6B_38/2024 04.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_38/2024  
 
 
Arrêt du 4 juin 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Muschietti. 
Greffière : Mme Corti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
sans domicile connu, 
représenté par Me Georges Schaller, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République 
et canton de Neuchâtel, 
passage de la Bonne-Fontaine 41, 
2300 La Chaux-de-Fonds, 
2. Office cantonal de l'assurance-maladie 
et des bourses d'études, 
Espace de l'Europe 2, 2000 Neuchâtel, 
3. Service communal de l'action sociale, rue du Collège 9, 2301 La Chaux-de-Fonds, 
intimés. 
 
Objet 
Appel réputé retiré, 
 
recours contre la décision du Tribunal cantonal de 
la République et canton de Neuchâtel, Cour pénale, 
du 28 novembre 2023 (CPEN.2023.70/der). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 21 août 2023, le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz a condamné A.________ par défaut, pour infractions aux art. 146 al. 1 CP, 87 LAVS, 70 LAVI et 106 LACI, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr. le jour. Il a également prononcé son expulsion obligatoire du territoire suisse pour une durée de 5 ans. 
 
B.  
Par déclaration d'appel du 13 septembre 2023, A.________, par le biais de son conseil, Me Georges Schaller, a interjeté appel contre le jugement précité; le mandataire de A.________ a par ailleurs indiqué disposer uniquement de l'adresse électronique de son client, ainsi que de son numéro de téléphone, lesquels étaient bien fonctionnels, mais pas de son adresse postale à l'étranger. 
Par courrier du 31 octobre 2023, la direction de la procédure a indiqué à Me Georges Schaller qu'un mandat de comparution devait sous peu être envoyé à son mandant, celui-ci devant comparaître personnellement; elle a expliqué que, compte tenu du fait que ce dernier refusait de révéler où il résidait, le mandat de comparution personnelle ne pourrait pas lui être notifié directement et la fiction de retrait consacrée à l'art. 407 al. 1 let. c CPP pourrait s'appliquer. Elle a ainsi imparti un délai au mandataire afin qu'il puisse communiquer à la direction de la procédure une adresse où son mandant pourrait être valablement cité. 
Par courrier du 22 novembre 2023, Me Georges Schaller a notamment produit une "Attestation" écrite signée de la main de son mandant, au sens de laquelle, d'une part, A.________ confirmait avoir demandé à son avocat de déposer, en son nom, une déclaration d'appel contre le jugement entrepris et, d'autre part, en indiquant que toute notification le concernant pouvait être adressée à B.________, à la rue de U.________ xy, à V.________, soit à l'adresse de son ex-épouse qui était restée en Suisse avec leur enfant commun et avec laquelle il disait être resté en contacts étroits. 
 
C.  
Par décision du 28 novembre 2023, la Cour pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois n'est pas entrée en matière sur l'appel de A.________, a ordonné le classement du dossier et a mis le frais de la procédure d'appel, en 500 fr., à la charge de ce dernier. 
Cette décision considère en substance que l'appel est réputé avoir été retiré conformément à l'art. 407 al. 1 let. c CPP. 
 
D.  
A.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre cette décision. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle entre en matière sur la déclaration d'appe l. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire et la désignation de Me Georges Schaller comme conseil d'office. Il requiert par ailleurs l'octroi de l'effet suspensif. 
 
E.  
Invités à se déterminer sur le recours, le ministère public et la cour cantonale renoncent à présenter des observations supplémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Invoquant une violation de l'art. 87 CPP, le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir appliqué à tort la fiction de retrait de son appel prévue à l'art. 407 al. 1 let. c CPP. 
 
1.1. L'art. 407 al. 1 let. c CPP prévoit que l'appel est réputé retiré si la partie qui l'a déclaré ne peut pas être citée à comparaître.  
 
