5A_443/2022 03.03.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_443/2022  
 
 
Arrêt du 3 mars 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux, Herrmann, Président, 
von Werdt et Schöbi. 
Greffière : Mme Dolivo. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.A.________, 
2. C.A.________, 
3. D.________, 
4. E.________, 
tous les quatre représentés par Me Nicolas Gagnebin, avocat, 
5. F.________, 
6. G.________, 
intimés, 
 
Justice de paix du canton de Genève, 
rue des Glacis-de-Rive 6, 1207 Genève. 
 
Objet 
Bénéfice d'inventaire (irrecevabilité), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 2 mai 2022 (C/26075/2016 DAS/107/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision DJP/112/2022 du 11 mars 2022, la Justice de paix du canton de Genève a notamment déclaré clos le bénéfice d'inventaire de la succession de H.________, décédé le 16 décembre 2016 (1), fait sommation à E.________, A.________, B.________, C.________ et D.________ de prendre parti, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision, entre répudier la succession, l'accepter sous bénéfice d'inventaire, l'accepter purement et simplement ou requérir la liquidation officielle (2), rappelé que le silence de l'héritier valait acceptation sous bénéfice d'inventaire (3) et compensé les frais exposés par le greffe et l'émolument de 500 fr. avec l'avance de frais (4). 
Par arrêt du 2 mai 2022, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a déclaré irrecevable, pour cause de tardiveté, l'appel interjeté le 13 avril 2022 par A.________ contre cette décision et renoncé à la perception d'un émolument. 
 
B.  
Le 5 juin 2022, A.________ exerce un recours au Tribunal fédéral. Elle conclut en substance à l'annulation de l'arrêt attaqué et à sa réforme en ce sens que son appel contre la décision de la Justice de paix était recevable, car interjeté dans le respect du délai légal. Elle indique aussi faire recours contre la décision de Justice de paix d'accepter l'inventaire - qu'elle qualifie d'incomplet - et de le clore. 
Invitées à se déterminer, la Cour de justice s'est référée aux considérants de son arrêt et la Justice de paix a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à formuler. B.________, C.________, D.________ et E.________ concluent à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. F.________ et G.________ ne se sont pas déterminés. La recourante a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours a été introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF; arrêt 5A_791/2018 du 17 juillet 2018 consid. 1.1) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), par une partie ayant succombé devant l'autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 et 76 al. 1 LTF). La décision entreprise est de nature pécuniaire (arrêt 5A_791/2017 du 17 juillet 2018 consid. 1.1) et la valeur litigieuse requise est atteinte (art. 74 al. 1 let. c LTF). Le recours est ainsi recevable en tant que recours en matière civile. 
 
2.  
Le recours s'avère d'emblée irrecevable, en tant qu'il porte sur le contenu de la décision de la Justice de paix, puisqu'il s'écarte en cela de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'arrêt déféré (ATF 142 I 155 consid. 4.2.2 et les références), à savoir en l'occurrence la question de l'irrecevabilité de l'appel pour cause de tardiveté. 
 
3.  
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF; ATF 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4). 
 
4.  
La cour cantonale a considéré que l'appel formé par A.________ le 13 avril 2022, soumis à un délai de dix jours en vertu des art. 308 ss CC, était irrecevable, car tardif. Comme en attestait la mention figurant sur la recherche postale, la décision de la Justice de paix, communiquée aux parties pour notification le 11 mars 2022, avait en effet été distribuée à la précitée le 15 mars 2022. 
 
5.  
La recourante soutient que son acte n'était pas tardif. Dès lors qu'elle n'avait jamais signé de procuration en faveur de Me I.________ ni élu domicile en son Etude - ce dont elle avait averti la Justice de paix par lettre du 8 mars 2022 -, la notification de la décision précitée à cet avocat n'était pas valable. À cela s'ajoutait que Me I.________ n'avait jamais adressé de procuration ensuite de la demande de la Justice de paix en ce sens du 8 mars 2022. La recourante soutient avoir pris connaissance de la décision de la Justice de paix le 4 avril 2022, lorsque la secrétaire de Me I.________ la lui avait envoyée par e-mail. Son acte interjeté dès dans les 10 jours à compter du 4 avril 2022 était ainsi recevable. La recourante précise enfin avoir déjà exposé tous ces éléments dans son "recours" cantonal. 
 
