9C_393/2023 10.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_393/2023  
 
 
Arrêt du 10 juin 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Stadelmann, Moser-Szeless, Beusch et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par 
M e Matthias Bizzarro et Christoph Suter, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, rue du Stand 26, 1204 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Impôts cantonaux et communaux du canton de Genève, dès la période fiscale 2018 (exonération fiscale), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 2 mai 2023 (A/3740/2021-ICC ATA/470/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ (ci-après: la contribuable ou la fondation), inscrite au registre du commerce du canton de U.________, a pour but le placement collectif et la gestion des avoirs de prévoyance confiés par ses investisseurs. Dans ce contexte, elle gère des opérations en relation avec des biens immobiliers (notamment des immeubles sis dans le canton de Genève) et des hypothèques. Le 21 décembre 2018, elle a présenté une demande d'exonération de l'impôt cantonal et communal (ci-après: ICC) sur le bénéfice et le capital sur la base de l'art. 9 al. 1 let. e de la loi genevoise sur l'imposition des personnes morales (LIPM; rs/GE D 3 15), en raison de biens immobiliers détenus dans le canton de Genève. 
Par décision du 24 juillet 2019, l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) a accepté la demande d'exonération de la contribuable à partir de l'année 2018 et pour une durée indéterminée, à condition que les fonds recueillis fussent effectivement utilisés conformément au but social. Cette exonération s'étendait aux droits de succession sur les institutions d'héritiers, legs et autres libéralités à cause de mort ainsi qu'aux droits d'enregistrement sur les donations. En revanche, elle ne s'étendait pas à l'impôt immobilier complémentaire, ni aux ICC calculés sur les bénéfices résultant d'aliénations de biens et d'actifs immobiliers, lesquels étaient imposables de manière ordinaire dans le cadre de la détermination de l'impôt sur le bénéfice en vertu de la LIPM, ni encore aux droits d'enregistrement afférents aux actes et opérations immobiliers à titre onéreux. 
Statuant sur réclamation le 29 septembre 2021, l'Administration fiscale a déclaré la réclamation de la contribuable irrecevable, faute d'un intérêt digne de protection, puisque celle-ci n'avait pas réalisé de bénéfice immobilier. En outre et si la réclamation devait être recevable, elle l'a rejetée et a confirmé que la décision d'exonération du 24 juillet 2019 ne s'étendait pas aux bénéfices d'aliénation de biens et d'actifs immobiliers qui seraient, le cas échéant, imposables de manière ordinaire à l'impôt sur le bénéfice. 
 
B.  
 
B.a. Dans son jugement du 29 août 2022, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) a partiellement admis le recours de la contribuable, le considérant recevable, et l'a rejeté sur le fond.  
 
B.b. Par arrêt du 2 mai 2023, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice), a rejeté le recours de la fondation.  
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ conclut à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice du 2 mai 2023. À titre principal, elle demande à ce qu'il soit dit que l'exonération des ICC sur le bénéfice et le capital prononcée par la décision du 24 juillet 2019 de l'Administration fiscale s'étende également aux éventuels gains immobiliers futurs réalisés et qu'il soit dit que ces gains soient exclusivement soumis à "l'impôt spécial sur les bénéfices et gains immobiliers". À titre subsidiaire, la fondation conclut au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Après que l'Administration fiscale a conclu au rejet du recours, la contribuable s'est encore déterminée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. La décision attaquée a été rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. aussi art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]).  
 
1.2. L'Administration cantonale ne conteste plus que la fondation avait un intérêt digne de protection à élever réclamation contre la décision d'exonération de l'intimée puis à recourir et il n'y a pas lieu de revenir sur cet aspect. Partant, il convient d'entrer en matière sur le recours, les conditions de recevabilité étant réalisées.  
 
2.  
 
2.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. En matière fiscale, il examine donc en principe librement l'application du droit fédéral, ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID (arrêt 2C_826/2015 du 5 janvier 2017 consid. 2 non publié in ATF 143 I 73; ATF 134 II 207 consid. 2). Lorsque la LHID laisse une certaine marge de manoeuvre aux cantons, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral se limite à l'arbitraire, dont la violation doit être motivée conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 134 II 207 consid. 2; arrêt 9C_670/2022 du 19 avril 2023 consid. 1.3). En revanche, le Tribunal fédéral examine librement si la solution choisie par un canton dans un domaine où il est autonome entrave la LHID dans sa fonction d'harmonisation horizontale ou verticale (ATF 143 II 382 consid. 4.1.3; arrêt 2C_337/2012 du 19 décembre 2012 consid. 1.4 in RDAF 2013 II 350).  
 