1.2. Les dispositions relatives à la notification et à la communication des prononcés (art. 84 ss CPP) s'appliquent également à la procédure de recours (ATF 148 IV 362 consid. 1.2; arrêts 6B_707/2023 du 22 avril 2024 consid. 1.4.3; 6B_876/2013 du 6 mars 2014 consid. 2.4.2; 6B_652/2013 du 26 novembre 2013 consid. 1.4.2).  
Les mandats de computation personnelle sont en principe décernés par écrit (art. 201 al. 1 CPP; cf. aussi art. 85 al. 1 CPP). La notification se fait par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, contre récépissé, notamment par l'entremise de la police (art. 85 al. 2 CPP; cf. en lien avec la notification électronique: art. 86 CPP). 
Aux termes de l'art. 87 CPP, toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (al. 1). Les parties et leur conseil qui ont leur domicile, leur résidence habituelle ou leur siège à l'étranger sont tenus de désigner un domicile de notification en Suisse; les instruments internationaux prévoyant la possibilité de notification directe sont réservés (al. 2). Si les parties sont pourvues d'un conseil juridique, les communications sont valablement notifiées à celui-ci (al. 3). Lorsqu'une partie est tenue de comparaître personnellement à une audience ou d'accomplir elle-même un acte de procédure, la communication lui est notifiée directement. En pareil cas, une copie est adressée à son conseil juridique (al. 4). La notification du mandat de comparution au conseil de l'intéressé ne suffit pas (arrêts 6B_328/2020 du 20 mai 2021 consid. 2.2.2; 6B_673/2015 du 19 octobre 2016 consid. 1.2; 6B_552/2015 du 3 août 2016 consid. 2.3 et les références citées). 
L'art. 87 al. 4 CPP prime l'art. 87 al. 3 CPP en tant que lex specialis (ATF 148 IV 362 consid. 1.5.2; cf. aussi ATF 144 IV 64 consid. 2.5 et arrêts 6B_328/2020 précité consid. 2.2.2; 6B_1006/2018 du 15 janvier 2019 consid. 2.2; 6B_1415/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.3).  
 
1.3. L'art. 87 al. 1 CPP n'empêche pas les parties de communiquer aux autorités pénales une adresse de notification autre que celles indiquées par la norme (ATF 139 IV 228 consid. 1.1 et 1.2; arrêts 6B_730/2021 du 20 août 2021 consid. 1.1; 6B_644/2017 du 16 mai 2018 consid. 3.1; 6B_1309/2017 du 9 mai 2018 consid. 1.1 et l'arrêt cité). Si elles le font, la notification doit intervenir en principe à cette adresse, sous peine d'être jugée irrégulière (ATF précité consid. 1.2 et 1.3; arrêts 6B_730/2021 précité consid. 1.1; 6B_1309/2017 précité et l'arrêt cité). Les parties sont ainsi libres de faire élection de domicile à une adresse autre que celle de leur domicile ou de leur résidence habituelle (art. 87 al. 1 CPP; cf. ATF 139 IV 228 consid. 1.1 et 1.2; arrêts 6B_328/2020 précité consid. 2.2.3; 6B_673/2015 précité consid. 1.3). Le Tribunal fédéral a toutefois réservé l'hypothèse où la notification à l'adresse indiquée serait sensiblement plus compliquée que celle à l'un des lieux mentionnés à l'art. 87 al. 1 CPP (ATF 144 IV 64 consid. 2.3; 139 IV 228 consid. 1.2). Si le prévenu indique aux autorités de poursuite pénale l'adresse de son défenseur comme domicile de notification, la notification de la citation a lieu valablement à cette adresse avec copie à l'avocat lui-même (cf. ATF 139 IV 228 consid. 1.1 et 1.2; arrêts 6B_328/2020 précité consid. 2.2.3; 6B_673/2015 précité consid. 1.3), manière de procéder qui respecte les exigences de l'art. 87 al. 4 CPP (arrêt 6B_673/2015 précité consid. 1.3).  
 
1.4. De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2; 141 II 429 consid. 3.1; 139 IV 228 consid. 1.1 et les références citées). Il découle de cette jurisprudence que le destinataire d'actes judiciaires non seulement peut, mais également doit, lorsqu'il estime qu'une notification ne pourra aboutir au lieu connu des autorités, désigner une adresse où il pourra être atteint (ATF 139 IV 228 consid. 1.1; arrêt 6B_96/2021 du 6 septembre 2021 consid. 1.1.2).  
Le but des règles sur la notification est d'assurer la sécurité du droit et l'économie de procédure (ATF 144 IV 64 consid. 2.5; 139 IV 228 consid. 1.1; arrêt 6B_96/2021 précité consid. 1.1.2). 
 
1.5. Il incombe aux autorités de prouver qu'elles ont entrepris tous les efforts nécessaires afin de trouver l'adresse du prévenu (arrêts 6B_876/2013 précité consid. 2.3.2; 6B_652/2013 précité consid. 1.4.2).  
 
1.6. La cour cantonale a tout d'abord rappelé que le recourant serait amené à comparaître personnellement aux débats d'appel, qu'une convocation devait lui être notifiée personnellement et que la notification du mandat de comparution ne pouvait pas intervenir valablement auprès de son mandataire. Elle a ensuite indiqué que cette exigence, de même que les conséquences négatives pour le recourant de son éventuel refus de s'y conformer, avaient été rappelées à la défense par la direction de la procédure, dans sa lettre du 31 octobre 2023. Elle a ainsi considéré que, dans ces conditions, il était incompréhensible que le recourant refuse toujours de révéler où il réside, tout en persistant à exiger le traitement de son appel. La désignation de l'adresse de son ex-femme pour toute notification à venir dans la procédure d'appel n'y changeait rien, à mesure qu'il n'était pas contesté que cette adresse - d'ailleurs irrégulière, puisque la base des données des personnes habitant dans le canton de Neuchâtel mentionnait que celle-ci était domiciliée à la rue de U.________ xx et non xy, comme figurait dans l'attestation qu'il avait produite - n'était pas le lieu de domicile du recourant ni celle de sa résidence habituelle. La cour cantonale a dès lors retenu que le recourant, qui formait appel, tout en refusant de révéler où il résidait - si bien qu'aucune citation respectant l'art. 87 al. 4 CPP ne pourrait lui être notifiée -, et qui serait tout de même tenu de comparaître personnellement à une prochaine audience pour son interrogatoire, adoptait en réalité une attitude contradictoire non conforme au principe de la bonne foi. Elle a précisé que le recourant avait quitté officiellement V.________, son dernier domicile connu en Suisse, pour " une destination inconnue ", soit celle que, pour des raisons assez incompréhensibles, il avait justement choisi de dissimuler aux autorités de poursuite pénale suisses, lesquelles d'ailleurs ne disposaient d'aucun moyen pour le localiser à l'étranger. La cour cantonale a ainsi retenu qu'en ne révélant pas son lieu de résidence, le recourant faisait obstacle à la notification personnelle d'une citation et que de ce fait il serait impossible de le citer à comparaître valablement. Partant, elle a considéré que l'appel était réputé avoir été retiré au sens de l'art. 407 al. 1 let. c CPP.  
 
1.7. Le raisonnement de la cour cantonale ne peut pas être suivi.  
Le recourant n'a certes pas communiqué son adresse actuelle à la cour cantonale. Il a toutefois indiqué, en tant qu'adresse de notification, celle de son ex-épouse, ce qui est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière. En effet, comme susmentionné (cf. supra consid. 1.3), l'art. 87 al. 1 CPP n'empêchait pas le recourant de communiquer aux autorités pénales une adresse de notification autre que celles indiquées par la norme (adresse de domicile ou de résidence habituelle), manière de procéder qui respecte les exigences de l'art. 87 al. 4 CPP.  
Pour ce qui est de l'erreur de plume du recourant dans son attestation (mention du no xy en lieu et place du no xx), considérer que ce fait fonderait un obstacle à la notification serait faire preuve de formalisme excessif (cf. ATF 149 IV 9 consid. 7.2 et les références citées). Du reste, d'une part, la cour cantonale disposait de la bonne adresse de l'ex-épouse du recourant (rue de U.________ xx) et, d'autre part, l'autorité précédente n'a pas démontré avoir essayé de notifier la citation à comparaître à cette adresse, ce qui lui incombait. Encore, comme souligné à juste titre par le recourant, la cour cantonale ne relève nullement que la notification à l'adresse de l'ex-épouse serait sensiblement plus compliquée que celle à l'un des lieux mentionnés à l'art. 87 al. 1 CPP
Par ailleurs, même à supposer que le recourant eût son domicile à l'étranger, il incombait à ce dernier, au sens de l'art. 87 al. 2 CPP, de désigner un domicile de notification en Suisse, ce qu'il a fait en indiquant, comme adresse de notification, le domicile de son ex-épouse. 
En définitive, en refusant la désignation de l'adresse de l'ex-épouse comme adresse de notification, la cour cantonale a violé l'art. 87 CPP
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants qui précèdent. 
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il peut prétendre à de pleins dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, à la charge du canton de Neuchâtel (art. 68 al. 1 LTF). Sa demande d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet (art. 64 al. 2 LTF). 
La cause étant jugée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, la décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Neuchâtel versera au recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour pénale. 
 
 
Lausanne, le 4 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Corti