6.  
Selon la jurisprudence, l'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 135 I 6 consid. 2.1; arrêts 5D_118/2021 du 15 octobre 2021 consid. 4.1; 5A_183/2020 du 6 septembre 2021 consid. 3.1). De même, la jurisprudence a déduit du droit d'être entendu de l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 I 135 consid. 2.1; arrêt 5A_612/2019 du 10 septembre 2021 consid. 3.1). 
 
7.  
En l'occurrence, il ressort en effet de son acte d'appel que A.________ avait indiqué à l'autorité cantonale qu'elle agissait dans les 10 jours dès sa prise de connaissance effective de la décision de la Justice de paix. Elle y avait aussi précisé que Me I.________ n'avait jamais fourni de procuration à la Justice de paix, qu'il n'avait pas le pouvoir de décider pour elle et qu'elle avait écrit à la Justice de paix le 8 mars 2022 pour demander que celle-ci l'avertisse personnellement à son adresse en Belgique et par e-mail. L'autorité cantonale ne s'est nullement prononcée sur ces moyens, qui étaient pourtant pertinents pour déterminer si le délai d'appel avait été respecté (sur les conséquences d'une notification irrégulière, cf. notamment ATF 139 IV 228 consid. 1.3; 102 Ib 91 consid. 3), contrevenant ainsi à l'art. 29 Cst. (cf. supra consid. 6). Elle s'est limitée à retenir que la décision de la Justice de paix a été distribuée à A.________ le 15 mars 2022 "selon mention figurant sur la recherche postale". Or, dans la mesure où la décision de la Justice de paix indique être communiquée à "Madame A.________, c/o Me I.________ (...) ", il incombait à la Cour de justice, pour pouvoir déterminer la validité de la notification, respectivement le dies a quo du délai d'appel, d'examiner si la recourante était représentée par Me I.________ ou si, à tout le moins, elle avait élu domicile en son Étude (cf. art. 136 ss CPC). Dans la négative, il apparaitrait que la décision de la Justice de paix a été notifiée de manière irrégulière, ce qui ne devrait entraîner aucun préjudice pour la recourante; il en résulterait que le délai pour attaquer cette décision courait dès le jour où la recourante avait pu en prendre connaissance (ATF 102 Ib 91 consid. 3), sous réserve du principe de la bonne foi, en vertu duquel l'intéressée était tenue de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'elle pouvait en soupçonner l'existence (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 et les références).  
Faute pour la cour cantonale d'avoir établi les faits pertinents pour déterminer si la notification en mains de Me I.________ était valable, la Cour de céans n'est pas en mesure de déterminer si c'est en violation du droit fédéral que l'appel a été qualifié de tardif. La cause doit ainsi être renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle décision. 
 
8.  
En conclusion, le recours doit être admis dans la mesure de sa recevabilité, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle décision. Les frais judiciaires seront mis solidairement à la charge des intimés qui, bien qu'ils ne soient pas responsables du vice de procédure, ont conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours, respectivement qui, bien qu'invités à se déterminer, n'ont pas formulé d'observations ni pris de conclusions en instance fédérale, de sorte qu'ils sont réputés avoir succombé (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF; cf. ATF 125 I 389 consid. 5; parmi plusieurs: arrêt 5A_183/2020 du 6 septembre 2020 consid. 4). Il n'est pas alloué de dépens à la recourante, celle-ci ayant procédé sans le concours d'un avocat (ATF 135 III 127 consid. 4), ni aux intimés, dès lors qu'ils ont succombé (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des intimés, solidairement entre eux. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Justice de paix du canton de Genève et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 3 mars 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Dolivo