2.2.  
 
2.2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 141 IV 369 consid. 6.3).  
 
2.2.2. La recourante reproche à tort à la Cour de justice d'avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte en ayant opéré une "confusion importante" entre les personnes morales et les "personnes morales exonérées" dans le contexte de l'imposition des gains immobiliers dans certains autres cantons. En effet, la juridiction cantonale n'a pas procédé à des constatations de fait au sens de l'art. 105 al. 2 LTF sur cet aspect, mais a effectué un raisonnement juridique relatif à l'existence des différents systèmes d'imposition (monistes ou dualistes) selon les cantons. Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter des faits qu'elle a établis.  
 
3.  
Le litige porte sur le point de savoir si la Cour de justice a considéré à bon droit que les éventuels bénéfices résultant de l'aliénation, par la recourante, de biens et d'actifs immobiliers sont soumis de manière ordinaire à l'impôt sur les bénéfices applicable aux personnes morales en vertu de la LIPM et non pas à l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers au sens des art. 80 et ss de la loi genevoise du 9 novembre 1887 sur les contributions publiques (LCP; rs/GE D 3 05). 
 
4.  
 
4.1. En ce qui concerne en premier lieu le grief formel relatif à la violation du droit d'être entendue de la recourante, on rappellera que ce droit, prévu par l'art. 29 al. 2 Cst., implique notamment l'obligation pour le juge de motiver sa décision afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 et les références). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 146 II 335 consid. 5.1; 142 II 154 consid. 4.2; 138 I 232 consid. 5.1).  
 
4.2. En l'espèce, la motivation de l'arrêt attaqué permet de comprendre le raisonnement de la cour cantonale et elle doit être considérée comme suffisante sous l'angle du droit d'être entendu. En effet et contrairement à ce que prétend la contribuable sur l'absence de toute réponse à ses arguments, la juridiction cantonale a considéré, eu égard à la motivation présentée devant elle, que la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la LHID permettait au canton de Genève d'adopter un système d'imposition dualiste dans les constellations telles que celle du cas d'espèce et que la méthode de calcul adoptée par l'intimée reposait sur une base légale, soit sur l'art. 23 al. 1 LHID. En outre, et comme il sera exposé ci-après, les autres griefs que la recourante avait présentés en instance cantonale et dont elle se prévaut n'étaient et ne sont pas pertinents pour l'issue du litige car ils dépassent le cadre de celui-ci (consid. 7.4 infra).  
 
5.  
 
5.1. La LHID ne contient que peu de dispositions sur l'impôt sur les gains immobiliers. La perception d'un tel impôt est certes prescrite (cf. art. 2 al. 1 let. d LHID). Cependant, la LHID demeure vague en ce qui concerne l'aménagement de l'impôt et ne contient que peu de directives pour les cantons (ATF 143 II 382 consid. 2.1; arrêt 9C_9/2023 du 2 août 2023 consid. 4.1). Elle ne s'exprime notamment que de manière générale sur la détermination du bénéfice imposable. Conformément à la marge de manoeuvre qui leur est laissée, les cantons n'ont pas réglé l'imposition des gains immobiliers de manière uniforme (ATF 143 II 382 consid. 2.1; 134 II 124 consid. 3.2; arrêt 9C_9/2023 du 2 août 2023 consid. 4.1).  
L'impôt sur les gains immobiliers est un impôt spécial sur le revenu, respectivement sur le bénéfice, qui se substitue à l'impôt ordinaire sur le revenu et le bénéfice dans la mesure de son objet fiscal. Il constitue un impôt réél (art. 12 al. 1 LHID; ATF 148 II 299 consid. 7.4.5; 145 II 206 consid. 3.2; 143 II 382 consid. 2.3). 
 
5.1.1. L'art. 12 al. 1 LHID prévoit que l'impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés lors de l'aliénation de tout ou partie d'un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable ou d'un immeuble agricole ou sylvicole, à condition que le produit de l'aliénation soit supérieur aux dépenses d'investissement (prix d'acquisition ou autre valeur s'y substituant, impenses). Le législateur fédéral a conçu les éléments essentiels de la disposition précitée comme des notions juridiques indéterminées; les notions de "produit", de "frais d'investissement" et de "valeur de remplacement" ne sont pas définies plus en avant, et la Confédération laisse aux cantons une certaine marge de manoeuvre dans la définition du bénéfice imposable. Dans cette mesure, le droit cantonal en matière d'impôt sur les gains immobiliers se présente comme du droit cantonal (art. 1 al. 3 LHID; ATF 143 II 382 consid. 3.1 et 3.3; arrêt 9C_9/2023 du 2 août 2023 consid. 4.2.1).  
 
5.1.2. L'art. 12 al. 4 LHID, 1re phrase, prévoit que les cantons peuvent percevoir l'impôt sur les gains immobiliers également sur les gains réalisés lors de l'aliénation d'immeubles faisant partie de la fortune commerciale du contribuable, à condition que ces gains ne soient pas soumis à l'impôt sur le revenu ou sur le bénéfice ou que l'impôt sur les gains immobiliers soit déduit de l'impôt sur le revenu ou sur le bénéfice.  
L'art. 12 al. 4 LHID permet dès lors aux cantons d'adopter soit un système moniste, qui a pour conséquence que l'impôt sur le gain immobilier est dû et ce, qu'il s'agisse d'un bien immobilier faisant partie de la fortune privée ou de la fortune commerciale (ATF 145 II 206 consid. 2.2.1; 143 II 233 consid. 2.1), soit d'adopter un système dualiste, selon lequel les gains et pertes issus de la vente d'immeubles faisant partie de la fortune commerciale sont soumis à l'impôt sur le revenu ou le bénéfice. Il en découle que le système dualiste ne différencie pas d'emblée le produit de la vente d'un immeuble du produit de la vente d'une autre activité commerciale (cf. ATF 145 II 206 consid. 2.2.1). 
 
5.2. Aux termes de l'art. 23 al. 1 let. d LHID, sont exonérées de l'impôt les institutions de prévoyance professionnelle d'entreprises qui ont leur domicile, leur siège ou un établissement stable en Suisse et d'entreprises qui les touchent de près, à condition que les ressources de ces institutions soient affectées durablement et exclusivement à la prévoyance en faveur du personnel. L'al. 4 précise que les personnes morales mentionnées à l'al. 1, let. d à g et i, sont toutefois soumises dans tous les cas à l'impôt sur les gains immobiliers. Les dispositions relatives aux biens acquis en remploi (art. 8 al. 4), aux amortissements (art. 10 al. 1 let. a), aux provisions (art. 10 al. 1 let. b) et à la déduction des pertes (art. 10 al. 1 let. c) s'appliquent par analogie. Selon la jurisprudence, la notion d'"impôt sur les gains immobiliers" de l'art. 23 al. 4, 1re phrase, LHID correspond à celle de l'art. 12 LHID (arrêt 2C_216/2019 du 28 janvier 2020 consid. 2 et les références).  
Ces règles ont été reprises dans le droit cantonal genevois. L'art. 9 al. 1 let. e LIPM prévoit que sont exonérées de l'impôt les institutions de prévoyance d'entreprises qui ont leur domicile, leur siège ou un établissement stable en Suisse et d'entreprises qui les touchent de près, à condition que les ressources de ces institutions soient affectées durablement et exclusivement à la prévoyance en faveur du personnel. Selon l'art. 9 al. 2, 1re phrase, LIPM, les personnes morales mentionnées à l'alinéa 1, notamment lettre f, sont toutefois soumises dans tous les cas à l'impôt sur les gains immobiliers. Les dispositions relatives aux biens acquis en remploi, aux amortissements, aux provisions et à la déduction des pertes s'appliquent par analogie. 
 
