices de l'union conjugale, passant à 10'500 fr. environ, l'intéressé étant en outre débiteur d'un prêt sans intérêt envers son fils de 5'000 fr. Le solde du compte détenu auprès de l'UBS ne pouvait par ailleurs être pris en considération, ces fonds étant affectés au paiement des charges de l'appartement dont le recourant était propriétaire à U.________. En tant que la fortune mobilière du recourant n'excédait pas le seuil de la "réserve de secours", elle ne pouvait ainsi être mise à contribution pour assurer l'entretien des époux. Ce fait nouveau, important et durable, justifiait la modification des contributions d'entretien.  
 
3.2.2. Le juge cantonal a en revanche considéré qu'une certaine diminution de la fortune mobilière du recourant postérieurement au prononcé de la décision de mesures protectrices était la conséquence logique de la décision elle-même, qui prévoyait la mise à contribution de la fortune des époux pour combler leur déficit. Elle ne constituait dès lors pas un fait nouveau, pour autant qu'elle se situât dans le cadre des prévisions et qu'il ne s'agît pas de l'épuisement total de la fortune, sous réserve de l'abus de droit.  
Tel n'était pas le cas ici. Une diminution de la fortune du recourant de 17'825 fr. (2'975 fr. [contributions rétroactives de 425 fr. par mois entre septembre 2020 et mars 2021] + 14'850 fr. [550 fr. d'avril 2021 à juin 2023]) était ainsi prévisible, sans compter le paiement des frais de procédure (3'725 fr.), ce qui portait cette fortune à 21'222 fr. (42'772 fr. - 17'825 fr. - 3'725 fr.). La fortune du recourant au moment du dépôt de sa requête de modification devait par ailleurs s'apprécier en prenant en considération le solde du compte UBS de 4'315 fr.: la décision de mesures protectrices de l'union conjugale ne réservait en effet aucun montant destiné au paiement des charges de l'appartement de U.________, lesquelles étaient au demeurant prises en compte dans l'établissement du revenu que l'intéressé en retirait. Devait de même être inclus dans sa fortune un montant de 9'720 fr., correspondant aux loyers que le recourant avait cumulés en Algérie entre avril 2021 et juin 2023, celui-ci échouant à rendre vraisemblable que leur défaut de perception résulterait de motifs autres qu'un choix délibéré; or la diminution de fortune en Suisse était pour une part non négligeable directement liée au fait qu'il n'avait pas utilisé les montants perçus en Algérie pour s'acquitter des contributions d'entretien. En augmentant ainsi la fortune mobilière actuelle du recourant (10'500 fr.) de ces différents postes (4'315 fr. + 9'720 fr.), celle-ci atteignait 19'535 fr., montant entrant dans les prévisions au moment du prononcé de la décision de mesures protectrices dont la modification était demandée. Le solde de la fortune du recourant au moment du dépôt de sa requête de modification lui permettait d'ailleurs encore de couvrir sur plusieurs mois la part du déficit de l'épouse de 550 fr., ce même en l'absence de mise à contribution des revenus locatifs algériens. 
Le magistrat cantonal a enfin souligné que la notion de "réserve de secours" à laquelle se référait le juge de première instance, développée en matière d'assistance judiciaire, ne pouvait être transposée sans autre en matière de contribution d'entretien, étant de surcroît précisé que la décision de mesures protectrices ne limitait pas la mise à contribution de la fortune à une partie excédant une "réserve de secours". Non seulement la fortune pouvait ainsi être mise à contribution jusqu'à épuisement si nécessaire, mais il fallait de surcroît relever que les biens immobiliers dont le recourant était propriétaire (biens immobiliers sis à U.________ et en Algérie; quote-part du logement familial) constituaient une réserve de secours suffisante. 
 
3.3. L'essentiel de l'argumentation développée par le recourant est appellatoire ou ne cerne aucunement l'intégralité de la motivation qui vient d'être résumée.  
 
3.3.1. Au sujet de la prise en considération des fonds détenus auprès de l'UBS, le recourant se limite à réitérer l'affirmation selon laquelle ceux-ci seraient exclusivement destinés à acquitter les charges de l'immeuble dont il était propriétaire à U.________, sans nullement critiquer la motivation cantonale expliquant les raisons pour lesquelles cette affectation ne pouvait être retenue. Ses considérations sur la violation potentielle de ses obligations de bailleur que pourrait entraîner un défaut de paiement de ces charges ne sont en conséquence pas pertinentes.  
 
3.3.2. Le recourant conteste ensuite la possibilité de percevoir les loyers algériens en rappelant avoir déclaré en audience que " sa locataire a[vait] été malade pendant une année et [lui avait] déclaré qu'elle ne pourrait pas payer pendant cette période ". Le recourant souligne par ailleurs dans ce contexte que l'autorisation de la Banque d'Algérie d'exporter des fonds liquides en dehors de cet État - éventualité expressément retenue par l'autorité cantonale pour retenir la possible perception desdits loyers - était soumise à sa présence sur le territoire; or il ne s'y était pas rendu et " il ne pouvait] pas lui en être fait le reproche, dans la mesure où un tel voyage représent[ait] des dépenses considérables ". Ces affirmations, qui ne sont au demeurant étayées par aucun moyen de preuve, sont à l'évidence insuffisantes à écarter la réalité de ces loyers et à établir l'impossibilité de les encaisser.  
 
3.3.3. Le recourant ne critique au surplus aucunement les autres éléments ressortant de la motivation cantonale, se bornant à s'insurger du caractère choquant de son résultat en tant qu'il avait " pour conséquence d'annihiler [sa] fortune " alors même qu'il avait " de nombreuses charges fixes" dont il devait s'acquitter. Cette motivation toute générale n'est assurément pas efficace à démontrer l'arbitraire du raisonnement cantonal.  
 
3.4. Les considérations qui précèdent permettent de retenir que c'est en vain que le recourant invoque l'application arbitraire de l'art. 179 CC: l'argumentation qu'il développe sur ce point, dès lors que fondée sur les critiques qui viennent d'être écartées, est manifestement inapte à contrer la motivation cantonale rejetant la survenance d'un fait nouveau, essentiel et durable au sens couramment admis par la jurisprudence rappelée plus haut ( supra consid. 3.1.2). Est enfin vaine sa référence à la fonction de "réserve de secours" que lui garantirait sa fortune dans la mesure où elle est opposée sans motivation aucune au raisonnement développé sur ce point par l'autorité cantonale.  
 
4.  
En définitive, la motivation déficiente du recours conduit à son irrecevabilité. Dès lors que les conclusions du recours apparaissaient d'emblée dépourvues de chances de succès, la requête d'assistance judiciaire du recourant doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF), celui-ci supportant en conséquence les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond et qui a conclu au rejet de l'effet suspensif, alors que celui-ci a été partiellement accordé (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II. 
 
 
Lausanne, le 3 juin 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso