4A_650/2023 13.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_650/2023  
 
 
Arrêt du 13 mai 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Christophe Gal, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Banque B.________, 
représentée par Me Guillaume Tattevin, 
intimée. 
 
Objet 
mainlevée définitive dans le cadre d'une poursuite en validation de séquestre (art. 279 al. 1-2 LP) cumulée avec reconnaissance et exequatur d'un jugement étranger (art. 25 ss LDIP), exception de l'ordre public matériel suisse (art. 27 al. 1 LDIP), identité de la prétention en poursuite et du titre (art. 80 LP), 
 
recours contre l'arrêt rendu le 9 octobre 2023 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/22871/2022, ACJC/1378/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par arrêt de la Cour d'appel de Dubaï (Émirats arabes unis) du 27 février 2019 dans la cause n° xxx, modifié légèrement par l'arrêt de la Cour de cassation de Dubaï du 7 juillet 2019 dans la cause n° yyy, A.________ (ci-après: le débiteur ou le séquestré ou le poursuivi ou le recourant), domicilié à U.________, a été condamné, avec d'autres débiteurs, à payer solidairement à la banque B.________ (ci-après: la banque ou la séquestrante ou l'intimée), à U.________, un montant de 211'299'040,31 AED (dirhams des Émirats arabes unis), dont le montant exact est présentement litigieux.  
La condamnation solidaire du débiteur repose sur un contrat de garantie personnelle du 8 décembre 2010, par lequel celui-ci s'est porté garant, auprès de la banque, d'un crédit consenti à une société (art. 105 al. 2 LTF). Ce contrat de garantie est soumis au droit des Émirats arabes unis (art. 18.1; art. 105 al. 2 LTF). 
 
A.b. Invoquant sa créance découlant de ces deux arrêts dubaïotes, la banque a déposé une première requête de séquestre le 25 novembre 2021 devant le Tribunal de première instance de Genève, à concurrence du montant de 54'274'039 fr. 31, contre-valeur en fr. du montant en AED, avec intérêts à 9 % l'an à compter du 20 octobre 2015, de tous les avoirs du débiteur en mains de plusieurs banques, dont C.________ SA, à (...).  
Ayant découvert de nouveaux actifs du débiteur, la banque a déposé, en invoquant toujours la même créance dont le montant converti s'élevait alors à 53'891'246 fr. 37, avec intérêts à 9 % l'an à compter du 20 octobre 2015, une seconde requête de séquestre de tous les avoirs du débiteur en mains de la D.________ SA, à (...). 
Les séquestres ont été accordés et les oppositions qu'y a formées le débiteur séquestré ont été rejetées par jugements du Tribunal de première instance de Genève du 11 juillet 2022 et du 23 août 2022. 
La banque séquestrante a validé les deux séquestres par deux réquisitions de poursuite (poursuite n° (...) et poursuite n° (...)) portant sur les montants susmentionnés, avec en sus les frais et dépens des procédures de séquestre, et indiquant comme cause de l'obligation les deux arrêts dubaïotes. Le débiteur a fait opposition aux commandements de payer du 23 juin 2022, respectivement du 13 octobre 2022 qui lui ont été notifiés. 
 
B.  
 
B.a. Le 14 novembre 2022, la banque a déposé devant le Tribunal de première instance de Genève une requête de mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer notifié dans la première poursuite, cumulée à une requête d'exequatur des deux arrêts dubaïotes. Le débiteur a conclu au rejet de la requête.  
Le 22 décembre 2022, la banque a déposé devant le même Tribunal une requête de mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer notifié dans la seconde poursuite, précisant qu'une procédure d'exequatur était déjà pendante (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF). Elle a requis la jonction des causes. 
 
B.b. Après avoir joint les causes, le Tribunal de première instance a, par jugement du 5 juin 2023, reconnu et déclaré exécutoires en Suisse les deux arrêts dubaïotes à concurrence du montant de 211'099'040,31 AED et a prononcé la mainlevée définitive des oppositions formées par le débiteur aux deux commandements de payer (poursuites n° (...) et (...)). Il a reconnu et déclaré exécutoires les deux arrêts dubaïotes conformément aux art. 25 ss LDIP; en particulier, il a considéré que le montant illimité de la garantie pour lequel le débiteur s'est engagé envers la banque dans le contrat du 8 décembre 2010 n'est pas constitutif d'une violation de l'ordre public suisse. Il a rectifié l'erreur du montant figurant dans le dispositif de l'arrêt de la Cour de cassation dubaïote et indiqué le montant de 211'099'040,31 AED.  
Statuant par arrêt du 9 octobre 2023, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours du débiteur. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 24 octobre 2023, le débiteur poursuivi a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 23 novembre 2023. Il conclut principalement à son annulation et à sa réforme en ce sens qu'il soit constaté que les deux arrêts des juridictions de Dubaï ne peuvent pas être reconnus et déclaré exécutoires en Suisse et que les requêtes de mainlevée définitive des oppositions aux deux commandements de payer soient rejetées. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il invoque la violation de l'ordre public suisse, dans la mesure où l'engagement qu'il a pris dans le contrat du 8 décembre 2010 est illimité, et le défaut d'identité entre le titre et la réquisition de poursuite, l'erreur dans le montant indiqué ne pouvant être une simple erreur de plume. 
Par ordonnance présidentielle du 28 décembre 2023, la requête de meures provisionnelles du débiteur a été admise, en ce sens que l'Office des poursuites ne distribuera pas les actifs placés sous main de justice jusqu'à droit connu sur le présent recours. 
La partie adverse et la cour cantonale n'ont pas été invitées à répondre sur le fond. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par le débiteur poursuivi, qui a succombé dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue sur recours par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), en matière de requête de mainlevée définitive cumulée avec une requête de reconnaissance et d'exequatur de deux arrêts dubaïotes soumise à la LDIP (art. 72 al. 1 let. a et 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF), dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 133 III 446 consid. 3.1). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), pour autant que le mémoire de recours soit suffisamment motivé (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2), à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). 
 
3.  
Les Émirats arabes unis ne sont liés à la Suisse par aucun traité en matière de reconnaissance et d'exécution des jugements étrangers. La reconnaissance et la déclaration de force exécutoire en Suisse des arrêts des juridictions dubaïotes sont donc soumises à la LDIP. 
Avant d'examiner si la mainlevée définitive de l'opposition à un commandement de payer notifié dans une poursuite en validation du séquestre (art. 279 al. 1-2 LP) doit être examinée à titre principal ou à titre incident (cf. ci-après consid. 3.2), il s'impose de rappeler les règles et principes applicables à la procédure de séquestre qui a précédé (cf. ci-après consid. 3.1). 
 
3.1. Lorsque le séquestre est requis sur la base de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP et qu'est invoquée une décision étrangère non soumise à la Convention de Lugano, le juge du séquestre statue à titre incident sur le caractère exécutoire de cette décision et accorde le séquestre s'il est rendu vraisemblable que rien ne s'oppose, à première vue, à la reconnaissance et à l'exécution de ce titre de mainlevée étranger. Il procédera à un examen plus approfondi, toujours à titre incident, des conditions de la reconnaissance et des motifs de refus de celle-ci selon les art. 25 ss LDIP dans le cadre de la procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP). Tout au long de la procédure d'autorisation de séquestre, le juge n'examine la force exécutoire de la décision invoquée par le créancier séquestrant comme motif de séquestre au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, qu'au degré de la simple vraisemblance des faits (Glaubhaftmachung) et après un examen sommaire du droit. Il ne rend qu'une décision provisoire qui, par définition, n'acquiert pas force de chose jugée (ATF 144 III 411 consid. 6.3.1; 139 III 135 consid. 4.5.2; arrêts 5A_377/2022 du 27 septembre 2022 consid. 3.2.2; 5A_739/2022 du 12 octobre 2023 consid. 3.1).  
C'est dans la procédure de poursuite en validation du séquestre (art. 279 LP) qu'introduira le créancier qui a fait opérer un séquestre sans poursuite préalable, que seront examinées avec un plein pouvoir d'examen les conditions de la reconnaissance et de l'exequatur des art. 25 ss LDIP (cf. consid. 3.2. ci-dessous). 
 
3.2. Lorsqu'il n'existe aucune convention ou traité liant la Suisse et un État étranger en matière de reconnaissance et d'exécution des jugements, le jugement étranger ne peut être reconnu et exécuté en Suisse qu'aux conditions de l'art. 25 LDIP.  
Le créancier au bénéfice d'une décision étrangère portant condamnation à payer une somme d'argent (art. 38 al. 1 LP; 335 al. 2 CPC) dispose de différentes possibilités pour en obtenir la reconnaissance et la déclaration de force exécutoire (i.e. l'exequatur) en Suisse. 
La première possibilité consiste à introduire une procédure de reconnaissance et d'exequatur indépendante (art. 29 al. 1 et 2 LDIP) devant le tribunal de l'exécution (art. 339 CPC). La procédure est contradictoire, la partie qui s'y oppose étant entendue et pouvant faire valoir ses moyens (art. 29 al. 2 LDIP). La procédure sommaire est applicable (art. 335 al. 3 CPC en lien avec l'art. 339 al. 2 CPC, lequel renvoie aux art. 252 ss CPC) (ATF 142 III 180 consid. 3.5). Après avoir obtenu une décision de reconnaissance et d'exequatur, qui est revêtue de l'autorité de la chose jugée, le créancier demandera l'exécution proprement dite de la décision par la voie de la poursuite (art. 67 ss LP). 
La deuxième possibilité consiste à introduire d'abord une poursuite (art. 67 ss LP : réquisition de poursuite et commandement de payer) et, en cas d'opposition du débiteur, à requérir la mainlevée définitive de l'opposition, procédure au cours de laquelle le juge de la mainlevée se prononcera à titre incident sur la reconnaissance et le caractère exécutoire de la décision étrangère (art. 29 al. 3 LDIP et art. 81 al. 3 LP). La procédure sommaire est applicable (art. 251 let. a CPC). Lorsqu'il statue ainsi sur la reconnaissance et l'exequatur à titre incident, le juge de la mainlevée le fait dans les motifs de son jugement; il n'a pas à se prononcer sur ces questions dans le dispositif de celui-ci, même si le poursuivant a pris des conclusions formelles à ce sujet. La reconnaissance et l'exequatur de la décision étrangère prononcés à titre incident ne font pas partie du dispositif et ne revêtent donc pas l'autorité de la chose jugée (ALEXANDER MARKUS, Internationales Zivilprozessrecht, 2e éd., n. 1579-1581). 
La troisième possibilité, qui fait suite à une procédure de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP qui a abouti (art. 278 LP; cf. consid. 3.1 ci-dessus), consiste à introduire une poursuite en validation du séquestre (art. 279 al. 1 LP) et, si le débiteur forme opposition, à requérir la mainlevée définitive de celle-ci (art. 279 al. 2 LP) et cumulativement la reconnaissance et l'exequatur à titre indépendant, si les conditions du cumul objectif au sens de l'art. 90 CPC sont remplies (ALEXANDER MARKUS, op. cit., n. 1583 et 1585; STÉPHANE ABBET, La mainlevée de l'opposition, 2e éd., Berne 2022, n. 39 ad art. 81 LP; DANIEL STAEHELIN, Basler Kommentar LP, n. 68b ad art. 80 LP; WALTER STOFFEL / ISABELLE CHABLOZ, Voies d'exécution, § 4 n. 212). Cette possibilité a déjà été évoquée par le Tribunal fédéral dans l'ATF 144 III 411, lorsqu'il admet que, dans la procédure en validation de séquestre, la déclaration de force exécutoire a l'autorité de la chose jugée (consid. 6.3.1 in fine). La décision sur la reconnaissance et l'exequatur doit donc faire partie du dispositif de la décision, de même que la décision de mainlevée définitive (cf. également l'arrêt 5A_377/2022 du 27 septembre 2022 consid. 3.2.2 in fine). 
 
4.  
Lorsque la requête de reconnaissance et de déclaration de force exécutoire (i.e. l'exequatur) de la décision étrangère est cumulée avec la requête de mainlevée définitive au sens des art. 80 s. LP (troisième possibilité), le juge doit examiner tout d'abord si la décision étrangère remplit les conditions des art. 25 ss LDIP et ensuite, s'agissant de l'exécution forcée, si les conditions de la mainlevée des art. 80 s. LP sont réunies. 
Il ne faut pas confondre la reconnaissance et la déclaration de force exécutoire (Anerkennung und Vollstreckbarkeit) (cf. ci-après consid. 4.1) avec l'exécution forcée (Vollstreckung) (arrêts 5A_948/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.3 et les références; 4A_638 et 640/2023 du 24 avril 2024 consid. 4) (cf. ci-après consid. 4.2). 
 
4.1. Pour que la reconnaissance et la déclaration de force exécutoire soient prononcées, il faut que les conditions de l'art. 25 LDIP soient remplies, à savoir que la compétence des autorités judiciaires ou administratives de l'État dans lequel la décision a été rendue était donnée (let. a), que la décision n'est plus susceptible de recours ordinaire ou qu'elle est définitive (let. b) et qu'il n'y ait pas de motif de refus au sens de l'art. 27 LDIP (let. c) (ATF 142 III 180 consid. 3.1).  
 
4.2. Une fois la décision étrangère reconnue et déclarée exécutoire, le juge de la mainlevée doit encore examiner si les conditions de la mise en oeuvre de l'exécution proprement dite (eigentliche Vollstreckung) de cette décision, prévues par les art. 80 et 81 LP, sont remplies.  
En particulier, le juge de la mainlevée doit examiner d'office l'existence des trois identités, chacune étant une condition d'exécution au sens de l'art. 80 LP : l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans le titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue. Il peut également examiner d'office si la poursuite est à l'évidence périmée ou nulle (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1; arrêts 5A_1023/2018 du 8 juillet 2019 consid. 6.2.4.2; 5P.174/2005 du 7 octobre 2005 consid. 2.1). 
Le débiteur poursuivi peut faire valoir les exceptions prévues à l'art. 81 al. 1 LP, soit prouver par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis postérieurement au jugement ou se prévaloir de la prescription (subséquente) (ATF 144 III 360 consid. 3). 
 
4.3. Tant la reconnaissance et l'exequatur que la mainlevée définitive sont soumis à la procédure sommaire (art. 339 al. 2 CPC et 251 let. a CPC). La procédure est contradictoire (art. 29 al. 2 LDIP et 84 al. 2 LP).  
Comme on l'a vu, lorsque le créancier choisit cette troisième possibilité, la décision de reconnaissance et d'exequatur a l'autorité de la chose jugée. Par conséquent, tant cette décision que la décision de mainlevée définitive doivent faire partie du dispositif (cf. consid. 3.2 in fine ci-dessus). 
Ces décisions peuvent faire l'objet d'un recours limité au droit (art. 319 let. a en relation avec l'art. 309 let. a et let. b ch. 3 CPC), puis d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral, si la valeur litigieuse est atteinte (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 et 72 al. 1 let. a LTF). Le Tribunal fédéral examine avec un plein pouvoir d'examen les conditions de la reconnaissance et de l'exequatur et celles de la mainlevée définitive, pour autant que le recourant ait satisfait aux exigences de motivation de son recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2). 
 
4.4. En l'espèce, seuls sont litigieux le motif de refus de la reconnaissance tiré de la contrariété à l'ordre public suisse au sens de l'art. 27 al. 1 LDIP (art. 25 let. c LDIP) (cf. consid. 5 ci-dessous) et l'exception de défaut d'identité entre la prétention en poursuite et la dette, découlant des décisions dubaïotes, au sens de l'art. 80 LP (cf. consid. 6 ci-dessous).  
 
5.  
Il s'impose d'examiner en premier lieu le motif de contrariété à l'ordre public suisse, invoqué par le débiteur recourant. 
 
5.1. La LDIP réserve l'ordre public suisse aussi bien lorsqu'un tribunal suisse est saisi d'une action fondée sur un droit étranger (art. 17 LDIP) que lorsqu'il s'agit de reconnaître et de déclarer exécutoire en Suisse un jugement étranger fondé sur le droit étranger (art. 27 al. 1 LDIP). De façon générale, la réserve de l'ordre public suisse a pour but d'empêcher que le droit étranger, lorsqu'il est incompatible avec l'ordre légal suisse, y soit pris en considération.  
 
5.1.1. En vertu de l'art. 17 LDIP, l'application de dispositions du droit étranger est exclue si elle conduit à un résultat incompatible avec l'ordre public suisse. Selon la jurisprudence, cette disposition institue la réserve dite négative de l'ordre public suisse, puisqu'elle exclut l'application du droit étranger. Elle permet au juge de ne pas appliquer exceptionnellement un droit matériel étranger qui aurait pour résultat de heurter de façon insupportable les moeurs et le sentiment du droit en Suisse (ATF 129 III 250 consid. 3.4.2; 125 III 443 consid. 3d; arrêt 4A_11/2023 du 8 décembre 2023 consid. 7.4.2.1). En obligeant le juge suisse à appliquer une loi étrangère, le droit international privé suisse accepte nécessairement que cette loi puisse diverger du droit suisse. Ainsi, qu'un mécanisme prévu par le droit étranger soit inconnu de l'ordre juridique suisse ou qu'il puisse paraître original aux yeux d'un juriste helvétique ne signifie pas encore qu'il doive être taxé d'incompatible avec l'ordre public suisse (arrêts 4A_11/2023 précité consid. 7.4.2.1; 4A_133/2021 précité consid. 6.4.2). Il ne saurait donc être question d'en appeler à l'ordre public suisse chaque fois que la loi étrangère diffère, même sensiblement, du droit fédéral. La règle est au contraire l'application de la loi étrangère désignée par le droit international privé suisse (ATF 125 III 443 consid. 3d; arrêts 4A_11/2023 précité 2023 consid. 7.4.2.1; 4A_133/2021 précité consid. 6.41).  
En tant que clause d'exception, la réserve de l'ordre public suisse doit être interprétée de manière restrictive (arrêt 4A_11/2023 précité consid. 7.4.2.1). 
 
5.1.2. En vertu de l'art. 27 al. 1 LDIP, la reconnaissance d'une décision étrangère doit être refusée en Suisse si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public suisse. Selon la jurisprudence, cette disposition vise le respect de l'ordre public suisse matériel, qui a trait au fond du litige. De façon générale, la réserve de l'ordre public suisse doit permettre au juge de ne pas apporter la protection de la justice suisse à des situations qui heurtent de manière choquante les principes les plus essentiels de l'ordre juridique, tel qu'il est conçu en Suisse (ATF 142 III 180 consid. 3.2; 126 III 534 consid. 2c; 125 III 443 consid. 3d).  
En matière de reconnaissance, la réserve de l'ordre public suisse doit être interprétée de manière encore plus restrictive qu'en matière d'application directe du droit étranger. En effet, sa portée est plus étroite en matière de reconnaissance puisque l'on a affaire à des rapports juridiques qui ont force de chose jugée et qui sont définitivement acquis à l'étranger. En refusant la reconnaissance en Suisse, on créerait des rapports juridiques boiteux. C'est pourquoi on ne peut invoquer la réserve de l'ordre public suisse que si la contradiction avec le sentiment suisse du droit et des moeurs est sérieuse. Autrement dit, la reconnaissance de la décision étrangère constitue la règle, dont il ne faut pas s'écarter sans de bonnes raisons (ATF 142 III 180 consid. 3.2; 126 III 101 consid. 3b, 327 consid. 2b et les arrêts cités). La doctrine parle d'ordre public atténué de la reconnaissance ou d'effet atténué de l'ordre public (ATF 116 II 625 consid. 4b et les arrêts cités). 
 
5.2. La cour cantonale a analysé la garantie personnelle fournie par le débiteur recourant par contrat du 8 décembre 2010 comme un cautionnement solidaire au sens de l'art. 493 CO. La Cour de céans se limitera donc à examiner si les prescriptions de l'art. 493 al. 1 et 2 CO font partie de la réserve de l'ordre public matériel suisse au sens de l'art. 27 al. 1 LDIP.  
 
5.2.1. Selon la jurisprudence rendue à propos de la règle impérative de l'art. 493 CO, dans le cadre de l'application directe du droit étranger, les prescriptions de l'art. 493 CO, selon lesquelles l'acte de cautionnement doit revêtir la forme authentique et indiquer le montant total à concurrence duquel la caution est tenue, ont pour but d'attirer l'attention de la caution sur la portée de son engagement et de l'empêcher d'assumer à la hâte des cautionnements. Considérant que, dans un premier temps, la réserve des prescriptions de l'art. 493 CO ne valait, à l'égard des cautionnements régis par le droit étranger, que pour les cautions qui, au moment où elles se sont engagées, avaient leur domicile en Suisse, le Tribunal fédéral a constaté que l'opinion a évolué en ce sens que, même en cas de domicile de la caution en Suisse, on ne peut s'écarter de la règle selon laquelle le droit étranger est applicable, parce qu'une telle limitation étendrait trop la clause de réserve et gênerait la marche des affaires. Il a donc considéré que tant pour l'exigence de la forme authentique que pour l'indication numérique, dans l'acte de cautionnement, du montant maximum pour lequel la caution s'engage, et ce même si la caution est domiciliée en Suisse, l'ordre public suisse n'entre pas en considération. Il n'a admis une exception que si le droit étranger admettait la validité du cautionnement même en l'absence de tout indice permettant à la caution de se rendre compte dans une certaine mesure de la portée financière de son engagement (ATF 93 II 379 consid. 6).  
En matière de reconnaissance d'un jugement rendu par un tribunal étranger, se référant à sa jurisprudence en matière d'application directe du droit étranger exposée ci-dessus, le Tribunal fédéral a jugé que le droit suisse n'exige pas impérieusement d'avoir la prééminence sur le droit étranger, que la liberté des échanges juridiques revêt une importance fondamentale dans les relations internationales et que, par conséquent, même une caution domiciliée en Suisse au moment de son engagement, ne peut pas se prévaloir de l'inobservation de la forme authentique exigée par l'art. 493 CO lorsque les conditions de forme du droit étranger auquel les parties se sont soumises par élection de droit, même par actes concluants, doivent prévaloir conformément au principe de l'autonomie des parties applicable en ce domaine (ATF 111 II 175 consid. 3). Les mêmes considérations sont valables pour ce qui est de l'indication du montant maximum que la caution garantit. 
 
5.2.2. L'inobservation des exigences de l'art. 493 al. 1-2 CO n'empêche donc pas la reconnaissance et l'exequatur d'un jugement étranger en Suisse. La réserve de l'ordre public matériel suisse n'est pas applicable (dans ce sens, MARKUS MÜLLER-CHEN, Zürcher Kommentar, n. 7 ad art. 27 LDIP, et références à la note de bas de page n° 2).  
 
5.3. En l'espèce, il a été constaté que le débiteur recourant, domicilié à U.________, a signé un contrat de garantie personnelle le 8 décembre 2010, par lequel il s'est engagé en faveur de la banque intimée, dont le siège est à U.________. Il n'est pas contesté que ce contrat revêt la forme écrite et ne comporte pas d'indication numérique du montant total à concurrence duquel le débiteur est responsable. Ledit contrat est soumis au droit des Émirats arabes unis. Il a été signé notamment par le débiteur, ce qui n'est pas contesté. Par arrêt de la Cour d'appel de Dubaï, légèrement modifié par l'arrêt de la Cour de cassation de Dubaï, le débiteur a été condamné solidairement, avec d'autres défendeurs, à payer à la banque le montant de 211'299'040,31 AED, dont le montant exact sera encore examiné au consid. 6 ci-dessous.  
Il n'a pas été allégué, ni n'est présentement invoqué, que le débiteur aurait été domicilié en Suisse au moment de la conclusion de ce contrat, ce qui ne changerait d'ailleurs rien au sort du litige. En effet, comme on l'a vu, les exigences de l'art. 493 al. 1-2 CO, soit la forme authentique et l'indication du montant maximal auquel la caution est tenue, ne font pas partie de l'ordre public matériel suisse. Le débiteur recourant ne peut donc s'opposer avec succès à la reconnaissance et à l'exequatur des arrêts dubaïotes en invoquant la réserve de l'ordre public matériel suisse. 
 
5.4. Il s'ensuit qu'il est superflu d'examiner si, comme l'exigeait la cour cantonale, le recourant a allégué et démontré qu'il n'aurait pas eu conscience de la portée de son engagement; il n'est en effet pas allégué ni établi qu'il y aurait lieu de faire une exception à la reconnaissance parce que le droit des Émirats arabes unis admettrait la validité d'un cautionnement même en l'absence de tout indice permettant à la caution de se rendre compte dans une certaine mesure de la portée financière de son engagement. Le recourant soutient d'ailleurs lui-même, certes avec un résultat différent, que la question de sa "conscience" n'est pas déterminante.  
En tant qu'il soutient que l'ATF 93 II 379, qui a été rendu en 1967, ne se justifierait plus actuellement, le recourant perd de vue qu'en l'espèce, les parties sont toutes domiciliées aux Émirats arabes unis, qu'elles sont convenues d'une élection de droit en faveur du droit de cet État et qu'il n'y a donc aucune raison pour que ce droit ne les lie pas. 
 
6.  
Il reste à examiner s'il y a identité entre la prétention déduite en poursuite et le titre, ce que la cour cantonale a admis. Le recourant se plaint de constatations manifestement inexactes des faits (art. 97 LTF) et de violation de l'art. 80 al. 1 LP
 
6.1. Selon l'arrêt attaqué, seule était encore litigieuse dans la procédure de recours cantonale la question de l'identité entre la prétention déduite en poursuite et les décisions étrangères. Les questions de l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné et de l'identité entre le poursuivi et le débiteur n'étaient plus remises en cause par le débiteur recourant.  
Le recourant ne démontre pas l'arbitraire de cette constatation de la cour cantonale en ce qui concerne les deuxième et troisième identités, se limitant à prétendre qu'il a mentionné un "exemple d'une confusion dans la désignation des parties dans son recours". Son grief est irrecevable. 
 
6.2. En ce qui concerne le montant que le recourant a été condamné à payer, solidairement, à la banque, la cour cantonale a commencé par relever en fait que, selon la traduction de l'arrêt de la Cour de cassation, le montant de la créance de la banque mentionné tant en chiffres qu'en toutes lettres dans les considérants est le même que celui indiqué en lettres dans le dispositif, seul le montant en chiffres étant différent. Elle en a déduit que le montant indiqué à trois reprises de 211'299'040,31 AED est le montant correct et que c'est d'ailleurs ce même montant que le débiteur a exposé en première instance comme étant celui en poursuite; le montant indiqué en chiffres dans le dispositif de l'arrêt est une erreur matérielle manifeste. La cour cantonale a relevé que le Tribunal de première instance lui-même a aussi commis une erreur manifeste lorsqu'il a repris, seulement en chiffres, le montant de 211'099'040,31 AED; elle a toutefois considéré que, puisque la banque n'a pas remis en cause ce chiffre erroné, qui est inférieur au montant réellement dû, elle n'avait pas à le modifier. Enfin, elle a écarté les prétendues autres erreurs invoquées par le recourant, puisqu'elles n'avaient pas été constatées par le Tribunal de première instance et que le grief formé par le recourant est irrecevable pour cause de motivation insuffisante. En définitive, la cour cantonale en a conclu qu'il s'agit d'une erreur de plume manifeste et a admis la mainlevée pour le montant inférieur figurant au ch. 4 du dispositif du jugement du Tribunal de première instance.  
Le recourant ne démontre nulle part en quoi la cour aurait versé dans l'arbitraire en retenant que le montant mentionné trois fois, dont deux fois en toutes lettres, est le montant exact et que le montant en chiffres figurant dans le dispositif de la traduction de l'arrêt de la cour de cassation dubaïote relève d'une erreur manifeste à rectifier. D'ailleurs, un bref coup d'oeil à la traduction de l'arrêt de la Cour de cassation de Dubaï permet de constater que celle-ci a déduit du montant de 218'299'040,31 AED, tel que retenu dans le dispositif de l'arrêt de la Cour d'appel de Dubaï, le montant de 7'000 AED, ce qui donne précisément le montant figurant à trois reprises, dont en toutes lettres dans le dispositif, de l'arrêt de la Cour de cassation. 
Bien qu'il persiste à invoquer d'"innombrables erreurs, confusions, doublons, intervertissement des parties et changement de dénomination", qui affaibliraient la valeur de cette constatation de la cour cantonale, le recourant indique uniquement avoir mentionné l'exemple d'une confusion dans la désignation des parties, se contentant pour le surplus de déplorer qu'on lui ait reproché une motivation insuffisante de son recours cantonal et à affirmer que tout y était bien motivé, ce que la Cour de céans n'est clairement pas en mesure de vérifier à la lumière de son grief. Rien dans ce qu'il affirme ne permet de démontrer l'arbitraire du montant indiqué correctement à trois reprises, dont deux en toutes lettres. 
Dès lors que le montant résulte de l'appréciation des preuves, non arbitraire, il ne saurait y avoir de violation de l'art. 80 LP. Contrairement à ce que le recourant affirme, les questions de fait et de droit ne sont pas entremêlées. 
Ses griefs sont donc irrecevables. 
 
7.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). La partie adverse n'ayant pas été invitée à répondre sur le fond et ayant succombé sur l'effet suspensif, il ne lui est pas alloué de dépens.  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 13 mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Botteron