5.3. En droit de la prévoyance professionnelle, l'art. 80 al. 2 LPP prévoit que dans la mesure où leurs revenus et leurs éléments de fortune sont exclusivement affectés à des fins de prévoyance professionnelle, les institutions de prévoyance de droit privé ou de droit public qui ont la personnalité juridique sont exonérées des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes, ainsi que d'impôts sur les successions et sur les donations perçues par les cantons et les communes. Les immeubles peuvent être frappés d'impôts fonciers, en particulier d'impôts immobiliers sur la valeur brute de l'immeuble et de droits de mutation (art. 80 al. 3 LPP). Conformément à l'art. 80 al. 4 LPP, les bénéfices provenant de l'aliénation d'immeubles peuvent être frappés de l'impôt général sur les bénéfices ou d'un impôt spécial sur les gains immobiliers. Les bénéfices qui résultent de la fusion ou de la division d'institutions de prévoyance ne sont pas imposables.  
 
5.4.  
 
5.4.1. En droit cantonal genevois, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net (cf. art. 11 LIPM); en vertu de l'art. 12 al. 1 let. a LIPM, est considéré comme bénéfice net imposable le bénéfice net tel qu'il résulte du compte de profits et pertes.  
 
5.4.2. Figurant dans le titre II intitulé "Impôt sur les bénéfices et gains immobiliers", l'art. 80 LCP prévoit que "l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers a pour objet le bénéfice net provenant de l'aliénation d'immeubles ou de parts d'immeubles sis dans le canton, ainsi que certains gains que ces immeubles procurent sans aliénation". Le bénéfice ou gain imposable est constitué par la différence entre la valeur d'aliénation et la valeur d'acquisition (art. 82 al. 1 LCP) et la valeur d'acquisition est égale au prix payé pour l'acquisition du bien, augmentée des impenses, ou, à défaut de prix, à sa valeur vénale (art. 82 al. 2 LCP). Quant à la valeur d'aliénation, elle est égale au prix de vente diminué des impenses que l'aliénateur a supportées à cette occasion (art. 82 al. 6 LCP). L'art. 82 al. 8 LCP précise que sont considérés comme impenses les frais liés à l'acquisition ou à l'aliénation de l'immeuble et les dépenses qui en ont augmenté la valeur.  
L'art. 26 LIPM prévoit en outre que "lorsque le bénéfice réalisé lors de l'aliénation d'immeubles est soumis à un impôt annuel entier sur le bénéfice net ou le revenu net, l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers perçus en application des articles 80 à 87 de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est imputé sur l'impôt annuel ou remboursé pour la part qui en excède le montant". 
 
5.4.3. Il résulte des dispositions cantonales précitées que, de manière générale, le canton de Genève prélève l'impôt sur les gains immobiliers non seulement sur les gains réalisés lors de l'aliénation d'immeubles privés, comme l'exige l'art. 12 al. 1 LHID, mais aussi sur ceux réalisés lors de l'aliénation d'immeubles commerciaux, comme le permet l'art. 12 al. 4 LHID (cf. art. 80 al. 1 LCP; arrêt 2C_501/2020 du 15 mars 2021 consid. 6.1.1 et les références). Dans ce cas toutefois, et conformément à l'art. 12 al. 4 LHID, l'impôt sur les gains immobiliers est imputé sur l'impôt sur le revenu, respectivement sur le bénéfice (système dit mixte ou matériellement dualiste; cf. arrêts 2C_501/2020 du 15 mars 2021 consid. 6.1.1; 2C_834/2012 du 19 avril 2013 consid. 5.2; XAVIER OBERSON, Droit fiscal suisse, 5e éd. 2021, n° 56, p. 365; MARKUS REICH, Steuerrecht, 3e éd. 2020, p. 510; C HRISTOPH FREY/MAXIM DOLDER, Besteurung von Grundstückgewinnen bei Vorsorgeeinrichtungen, in Revue fiscale 74/2019 p. 518; ANNE-CHRISTINE SCHWAB, La vente des actions de la société immobilière en droit fiscal suisse, 2019, p. 108; BASTIEN VERREY, L'imposition différée du gain immobilier: harmonisation fédérale et droit cantonal comparé, 2011, p. 303).  
 
6.  
 
6.1. La juridiction cantonale a tout d'abord rappelé que le canton de Genève avait adopté, pour l'imposition du gain immobilier provenant de la vente d'immeubles appartenant à une personne morale, un système "formellement moniste" mais qui était en réalité "matériellement dualiste". Elle a également rappelé que la jurisprudence du Tribunal fédéral avait retenu que pour les cantons qui connaissaient un système dualiste, l'assujettissement du gain immobilier issu de la vente d'un immeuble par une personne morale à l'impôt spécial sur les gains immobiliers était étranger à ce système (cf. arrêt 2C_1080/2014 du 5 juillet 2016 consid. 5.5.2). En se fondant sur les travaux préparatoires relatifs à la LIPM, la Cour de justice est parvenue à la conclusion que la conservation du système dualiste des gains immobiliers dans le canton de Genève était admise, y compris après le 1er janvier 2001 (qui correspond à la date jusqu'à laquelle les cantons devaient adapter leur législation à la LHID [cf. art. 72 al. 1 LHID; arrêt 2C_793/2019 du 22 janvier 2020 consid. 3.2]). Partant, puisque les éventuels gains immobiliers réalisés par la recourante ne provenaient pas d'éléments de la fortune privée, ceux-ci devaient être soumis à l'impôt sur le bénéfice. Selon les juges précédents, l'intimée avait expliqué qu'elle n'imposait pas les réévaluations, ni les rattrapages d'amortissements et retranchait l'ICC. Or ce procédé correspondait à la lettre de l'art. 23 al. 4, 2e phrase, LHID. En définitive et puisque l'impôt sur les gains immobiliers, le cas échéant prélevé à titre de garantie, pouvait être imputé sur l'impôt (sur les bénéfices) annuel prélevé, c'était à bon droit que la contribuable devait être assujettie à l'impôt ordinaire sur le bénéfice pour les éventuels futurs gains en capital réalisés sur la vente d'immeubles lui appartenant.  
 
6.2. À l'encontre de ce raisonnement, la recourante fait valoir que quand bien même un canton, comme celui de Genève, aurait opté pour un mode d'imposition dit dualiste, une personne morale exonérée de l'impôt sur le bénéfice devrait être néanmoins soumise à l'impôt spécial pour les gains immobiliers, et ce conformément à l'art. 23 al. 4 LHID. En se fondant notamment sur une interprétation littérale de cette disposition, selon laquelle la 2e phrase de l'art. 23 al. 4 LHID ne pourrait faire sens que si la phrase qui la précède renverrait spécifiquement à l'impôt spécial sur les gains immobiliers, la recourante allègue que le législateur fédéral aurait "strictement entendu soumettre les gains immobiliers réalisés par une institution de prévoyance exonérée d'impôt sur les bénéfices à l'impôt spécial sur les gains immobiliers". De plus, elle reproche à la juridiction cantonale d'avoir considéré que l'art. 80 al. 4 LPP était de nature à justifier le prélèvement de l'impôt sur le bénéfice sans "prendre en compte le sens et la portée propres octroyés à l'art. 23 al. 4 LHID", méconnaissant ainsi les dispositions du droit fédéral harmonisé.  
 
7.  
 
7.1. À titre liminaire, il n'est à juste titre pas contesté que la recourante, en tant que fondation de placement, peut être exonérée de l'impôt au sens des art. 23 al. 1 let. f LHID et 80 al. 2 LPP, de sorte qu'elle est fondée à se plaindre d'une violation de l'art. 23 al. 4 LHID (cf. arrêt 2C_340/2011 du 1er février 2012 consid. 2; Frank Roth/Sibylle Fankhauser/Erich Brügger, Grundstückgewinnsteuer: Steuerneutralität bei Immobilienübertragungen auf Anlagestiftungen, RSAS 2022 p. 268 s.).  
 
7.2. Le litige soulève la question de savoir si "l'impôt sur les gains immobiliers", auquel est soumise la recourante pour ses éventuels futurs gains immobiliers en vertu de l'art. 23 al. 4 LHID et de l'art. 9 al. 2, 1re phrase, LIPM, correspond à l'impôt spécial sur les gains immobiliers, au sens des art. 80 ss LCP, ou à l'impôt ordinaire sur le bénéfice au sens de l'art. 11 LIPM.  
 
7.2.1. S'agissant de l'étendue de l'autonomie dont le législateur cantonal dispose dans le cadre de la loi fédérale d'harmonisation, singulièrement pour réglementer un domaine fiscal particulier, elle se détermine sur la base des méthodes et critères d'interprétation généralement applicables (ATF 128 II 56 consid. 3b; arrêt 2C_954/2010 du 8 décembre 2011 consid. 3.1; sur ces critères, cf. consid. 7.2.2 infra). En l'espèce, il ne ressort pas du texte de l'art. 23 al. 4 LHID ("... sont soumises en tous les cas à l'impôt sur les gains immobiliers"; "... unterliegen jedoch in jedem Fall der Grundstückgewinnsteuer"; "... sottostanno nondimeno in tutti i casi all'imposta sui guadagni immobiliari") que les cantons pourraient adopter une solution différente de celle qui résulterait de la disposition de droit fédéral. En outre, à l'occasion des débats parlementaires au sujet de cette disposition, il a été spécifiquement mis en évidence que "chaque exception inscrite dans la loi en faveur des cantons contredit le principe de l'harmonisation" (rapporteur Salvioni, BO 1989 CN 74). On peut dès lors en déduire que le législateur cantonal ne dispose pas d'autonomie dans le cadre de la mise en oeuvre de l'art. 23 al. 4 LHID. Le Tribunal fédéral examinera dès lors la question litigieuse avec un plein pouvoir d'examen (consid. 2.2 supra).  
 
7.2.2. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte se prête à plusieurs interprétations, s'il y a de sérieuses raisons de penser qu'il ne correspond pas à la volonté du législateur, il convient de rechercher sa véritable portée au regard notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Lorsqu'il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant ces différentes interprétations, sans les soumettre à un ordre de priorité (ATF 148 I 251 consid. 3.6 et les références; 147 II 78 consid. 6.4 et les références).  
 
7.2.3. Comme le fait valoir la contribuable, la lettre de l'art. 23 al. 4, 1re phrase, LHID est univoque; celle-ci se réfère en effet clairement à l'impôt sur les gains immobiliers au sens strict, étant précisé que les versions allemande et italienne, qui font respectivement référence au "Grundstückgewinnsteuer" et à l'"imposta sui guadagni immobiliari", ne diffèrent pas de la version française. La lettre même de la loi implique donc que les gains en cause soient soumis à l'impôt sur les gains immobiliers (dans ce sens, ZWEIFEL/HUNZIKER/MARGRAF/OESTERHELT, Schweizerisches Grundstück-gewinnsteuerrecht, 2021, § 9, n° 22, selon lesquels le canton de Genève est le seul canton avec un système dualiste qui soumet lesdits gains à l'impôt sur le bénéfice). Cette interprétation littérale est corroborée par le fait que la notion d'"impôt sur les gains immobiliers" contenue à l'art. 23 al. 4, 1re phrase, LHID correspond à celle de l'art. 12 LHID (consid. 5.2 supra). Or la formulation de l'art. 12 al. 4 LHID (consid. 5.1.2 supra) fait clairement le départ entre l'"impôt sur les gains immobiliers" et l'impôt sur le revenu ou sur le bénéfice.  
Les travaux préparatoires relatifs à l'art. 23 al. 4 LHID ne permettent pas de parvenir à une conclusion différente. Certes, le Message sur l'harmonisation fiscale (Message du 25 mai 1983 concernant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fédéral [Message sur l'harmonisation fiscale], FF 1983 III 1 p. 117) indiquait, dans le cadre du projet relatif à la disposition correspondant à l'actuel art. 23 al. 4 LHID, que celle-ci correspondait à l'art. 80 al. 4 LPP (RO 1983 818). Toutefois, à l'inverse de l'art. 80 al. 4 LPP dont la formulation est potestative et prévoit une alternative entre "l'impôt général sur les bénéfices" et l'"impôt spécial sur les gains immobiliers" auquel sont soumis les bénéfices provenant de l'aliénation d'immeubles (consid. 5.3 supra), le législateur, à l'art. 23 al. 4 LHID, a introduit une obligation pour les cantons de prélever "l'impôt sur les gains immobiliers" (cf. BO 1989 CN 74; BO 1986 CE 1986 147). Partant, on ne saurait parler d'une véritable concordance entre ces deux dispositions de droit fédéral sur le point ici litigieux. En fait, selon la jurisprudence, l'art. 80 LPP comprend des principes sur le traitement fiscal de la prévoyance professionnelle mais pas de règles sur l'aménagement de l'impôt en cause (arrêt 2C_1080/2014 du 5 juillet 2016 consid. 5.6). On doit donc admettre, avec une partie de la doctrine (cf. CHRISTOPH FREY/MAXIM DOLDER, op cit., p. 532; FERDINAND ZUPPINGER/PETER BÖCKLI/PETER LOCHER/MARKUS REICH, Steuerharmonisierung, 1984, p. 140) que l'art. 23 al. 4 LHID impose aux cantons de prélever, pour les personnes morales exonérées de l'impôt et qui sont énumérées à son al. 1, un impôt sur les gains immobiliers (au sens strict). 
 
7.3. Le point de vue contraire de la juridiction cantonale, qui repose avant tout sur le caractère admissible du système dualiste genevois sans égard à l'art. 23 al. 4 (1 re phrase) LHID, ne saurait être suivi. La référence qu'elle fait à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_1080/2014 du 5 juillet 2016 n'est pas pertinente. Dans cet arrêt, également cité par l'intimée à l'appui de ses conclusions, le Tribunal fédéral a relevé que dans les cantons qui connaissent le système dualiste, l'imposition du gain immobilier d'une personne morale au titre de l'impôt sur les gains immobiliers se révèle de toute façon étrangère au système ("systemfremd"). Dans ce contexte, il a considéré que la réglementation de l'art. 23 al. 4, 2e phrase, LHID, qui réserve à la fois l'imposition des gains immobiliers et la déduction des pertes n'est pas du tout contraire au système, mais s'insère à l'inverse de manière conséquente dans le système valant aussi pour les autres personnes morales (arrêt 2C_1080/2014 du 5 juillet 2016 consid. 5.5.2). Or on ne saurait déduire de la considération sur le caractère étranger au système de l'imposition des gains immobiliers d'une personne morale par l'impôt sur les gains immobiliers que le Tribunal fédéral n'aurait fait aucune objection à un assujettissement selon l'impôt général sur le bénéfice si le droit cantonal le prévoit (déduction faite par MARCO GRETER/ALEXANDER GRETER, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden, 4e éd. 2022, n° 46 ad art. 23 LHID). Le Tribunal fédéral n'avait pas à se prononcer alors sur l'assujettissement d'une institution de prévoyance (exemptée de l'impôt) pour ses bénéfices immobiliers à l'impôt sur le bénéfice. Il a en revanche retenu que l'art. 23 al. 4, 1re phrase, LHID réservait expressément la perception de l'impôt sur les gains immobiliers pour les institutions de prévoyance professionnelle au sens de l'art. 23 al. 1 let. d LHID. Partant, la contribuable en cause dans l'arrêt précité n'était pas soumise à l'impôt sur le bénéfice, mais bien à l'impôt sur les gains immobiliers pour les gains immobiliers qu'elle avait réalisés sur sa fortune commerciale dans le canton de Saint-Gall (tel que prévu par le droit cantonal), et ce nonobstant l'existence d'un système d'imposition dualiste (cf. arrêt 2C_1080/2014 du 5 juillet 2016 consid. 5.3).  
 
7.4. En conséquence de ce qui précède, les éventuels gains immobiliers futurs de la recourante doivent être soumis à l'impôt sur les gains immobiliers, tel que prévu par les art. 80 et ss LCP et non pas au régime de l'impôt sur le bénéfice selon la LIPM. Fondé sur une violation de l'art. 23 al. 4 LHID, l'arrêt cantonal doit être réformé en ce sens. La conclusion principale y relative de la recourante se révèle bien fondée.  
Aussi, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs de la recourante, qui concernent avant tout le calcul de l'impôt et donc un aspect étranger au litige qui ne devrait, le cas échéant, être pris en considération qu'à l'occasion d'une imposition effective. 
 
8.  
Les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera à la recourante une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
P ar ailleurs, la cause est renvoyée à la Cour de justice, Chambre administrative, pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis et l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 2 mai 2023 est réformé en ce sens que les futurs et éventuels gains immobiliers réalisés par A.________ seront soumis à l'impôt spécial sur les bénéfices et gains immobiliers au sens de la loi genevoise générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du canton de Genève. 
 
3.  
Le canton de Genève versera à la recourante une indemnité de partie de 2'000 fr. 
 
4.  
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4 ème section.  
 
 
Lucerne, le 10 juin 2024 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser